30 juin 2017

[FSSPX Actualités] Quand la Fraternité fait des émules

SOURCE - FSSPX Actualités - 30 juin 2017

Dans un récent entretien accordé au National Catholic Register, l’ancien consultant de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Mgr Nicolas Bux fait écho de façon inattendue au constat de la Fraternité Saint-Pie X concernant la crise de la foi largement répandue au sein même de l’Eglise. 
     
L’entretien consiste en trois questions toutes axées autour de ce que le  Register  décrit comme une « anarchie doctrinale » répandue dans l’Eglise, et de ses conséquences dans le Corps mystique du Christ. 

Mgr Bux voit un premier effet de la confusion doctrinale actuelle dans l’esprit de division qui affecte l’Eglise au plus haut niveau : « lorsque des cardinaux gardent le silence ou se mettent à accuser leurs confrères ; lorsque des évêques qui pensent, parlent et écrivent d’une certaine manière, se mettent à dire l’inverse pour Dieu sait quelle raison ; lorsque des prêtres contestent la tradition liturgique de l’Eglise ; alors oui, c’est l’apostasie qui s’établit avec une dissolution de l’esprit catholique ». 

Seul un rappel fort des principales vérités dogmatiques peut, selon l’ancien consultant en liturgie, ramener la paix dans l’Eglise : « car c’est la fonction propre du Magistère fondée sur la vérité même du Christ : ramener tout le troupeau dans l’unité catholique ». 

Dans un deuxième temps, Mgr Bux se voit interrogé sur les conséquences d’une telle « anarchie doctrinale » sur les fidèles. Le professeur de liturgie de Bari rappelle alors le danger qui consiste à s’aligner sur les fausses valeurs de ce monde : « lorsqu’on est applaudi par le monde, cela signifie qu’on lui appartient : puisse l’Eglise catholique toujours garder à l’esprit qu’elle est composée de ceux qui se sont convertis au Christ sous l’inspiration du Saint-Esprit : tout être humain a vocation à lui être uni, mais cela ne se réalise pas sans une réelle conversion ». 

Dans sa troisième et dernière question, le Register s’interroge sur les moyens pouvant contribuer à résoudre cette confusion. Pour Mgr Bux, c’est au pape qu’il revient d’agir sans tarder, et d’opérer la distinction entre sa fonction pontificale dont le but est d’affermir la foi des fidèles, et sa personne privée : « pour être clair, le pape peut exprimer des idées ou des opinions sur des matières non encore définies par l’Eglise, et dans ce cas il agit en tant que théologien privé ; mais en aucun cas il ne peut le faire en contredisant la foi, même de façon privée, au risque de formuler des propositions hérétiques ». 

L’ancien collaborateur du cardinal Sarah au Culte divin rappelle à ce propos qu’il existe dans l’Eglise un « sensus fidei », un bon sens commun surnaturel qui rend capable chaque croyant de percevoir « ce qui relève vraiment de la foi catholique » ; et dans cette perspective, « n'importe quel croyant peut demander des comptes au souverain pontife ». 

Cette précision permet à Mgr Bux de rebondir sur la question des doutes légitimes - concernant l’explication d’un point appartenant au dépôt de la foi - qui peuvent être soumis à l’autorité suprême de l’Eglise : « celui qui pense que le fait de présenter des ‘dubia’ au pape est une marque de désobéissance n’a toujours pas compris - et cela 50 ans après Vatican II - la nature du lien qui unit le pape à l’Eglise tout entière ». Une manière de contrer ceux qui reprochent aux quatre cardinaux d’avoir demandé au Saint-Père de faire la clarté sur les points les plus controversés de l’exhortation post-synodale Amoris lætitia. 

Tout comme la Fraternité Saint-Pie X ne cesse de le souligner par la voix de son Supérieur général, le prélat conclut que « l’obéissance au pape repose uniquement sur le fait qu’il est lié à la doctrine catholique, à la foi qu’il doit confesser de façon continuelle à la face de toute l’Eglise ». C’est pourquoi Mgr Bux émet le souhait de voir le pape - à l’instar de Paul VI en son temps (30 juin 1968. NDLR) - promulguer une Profession de foi solennelle affirmant ce qui est vraiment catholique et corrigeant les propos et les actes ambigus - d’où qu’ils viennent, du pape lui-même ou des évêques - qui sont interprétés dans un sens contraire à la foi ».

Ces propos d’un spécialiste de la liturgie s’inscrivent dans la ligne des positions défendues par la Fraternité, et semblent faire écho à ce que Mgr Fellay déclarait dans sa Lettre aux amis et bienfaiteurs de novembre 2010 : « Le chemin de Mgr Lefebvre est toujours actuel. Ce qu’il disait il y a trente ans, quarante ans, est encore parfaitement valable aujourd’hui. Cela nous oblige à une très grande action de grâces à Dieu de nous avoir donné – ainsi qu’à toute l’Eglise – un tel évêque. Il ne fait aucun doute que, si l’on suivait dans l’Eglise ses précieuses indications, tout le Corps mystique se porterait mieux et sortirait bientôt de cette crise. » 

[Abbé Michał Lubowicki - Aleteia] La soutane: plus qu’un uniforme, une tenue de travail

SOURCE - Abbé Michał Lubowicki - Aleteia - 30 juin 2017

Il y a 55 ans, les prêtres enlevaient la soutane au profit du col romain. Aujourd'hui, de plus en plus de jeunes prêtres, non affiliés à des groupes traditionalistes, n'hésitent plus à la porter. À l'occasion de son ordination récente, un prêtre a reçu une lettre d'un de ses aînés lui prodiguant de précieux conseils sur ce vêtement qui, à bien des égards, est à l'image de celui qui la porte.

Voici le contenu de la lettre :
« Cette soutane, en ce jour si spécial, doit te paraître encore plus belle qu’une robe de mariée. Tu as raison de te sentir inondé de joie à la simple idée de la porter : après tout, tu as attendu ce moment depuis tes premiers pas au séminaire. 
Mais je ne peux que te souhaiter d’être tout aussi heureux lorsque viendra l’heure d’assumer pleinement toute la signification que revêtent les couleurs de ce simple vêtement, y compris lorsque sonnera l’heure de ta mort et que ce modeste habit deviendra ton linceul. Aujourd’hui, il t’apparaît comme une robe de mariée et suscite l’enthousiasme de tes amis, de ta famille et de toi-même. Mais puisses-tu ressentir le même enthousiasme lorsqu’il sera devenu ton compagnon de solitude, la cage dans laquelle Dieu fusionnera avec toi et te purifiera, l’inconfortable ermitage de tes vieux jours. 
Rassure-toi : cette robe de mariée saura aussi être ton armure, lorsque les circonstances l’imposeront, pourvu que tu te souviennes alors de t’en servir de cette manière, comme d’une protection. En effet, porter une soutane devrait à soi seul être une forme de prière. Mais il ne faut pas croire que, sitôt le vêtement boutonné, tel soit immédiatement le cas. Cela demande un effort constant. 
Les poches. Elles sont amples et profondes : aussi, elles doivent te servir à ranger tout ce que tu partageras avec les autres. Aie toujours quelque chose à donner à ceux qui sont dans la nécessité et aux enfants. Rappelle-toi que certains apprécieront toujours un peu de l’argent dont il manque si cruellement. Tous auront besoin de ton sourire et d’un mot de consolation – au moins tout autant que de ta voix chantant les hymnes pendant la messe. Tout cela tient à une raison très simple : les gens ont avant tout besoin de savoir qu’ils sont aimés et, plus encore, de sentir que cet amour est bien réel. 
Ta soutane, si tu regardes dans sa doublure, comporte aussi une poche intérieure, sur la poitrine. Contrairement à ce que semblent croire les experts autoproclamés de la mode cléricale, elle n’a pas vocation à servir d’écrin à un stylo de grande valeur. Ranges-y plutôt précieusement les lettres auquel tu ne sais pas encore comment répondre, des notes portant le nom de ceux pour qui tu as promis de prier, les factures que tu t’es engagé à payer pour de plus miséreux que toi, les adresses des personnes à qui tu réserves une visite prochaine, conscient qu’elles ne viendront pas d’elles-mêmes te trouver, les photographies des chats, des chiens, des petits-enfants et des êtres aimés de tes paroissiens, ainsi que deux ou trois dessins que des enfants t’auront offerts. Garde cette poche bien remplie à tout moment. 
Que ta soutane soit également un roc sur lequel ton égo se brisera sitôt que tu adopteras des postures orgueilleuses, que de vaines ambitions te séduiront ou que la fierté t’envahira sans prévenir et sans que tu puisses y résister. Que cette soutane soit un roc sur lequel tu puisses prendre appui lorsque tu sentiras le courant de la vie te porter à la dérive. Ne t’inquiète pas – cette soutane sera toujours ton plus fidèle soutien. N’aie jamais peur de l’enfiler à la hâte si tu dois porter secours à ton prochain, même si tu dois pour cela paraître ridicule dans la rue et provoquer les sourires amusés de ceux qui te verront ainsi. 
Les manches se retroussent bien mieux que celles d’une simple chemise. Elles te rappelleront que la soutane n’est pas tant un uniforme qu’une tenue de travail. Néanmoins, ne retrousse ces manches que pour accomplir un travail au service des autres : ne poursuis jamais tes propres plans. 
J’espère aussi sincèrement que ta soutane portera des traces blanches. Celles dans ton dos seraient le témoignage de la sueur du travail, celles sur ton torse la marque des larmes que tu auras versé et que d’autres auront fait couler en te confiant, le visage enfoui sur ton épaule, leurs petits soucis du quotidien comme les grandes peines de leur existence. Certains tracas seront vains, d’autres blessures seront de véritables drames. Je te souhaite de voir ces traces blanches apparaître sur le tissu de ta soutane plus vite que les premiers cheveux blancs sur ton crâne. 
Ne crains pas non plus de froisser ou de salir ta soutane lorsque tu porteras secours aux nécessiteux ou aux blessés. N’hésite pas à en déchirer quelques pans pour en faire des bandages ou pour en vêtir les blessures de l’âme. Souviens-toi toujours que, dans certains cas extrêmes, elle pourra servir à d’autres de manteau pour se réchauffer ou de tente pour passer la nuit. 
Puisse le tissu de ta soutane s’user bientôt et porter les traces de l’usure aux genoux et aux épaules. Ces marques seront le signe de tes nuits de prières passées dans l’ombre à porter la croix des autres. Puisse également le tissu s’user de t’être souvent assis pour tendre l’oreille et d’avoir joué des coudes pour te frayer un chemin dans la foule. Tu devras aimer ta soutane et non la personne qui la porte. Et surtout, avant toute autre chose, aime l’Église qui te l’a donnée. Plus encore, aime le Christ, aime-le infiniment, car c’est lui qui t’a offert, toi, à l’Église. Cela suffit déjà à me rendre infiniment reconnaissant à son égard. 
PS : Tu remarqueras bien vite que presque tous les passagers dans le bus ou dans le métro sont absolument convaincus d’avoir davantage droit à garder leur place assise qu’un prêtre en soutane. Pour être tout à fait honnête, peu importe de savoir s’ils ont raison ou pas – il s’agit d’une question immatérielle et secondaire. Ce qui compte avant tout, c’est que lorsque certains te haïront, ils ne haïssent pas Dieu à travers toi. Le nombre de personnes qui te regarderont, parfois de travers, ne cessera de croître : ta soutane te donnera d’ailleurs une visibilité toute particulière. Mais elle pourra aussi en intimider d’autres, et le nombre de personne qui trouveront le courage de venir vers toi et de te parler ne cessera de diminuer.
Peu nombreux seront ceux qui oseront te critiquer. Cela ne signifiera aucunement qu’il n’y a pas de raison de te critiquer. Ta soutane, souviens-t-en toujours, n’est pas l’emballage d’un produit fini. Le Seigneur t’a vêtu de ce tissu dans sa plus grande miséricorde pour dissimuler tes imperfections et tes faiblesses. »

