8 juillet 2017

[Mgr Fellay - FSSPX Actualités] A la messe, Jésus-Christ et le prêtre sont un seul (sermon)

SOURCE - Mgr Fellay - FSSPX Actualités - 8 juillet 2017

Extraits du sermon de Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, lors de la première messe de l’abbé Ian Palko, le 8 juillet 2017, ordonné prêtre la veille, au séminaire Saint-Thomas d’Aquin à Dillwyn, en Virginie (Etats-Unis).

(A l’occasion de cette cérémonie) je parlerai des fruits de la messe, de ses effets, de ce qui se passe, de ce pour quoi le prêtre est consacré.
Adoration
La messe est avant tout un acte d’adoration. C’est notre premier devoir en tant que créatures. Notre tout premier devoir envers Dieu, c’est de l’adorer. C’est le premier commandement : « Tu adoreras Dieu seul ». Cet acte d’adoration signifie que nous reconnaissons la totale souveraineté de Dieu sur nous. Non seulement nous la reconnaissons, mais nous nous y soumettons. Cependant en tant qu’êtres humains, en tant que créatures, notre adoration sera toujours limitée par nos facultés, car nous sommes nous-mêmes limités. Nous pouvons offrir le meilleur de nous-mêmes, mais ce sera toujours limité.

La seule adoration illimitée, provenant de la seule personne qui ne soit pas limitée, c’est l’adoration de Notre-Seigneur Jésus-Christ, parce qu’il est Dieu, parce qu’il est infini dans sa divinité. L’adoration qu’il rend à Dieu avec son âme et son corps est infinie. A la messe, en ce moment unique, il y a un acte infini d’adoration qui, de l’autel, s’élève tout droit vers le ciel, au-delà de l’espace et du temps, directement vers Dieu. Cet acte est réellement proportionné à l’adoration due à Dieu : rien ne limite, ne réduit, ne restreint cet acte infini. A la messe donc, cher ami, vous êtes face à l’infini, face à cette adoration infinie. En assistant à la messe – grâce et par le prêtre –, nous pouvons vraiment rendre à Dieu un acte d’adoration qui Lui convienne pleinement.
Action de grâce
Il en est de même avec l’action de grâce ; c’est le second fruit. Chaque messe est une action de grâce. Nous devons remercier ; nous y sommes obligés en tant que créatures, car nous avons tout reçu de Dieu, absolument tout. C’est pourquoi nous devons remercier ; c’est juste. Nous devons exprimer notre gratitude. En théologie, on sait que la justice signifie que nous devons donner en retour de ce qu’on a reçu, à égalité stricte. Si nous recevons un don, nous devons donner en retour. Si l’on veut acheter un pain, par exemple, on doit le payer ; c’est justice.

Mais on voit qu’il y a une partie dans la justice où l’on ne peut jamais rendre à égalité ce que l’on a reçu. Nous avons reçu de certaines personnes, de notre patrie, de nos parents, certains biens que nous ne serons jamais capables de payer en retour, à égalité. Et cette partie de la justice qui est la plus noble, cette impossibilité de payer totalement en retour : c’est la vertu de religion, notre relation à Dieu. Nous lui devons infiniment, parce que de lui nous avons tout reçu. C’est Dieu lui-même qui l’a dit : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » (1Co 4,7) Tout ce qui est bon en nous, nous l’avons reçu de Dieu. Et notre devoir de reconnaissance est à ce même niveau, mais jamais nous ne serons capables de remercier comme nous le devons. Jamais ! A la messe cependant, nous le pouvons : l’action de grâce de Notre Seigneur, adressée de l’autel directement à Dieu, n’a pas de limites, elle est infinie.
Satisfaction pour nos péchés
Le troisième fruit est la satisfaction, la réparation pour nos péchés. Il est vrai que la satisfaction que Notre Seigneur réalise sur la Croix est infinie, bien entendu, mais le bénéfice, le pardon dépend de nous. Jusqu’à quel point recevrons-nous le pardon de Dieu, comment recevrons cette assurance de Dieu qui nous dit : « je te pardonne ; tes péchés n’existent plus » ?

Tous les sacrements viennent de l’autel. Le baptême satisfait de manière parfaite. Nous le savons, il ne supprime pas seulement le péché originel. Le baptême pour un adulte supprime tous les péchés de sa vie passée, ils ne sont pas seulement pardonnés, mais supprimés comme s’ils n’avaient jamais existé. C’est pourquoi ce baptisé n’est pas tenu à réparer ses péchés : un adulte, mourant juste après son baptême, va tout droit au ciel parce qu’il n’a pas de péché à réparer. Telle est l’efficacité non seulement du baptême, mais de la messe ; car toute l’efficacité des sacrements vient de la messe. Les sacrements sont comme des tuyaux, des canaux qui déversent sur nous depuis l’autel, la grâce dont la fontaine est ici. C’est la messe ! Et notre grand et saint théologien, saint Thomas d’Aquin, enseigne que nous recevons le fruit de la réparation selon le degré de notre dévotion.

