29 novembre 2016

[Paix Liturgique] En Ecosse, la jeunesse de la Tradition

SOURCE - Paix Liturgique - lettre N°571 - 29 novembre 2016

« Jamais aucun de nos paroissiens n’a manifesté le désir de voir réintroduite la messe traditionnelle, et beaucoup ont au contraire exprimé le souhait inverse. » Cette déclaration publique du chancelier de l’archidiocèse de Glasgow, en janvier 2010, avait motivé une lectrice écossaise de Paix liturgique à nous écrire pour nous suggérer d’entreprendre un sondage sur la réception du motu proprio de Benoît XVI (voir notre lettre 227). Nous avions accueilli favorablement sa suggestion et fait réaliser ce sondage en juin 2010 par l’institut Harris interactive.

Les résultats de ce sondage, présentés le 3 septembre 2010 dans notre lettre 246 (a), indiquaient qu’un quart des catholiques d’Angleterre, d’Écosse et du Pays de Galles assisteraient au moins une fois par mois à la forme extraordinaire du rite romain si celle-ci venait célébrée dans leur paroisse. Parmi les pratiquants, ils étaient même 2 sur 3 (66,4 %) à se déclarer prêts à une telle démarche. Un résultat en harmonie avec la forte sensibilité liturgique des catholiques d’Outre-Manche – dont on sait qu’elle leur avait permis d'obtenir, dès 1971, le fameux indult dit « Agatha Christie » qui ouvrait une première brèche dans le caractère de fait obligatoire du missel de Paul VI. Toutefois, cette enquête révélait aussi que 6 catholiques britanniques sur 10 n’avaient pas eu connaiss ance du motu proprio Summorum Pontificum, conséquence de l’embargo organisé sur le sujet par la hiérarchie ecclésiastique dont la déclaration du chancelier de Glasgow était un signe...

Six ans plus tard, tous les évêques titulaires écossais (au nombre de huit) ont été renouvelés : deux par Benoît XVI et six par le pape François. Et, peu à peu, l’Écosse s’ouvre à la liturgie traditionnelle comme le prouve le dynamisme des fidèles de la paroisse Sainte-Marie de Cleland, dans le diocèse de Motherwell.
I – POUR LA SATISFACTION SPIRITUELLE DES FIDÈLES
C’est une vidéo sur Facebook qui a attiré notre attention sur la célébration hebdomadaire, chaque jeudi soir, de la forme extraordinaire du rite romain en l’église Sainte-Marie de Cleland, petit bourg des environs de Motherwell. Ce reportage, produit par une équipe de jeunes catholiques du diocèse, montre des images prises au cours d’une messe et donne la parole au célébrant, l’abbé Liam O’Connor, ordonné en 2011. Rien d’extraordinaire en soi – mis à part la liturgie filmée bien sûr –, si ce n’est que cette vidéo est devenue en quelques jours la plus visionnée de toutes celles proposées par ces jeunes reporters.

Nous avons contacté l’auteur du film, John Paul Mallon, 25 ans, qui appartient à une paroi sse voisine de Cleland : « Comme jeune catholique, ce qui m’attire c’est la paix et la sérénité qui se dégagent de la messe basse trasitionnelle . Je me sens spirituellement immergé dans les grandes traditions de l’Église. Le fait que le prêtre célèbre ad orientem, qu’il soit tourné vers Dieu avec moi, m’incite à participer plus profondément au mystère eucharistique. »

C’est en juin 2016 que l’abbé O’Connor, curé en charge des 1350 âmes de la paroisse de Cleland, a commencé à offrir cette messe hebdomadaire. « Mon évêque, Mgr Toal [nommé en 2014 par le pape François, ndlr], m’a approché pour me demander si je serais heureux d’offr ir publiquement la forme extraordinaire. Il s’agissait de répondre à la demande d’un groupe stable de fidèles dont le desservant, le chanoine Edward Glackin, avait été rappelé à Dieu en janvier 2016. Depuis 1997, ce prêtre diocésain célébrait la liturgie traditionnelle chaque premier vendredi du mois à Uddingston, à 10 km de Cleland. »