[Paix Liturgique] Les fruits du motu proprio en Angleterre

SOURCE - Paix Liturgique - Lettre n°600 - 30 juin 2017

C'est un événement historique qui s'est déroulé samedi 17 juin 2017 dans l'archidiocèse de Liverpool : pour la première fois depuis la réforme liturgique, des ordinations ont été célébrées selon la forme extraordinaire du rite romain en Grande-Bretagne. Deux prêtres de la Fraternité Saint-Pierre, les abbés Alex Stewart et Krzysztof Sanetra – un Anglais et un Polonais – ont reçu le sacerdoce des mains de Mgr McMahon, archevêque de Liverpool, au sanctuaire Sainte-Marie de Warrington.

Pour mieux comprendre l'extraordinaire attrait de la forme extraordinaire de la messe sur les jeunes britanniques, nous vous proposons un entretien publié le 16 mai 2017 sur le portail américain catholic365.com. Un jeune Anglais de 23 ans, Michael, y raconte à une jeune blogueuse texane les raisons de son attachement à la liturgie latine et grégorienne.

Enfin, pour nourrir nos réflexions, nous avons aussi demandé à la Latin Mass Society de nous communiquer les chiffres officiels du motu proprio pour l'Angleterre et le Pays de Galles.
I – « DANS LA JOIE ET LA FIDÉLITÉ »
Extraits de l'entretien donné à Noelia Collins pour la série « Iuvenes pro Traditione »

1) Michael, es-tu catholique de naissance ou par conversion ?
Michael : Je suis né catholique. Ma famille est catholique depuis que les premiers saints ont débarqué pour évangéliser les îles britanniques.

2) Quelques mots sur le catholicisme de ta famille ?
Michael : Ma famille est très dévote et ne craint pas d'afficher sa foi ouvertement : il y a des crucifix dans chaque pièce de la maison, des tableaux représentant des scènes des Écritures un peu partout, de l'eau bénite à l'entrée, nous disons le bénédicité à chaque repas, etc. Mes parents sont tous les deux tertiaires d'ordres religieux et travaillent dans le secteur de l'éducation religieuse. Ils comptent de nombreux amis ecclésiastiques qu'il n'est pas rare de croiser à la maison. Pour nous, la foi est quelque chose de naturel et de normal, quelque chose de familier.

3) Étaient-ils traditionalistes ? Modernistes ? Indifférents ?
Michael : Je dirais que la culture familiale dans laquelle j'ai grandi est traditionnelle mais pas traditionaliste. Nous allions à la nouvelle messe mais chantée en grégorien, avec encens et clochettes ! . Les paroissiens les plus âgés parlaient volontiers de tout ce qui s'était perdu dans l'Église mais mes parents ont toujours manifesté une grande méfiance envers la liturgie traditionnelle, associée dans leur esprit à une tendance schismatique.
Summorum Pontificum a aidé significativement à changer cette perception mais cela a pris du temps et a nécessité beaucoup d'explications. Je dirais qu'aujourd'hui ils sont à l'aise avec la forme extraordinaire même si ce n'est pas leur tasse de thé.

4) Qu'est-ce qui t'a attiré vers la tradition ?
Michael : J'ai eu un parcours graduel vers la tradition. Mon intérêt pour elle grandissait à mesure qu'augmentaient ma compréhension et ma pratique de la foi. Ma spiritualité est profondément enracinée dans l'adoration de la Sainte Eucharistie. Le fait d'avoir été intimement associé à la liturgie comme enfant de chœur, dans une église où la messe était toujours offerte avec révérence, m'a bien aidé. Ma spiritualité y a fait un vrai bond en avant et je garde une grande dévotion pour saint Étienne, le patron des enfants de chœur. Plus je grandissais plus la liturgie de ma paroisse semblait renouer avec la tradition, par la musique comme par les gestes rituels, et cela me convenait parfaitement. À mon adolescence, un nouveau prêtre arriva et il était évident, de ses homélies comme de son attitude, qu'il était du genre soixante-huitard, détestant la tradition et ne croyant pas vraiment dans l'enseignement de l'Église, y compris, semblait-il, dans la transsubstantiation.
Scandalisé, je me mis dès que je le pus en quête de la forme extraordinaire, célébrée dans une ville voisine. De façon étrange je m'y sentis tout à la fois immédiatement chez moi et quelque peu déboussolé : j'en connaissais bien des mots, des musiques et des gestes mais en ignorais à peu près autant !

[...]

5) Comme jeune fidèle attaché à la tradition de l'Église, que dirais-tu à quelqu'un de suspicieux envers le monde traditionnel ?
Michael : Que nous n'entendons pas revenir aux années 50 ou à la Contre-Réforme pas plus qu'à quelque autre époque du passé ! Nous ne regardons pas le passé avec des lunettes roses. Nous nous efforçons simplement de répondre à notre vocation à la sainteté en vivant notre foi honnêtement, dans la joie et la fidélité, au contact de ces grands trésors de la Tradition – toujours anciens et toujours jeunes, à l'image de l'Église elle-même – que l'Église nous a transmis et que nous avons eu la chance de pouvoir découvrir. Rien de plus, rien de moins.
II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) Souvent les témoignages de jeunes attachés à la forme extraordinaire du rite romain sont le fait, en particulier dans le monde anglophone, de convertis ou de « recommençants ». Ce n'est pas le cas de Michael, issu de ce que l'on comprend être une vieille famille catholique anglaise et éduqué dans un catholicisme des plus classiques. Pourtant, comme tant de jeunes de son âge, Michael a fini par faire le choix de la forme extraordinaire à mesure qu'il découvrait ce qu'il appelle les « grands trésors de la Tradition », rejoignant ainsi l'invitation lancée par Benoît XVI dans sa lettre aux évêques accompagnant le motu proprio : « Il est bon pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Église, et de leur donner leur juste place. » En fait, la trajectoire de Michael illustre celle de la liturgie réformée qui, même quand elle est célébrée dignement, est invariablement en proie aux interprétations du premier prêtre de passage.

2) Portail grand public dédié à la nouvelle évangélisation, le site catholic365.com accueille de nombreux articles favorables à la forme extraordinaire du rite romain. Parmi eux, ceux de Noelia Collins, 18 ans, étudiante en sciences politiques à El Paso, au Texas. Noelia s'est lancée dans une série de portraits de jeunes qui, comme elle, appartiennent au peuple Summorum Pontificum : Iuvenes pro Traditione. 10 ans après le motu proprio de Benoît XVI, il est significatif de voir combien la jeunesse s'est approprié ce texte. Surtout, comme le manifestent bien les réponses de Michael, il est frappant de constater la « force tranquille » avec laquelle ces jeunes parlent de leur attachement à la liturgie antique. Pour eux, la liturgie n'est ni un ferment de division ou un sujet de polémique mais bien un instrument d'unité et de sanctification.

