15 février 2001

[Pieuse Association Saint Mayol] Pourquoi nous ne voulons pas de la Messe dite de Paul VI

SOURCE - Pieuse Association Saint Mayol - février 2001

1969 – 2001 : voici donc plus de trente ans qu’a été imposé le missel de Paul VI, la " nouvelle messe ". Trente ans, c’est peu pour un nouveau rit, pour ne pas dire que c’est rien face à l’antiquité du missel dit de St Pie V, lentement ciselé par le Saint Esprit. Mais il semble à certains prêtre ou fidèles que trente ans c’est beaucoup, c’est trop. Il faudrait baisser les bras et œuvrer à une coexistence pacifique des deux formes du rit latin.

Il faut le dire à ces " tradis fatigués " : la nouvelle messe n’a pas changé, même si de jeunes prêtres la célèbrent avec plus de ferveur que leurs aînés. Alors ne cédons pas à la tentation d’un irénisme facile, qui sous entend bien souvent le désir d’être enfin " reconnu ".

Quoi qu’on en dise, il n’y a pas deux formes légèrement différentes du rit latin. Il y a en réalité deux rits profondément différents. Chacun peut en faire l’expérience dans sa paroisse. Et des autorités reconnues l’ont admis :
  • les cardinaux Ottaviani et Bacci : " le nouvel Ordo Missae (…) s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte messe, telle qu’elle a été formulée à la XXème session du concile de Trente, lequel, en fixant définitivement les " canons " du rite, éleva une barrière infranchissable contre toute hérésie qui pourrait porter atteinte à l’intégrité du mystère " (lettre à S.S. Paul VI, en préface au Bref examen critique du nouvel Ordo Missae)
     
  • le cardinal Ratzinger : "A la place de la liturgie fruit d’un développement continu, on a mis une liturgie fabriquée. On est sorti du processus vivant de croissance et de devenir pour entrer dans la fabrication. On n’a plus voulu continuer le devenir et la fabrication organiques du vivant à travers les siècles, et on les a remplacés – à la manière de la production technique – par une fabrication, produit banal de l’instant " (Préface à La réforme liturgique en question de Mgr Gamber).
La liturgie réformée par Paul VI est réellement une nouvelle liturgie, qui correspond à une nouvelle théologie. Comment se satisfaire de la définition qui fût donnée de la Messe au paragraphe 7 de l’introduction du nouveau missel ? " La Cène du Seigneur ou Messe est la sinaxe sacrée ou le rassemblement du peuple de Dieu sous la présidence du prêtre pour célébrer le Mémorial du Seigneur. "

N’est-on pas là devant un glissement manifeste en direction du protestantisme ? Bien des protestants s’en sont félicités, et il suffit de citer le fondateur de Taizé, Max Thurian : " Un des fruits [de la nouvelle liturgie] en sera peut-être que des communautés non catholiques pourront célébrer la Sainte Cène avec les mêmes prières que l’Eglise Catholique. Théologiquement, c’est possible " (in La Croix du 30 mai 1969)

Oui, il faut être honnêtes et lucides : depuis trente ans la foi des catholiques s’est émoussée et atténuée, tout particulièrement dans les domaines si bien mis en valeur par le rit traditionnel : la Présence réelle de Notre-Seigneur dans la Sainte Hostie, le caractère propitiatoire du sacrifice de la Messe, ou encore la nature du sacerdoce du prêtre.

Alors pourquoi donc accepterions-nous aujourd’hui les réformes qui en sont responsables ? Et notamment ce que nous avons toujours refusé : la communion dans la main, la messe face au peuple, l’abandon du latin et du grégorien, les filles enfants de chœur, les traductions falsifiées, le tutoiement, etc … C’est bien pourtant ce qui nous menace plus que jamais.

Plus profondément, la nouvelle liturgie correspond à une nouvelle vision du monde, à une nouvelle culture. Elle se veut moderne et en phase avec la culture de notre temps. Mais le contexte actuel est celui d’une culture libérale, qui proclame la mort de Dieu et le culte de l’homme.

S’il est légitime de vouloir aller au devant de cette culture pour la christianiser, n’est-il pas exagéré de l’intégrer dans la liturgie pour mieux toucher l’ " homme d’aujourd’hui " ?