Arrivé à Cleland en 2015, l’abbé O’Connor a volontiers répondu à l’invitation de son évêque : « J’ai découvert la messe traditionnelle vers l’âge de 18 ans et ai toujours eu le désir de la célébrer comme prêtre. Après mon ordination en 2011, j’ai appris les rubriques et ai commencé à la célébrer en privé quand l’occasion le permettait.&nbs p;»

L’assistance moyenne de cette messe, célébrée à 19 heures, est d’une trentaine de fidèles, « ce qui est un bon nombre pour une messe du soir » précise le jeune curé. « En comparaison, l’assistance en semaine à la messe du matin en forme ordinaire est d’une quarantaine de personnes. Surtout, poursuit-il, cette messe attire beaucoup de jeunes, désireux de vivre la messe qui a marqué des siècles d’histoire de l’Église. »

Même si, pour l’heure, il n’est pas envisagé d’offrir la forme extraordinaire les dimanches, l’abbé O’Connor se félicite du soutien de son évêque et est convaincu, « même si le motu proprio n’a pas été particulièrement promu par le clergé écossais , que bon nombre de fidèles ont le désir de pouvoir participer à une telle célébration ».
II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) Les résultats détaillés du sondage Harris Interactive de 2010 pour l’Écosse montraient qu’un catholique sur trois (pratiquant ou non) s’y déclarait prêt à participer au moins une fois par mois à la forme extraordinaire du rite romain. À une époque, comme le confirme l’abbé O’Connor, où ni les évêques ni les prêtres n’étaient alors particulièrement enclin à en assurer la diffusion. Aujourd’hui que le corps épiscopal a été complètement renouvelé et que de jeunes prêtres marqués par l’enseignement de Benoît XVI sont arrivés dans les paroisses du pays, il n’est pas imprudent d’affirmer que cette proportion de catholiques ouverts aux bienfaits du motu proprio Summorum Pontificum est encore plus grande qu’à l’époque.

2) Parmi l'ensemble des pratiquants d'Angleterre, d'Écosse et du Pas de Galles, les données brutes du sondage montraient que les deux tiers d'entre eux assisteraient au moins une fois par mois à la messe traditionnelle si celle-ci était célébrée dans leur paroisse. C'est l'un des résultats partiels les plus forts de toute notre série d'enquêtes internationales, bien plus qu'en France (34 % dans le sondage CSA 2008). La liberté d’esprit des catholiques d'Outre-Manche, longtemps maltraités par la Couronne, est sans doute l’une des explications à ce résultat. La Grande-Bretagne est un vivier important pour le développement de la messe traditionnelle. La Fraternité Saint-Pierre et l'Institut du Christ-Roi ont été chargés ces dernières années de la cure de lieux de culte importants tandis que la Latin Mass Society poursuit un infatigable travail de formation des prêtres et des ministres. C’est d'ailleurs à Londres que le cardinal Sarah, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin, a choisi de lancer, le 5 juillet 2016, son invitation à tous les prêtres qui le désirent, de célébrer la messe « tournés vers le Seigneur » à partir de ce premier dimanche de l’Avent.

3) « Entretemps il est apparu clairement que des personnes jeunes découvraient également cette forme liturgiqu e, se sentaient attirées par elle et y trouvaient une forme de rencontre avec le mystère de la Très Sainte Eucharistie qui leur convenait particulièrement » écrivait le pape Benoît XVI aux évêques du monde entier dans sa lettre du 7 juillet 2007 accompagnant le motu proprio Summorum Pontificum. C’est précisément ce qui se passe actuellement à Cleland et, plus largement, dans toute l’Écosse. Samedi 12 novembre 2016, la messe annuelle de Requiem de la section écossaise d’Una Voce – qui réunissait 30 personnes en 2008 – a ainsi attiré plus de 75 fidèles, dont de nombreux jeunes. C’est aussi l’intérêt porté par la jeunesse écossaise à la liturgie traditionnelle qui explique le succès de la vidéo réalisée par John Paul Mallon.

4) En 2010, outre les 2 messes célébrées par la Fraternité Saint-Pie X à Édimbourg et Glasgow, l’Écosse comptait en tout et pour tout 3 messes dominicales hebdomadaires selon le missel de saint Jean XXIII : une diocésaine à Glasgow (Una Voce) et 2 Ecclesia Dei (Fraternité Saint-Pierre à Édimbourg et Rédemptoristes transalpins dans les îles Orcades). Elle en compte deux de plus aujourd’hui, l’une offerte par les prêtres du Sacré-Cœur (dehoniens) dans le comté d’Ayrshire et l’autre par une paroisse de Glasgow (b). Cette paroisse, intitulée au Cœur Immaculée de Marie, est la première paroisse d’Écosse à offrir la messe traditionnelle non seulement le dimanche mais aussi en semaine, lundis et vendredis exceptés. Et les fidèles répondent présents.
    