3) En ordonnant au sacerdoce, selon l'usus antiquior, deux séminaristes de la Fraternité Saint-Pierre l'archevêque dominicain de Liverpool, Mgr McMahon a probablement signé le premier acte d'une longue série.Le bilan de ces 10 ans de motu proprio outre-Manche est en effet très encourageant. Non seulement de nombreux curés ont introduit la forme extraordinaire dans leur paroisse mais, ces dernières années, plusieurs évêques ont ouvert en grand les portes de leur diocèse aux instituts Ecclesia Dei : l'Institut du Christ-Roi s'est vu confié des sanctuaires importants dans les diocèses de Shrewsbury et de Lancaster, la Fraternité Saint-Pierre fête ses 20 ans de présence en Grande-Bretagne et de nombreux autres communautés y célèbrent la forme extraordinaire (prémontrés, oratoriens, franciscains, dominicains...) et de nombreux séminaristes s'y forment. Du coup, de plus en plus de prélats britanniques se familiarisent avec le missel de saint Jean XXIII et il est probable que d'autres ordinations aient lieu dans les années à venir. Soulignons qu'en Grande-Bretagne, où les catholiques furent si longtemps persécutés, l’animosité entre catholiques est moins grande que sur le continent. De fait, les évêques y sont enclins à un sain libéralisme – au bon sens du terme – vis-à-vis des minorités y compris celle, très active, des fidèles traditionnels.

4) Parmi les raisons de ce dynamisme sacerdotal et épiscopal en Grande-Bretagne, il faut citer en premier lieu l'action de la Latin Mass Society qui, chaque année, forme de nouveaux prêtres à la célébration de la forme extraordinaire et accompagne et soutient ceux qui la célèbrent déjà. Joseph Shaw, son Président, nous a aimablement communiqué en avant-première les statistiques officielles de cette première décennie d'application de Summorum Pontificum, basées sur l'annuaire des messes que l'association met à jour en continu.
Ainsi, en 2006, l'Angleterre et le Pays de Galles comptaient 18 lieux de culte offrant au moins une messe dominicale et hebdomadaire. Ils sont 40 aujourd'hui. En 2006, 10 messes de Noël selon le missel traditionnel ont été célébrées contre 71 en 2016. En juillet 2007, il y avait 26 lieux de culte offrant au moins de façon mensuelle la forme extraordinaire en Angleterre et au Pays de Galles : il y en a aujourd'hui 147.
« Les progrès depuis 2007 sont évidents, explique Joseph Shaw, et ils sont confirmés si l'on s'intéresse à l'assistance totale à ces messes. Nous n'avons pas de statistiques à ce sujet mais il est notoire que la plupart des communautés ont grossi au fil des ans, en particulier lorsque la forme extraordinaire fait partie de la vie normale de la paroisse comme chez les oratoriens ou dans les instituts Ecclesia Dei. »

5) Sans rappeler une nouvelle fois que, dès 1971, les catholiques d'Angleterre et de Galles voyaient leur fidélité à la « messe en latin » récompensée par l'indult Agatha Christie qui ouvrait la voie aux documents romains postérieurs de tolérance puis de liberté (voir notre lettre 548 par exemple), il est bon de rappeler le résultat éclatant du sondage réalisé à notre demande en juin 2010 par Harris Interactive auprès de 800 catholiques britanniques :
43% des catholiques pratiquants se déclaraient prêts à assister chaque dimanche à la forme extraordinaire au cas où celle-ci vienne célébrée dans leur paroisse.
Si l'on ajoute à ces 43% les 23,4% qui se déclaraient prêts à y assister au moins une fois par mois, cela faisait 2 pratiquants réguliers sur 3 (66,4%) prêts à profiter des bienfaits du motu proprio de Benoît XVI. On en est pas encore là dans les faits mais la tendance indiquée par les données de la Latin Mass Society et confirmée par les ordinations de Warrington et les propos de Michael est bien celle-ci.

29 juin 2017

[Marie d’Armagnac - Monde & Vie] Les silences du pape

SOURCE - Marie d’Armagnac - Monde & Vie - 29 juin 2017

Les silences de François ne sont pas des marques de faiblesse, mais plutôt l’expression d’une stratégie spirituelle, qui consiste avant tout à donner du temps au temps, pour acclimater dans l’Eglise catholique une nouvelle conception de la morale traditionnelle
Le 31 décembre dernier, touslesmembres de l’Académie Pontificale pour la Vie étaient congédiés. On apprenait ensuite la réorganisation d’un grand dicastère pour les laïcs, sous l’autorité de Mgr Vincenzo Paglia, qui centralise désormais toutes les questions afférentes à la famille ou au respect de la vie. Dans ce contexte, on attendait avec inquiétude la nomination des nouveaux membres de l’Académie Pour la Vie.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on n’a pas été déçu ! Certes, Madame Lejeune, Jean-Marie Le Méné, les cardinaux Caffarra, Sgreccia, Eijik, Fisher, historiques fervents défenseurs de la vie, ont été reconduits. (Ils représentent, dit Mgr Paglia, « l’histoire précieuse de l’Académie qui ne doit pas être oubliée, y compris à l’ère nouvelle de l’Académie »). Mais beaucoup ont été écartés comme le théologien américain John Finnis, auteur d’une lettre ouverte au pape Françoistrès critique sur Amoris Laetitia, mais aussi le philosophe allemand Robert Spaemann, ou encore l’autrichien Josef Maria Seifert, et tant d’autresscientifiques de renommée mondiale, très engagés dans les mouvements pro-vie. Quant aux nouvelles nominations, elles ont été faites, rapporte Mgr Paglia lors d’un entretien dans Vatican Insider, suivant une indication précise du pape François qui lui a demandé « d’activer un dialogue cordial et actif avec d’autres instituts scientifiques, y compris dans un cadre œcuménique et inter-religieux, qu’ilsoit d’inspiration chrétienne ou issu d’autrestraditions culturelles et religieuses ». Parmi les nouveaux membres de l’Académie, trois ne sont pas chrétiens : un musulman, un juif et un shintoïste. 

Mais le problème n’est passeulement dans le choix de ces étrangers à l’Église : après tout, la Vie est une valeur pour tous les hommes. Emblématique de la nouvelle ère, apparaît la nomination de Maurizio Chiodi, professeur de théologie morale, dont les positions hétérodoxes en matière de contraception, de FIV, d’euthanasie, de gender, sont notoires. Autre “cas” : La nomination de Nigel Biggar. Anglican, professeur de Morale et de Théologie pastorale à Oxford, il a affirmé dans un entretien, remontant à 2011 : « je serais favorable à donner une limite à l’avortement à la 18e semaine (5 mois !) après la conception, ce qui correspond plus ou moins au moment où il y a quelque évidence d’activité cérébrale, et donc de conscience ». On vous laisse imaginer la bronca internationale qui a suivi cette nomination, à laquelle Mgr Paglia, embarrassé, a répondu d’une façon insignifiante, voire absurde, expliquant que Nigel Biggar s’engageait à ne jamais intervenir sur ce sujet lors des sessions de l’Académie... Du côté du pape François, c’est le silence total...

Et c’est le même silence que l’on entend à propos de la supplique très claire des quatre cardinaux, Caffara, Burke, Meisner et Brandmüller. Ils ont demandé au pape de réaffirmer clairement la doctrine de l’Église sur la communion donnée ou non en cas de péché public. François n’a même pas daigné accuser réception de cette lettre, qui, après plusieurs mois de silence, vient d’être portée à la connaissance du public. Le ton en est résolument humble et filial, la demande courte et factuelle. Le cardinal Carlo Caffara prend soin d’affirmer, fait inhabituel et surprenant, qu’il n’est pas sédévacantiste. Il rappelle que « plusieurs interprétations de certains passages objectivement ambigus de la récente exhortation post-synodale (Amoris laetitia) ont été données publiquement, non pas divergentes mais contraires au Magistère de l’Église » (...) concernant « non seulement l’accès à la Sainte Eucharistie de ceux qui vivent objectivement et publiquement dans une situation de péché grave et entendent y demeurer, mais également une conception de la conscience morale contraire à la Tradition de l’Église. Et c’est ainsi – oh comme il est douloureux de le constater ! – que ce qui est péché en Pologne est bon en Allemagne, ce qui est interdit dans l’Archidiocèse de Philadelphie est licite à Malte. Et ainsi de suite ». [...] « nous sentons le poids de notre responsabilité et notre conscience nous pousse à demander humblement etrespectueusement audience. »

Fait inouï dans l’histoire de l’Église, aucune réponse n’a été donnée par François qui refuse ainsi de recevoir ceux quisont, par leur munus cardinalice, les conseillers habituels du pape. On se demande dans quel climat de tension se déroulera le prochain consistoire.

Un petit coup d’œil à l’agenda officiel du pape François du 21 juin dernier,sur le site du Vatican, nous apprend qu’il a accordé une audience à... la National Football League!

[Abbé Gainche, fsspx - St Nicolas du Chardonnet] Impossibilité absolue de se couper totalement et volontairement de Rome sous peine… (sermon)

SOURCE - Abbé Gainche, fsspx - St Nicolas du Chardonnet (sermon) - 29 juin 2017

Il est évident que l’Incarnation n’avait pas pour but qu’une simple visite divine de la terre ou des créatures humaines. Si ce n’avait été que pour cela, le Fils de Dieu se serait il de lui-même livré à ses ennemis sachant qu’ils voulaient le faire mourir ? Ce seul fait suffit à manifester son intention réelle et ultime : sauver les hommes en offrant sa vie humaine en sacrifice d’agréable odeur à Dieu afin de leur mériter le pardon divin de leurs péchés qui, sans cela, les condamnaient à l’Enfer éternel.
   
Mais contrairement à ce qu’a prétendu Luther, cette seule mort du Christ ne sauve pas effectivement ou un simple regard confiant sur elle, comme sur le serpent d’airain brandi par Moïse dans le désert, ne suffit pas. Il est indispensable que chaque homme renonce librement, efficacement et totalement au péché au moins mortel. C’est pour l’y inciter que Jésus a institué le sacrement de baptême puis celui de pénitence car il n’est malheureusement pas assez d’y renoncer une fois pour toute. Nous y retombons. Le Sauveur a même fait une obligation grave de recevoir ces sacrements. Et elle est devenue une nécessité pour que le pardon des péchés, obtenu de façon générale, globale ou par principe, sur la Croix nous soit accordé ensuite de façon particulière et réelle par eux. Mais qui dit sacrements, dit ministres ayant le pouvoir de les administrer. Et qui dit ministres, dit l’institution du sacerdoce et une autre institution pour assurer sa transmission et son exercice dans les meilleures conditions. Tout cela est la raison d’être et l’essence de l’Eglise dont on voit ainsi pourquoi Jésus devait logiquement la fonder avant de quitter cette terre.
   