Ainsi donc, quand nous venons à la messe, si nous préparons notre messe, si nous préparons notre âme pour la messe, nous recevrons davantage. Cela ne fait aucun doute. C’est pourquoi Pie XII disait que la meilleure manière d’assister à la messe, c’est de l’embrasser tout entière, c’est-à-dire de faire siens non seulement les sentiments, mais les pensées, l’intention, les désirs qui animaient le Cœur de Notre Seigneur quand il montait au Calvaire. Plus on s’unit à Notre Seigneur sur le chemin du Calvaire, plus on se prépare à assister à la messe, plus on est uni avec le Seigneur dans son action, dans sa satisfaction pour les péchés. Nous savons que le péché a détruit le plan de Dieu, le plan initial de Dieu pour nous. Le péché a fermé les portes du ciel, nous a rendu ennemis de Dieu, nous a dépouillé de la grâce, de la vie divine en nous. C’est ainsi que nous naissons sur terre. Et il était impossible à l’homme de réparer. L’homme n’aurait jamais pu, même avec la meilleure volonté, réparer le dommage causé. Il était nécessaire qu’une personne infinie, d’une valeur et dignité infinies, réalise cette réparation. Seul Notre Seigneur pouvait le faire ; et il l’a fait, il a réparé pour nous. La Sainte Ecriture est très claire : « Il a porté nos péchés en son corps sur le bois » (1P 2,24). Sur la Croix, – le réalisons-nous assez ? –, il reçoit toute la colère de Dieu contre le péché, celle qui nous était méritée pour nos péchés. Il la prend sur lui. Ce qui se passe dans son âme à cet instant est indescriptible. Lui, l’innocence même, il prend sur lui, à ce moment-là, nos péchés comme s’il en était coupable. Et en assumant cette culpabilité, il la détruit par sa mort sur la Croix ; voilà ce qu’il a fait pour nous!
Prière
Enfin le quatrième fruit de la messe qui est aussi illimité, c’est la prière. Notre Seigneur prie. Sa prière en soi est infaillible. Tout ce que le Fils demande au Père, il l’obtient. Bien sûr ! Le contraire est impossible. Et à l’autel, cher ami, il est tellement uni à vous que tous vos ennuis, vos soucis, vraiment tous vos besoins, il les prend et les fait siens ; non pas seulement le péché, mais tout le reste. Il vous aime : il partage vos inquiétudes, vos soucis. Il prend tout et le porte à l’autel. Je dis Jésus, mais quand je dis Jésus, je dis le prêtre. Comprenons bien, ne faisons pas de distinction ici. Ils sont un : Jésus et le prêtre ! Même en prenant un couteau, il serait impossible de couper et de les séparer, car ils sont un. Il prend donc tout ce dont on se soucie.

Où est donc la limite ici, si sa prière est infinie ? Nous l’expérimentons pourtant tous les jours : nos demandes ne sont pas toutes exaucées : quelques-unes le sont, d’autres ne le sont pas. D’où vient donc la limite ? Non pas du côté de Dieu, quoique dans un certain sens on peut dire que oui. Regardez ce qui se passe dans le cas d’un petit enfant qui demanderait à un adulte une chose qui serait considérée comme péché. Est-ce que cet adulte, avec tout l’amour qu’il a pour l’enfant, va la lui donner ? Bien sûr que non, parce qu’il sait que cela lui causerait du mal. Ou s’il s’agit de quelque chose pour lequel l’enfant n’est pas prêt ; il ne lui sera pas donné maintenant ou de la façon réclamée. Il recevra quelque chose, mais non pas exactement ce qui était demandé. Telle peut être la limitation posée par Dieu à nos prières. C’est précisément pourquoi, il importe de notre côté, autant que nous le pouvons, de correspondre à la volonté de Dieu. Plus nous y correspondons, plus nous obtenons ce que nous demandons. Si nous demandons des choses mauvaises, il ne nous les donnera pas, parce qu’elles nous feraient du mal. Quelquefois nous nous trouvons en face d’un grave dilemme.

Le Seigneur apparut un jour à sainte Gertrude qui le suppliait de guérir l’une de ses chères amies. Il lui dit combien il était partagé : « Vois-tu, tu me demandes de délivrer ton amie de sa maladie. Et pourtant, grâce à cette maladie, elle a fait de tels progrès dans la vertu, dans l’amour de Dieu. Que ferai-je donc ? La délivrer ? La priver d’autres progrès ? » C’est ce que sainte Thérèse de l’Enfant Jésus avait compris à la fin de sa vie. Elle avait vu que tout ce qu’elle demandait, elle l’obtenait. Bientôt elle arrêta ses requêtes, pensant : « si je demande ce que je ne devrais pas et l’obtiens, ce n’est pas une bonne solution ». Alors elle se contenta de laisser les choses entre les mains de Dieu.

Nous voyons qu’il y a ici quelques limitations posées à notre prière. Attention, cela ne veut pas dire que Dieu n’écoute pas ! Bien sûr qu’il nous écoute et qu’il donne ; non pas ce que nous voulons, mais ce dont nous avons besoin. Une prière sans réponse n’existe pas, mais nous ne recevons pas nécessairement ce que nous désirons ou ce qui nous paraît bon.

Comprenons bien que la prière la plus efficace qui puisse jamais être offerte à Dieu, c’est à la messe qu’elle s’exprime, grâce et par le prêtre.
Titre et intertitres de la rédaction. Pour conserver aux extraits de ce sermon leur caractère propre, le style oral a été maintenu.