5) Le dernier instantané du dynamisme du tout jeune peuple Summorum Pontificum écossais nous est fourni par le choix de l’abbé Ninian Doohan, ordonné le 15 août 2016 pour le diocèse de Dunkeld (Dundee), de célébrer dès le 20 août une première messe selon la forme extraordinaire du rite romain. L’événement est d’autant plus significatif que, de 2002 à 2014, le diocèse de Dunkeld n’a compté aucune ordination ! En Écosse comme ailleurs, la jeunesse de l’Église est extraordinaire...
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(a) Ces résultats sont repris dans notre récente brochure Neuf sondages pour l’Histoire, présentée dans notre lettre 569.
(b) Voir ici la liste des messes en Écosse (hors FSSPX).

[Frère Albert - Dominicains du St Rosaire] Passer invenit sibi domum - le passereau trouve un abri (PS, 83, 4)

SOURCE - Frère Albert - Dominicains du St Rosaire - Novembre 2016
Chers amis, il y a trois ans maintenant, notre communauté a vu le jour ici, dans un petit village du fin fond de la Belgique, nommé Steffeshausen. La veille de la fête de saint Albert, cinq frères venus de l'est (Allemagne), du sud (la Provence) et de l'ouest (l'Amérique) s'y réunissaient pour commencer une nouvelle vie. Pendant trois ans cette petite plante a pu s'affermir et s'enraciner dans la bonne terre d'une communauté de fidèles bienveillants et généreux. Grâce à leurs soins et à ceux prodigués par des amis répartis dans les pays d'où venaient les frères, la plante a survécu à la période délicate des débuts. Elle s'apprête au grand jour de la transplantation, prévue de longue date, en France.

Après bien des recherches et des hésitations, nous avons en effet trouvé notre point de chute dans une propriété du Poitou, au nord de Châtellerault, où nous allons nous implanter, de façon définitive, après Pâques. Vous trouverez ci-joint un tract qui vous montrera la propriété et fera appel à votre générosité : n'hésitez pas à nous en demander d'autres exemplaires pour faire connaître ce projet autour de vous. Comme vous pouvez l'imaginer, bien que modeste, il exigera des ressources importantes, qui nous font actuellement défaut. Tout ce que vous pourrez faire pour nous aider, à commencer par élargir le cercle de nos amis, sera précieux.

On s'étonnera peut-être que, juste au moment où une accélération générale de la décadence dans la société et dans l'Église effraie et inquiète tout le monde, nous osions nous lancer dans une telle aventure... Mais l'histoire nous enseigne que la fondation des civilisations nouvelles se fait sur les ruines de celles qui les ont précédées. Nous n'avons pas à craindre ces nouvelles crises qui menacent le monde, nous savions qu'elles devaient arriver et sans doute iront-elles en crescendo. Mais pendant que ce vieux monde apostat s'écroule avec grand fracas, nous voulons contribuer déjà à en construire un nouveau, un nouveau qui est toujours le même, celui qui, comme dit saint Pie X, « n'est pas à inventer », la civilisation chrétienne fondée sur le règne du Christ-Roi hors duquel il n'y a point de salut, même naturel. Avec votre aide, nous voudrions travailler à la préparation de cet ordre nouveau pour l'avenir.

Ce nouveau couvent sera appelé tout simplement : « couvent Saint- Dominique ». Nous voulons consacrer cette oeuvre, dès le début, à notre bienheureux père, conscients que sans lui nous n'aboutirons à rien, mais confiants aussi qu'avec son secours nous pourrons continuer ce bon combat pour le salut des âmes qu'il a commencé il y a huit cents ans.

Quant à la communauté elle-même, comme vous l'aurez remarqué, le nom que nous avons choisi est : « Les dominicains du Saint-Rosaire». Nous voulons nous mettre ainsi sous le patronage de Notre-Dame-des-Victoires qui a montré, si souvent dans l'histoire de l'Église, sa puissance contre Satan, et tout particulièrement par son saint rosaire.