Puisqu’elle ne fait que poursuivre et parfaire sa propre œuvre salvifique, il en est lui-même le premier fondement mais désormais invisible. Ainsi, de même qu’étant d’abord de nature divine, puisque personne divine, il a voulu être visible en s’incarnant pour inaugurer la Rédemption des hommes, de même pour sa continuation et son aboutissement chez les hommes vivant depuis sa venue a-t-il aussi voulu qu’elles se réalisent visiblement en désignant son premier représentant ou vicaire ici bas, Pierre, avec ses premiers collaborateurs, les autres Apôtres [1]. Puis en leur communiquant ses propres pouvoirs divins, surtout celui de remettre les péchés, mais aussi celui de les transmettre à leur tour et ainsi de suite jusqu’à la fin du monde. Enfin en leur promettant que la nouvelle société ainsi créée jouirait toujours de son assistance spéciale afin de se maintenir contre vents et marées.
   
L’Eglise a donc un caractère volontairement et nécessairement visible, bien que s’y exercent des pouvoirs presque exclusivement de nature spirituelle (invisibles dans leurs effets) et bien qu’elle soit composée, d’abord, des âmes (invisibles) sur lesquelles ils s’exercent. Ce caractère est tel que l’Eglise s’est elle-même et d’une certaine façon incarnée ou a fait corps avec une terre, un territoire, celui de Rome. Car Pierre, son premier chef, en a finalement et définitivement fait son port d’attache, sa résidence d’où il veillait sur toutes les autres parties de l’Epouse mystique du Christ. Ce lien charnel ou matériel est si fort que, de nos jours où de nombreuses sociétés religieuses revendiquent le titre d’Eglise de Jésus Christ, le premier critère, pour distinguer la seule, vraiment héritière de la toute première, de toutes les sectes, est qu’elle ait à sa tête l’évêque de Rome, successeur véritable ou légitime de Pierre [2].
   
Cela implique qu’aucune autorité ecclésiastique dans le monde n’est à son tour légitime si elle n’est pas reçue directement ou indirectement du Pontife romain [3]. Et qu’aucune âme n’est vraiment reliée et unie à J.C. donc sauvée si elle ne reconnaît ces autorités et ne se soumet [4] à elles autant que cela est moralement possible [5]. Telle est la signification certaine des « clés du Royaume des Cieux » confiées par le Christ au seul Pierre ou au seul Simon, fils de Jona. Nous ne devons jamais le perdre de vue, notamment dans les circonstances présentes de la vie de l’Eglise où nous sommes en conflit avec le successeur de Pierre. Nous ne pouvons pas nous comporter à son égard comme envers n’importe quelle autre autorité gravement défaillante [6] dont, entre autres, nous pourrions nous éloigner, voire nous séparer complètement, sans dommages, au contraire. Cela est absolument impossible sous peine de notre perte éternelle, comme, certes, pour la même raison il est tout autant impossible de tout accepter aujourd’hui de Rome car encore imprégnée du poison mortel du modernisme.
   
C’est dire que l’attitude, que nous devons avoir envers elle, est chose excessivement délicate, voire trop subtile aux yeux de beaucoup [7]. Car tellement délicate qu’elle excède, en vérité, les seules forces humaines (sans la foi et les autres vertus surnaturelles) ; que plus que jamais elle doit être avant tout surnaturelle ou vraiment inspirée par le St Esprit, sa grâce et surtout ses fameux dons reçus spécialement pour être à la hauteur des situations spirituelles les plus délicates en vue de notre sanctification et de notre salut éternel. Mais pour que ce St Esprit puisse vraiment agir en nous, il est nécessaire, en général, que nous rejetions volontairement tout mauvais esprit et tout activisme, toute manière de réagir ou d’agir seulement inspirée par notre nature déchue et pécheresse.
   
Puisse l’intercession des grands et saints Pierre et Paul nous obtenir la grâce de bien comprendre toutes ces choses et de prendre des résolutions vraiment saintes. Profitons donc bien de la période estivale, habituellement plus calme pour la plupart, afin de nous ressourcer avant tout spirituellement, de prier mieux et plus, condition sine qua non pour parvenir à cela et repartir d’un bon pied à la rentrée ! Ainsi soit-il
   
PMG+, S.S. Pierre et Paul 2017 à St-Nicolas du Chardonnet
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[1] Pour ceux ayant vécu avant lui, ce fut par les institutions également visibles et voulues par Dieu, figures des présentes, que l’on peut voir dans tout l’Ancien Testament
   
[2] « St Pierre est le vicaire du Christ. Il est le fondement et la tête de l’Eglise » (vérité de foi, Conciles de Constance et de Vatican I)
   
[3] « Le souverain pontife de Rome paît, régit et gouverne toute l’Eglise » (vérité de foi, Bulle de Boniface VIII)
   
[4] « Tout homme est soumis au pape en ce qui concerne les choses sacrées » (vérité de foi, Bulle de Boniface VIII) ; «le souverain pontife est le père de tous les chrétiens » (vérité de foi, Concile de Florence)
   
[5] il faudrait donc « être rattaché au siège de Pierre pour ne pas aller en Enfer » ? : citation tirée d’une lettre, reçue après ce sermon, et illustrant le fait que des fidèles de St-Nicolas et d’ailleurs en arrivent à douter de cette vérité de foi à force de lire ou d’entendre certains propos simplistes ou faussement savants je ne sais où… qui ne font pas des distinctions nécessaires et élémentaires comme : se soumettre ne signifie pas nécessairement tout accepter ou « se rallier à la Rome actuelle » ; ou qui travestissent la pensée ou la mémoire de Mgr Lefebvre à leur avantage, trahissant ainsi une grande et très préjudiciable ignorance, sinon pire…, de toute sa vie et de tous ses enseignements, notamment en tant que fondateur de F.S.S.P.X.
   
[6] Faire, laisser faire ou penser le contraire serait de la démagogie gravement criminelle car fourvoierait les âmes dans la voie du schisme réel donc de la damnation éternelle.
   
[7] Qui tombent alors dans deux excès opposés : soit à droite, le sédévacantisme, la « Résistance » ou que sais je ; soit à gauche, l’obéissance aveugle des conciliaires. La position de F.S.S.P.X est comme une ligne de crête visiblement bien difficile à tenir (surnaturelle) entre ces deux pentes sur lesquelles la plupart glissent plus ou moins facilement car coïncident à des penchants humains malheureusement trop naturels : la peur de l’inconfort qu’entraîne la juste résistance à l’autorité, d’un côté ; la réaction jusqu’au-boutiste, injuste et suicidaire, de l’autre, aussi inspirée par la peur de perdre le confort de l’entre soi, si peu conforme à la parabole du Bon Pasteur ou de LA brebis perdue. Les extrêmes se rejoignent!

28 juin 2017

[FSSPX Actualités] Des cardinaux inattendus

SOURCE - FSSPX Actualités - 28 juin 2017

De façon impromptue, le pape François a annoncé, le 21 mai 2017, la tenue, ce mercredi 28 juin, d’un consistoire au cours duquel il créera cinq nouveaux cardinaux venus de quatre continents.

La grille de lecture de cette promotion au cardinalat nous est donnée par le Saint-Père lui-même : « Leur provenance de diverses parties du monde manifeste la catholicité de l’Eglise répandue sur toute la terre », a souligné François depuis la fenêtre des appartements pontificaux d’où il dirigeait la prière dominicale du Regina cæli. 

Bien sûr, un premier constat vient à l’esprit : à travers ces nominations, le pape demeure fidèle à sa volonté de créer une Eglise moins centrée sur l’Europe sans pour autant mépriser cette dernière : trois des cinq « porporati » viennent d'au-delà des frontières du vieux continent. Mais il reste à élucider ce que les cinq profils des nouveaux venus dans le Sacré Collège nous disent de cette catholicité telle que l’entend François. 

Pour François, l’Eglise est une société qui doit se confronter au défi du réel : celui d’assumer au XXIe siècle son statut de minorité religieuse. Ce n’est pas un hasard si dans le cas de trois d’entre eux, les nouveaux cardinaux viennent de pays où le catholicisme est ultra-minoritaire, à savoir la Suède, le Laos et le Mali. Dans ce dernier pays, les chrétiens ne représentent en effet que 2,4% des 17 millions d’habitants, musulmans à 94%. 

Dans un entretien à  La Repubblica  de septembre 2016, évoquant l'avenir de l’Eglise catholique, François n’avait-il pas déclaré que « être une minorité, c’est une force » ? La « catholicité » au XXIe siècle passe pour François par ce travail lucide que l’Eglise doit accomplir sur elle-même : se reconnaitre comme minorité - que ce soit au niveau du nombre ou de l’écho du message chrétien dans les sociétés modernes - sans pour autant renoncer à témoigner de la force toujours actuelle de l’Evangile. 

François a aussi clairement voulu mettre en avant des pans de la chrétienté qui illustrent la passion douloureuse que vit l’Eglise : en créant cardinal un évêque du Laos, Mgr Louis-Marie Ling Mangkhanekhoun, déjà âgé de 73 ans, le Saint-Père a voulu rendre hommage à un pays où les catholiques sont encore quotidiennement victimes de persécutions, et où le clergé ne ménage pas ses efforts pour que l’Eglise puisse tout simplement survivre. 