Nous constatons l’échec de la pastorale liturgique moderne. Les JMJ ne doivent pas faire oublier la situation dramatique des séminaires diocésains. Et comment ne pas déplorer la chute effrayante de la piété et de la pratique ?

Nouvelle liturgie, nouvelle culture : nouvelle religion ?

Il faut bien se poser la question : " sous le nom d’Eglise nouvelle, d’Eglise post conciliaire, on s’efforce souvent de bâtir une Eglise autre que celle de Jésus Christ : une société anthropocentrique, société qui est menacé d’une apostasie immanente et qui se laisse entraîner à n’être plus qu’un mouvement de laisser aller général sous le prétexte de rajeunissement, d’œcuménisme et de réadaptation " (Cardinal de Lubac).

N’est-ce pas cette tendance que la hiérarchie de l’Eglise devrait s’occuper d’éradiquer, plutôt que de persécuter les catholiques traditionnels ? Pourtant que de chaires elle occupe, tant dans les paroisses que dans les universités !…

Conclusion : la nouvelle messe est valide, c’est entendu. Mais nous constatons qu’elle ne soutient pas suffisamment la piété et ne nourrit pas convenablement la Foi. C’est pourquoi l’heure n’est pas venue, et ne viendra jamais, pour les prêtres " Ecclesia Dei":
  • de concélébrer à la messe chrismale : cela revient à célébrer la messe de Paul VI. Qui cède sur le principe cède sur l’application. Comment refuser alors de célébrer la nouvelle messe dans d’autres cas ? On reprochera aux prêtres Ecclesia Dei de ne pas avoir de charité pastorale ou de zèle apostolique en refusant de remplacer un curé de paroisse. Mais pourquoi ne pourraient-ils pas le remplacer en célébrant l’ancien rit?
     
  • d’aménager le rit traditionnel pour le rapprocher du nouveau. C’est ce que va nous proposer prochainement la Commission Ecclesia Dei, à partir du principe que la nouvelle liturgie n’est pas en rupture avec l’ancienne (cf. La Nef de décembre 2000). On pense résoudre la crise en atténuant les différences trop visibles entre les deux rites… au détriment de l’ancien bien entendu et en préparant d’autres glissements, pour un passage en douceur au nouveau rite.
Pourquoi veut-on tant nous faire adopter une partie des réformes de 1965 (suppression des prières au bas de l’autel et du dernier évangile, liturgie de la parole à la banquette, etc …) ? Nous ne voulons pas de ce missel, hâtivement composé à la fin du Concile Vatican II en attendant la réforme globale de 1969. N’oublions pas que la rite de 1965 est le fruit du travail du Consilium qui, dirigé par Mgr Bugnini, créera la nouvelle messe en 1969. C’est déjà l’esprit du nouveau rit qui est à l’œuvre, avec le primat du pastoral sur le culte.

On nous dira peut-être alors que notre place est à la Fraternité Saint Pie X. Notre départ vers ses chapelles arrangerait sans aucun doute les prêtres et les fidèles qui estiment que le temps est venu de tendre la main aux progressistes. Mais ce n’est pas à nous de partir : nous sommes le peuple du Motu Proprio Ecclesia Dei. C’est à nous que le Pape a ouvert grandes les portes de l’Eglise. Catholiques Romains, nous le sommes et ne demandons que la répercussion dans les diocèses de la générosité du Saint Père.

On nous dira encore que nous exagérons l’importance de la Messe, ou bien on nous accusera d’être attaché à l’ancien rit par rubricisme ou nostalgie. Mais c’est la foi que nous défendons. Par notre fidélité à l’ancienne liturgie, nous restons fidèles au catholicisme traditionnel. Et nous garderons pour cela nos vieux catéchismes, en nous rappelant le terrible constat du Cardinal Journet : " la liturgie et la catéchèse sont les deux mâchoires de la tenaille avec laquelle on arrache la foi ". Ce grand théologien ajoutait : " la crise actuelle est certainement plus grave que celle du modernisme. Un jour les croyants se réveilleront et prendront conscience d’avoir été intoxiqués par l’esprit du monde ".

C’est à ce réveil que nous vous invitons. Sursum corda !