Courage, chers amis ! Notre Dame a reçu, depuis le début, la mission d'écraser la tête du serpent : si nous recourons à elle, nous n'avons rien à craindre.

Frère Albert +, Supérieur

27 novembre 2016

[Elodie Soulié - Le Parisien] Paris : Sainte-Rita sera-t-elle finalement sauvée ?

SOURCE - Elodie Soulié - Le Parisien - 27 novembre 2016

Non, la messe n’est pas encore dite, et les défenseurs de l’église Sainte-Rita peuvent encore espérer conserver leur paroisse à l’histoire si heurtée. Autrefois familière et célèbre pour son accueil des animaux, ses bénédictions de motards et ses messes au souvenir de Michael Jackson, l’église de la rue François-Bonvin (XVe), dédiée aux « causes perdues », reste depuis plus de 3 ans au cœur d’un bras de fer à la fois juridique, religieux voire politique, aux épisodes parfois physiquement violents. Le dernier en date, l’évacuation manu militari de l’église, promise à la démolition pour laisser place à un programme immobilier, remonte au petit matin du 3 août. Malgré son entrée murée et ses accès barrés d’une palissade de tôle, Sainte-Rita était alors occupée depuis plusieurs semaines, et son culte « repris », par une poignée de catholiques plus proches de l’intégrisme que de son ancien culte gallican et notoirement ouvert à tous. Ce matin-là, l’exécution du jugement d’expulsion s’est fait dans le bruit et la fureur, forces de l’ordre et « fidèles » perdant leurs nerfs, entre coups de matraques, gaz lacrymogènes, religieux traînés au sol et élus malmenés malgré l’écharpe tricolore… le tout sous l’œil des caméras et de nombreux médias, alors que la France venait tout juste d’enterrer le Père Hamel, ce prêtre égorgé par des islamistes, en pleine messe, à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime). « La justice permettait que cela se passe autrement, c’était inacceptable », s’en étrangle encore le député-maire du XVe, Philippe Goujon (LR). Trois élus ont d’ailleurs déposé plainte contre… le Préfet de police de Paris.
          
Passée l’émotion et la colère, le silence est depuis retombé sur Sainte-Rita, toujours barrée de sa palissade de tôle. Prête à la démolition. Peut-être. Ou pas… C’est en tout cas ce dont est convaincu l’élu, partisan de la sauvegarde « de cette église qui n’est pas certes pas la cathédrale Notre-Dame, mais qui fait partie de notre patrimoine, qui est un marqueur du quartier ». Venu faire un point sur le dossier avec les habitants, Philippe Goujon affirme être aujourd’hui « intermédiaire d’une solution de reprise, par un autre culte chrétien en recherche d’un lieu. Le diocèse n’est pas dans ce cas, mais il y a d’autres églises, comme les Chrétiens d’Orient, qui sont intéressés ». Une piste déjà plusieurs fois évoquée depuis 2 ans, mais jusqu’alors restée à l’état de piste… « Je suis en rapport avec le promoteur, qui a accepté de rencontrer les responsables de plusieurs cultes », assure aujourd’hui le maire. Reste un obstacle, et il est de taille : le prix qu’en demandera le promoteur nantais porteur du projet immobilier, s’il acceptait de « lâcher l’affaire ». « Les négociations sont en cours », consent seulement Philippe Goujon, qui se dit ouvertement « assez optimiste ». De quoi regonfler le moral des défenseurs de la sainte patronne des causes perdues, qui fera peut-être mentir l’histoire écrite.

[Abbé Michel Simoulin, fsspx - Le Seignadou] L'isolement des supérieurs

SOURCE - Le Seignadou - décembre 2016
Ceux qui ont lu la « petite vie » de Mgr Lefebvre se souviennent peut-être de ce passage dans lequel il évoque sa promotion à l’épiscopat : Évêque, vous êtes à un plan supérieur, on n’a plus le contact qu’avec les missionnaires, mais plus de contacts directs avec la population.... Et puis, le seul fait d’être évêque met une distance entre les gens.»