De même, en promouvant au cardinalat Mgr Jean Zerbo, cet archevêque de Bamako confronté au défi de l’islamisme radical, le pape consacre un prélat qui n’avait pas hésité à déclarer que « les chrétiens du Mali traversent une épreuve comparable à celle vécue par la première communauté chrétienne ». 

Le baptême de sang n’est pas la seule manière pour l’Eglise d’être persécutée : la guerre sourde qu’une société sécularisée mène contre l’idéal évangélique en est aussi une. C’est ce qui apparaît à travers la promotion au cardinalat de Mgr Andres Arborelius : ce carme de 67 ans est évêque de Stockholm, dans un monde scandinave qui compte moins de 2% de catholiques, et où la présence de l’Eglise est souvent regardée comme une « anomalie » au regard d’une société où confort et modernité demeurent les maîtres mots. Néanmoins, cette partie de la chrétienté ne s’est pas découragée et, ces dernières années, les conversions issues du Luthéranisme se multiplient. Malgré le faux œcuménisme dont est pétri l'évêque de Stockholm 

Dans la pensée de François, la catholicité va de pair avec le souci des plus pauvres : c’est sûrement dans cette perspective qu’il faut comprendre la nomination de Mgr Gregorio Rosa Chavez, évêque auxiliaire de San Salvador. Très lié à la figure de Mgr Oscar Romero, l’archevêque assassiné en 1980, Mgr Chavez doit en partie sa vocation à la figure de proue de l’Eglise des pauvres en Amérique latine. La collusion avec le progressisme et la théologie de la libération n'est pas loin. 

Avec la nomination de Mgr Juan José Omella, dix-huit mois à peine après avoir été fait archevêque de Barcelone, le pape François met en avant un pasteur connu pour sa proximité avec les fidèles et pour avoir un profil similaire au sien. Ordonné prêtre en 1970 pour le diocèse de Saragosse, il en devient l’évêque auxiliaire en 1996. Il est depuis vingt ans membre de la Congrégation des évêques. 

En définitive, les portraits croisés des nouveaux cardinaux font écho à ce que déclarait François au Père Spadaro s.j au début de son pontificat : « je vois l’Eglise comme un hôpital de campagne après la bataille ». 

Dans cet « hôpital », l’Eglise assumerait son statut de minorité, sans se faire d’illusion - selon le pape - sur un hypothétique retour à un temps de chrétienté : « si le chrétien est légaliste ou cherche la restauration, s’il veut que tout soit clair et sûr, alors il ne trouvera rien », ajoutait-il dans le même entretien. 

La Fraternité Saint-Pie X reste quant à elle convaincue que la Tradition demeure un ancrage, et même davantage : ce nécessaire éclairage du passé sans lequel « l’hôpital de campagne » ne peut que travailler à l'aveugle. 

27 juin 2017

[Credidimus Caritati] La FSSPX souhaitait une prélature personnelle dès 1984

SOURCE - Credidimus Caritati - 27 juin 2017

Ces dernières années, le terme de « prélature personnelle » est revenu plusieurs fois dans la bouche des prélats romains et des supérieurs de la Fraternité Saint-Pie X pour qualifier la structure que le Saint-Siège avait proposée à cette dernière. Mais il ne s’agit en rien d’une nouveauté. Déjà, en 1985, la Maison Générale de la Fraternité demandait trois choses dans une pétition qu'elle adressait à Rome:
  1.  «la liberté à tout prêtre d’utiliser le missel romain et les livres liturgiques en vigueur en 1962»
  2. Que «cesse, pour S. Exc. Monseigneur Lefebvre et ses prêtres, l’injuste situation dans laquelle on les a placés»
  3. «Que la Fraternité soit reconnue dans l’Église comme société de droit pontifical et prélature personnelle»
Les deux premières demandes correspondent aux deux préalables demandés par Monseigneur Fellay en 2000 et réalisés les 7 juillet 2007 (Motu Proprio Summorum Pontificum) et 21 janvier 2009 (levée d’excommunication). La dernière demande, l’octroi d’une prélature personne, intervenait trois ans après l’obtention par l’Opus Dei d’une prélature personnelle. C'était en 1982. C’est la seule société ayant bénéficié de cette structure jusqu’ici. Cette dernière a été prévue par le décret conciliaire Presbyterorum ordinis. Dans la lettre qu’il adressait au cardinal Gagnon le 21 novembre 1987 pour établir une structure reconnue par Rome, Mgr Lefebvre en citait le paragraphe 10 pour justifier de l’octroi d’un tel statut à la Fraternité:
« Il pourra être utile de créer à cette fin des séminaires internationaux, diocèses particuliers, prélatures personnelles, et autres institutions auxquelles les prêtres pourront être affectés ou incardinés pour le bien de toute l’Église».
On notera d’ailleurs que, en proposant de créer des séminaires internationaux et en établissant une années de spiritualité, ce décret conciliaire était la référence sur laquelle s'appuyait Mgr Lefebvre en affirmant que les séminaires de la Fraternité avaient été les seuls à appliquer les textes conciliaires sur la formation sacerdotale.

[Peregrinus - Le Forum Catholique] Révolution française et traditionalisme (IV) : Des "ministres sans mission et sans pouvoirs"

SOURCE - Le Forum Catholique - 27 juin 2017


Dans la partie précédente, je me suis attaché à rappeler les principaux motifs qui ont déterminé l’épiscopat français à refuser la Constitution civile du clergé : celle-ci, émanée d’une puissance temporelle incompétente, méprise la juridiction du pape et des évêques.
     
C’est sur la base des mêmes arguments que les évêques et le clergé fidèle condamnent le clergé constitutionnel, c’est-à-dire les prêtres qui pour conserver leurs places acceptent de prêter le serment prescrit par le décret du 27 novembre 1790. Par ce serment, le prêtre promet d’être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi, ce qui, on y reviendra, ne pose aucun problème particulier, mais aussi de « maintenir de tout [son] pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée Nationale et acceptée par le Roi ». Or la Constitution, alors en cours d’élaboration, doit comprendre la Constitution civile du clergé, ce qui rend la formule du serment inacceptable.

Aux prêtres constitutionnels, ou assermentés, il est donc logiquement reproché d’adhérer de fait à une organisation ecclésiastique contraire aux principes catholiques sur la juridiction et l’autorité spirituelle. Ce reproche n’est cependant pas le seul. Au problème doctrinal s’ajoute en effet celui de la communion ecclésiastique : après avoir, à seulement quatre exceptions près (1), refusé de faire le serment prescrit, les évêques sont déposés par l’autorité temporelle. On procède donc à l’élection de nouveaux évêques (2), qui occupent des sièges épiscopaux déclarés vacants par l’Assemblée Nationale, mais non par l’Eglise, qui les juge toujours régulièrement occupés par leurs titulaires d’Ancien Régime. Les évêques jureurs n’ont donc pas seulement adhéré à une Constitution dont la condamnation par Rome est connue à partir de mars 1791, mais se sont rendus coupables d’intrusion : ils ne sont pas entrés par la porte des brebis, mais usurpent une juridiction que l’Eglise ne leur a pas donnée. 

Le bref adressé en février 1791 par Pie VI au cardinal de Brienne, archevêque jureur de Sens, témoigne de l’importance accordée à ce problème fondamental : à Brienne, pourtant archevêque régulièrement institué de Sens, le pape reproche principalement non d’avoir adhéré à une « Révolution anti-Dieu et anti-Roi », comme le lui reprocherait le Petit Eudiste, mais d’une part d’avoir consenti à la destruction de son chapitre et donc de la juridiction que celui-ci tenait directement de l’Eglise romaine, et d’autre part d’avoir accepté la réforme de la carte ecclésiastique, ce qui le conduit à exercer illégitimement sa juridiction sur des paroisses d’un autre diocèse, où il se conduit donc en intrus (3). 

Le clergé constitutionnel est donc intrus ou du moins en communion avec des intrus, il prétend exercer une juridiction qu’il ne possède pas. On peut lire à cet égard l’énumération par le chapitre cathédral de Saint-Brieuc des maux qui résulteront de la nouvelle organisation ecclésiastique :
Ouverture du schisme ; évêques intrus ; tous leurs actes de juridiction frappés de nullité ; toute juridiction épiscopale, le siège vacant, suspendue par la dispersion des capitulants ou usurpée par des individus sans titres et sans droits ; ministres institués ou approuvés dans ces sortes de circonstances, tous sans mission et sans pouvoirs ; absolutions nulles ; sacrements abandonnés ou profanés ; danger pour le salut des fidèles etc. (4).
C’est bien sur l’usurpation des juridictions épiscopale et capitulaire qu’insistent les chanoines. La conséquence en est que les constitutionnels exercent le ministère « sans mission et sans pouvoirs » et ne peuvent absoudre validement faute d’approbation par l’évêque légitime. Il n’est sans doute pas sans intérêt de noter que la question des mariages ne tarde pas à se poser : les mariages célébrés devant le clergé constitutionnel sont souvent jugés nuls par le clergé réfractaire pour défaut de forme canonique. 

On le voit, plusieurs comparaisons pourraient être faites avec les questions qui agitent le monde traditionaliste d’aujourd’hui. Mais alors que les traditionalistes, particulièrement ceux qui adoptent les positions les plus dures, se voient volontiers en héritiers et continuateurs des réfractaires d’hier, les questions se posent en réalité à front renversé. S’il existe aujourd’hui un clergé exerçant le ministère « sans titres et sans droits », ce n’est pas le clergé diocésain ni le clergé Ecclesia Dei. L’absurdité historique du jugement assimilant les prêtres des instituts Ecclesia Dei ou les « ralliéristes » de la FSSPX aux prêtres jureurs (6), devient ici particulièrement criante. Quels que soient les reproches que l’on peut faire à ces instituts, on doit reconnaître, à moins de considérer le pape et les évêques comme des intrus, ce qui n’était certainement pas la pensée de Mgr Lefebvre, qu’une telle assimilation ne tient pas : on pourrait presque s’étonner qu’elle n’ait jamais été retournée à ceux qui y recourent le plus facilement, et, il faut le dire, avec le plus de légèreté. 