Cela est une confidence qu’il nous faisait de temps à autre : la solitude de l’évêque, solitude liée de façon radicale à l’ordre lui-même, à la charge, aux responsabilités… Sachant combien il était sensible aux affections familiales et aux amitiés, et combien cette solitude lui a toujours été pesante, nous nous efforcions de la compenser, tant bien que mal.

D’autant que cette solitude avait pris une gravité nouvelle lors du concile et surtout après le concile : seul évêque contre tous ! Tous les autres membres du Cœtus étaient retournés à leur poste, soumis et silencieux. Certes Mgr de Castro-Mayer partageait son combat mais il était si loin et si discret !

Seul pour « lui résister en face, parce qu’il était répréhensible » (Gal. 2, 11).

Seul pour sauver ce qu’il avait reçu de l’Église et le transmettre à ceux pour qui le mot « fidélité » avait encore une signification vitale.

Seul, mais heureusement accompagné ou suivi par de saints prêtres, de saints religieux, de saintes religieuses et encouragé par de fervents laïcs. Tous mériteraient d’être cités, mais je craindrais d’en oublier. Malgré tout, de 1970 à 1988, il fut le seul évêque pour visiter inlassablement les prêtres et les communautés fidèles, toujours en route pour confirmer les enfants, bénir des chapelles, ordonner des prêtres, etc… seul évêque pour soulever ainsi les cœurs et les âmes des prêtres et des fidèles dans leur résistance à l’esprit nouveau qui avait envahi l’Eglise. Je ne crois pas exagérer en disant que c’est à ce zèle solitaire et persévérant (et condamné !) que tout ce qui existe aujourd’hui de « tradition » dans l’Eglise doit son existence ou sa survie.

Plusieurs l’abandonnèrent en route, pour des positions plus radicales. D’autres sont morts à la tâche. Je n’en citerai que deux, si proches de Monseigneur : le R.P. Barrielle, le 1° mars 1983, et le si cher maître Roger Lovey, le 20 août 1989, veille de l’ordination de son fils Philippe (Mgr avait les larmes aux yeux durant l’homélie de la messe d’obsèques). Deux parmi les « pères fondateurs » de cette résistance demeurent aujourd’hui: le père Marziac, et l’abbé Lecareux, fidèles et résistants aujourd’hui comme en 1970.

L’année la plus grande (1988), l’année de la décision la plus solitaire, la plus murie, la plus priée, l’année de l’acte épiscopal suprême fut aussi celle des abandons en pleine bataille: des compagnons de trente ans, avec lesquels il avait bâti, formé, travaillé, espéré, et qui sont partis, parfois sans crier gare. Et l’archevêque a repris son bâton de route, sans se plaindre, sans jamais revenir sur ces séparations.

Notre fondateur, plus serein mais plus seul que jamais, malgré ses quatre fils évêques, associés dans la même condamnation, et solidaires dans la même résistance, eut l’étrange et amère surprise de voir Rome devenir tout à coup favorable à la tradition et bénir des communautés nouvelles encouragées à faire ce qui lui avait été interdit, offrant ainsi d’autres possibilités d’une liturgie traditionnelle, dans des conditions plus confortables et séduisantes, puisque hors de tout esprit de résistance aux maux de l’Eglise !

Aujourd’hui, la Fraternité continue cette œuvre de résistance et elle n’est pas épargnée par les abandons, comme elle l’a été au cours de toute son histoire. C’est le propre des œuvres d’Église que d’être éprouvées et de devenir ainsi des signes de contradiction. Or, depuis quelques années, autour de nous, nous constatons le travail d’esprits décidés à se liguer (sans d’ailleurs être unis entre eux) sans autre finalité commune que d’être opposés à la Fraternité, sous couvert d’une nouvelle résistance. Comme l’écrivait un de nos anciens confrères « les débuts d’Ecône, ce fut l’histoire des divisions, et c’est ce qui assura l’unité », et cela demeure notre histoire d’aujourd’hui et ce qui assure encore notre unité, quoiqu’en disent ces confrères égarés. Mais quel que soit l’effet loupe qu’assurent internet ou les prises de positions intempestives, le véritable apostolat se fait là où il n’y pas de bruit, dans le silence des prieurés ou des monastères, dans la fidélité de la grande majorité des prêtres et des religieux à leurs supérieurs, loin de l’agitation de quelques-uns.

Tous ces départs et ces abandons essaimés au long de l’histoire ont eu des causes multiples, mais je pense que la plus radicale est un manque de foi dans les grâces reçues par Monseigneur et dans la grâce de la Fraternité. Le P. Libermann nous avait pourtant averti : Il faut savoir que tout ce que Dieu nous donne, il ne nous l’enlève plus. Ses dons sont sans repentir, dit saint Paul. Si nous les perdons, c'est par notre faute, par nos faiblesses, nos imperfections, nos lâchetés et notre peu de correspondance à ces dons divins. Il est trop facile de dire que Mgr Fellay n’a pas correspondu aux dons divins, et qu’il aurait même tellement peu correspondu que la Fraternité elle-même aurait perdu les grâces de sa fondation ! Qui peut dire qu’il aurait fait mieux ? Ne peut-on penser plutôt que tous ceux qui nous ont quittés ont fait confiance à leurs « grâces » propres plus qu’à la grâce divine ? Ils sont tellement sûrs d’eux-mêmes, confiants en eux-mêmes plus qu’en l’Église et en la grâce divine. Je les ai connus naguère, naviguant plus ou moins en électrons libres déjà au séminaire, puis dans nos districts et nos prieurés, et je me demande s’ils ont jamais cru dans la grâce de la Fraternité ! J’oserais même penser qu’ils manquent de confiance en l’Église. Est-elle toujours pour eux – malgré les coquins qui l’habitent – cette « véritable maison de prière… le temple où réside votre gloire, le siège de l’inaltérable vérité,  le sanctuaire de l’éternelle charité » ?

Mgr Fellay, quant à lui, a hérité de cette solitude qui fut celle de notre fondateur. Certes, il est entouré de ses assistants généraux, de ses confrères évêques et de la confiance de ses prêtres, mais cela ne peut faire qu’il ne soit seul à porter la charge et la responsabilité de choisir prudemment les moyens adaptés à la résistance dans des conditions nouvelles.

Nous ne sommes plus en 1976, ni en 1988, 1991 ou 2012. Depuis 2000, bien des choses ont changé. Certaines situations se sont débloquées, et le pape Benoit XVI a fait évoluer la question liturgique, ainsi que notre situation canonique. Mais il est demeuré intransigeant sur la question du Concile et de sa doctrine. Quant au pape François, il semble ne s’intéresser ni à la doctrine, ni à la liturgie. Sa seule préoccupation semble être horizontale : que les hommes s’aiment entre eux et que l’Église soit l’artisan de cet amour universel sans frontières, sans dogmes et sans exclusions. C’est pourquoi, il semble tout à fait capable de faire cesser l’injustice qui frappe la Fraternité depuis 1976 – non pas dans un souci de justice et de vérité mais par simple « œcuménisme » interne à l’Église – et de lever ainsi tous les obstacles qui s’opposent encore à la pénétration dans l’Église du train des objections qui sont les armes de notre résistance.

Faudra-t-il vraiment attendre la « conversion » de Rome, comme le comte de Chambord attendait le drapeau blanc, et la « conversion » de la république, que nous attendons encore ? Que la vérité retrouve droit de cité dans l’Eglise, c’est notre désir le plus profond: œcuménisme, collégialité, liberté religieuse, nouvelle messe demeurent comme au premier jour les erreurs les plus graves auxquelles nous résistons de toute notre âme et dont nous voulons tenter de délivrer la sainte Église. Le pape le sait, et il s’en moque ! Contrairement à ses prédécesseurs, il n’a pas « fait » le Concile, et s’il en a bu les liqueurs amères, il ne s’intéresse guère à leurs sources doctrinales. C’est pourquoi il se moque de nos objections, comme de bien d’autres choses très graves.

Je ne sais ce qu’il en adviendra, mais je ne peux m’empêcher de réentendre Monseigneur. J’entends encore, par exemple, son sermon de la rentrée de septembre 1977, après la crise de l’été : Si, d'aventure nous n'enseignons pas la foi ici : alors quittez-moi ! Si je ne vous enseigne pas la Vérité catholique ici, partez chers séminaristes; ne restez pas ici.[…] Si nous ne donnons pas la foi catholique ici, alors il faut nous quitter. C'est un devoir pour vous. (Ecône, 18 septembre 1977) Je vous avoue que nous n’en menions pas large ! Mgr était au bord des larmes, et certains souriaient… et sont partis !