Un usage aussi manifestement abusif de l’histoire peut certes s’expliquer tout d’abord par une ignorance excusable ; mais cette ignorance semble procéder elle-même d’un certain désintérêt pour les faits : la Révolution étant considérée, comme on l’a vu, comme une sorte de monstre métaphysique et moral, foncièrement anhistorique et intemporel, les motivations, les raisons alléguées par les uns ou les autres, y compris par ceux dont on se réclame, n’ont finalement pas grande importance : seul compte le refus, nécessairement catégorique et intégral, de tout compromis avec la Révolution éternelle et par suite avec les différents visages qu’elle a pu prendre dans le temps. 
Les raisons des uns et des autres étaient pourtant, on le voit, essentiellement théologiques et canoniques. 

On a vu dans cette partie les raisons qu’a alléguées à juste titre le clergé fidèle dans son refus des réformes de la Constituante. C’est aux raisons qu’ont tenté de leur opposer le clergé constitutionnel que sera consacrée la prochaine partie. 

(A suivre)

Peregrinus
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(1) Sept évêques d’Ancien Régime ont accepté le serment, mais l’on ne compte parmi eux que quatre évêques titulaires : Loménie de Brienne, cardinal-archevêque de Sens, Talleyrand, évêque d’Autun, Lafont de Savines, évêque de Viviers, et Jarente d’Orgeval, évêque d’Orléans. 
(2) Il faut noter d’ailleurs que la mise en place de la hiérarchie constitutionnelle ne s’est pas effectuée sans mal. « Nous jurons, mais nous ne sacrons pas » : telle est par exemple la position de Mgr de Jarente, imité par le cardinal de Brienne. Sacrer des évêques auxquels le pape n’avait pas donné l’institution canonique n’allait pas de soi, même pour ces deux prélats qui avaient accepté le serment. Les premiers sacres sont donc célébrés par Gobel, évêque in partibus de Lydda, élu au siège métropolitain de Paris, et par Talleyrand, qui avait alors déjà annoncé son intention de renoncer à toute fonction ecclésiastique. Au-delà du problème des sacres, les dispositions de la Constitution civile du clergé prévoyant l’institution du nouvel évêque par le métropolitain n’ont pas même pu être respectées lors de l’établissement au printemps 1791 de la nouvelle hiérarchie constitutionnelle.
(3) « Vous ne pouviez pas imprimer un plus grand déshonneur à la pourpre romaine qu’en prêtant le serment civique et en l’exécutant, soit par la destruction de l’ancien et vénérable Chapitre de votre Eglise, soit par l’usurpation d’un diocèse étranger » (Bref du 23 février 1791, cité par Joseph Perrin, Le cardinal de Loménie de Brienne. Ses dernières années – Episodes de la Révolution, Imprimerie de Paul Duchemin, Sens, 1896, p. 61).
(4) Archives Nationales, D/XXIXbis/25, Extrait du registre de délibérations du Chapitre de l’église cathédrale de Saint-Brieuc, 9 novembre 1790. Par commodité, orthographe et ponctuation ont été modernisées dans cette citation. 
(5) Voir l’article « Si tu connaissais le don de Dieu ! », du blogue Catholique réfractaire, 4 juillet 2012. On a vu dans les parties précédentes que M. l’abbé Pivert s’est aussi livré à ce type d’analogies. Une telle comparaison apparaît également en filigrane dans plusieurs articles publiés récemment par le blogue Reconquista, lié à la mouvance « résistante » : ainsi un article du 21 juin 2017 désigne-t-il à deux reprises les « résistants » comme les « prêtres et les fidèles réfractaires », tandis qu’un article du 23 juin suivant (« Il nous faut des prêtres fidèles et résistants ! ») choisit pour illustration une représentation du XIXe siècle de la célébration d’une messe « en chambre » par un prêtre insermenté. 
(6) On y reviendra, le Petit Eudiste de mars 2017 recourt quant à lui à une grille d’équivalences légèrement différente.

26 juin 2017

[FSSPX Actualités] Italie : Prises d’habit chez les Sœurs consolatrices du Sacré-Cœur de Jésus

SOURCE - FSSPX Actualités - 26 juin 2017

Le 23 juin 2017, en la fête du Sacré-Cœur, une cérémonie très émouvante a eu lieu chez les Sœurs consolatrices du Sacré-Cœur de Jésus, à Vigne di Narni en Italie.

Deux postulantes américaines ont pris l’habit : Rita et Cassian qui sont devenues respectivement sœur Maria Maddalena dell’Amore Misericordioso et sœur Maria Bernadette di Gésu Crucifisso. Et trois novices ont prononcé leurs premiers vœux : sœur Maria Caterina (française), sœur Maria Chiara (française) et sœur Maria Veronica (américaine).

Les Consolatrices du Sacré-Cœur ont la particularité de faire un quatrième vœu, celui de pratiquer et faire connaitre la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus.

La cérémonie s’est déroulée en présence d’une quinzaine de prêtres - dont l’abbé Alain-Marc Nély, Second Assistant général de la Fraternité Saint-Pie X, et l’abbé Robert Brucciani, supérieur du District de Grande Bretagne -, et d’une trentaine de religieuses.

Avant son décès en 1996, le fondateur des Sœurs consolatrices du Sacré-Cœur de Jésus, Padre Basilio avait demandé à la Fraternité d’assurer l’assistance spirituelle des religieuses. Dans l’homélie qu’il prononça au cours de la cérémonie du 23 juin, l’abbé Emmanuel du Chalard a rappelé aux religieuses l’importance de la fidélité :

« Les Communautés, si elles sont fidèles à la Tradition doctrinale, liturgique et religieuse de l’Eglise, à la lettre et à l’esprit de leur Règle, sont bénies du Seigneur. Les nouveautés sous prétexte d’adaptation au monde d’aujourd’hui ou à la fragilité des vocations actuelles, portent à la facilité et au relâchement, et donc au commencement de la décadence de la vie religieuse.

« Les fondateurs ont eu les grâces d’état pour écrire les Règles ou Constitutions, et leurs successeurs ont le devoir de les conserver et de les faire observer. Et quand il y en a, une vraie réforme est toujours un retour à une observance plus proche de la Règle primitive, comme l’a fait sainte Thérèse d’Avila.

« C’est une invitation à la fidélité à votre vie religieuse, à votre Règle, fidélité qui sera une garantie pour l’avenir de votre Institut.

« Avec un quatrième vœu vous promettez de pratiquer et de diffuser la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, et cela seul peut attirer les bénédictions sur votre Institut et sur les personnes et les familles qui le découvrent grâce à votre apostolat.

« De plus, vous priez et vous vous sacrifiez beaucoup pour la sanctification des prêtres. Aujourd’hui ils sont venus nombreux pour manifester leur gratitude. Nous vous supplions de continuer et de redoubler - au moins en intensité - cet appui spirituel tellement nécessaire. Comme disait le Fondateur de notre Fraternité : Ce dont l’Eglise a le plus besoin ce n’est pas seulement de prêtres, mais c’est surtout de saints prêtres. Et en cela, vous, mes sœurs, vous pouvez beaucoup nous aider. »

Actuellement, les Sœurs consolatrices du Sacré-Cœur de Jésus réalisent leur apostolat dans trois maisons :

Vigne di Narni, la Maison Mère qui accueille le noviciat, et où les religieuses se dévouent auprès de quelques personnes âgées.

Le prieuré de Montalenghe, près de Turin.

En Inde, l’orphelinat de Palayamkottai avec 70 enfants et une dizaine de personnes âgées ou infirmes. Là cinq sœurs professes, deux novices et des bénévoles prodiguent des trésors de générosité. Cette maison est un miracle de la divine Providence qui ne vit que de dons, ne recevant aucune aide de l’Etat.

25 juin 2017

[Abbé Michel Simoulin, fsspx - Le Seignadou] Le calme des vieilles troupes

SOURCE - Le Seignadou - juillet 2017

Je vais encore parler un peu de moi, mais rassurez-vous, ce sera la dernière fois. En effet, des « amis » disent que j’ai vieilli ! Il est bien vrai que mon âge a doublé depuis mon ordination ! Mais comme nous vieillissons tous d’un pas égal, je ne vois pas l’intérêt de s’y arrêter ! Je pourrais peut-être prendre cela comme un compliment, car le vin se bonifie avec l’âge… mais je ne crois pas que telle soit la pensée de ces amis, et je pense plutôt qu’on estime que j’ai perdu de ma première vigueur : je ne dis plus ce que je disais autrefois, je me suis ramolli, mon discours est devenu différent ! Cela serait donc une bonne nouvelle : je ne répète pas toujours la même chose, et donc je ne radote pas ! Mais alors, ai-je vieilli ?
     
En fait, je crois que le reproche sous-jacent est le même que celui qui est fait parfois à Mgr Fellay, qui se serait ramolli parce qu’il ne passe pas son temps à redire ce qu’il a déjà dit, et à condamner tout ce qui est condamnable ! On le dit même isolé ou minoritaire ! Il s’en est expliqué lui-même, et j’ajouterai simplement qu’il est normal qu’il n’intervienne pas toujours lui-même, soit parce que des cardinaux l’ont fait, soit parce nos théologiens le font suffisamment. Je pense, entre autres, à l’excellent article de M. l’abbé Gleize « pour une entente doctrinale », et au texte plus récent : La Lettre sur les mariages : éclaircissements et mises au point. En outre, il n’est pas nécessaire d’être saint-cyrien pour s’apercevoir que, depuis 2000, la situation n’est plus la même : l’Eglise demeure « semper idem », mais les papes passent et passeront encore, les personnes sont différentes, et il n’est pas possible de traiter avec le pape François comme avec Jean-Paul II, ni avec le cardinal Müller comme avec le cardinal Ratzinger. Cela est tellement évident que je ne sais pas pourquoi je perds mon temps à le signaler !