J’entends aussi la conférence spirituelle de Monseigneur du 16 janvier 1979 : Je voudrais préciser un peu le pourquoi de ces démarches que je fais. Je crains qu’il y en ait parmi vous qui ne les comprennent pas bien, peut-être même pas du tout. Je le regrette, parce que, je le dis franchement, je crois que c’est une tendance au schisme. Ceux qui croient qu’on peut ne plus avoir de contact du tout, ni avec Rome, ni avec les évêques, ni avec ce qui se fait dans l’Eglise, ont une tendance schismatique ! [...].C’est une position schismatique ! Vers quelle Église vont-ils ? [...]Ce n’est pas parce qu’il y a des malades autour de nous dans l’Église, ce n’est pas parce qu’une autorité est malade, qu’on doit dire : « Cette autorité n’existe pas ». Quand bien même elle est malade, il faut essayer justement de lui montrer où est le remède et tâcher de lui faire du bien ! Cela a été l’attitude de ceux qui dans l’Église, au cours de l’Histoire, ont résisté à Rome, ont résisté aux papes, résisté à des évêques, ont résisté aux hérésies qui ont couru dans l’Eglise. C’est trop facile, trop simple !... On lâche, on quitte le combat ! On s’en va, et on laisse les autres combattre tous seuls. C’est de la lâcheté, purement et simplement !

Et certains sont partis, mais pas tous. Certains ont attendu 10 ans, 20 ans,  30 ans, 35 ans… mais ce sont les mêmes, ils n’ont pas changé ! Monseigneur Lefebvre, dont ils prétendent sauver l’esprit les avait fort bien décrit. Et Mgr Fellay est, comme l’avait été Mgr Lefebvre, la cible de toutes leurs critiques et de leurs accusations.

Encore une fois, je ne sais ce qu’il en adviendra mais je ne peux que prier pour ces pauvres confrères aveuglés par l’esprit-propre et surtout, prier pour Mgr Fellay afin qu’il persévère dans sa fidèlité à l’esprit de Mgr Lefebvre, comme il l’a toujours fait, sans oublier de prier pour tous ceux qui lui font confiance. Ils ont raison, car c’est faire confiance à la grâce reçue par la Fraternité, et c’est faire confiance à Notre-Dame mère de l’Église, et à l’Église qui se sauvera elle-même et nous sauvera tous, si nous lui demeurons fidèles.

[La Simandre] Un pasteur pour les Chaldéens traditionalistes du Val d'Oise (95) - L'histoire de l'Eglise chaldéenne


SOURCE - La Simandre - novembre 2016

Le 2 juillet dernier, une cérémonie d’ordination se déroulait à Saint-Nicolas du Chardonnet, celle de monsieur l’Abbé Daniel Sabur, par les soins de Mgr de Galarreta. Petite particularité : d’origine chaldéenne, le nouvel ordonné peut célébrer aussi bien dans le rite latin que chaldéen. Et le 14 juillet, il nous fit l’honneur de venir chanter une première messe au Bois (en rite latin). L’après-midi, il nous parla de sa communauté, de son rite et du ministère qu’il allait remplir. Puisqu’il nous l’a permis, nous allons donc relater en quelques lignes l’histoire de cette communauté chaldéenne installée en France, avant de présenter un peu ce rite si ancien dont les fidèles commencent aussi, malheureusement, à être touchés par les déviances modernistes.

Il existe donc en région parisienne un groupe de chrétiens venus du sud de la Turquie, dans les années 1970-1980, avec leurs prêtres, pour fuir les persécutions. Les Chaldéens sont aujourd’hui 15 000 en France, dont 5 000 plus ou moins pratiquants, répartis à Paris, Lyon, Marseille et Pau. Certains sont « pratiquants », mais non « croyants » ; il s’agit alors d’une simple nécessité sociale, ou d’une tradition familiale, culturelle. Comme chez beaucoup de catholiques latins, on remarque une dichotomie entre la pratique religieuse et la vie vraiment chrétienne au quotidien. Les familles comptent en moyenne six enfants, pour l’instant, grâce à l’influence de la génération précédente. Mais le libéralisme et le matérialisme commencent à les gagner, elles aussi. Les anciens songeaient à retourner dans leur pays dès que possible, mais la nouvelle génération en montre moins de désir, à la perspective des privations qui s’ensuivraient.