Mais aucun d’entre nous ne peut attendre de Mgr Fellay qu’il enseigne, encourage ou donne l’exemple de l’insubordination. Pas plus que Mgr Lefebvre qui, au plus fort de ses contestations proclamait toujours sa fidélité à Rome et son refus de rompre, quel que soit le pape et quels que soient ses agissements, quel que soit le véritable maître de cette pensée moderniste qui a pénétré jusqu’aux viscères de l’Eglise… Nul d’entre nous ne peut attendre de Mgr Fellay qu’il ne respecte pas la primauté de Pierre, même si, d’évidence, Pierre ne marche pas droit selon la vérité de l’Evangile (Galates II, 14).

Quant à moi, j’ai tout dit et écrit quand j’étais en poste d’autorité, et il suffit de s’y reporter pour connaître ma pensée sur Jean XXIII ou le Concile, sur Jean-Paul II, le nouveau catéchisme, Assise et autres nouveautés conciliaires. Les articles, études, interventions que j’ai publiés sont assez nombreux et à la disposition de tous, et, sur ces questions, je n’ai pas changé. Je ne retire rien de tout cela mais, n’étant plus en situation d’autorité, je laisse parler à présent ceux dont c’est la fonction.

Mais là n’est pas le plus important. Je relisais ces jours-ci la brochure réalisée par sa famille sur l’admirable capitaine Jean Botet de Lacaze, mort au champ d’honneur le 3 mai 1917. Après le désastre de l’opération Nivelle, il cherchait à remonter le moral de son entourage : « Pourquoi vouloir jouer aux stratèges ? Nous sommes des exécutants. Les états-majors ont sans doute des conceptions qu'ils n'ont pas à répandre dans la troupe. C'est leur métier de penser. Le nôtre est de maintenir notre estomac en bon état, de cultiver quelques idées générales. Avec ce bagage, on fait honnêtement la guerre. Car, avant tout, il faut faire la guerre, sans quoi, il était vainement cruel de plonger nos familles dans l'inquiétude. Mais, pour bien faire la guerre, il faut d'abord croire à la victoire même au mépris de la vraisemblance. Si ce n’est pas nous qui en cueillons les lauriers, cela n'a d'importance que relative ... Le pays ne fait pas la guerre pour que nous nous en amusions; ... mais pour qu'il puisse mener cette guerre, il faut que nous la fassions avec une foi qui est à la base des actions fructueuses et, aussi, un acte d'humilité préalable en faisant litière de nos raisonnements et autres prévisions tactiques d'exécutants. Notre devoir est de nourrir nos chevaux et de mettre au point notre équilibre physique. »

L’analogie est claire, et il est facile de transposer ces réflexions à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Pour poursuivre l’analogie, que dirait-on d’un capitaine qui proclamerait à ses troupes qu’il a un plan de manœuvre personnel génial, meilleur que celui du général ? Et que dirait-on encore s’il le faisait de telle sorte que l’adversaire apprenne ce désaccord, et sache que le front n’est pas uni ? Même si son plan était meilleur, il aurait gravement mis en péril l’union des cœurs nécessaire à ceux qui mènent le même combat, et donné des armes à ses adversaires. Il mériterait tout simplement d’être passé par les armes !

En outre, je ne sais pas qui lance sans cesse ces fausses nouvelles sur l’imminence d’un accord, et annonce même des dates, etc.… Voilà des années que cela se produit, et à chaque fois, certains tombent dans le panneau et les réactions créent confusion et troubles ! C’est la vieille tactique : Diviser pour régner. Saint Jean nous dit que le propre de l'Antéchrist est de chercher à scinder Jésus: Omnis spiritus qui solvit Jesum, est antichristus (1 Joan., IV, 3). Scinder Jésus, c'est briser le lien qui unit les membres de son Corps mystique. C'est le travail de l'esprit d'erreur.

Mais, me direz-vous, Mgr Lefebvre critiquait bien l’autorité publiquement ! Certes mais avez-vous observé qu’après son action au Concile, il a commencé par agir en silence, pour donner à l’Eglise l’arme capable de répondre aux erreurs en fondant la Fraternité ; et ce n’est que dix années après la fin du Concile qu’on a commencé à parler de lui : il n’a parlé publiquement qu’après avoir été lui-même pris à partie et attaqué publiquement par Rome et par les évêques français, en 1975-1976. L’initiative du débat public a été le fait des autorités romaines, et puis, il me semble que l’enjeu était différent. Il est trop facile de se parer d’une fidélité à Mgr Lefebvre pour faire ce qu’il n’a jamais fait. N’est pas Mgr Lefebvre qui veut !

Enfin, je vous avoue que, dans la confusion actuelle, je ne suis pas impressionné par les contestations, moins importantes qu’il paraît, et je sais que Mgr Fellay est moins minoritaire que ne le disent les contestataires de tout poil. Mais je suis plutôt impressionné par le calme des vieilles troupes ! Oui, honneur à nos vieux « maréchaux », ceux des premières années et des premiers combats qui ont traversé toutes les bourrasques et demeurent les témoins fidèles de la vigueur des grâces initiales ! Je voudrais les citer tous – je pense à ceux qui m’ont précédé au séminaire, qui sont prés d’une trentaine, – car ils oeuvrent dans le silence sans prétendre donner des leçons à nos supérieurs. Les crises n’ont pas manqué pourtant : 1975, 1977, sédévacantisme, 1988, 2004, etc. ou plus simplement et de façon continue: l’esprit d’indépendance ! La fidélité et la vigueur des vieilles troupes sont peut-être un des arguments les plus convaincants pour calmer les craintes des jeunes générations ! Cela m’impressionne beaucoup plus que le bruit qui se fait autour de quelques résistants, déclarés ou non.

Que n’entendons-nous pas comme stupidités ? La plus grosse est peut-être celle que j’ai entendue l’autre jour dans la bouche  d’un ecclésiastique (ancien de chez nous !), à savoir que les prêtres de la Fraternité se répartissent entre résistants et accordistes ! Ce bon abbé est devenu champion dans l’art de la dialectique ! Quoiqu’il en dise, il y a tout simplement une majorité de prêtres ni accordistes ni résistants, qui font leur travail sans bruit et font confiance à leurs supérieurs pour faire le leur.

Méditons cette sage réflexion, adaptée d’une pensée d’Ernest Hello: « L'homme est si petit qu'il se complaît en lui : mais il est si grand qu'il ne se satisfait qu'en Dieu. Le chef d'école veut être le maître : il impose son système. Le disciple de la vérité veut être serviteur : il accepte la loi qu'il n'a pas faite… Le rôle de serviteur est seul assez grand pour l'homme. Que Dieu donc nous donne des prêtres assez ambitieux pour s'oublier, assez grands pour être humbles, assez humbles pour être grands, des prêtres qui restituent aux choses leur majesté perdue ! »

Et concluons avec cette belle prière, qui sera notre bouquet spirituel : O Marie, Vierge et Mère de Jésus ; Donnez-moi de penser, de dire, et de faire, ce qui plaît le plus à Dieu et à vous-même. (Sainte Jeanne de France.)


Cela dit, je n’ose commenter la nouvelle que vous connaissez tous, car cela serait déplacé. Je ne veux dire à notre cher abbé Le Noach que notre amitié, voire notre affection sacerdotale, notre gratitude pour l’œuvre accomplie ici et notre prière chaleureuse et fervente. Quoiqu’il en dise, nous ne sommes pas près de l’oublier, quelle que soit la qualité de son successeur ! Que le Cœur Immaculé de Marie le couvre de sa tendresse maternelle pour adoucir tout ce que cette décision peut avoir de douloureux pour un cœur humain, même sacerdotal, qui a donné tout le meilleur de lui-même pendant tant d’années, et qui a été béni par tant de belles vocations qui ont germé sous sa houlette. Que Notre-Dame lui accorde, avec un repos bien mérité, un bel apostolat, fructueux et consolant !  

24 juin 2017

[Le Salon Beige] L’abbé Émeric Baudot, nommé à Saint-Nicolas du Chardonnet

SOURCE - Le Salon Beige - 24 juin 2017
La Fraternité Saint-Pie X vient de nommer l’abbé Émeric Baudot à Saint-Nicolas du Chardonnet. Âgé de 56 ans, ce prêtre originaire de Lyon, entré au début des années 1980 au séminaire d’Écône pour rejoindre Mgr Marcel Lefebvre, a été ordonné juste après les sacres épiscopaux de 1988. Desservant de la chapelle de Versailles puis directeur du collège de Sainte-Marie, près de Saint-Malo, il fut l’économe général de la Fraternité pendant douze ans, avant d’être nommé premier assistant du supérieur du district de France il y a trois ans. Il est le 5e prêtre que la Fraternité Saint-Pie X nommé à Saint-Nicolas du Chardonnet, à la suite de Mgr François Ducaud-Bourget, prêtre de l’archidiocèse de Paris qui avait investi l’église il y a quarante ans pour la restituer au rite traditionnel, aux côtés des abbés Louis Coache (prêtre du diocèse de Beauvais) et Vincent Serralda (prêtre de l’archidiocèse d’Alger).

À sa mort en 1984, Mgr Ducaud-Bourget avait sollicité l’œuvre fondée par Mgr Lefebvre pour desservir l’église du Ve arrondissement et c’est l’abbé Philippe Laguérie qui fut diligenté par ce dernier pour le remplacer. Depuis, une quarantaine de curés et de vicaires se sont succédés pour œuvrer dans ce « phare » du traditionalisme français. Seule église entièrement consacrée à la liturgie grégorienne dans le pays, elle devint progressivement la matrice de nombreux sanctuaires et chapelles qui ont permis de remettre au goût du jour le rite traditionnel, entièrement proscrit pendant les années 1970. Avec trois messes quotidiennes et cinq messes le dimanche, Saint-Nicolas du Chardonnet met à disposition en permanence un prêtre pour recevoir les fidèles.

[Peregrinus - Le Forum Catholique] Révolution française et traditionalisme (III) : Les réfractaires, d'hier à aujourd'hui

SOURCE - Le Forum Catholique - 24 juin 2017


Dans la deuxième partie de cette petite série consacrée à l’histoire religieuse de la Révolution française et au traditionalisme contemporain, je me suis efforcé de montrer que pour mieux dramatiser l’épisode décisif du serment, que l’on peut dater du début de l’année 1791, certains usages actuels de l’histoire tendaient à brouiller la chronologie et à présenter de la Révolution une vision au fond intemporelle et parfaitement anhistorique. Un tel procédé, s’il s’accorde avec la visée ouvertement prescriptive des textes dont il est question, n’aide guère à comprendre ce qui était en jeu lorsque l’application du décret du 27 novembre 1790 sur le serment a divisé le clergé français entre réfractaires (ou insermentés) et constitutionnels (ou assermentés).

On a vu que pour le Petit Eudiste, le serment constitutionnel est tout uniment une forme d’adhésion à la « Révolution anti-Dieu et anti-Roi (1) », ce qui ne laisse pas que d’être très discutable. Pour les Cahiers du Christ-Roi,
Diviser pour détruire, telle est la tactique révolutionnaire. […] La question des prêtres constitutionnels pendant la Révolution relève aussi de cette intention de réduire l’Eglise à une structure contrôlable par les agents de la Révolution pour mieux la détruire ensuite (2).
Le sens obvie d’une telle affirmation est que la Constitution civile du clergé relève d’un plan bien déterminé par les « agents de la Révolution », donc d’une forme de complot pour détruire l’Eglise. Cette affirmation, assénée avec beaucoup d’évidence, n’est pas moins discutable que la précédente, parce que comme elle, elle fait abstraction des faits et de la chronologie. 

Il n’existe en effet aujourd’hui aucun historien sérieux pour soutenir que l’intention des constituants, en adoptant le décret du 12 juillet 1790 réformant l’organisation ecclésiastique, était de détruire l’Eglise (3). Les intentions des constituants, parmi lesquels figure un quart de députés ecclésiastiques, ne sont pas anticléricales. Il s’agit, après la suppression des dîmes en août 1789 et la mise à disposition de la Nation des biens de l’Eglise en novembre suivant, d’assurer la subsistance du clergé en l’intégrant à la Nation, ce qui est accompli au moyen de sa fonctionnarisation (4). Le traitement matériel réservé aux ecclésiastiques, comme l’ont reconnu jusqu’aux historiens catholiques les moins suspects de sympathie pour les réformes de la Constituante, est alors fixé à un niveau très convenable, nettement supérieur à celui que prévoit par la suite le Concordat de 1801 (5).

Dès lors, que reprochait le clergé réfractaire à la Constitution civile du clergé ? 

Pour répondre à cette question, c’est au texte même du décret du 12 juillet 1790 qu’il faut tout d’abord revenir (6). La Constitution civile du clergé abroge unilatéralement le Concordat de Bologne, qui réglait depuis 1516 les relations entre l’Eglise et la monarchie française. Le décret du 12 juillet réforme tout d’abord la circonscription ecclésiastique, entièrement refondue sur la base des nouveaux départements (titre I, articles 1 à 5). Il interdit de recourir à une autorité placée sous la dénomination d’une puissance étrangère (article 4). Il donne une nouvelle organisation aux églises cathédrales, supprimant les chapitres (article 20) pour les remplacer par un conseil de vicaires épiscopaux (articles 9 et 14). L’élection devient la seule manière de pourvoir aux évêchés et aux cures (titre II, article 1). Une fois élu, l’évêque du département reçoit l’institution canonique du métropolitain, ou, à défaut, du plus ancien évêque de la province (article 17). Il lui est alors interdit de faire un autre serment que celui de professer la religion catholique, apostolique et romaine (article 18). Après son institution, l’évêque écrit au pape en témoignage de l’unité de foi et de communion qu’il veut entretenir avec lui (article 19). 

Le problème principal que pose la nouvelle organisation ecclésiastique se révèle rapidement celui de la juridiction ecclésiastique. Il suffit, pour s’en persuader, de lire l’Exposition des principes publiée le 30 octobre 1790 par Mgr de Boisgelin, archevêque d’Aix, la plus notable des critiques adressées par l’épiscopat français à la Constitution civile du clergé (7). A peine Mgr de Boisgelin a-t-il achevé le résumé des principales réformes qu’il rappelle les principes catholiques de la juridiction :
Il est une juridiction propre et essentielle à l’église, une juridiction que Jésus-Christ lui a donnée, qui se soutint par elle-même dans les premiers siècles, sans le secours de la puissance séculière, et qui, se contenant dans ses bornes, avoit pour objet l’enseignement de la doctrine et l’administration des sacrements (8).
A la nouvelle organisation ecclésiastique, il est tout d’abord reproché d’être émanée d’un acte unilatéral de la puissance temporelle, par elle-même incompétente en matière spirituelle. Cette incompétence résulte de l’exclusion du pape, qui n’est pas consulté préalablement à la réforme, et qui se voit dépossédé de l’institution canonique des évêques. 
Par quelle fatalité faut-il que le chef de l’église ne soit pas consulté sur des droits qui lui furent attribués par les lois, depuis deux siècles, et sur cette partie de la juridiction qu’il avoit exercée dans tous les temps, et que l’église avoit constamment maintenue (9) !
Le principal reproche que l’archevêque d’Aix qu’adresse à la Constitution civile du clergé est donc d’être un attentat à la juridiction du pape tout d’abord, puis des évêques dont les sièges sont supprimés et dont on demande donc la démission. Mgr de Boisgelin refuse une réforme qui conduirait l’épiscopat à « consacrer l’oubli des formes canoniques (10) ».

Souci de maintenir l’Eglise gallicane dans la dépendance et la communion du pontife romain, de ne pas réduire l’union avec Rome à une pure forme, de défendre la juridiction ordinaire des évêques et d’observer les formes canoniques : on le voit, on est très loin d’une « résistance » ecclésiale qui croit non seulement pouvoir, mais encore devoir se passer en toutes circonstances de toutes les formes canoniques ordinaires. La logique de l’argumentation des réfractaires de 1790, prêts à tout perdre pour n’être pas détachés de la juridiction du pape et des évêques, est rigoureusement contraire à celle d’anarcho-traditionalistes d’aujourd’hui qui se font un devoir de ne jamais s’y soumettre. Les « catholiques réfractaires » ne sont peut-être pas ceux que l’on croit.

On objectera non sans raison que les problèmes n’étaient évidemment pas les mêmes. Mais alors il faut en tirer les conséquences et faire au moins preuve de prudence et de retenue dans les usages de l’histoire et s’abstenir d’équivalences, voire d’accusations, dont on commence à voir le caractère extrêmement glissant et réversible. 

(A suivre)

Peregrinus 
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(1) Abbé Etienne de Blois, « Un vicaire silencieux », Le Petit Eudiste, n°202, mars 2017, p. 10-11.
(2) Révolution et Subversion. Cahiers du Christ-Roi, numéro hors-série, décembre 2014, p. 112.
(3) Il faut noter d’ailleurs que ceux qui voyaient dans la Constitution civile du clergé le résultat d’un complot attribuaient celui-ci non à la franc-maçonnerie, mais aux jansénistes, cf. Gérard Pelletier, Rome et la Révolution française. La théologie et la politique du Saint-Siège devant la Révolution française (1789-1799), Ecole française de Rome, Rome, 2004. L’abbé Barruel lui-même, sous le pseudonyme de Bonnaud, semble avoir vu tout d’abord dans le décret du 12 juillet 1790 l’œuvre des jansénistes et des richéristes, cf. Marcel Gauchet, « La question du jansénisme dans l’historiographie de la Révolution », dans Catherine Maire (dir.), Jansénisme et Révolution. Actes du colloque de Versailles tenu au Palais des congrès les 13 et 14 octobre 1989, Chroniques de Port-Royal, Paris, 1990, p. 17.
(4) Sur les principaux traits de la réforme, voir Timothy Tackett, La Révolution, l’Eglise, la France, Cerf, Pars, 1986.
(5) Voir par exemple Ludovic Sciout, Histoire de la Constitution civile du clergé (1790-1801). L’Eglise et l’Assemblée Constituante, t. I, Firmin Didot, Paris, 1872.
(6) On peut trouver le texte complet de la Constitution civile, ibid., p. 182-189.
(7) L’Exposition, écrit ainsi Jean-Claude Meyer, Deux théologiens en Révolution, Parole et Silence, Paris, 2011, p. 207, témoigne d’une « conscience exacte des enjeux ecclésiologiques » de la réforme. L’abbé Meyer la situe dans la lignée du gallicanisme modéré de Bossuet, qui admet le recours à Rome en temps de crise.
(8) Mgr de Boisgelin, Examen des principes sur la Constitution civile du clergé, Le Clère, Paris, 1801, p. 4-5.
(9) Ibid., p. 26.
(10) Ibid., p. 18.