Une centaine de ces Chaldéens, situés dans le Val d’Oise, s’accrochent à la Tradition et ont demandé à monsieur l’Abbé Bouchacourt la liturgie traditionnelle dans leur rite. L’Abbé Sabur, né en France d’une famille de onze enfants et ayant fait son séminaire à Ecône, a donc été désigné pour la célébrer tous les dimanches dans la chapelle de la Fraternité St-Pie X à Pontoise.

Etant enfant, il servait la messe chaldéenne, et sa bonne mémoire lui permit de retenir les gestes du prêtre. Cependant, il s’appuie principalement sur les commentaires et écrits qui ont été faits sur la liturgie traditionnelle chaldéenne, mais aussi sur les vidéos qui montrent de façon précise les gestes du prêtre. Par ailleurs, il a pu se procurer un rituel pour les sacrements. Pour l’instant, il prêche en chaldéen courant(ou soureth). Sa difficulté reste le chant, car il n’y a pas de livres pour cela, tout se transmettait par oral. Heureusement, il y a quelques années, un fidèle avait eu la bonne idée de faire des enregistrements.

Le clergé chaldéen, quant à lui, est très moderniste, à l’exemple du patriarche de Bagdad, avec une mentalité assez fonctionnaire, tenant à sa place et rebutant même d’éventuelles vocations. A Paris, ils sont cinq prêtres, dont deux d’environ 60-70 ans, et un ordonné en 2015. Ils n’ont pas hésité à mener une campagne contre l’Abbé Sabur, le traitant de schismatique, et faisant pression sur les fidèles pour qu’ils n’assistent pas à son ordination et ne le suivent pas. 2 000 Chaldéens, au moins, étaient attendus à Saint-Nicolas le 2 juillet dernier ; finalement « seule » la nef fut remplie. La télévision assyrienne (les « nestoriens », qui se sont donné la dénomination d’ « Église assyrienne » depuis la 1ère guerre mondiale) aurait voulu être présente, mais le nouveau prêtre a refusé afin d’éviter toute confusion ; en effet, lui comme eux s’opposent à la Rome actuelle, mais pas pour les mêmes raisons, et il s’agit de ne pas faire de rapprochement entre ces deux groupes qui divergent totalement dans le fond : l’un se trouve dans la seule véritable Eglise, l’autre en est séparé par le schisme et l’hérésie, comme expliqué ci-dessous.

Voyons donc brièvement l’histoire de cette chrétienté si vénérable par son antiquité et le développement brillant qu’elle a connu.

Dès son origine, et probablement avec saint Thomas et son disciple Addaï, le christianisme pénétra en Chaldée par la Mésopotamie, mais ne s’adressa guère, au début, qu’aux nombreuses colonies juives établies dans la région. L’évangélisation complète de la Chaldée ne commença vraiment qu’au IIIe siècle, peut-être avec les saints Aggaï et Mari. Les liens avec Antioche et l’Église universelle furent rompus en 424 et l’Eglise chaldéenne de Perse devint indépendante au point de vue administration ecclésiastique. La civilisation chrétienne y était d’ailleurs riche ; les Pères apostoliques, les Pères grecs, les philosophes comme Aristote et Platon furent traduits en langue syriaque. Un séminaire-université fut fondé à Nisibe, ville dont Saint Ephrem, la « cithare du Saint-Esprit », fut la gloire.

Malheureusement, beaucoup de jeunes chrétiens fréquentaient l’école de théologie d’Edesse où les erreurs de Nestorius étaient publiquement enseignées. C’est ainsi que le « nestorianisme » comme on l’appela, pénétra en Perse et y devint la doctrine officielle. Vers 498, la rupture fut complète avec l’Eglise catholique. Malgré les persécutions qu’elle eut à subir des Perses, l’Eglise chaldéenne séparée de Rome se développa vigoureusement, et au XIIIe siècle elle avait près de 50 millions de fidèles répartis en 230 diocèses, s’étendant jusqu’en Mongolie, en Chine et au sud de l’Inde. Mais, au siècle suivant, l’invasion de Tamerlan, musulman zélé et grand persécuteur, la ruina presque totalement.

Au XIIIe siècle déjà, plusieurs patriarches de Bagdad avaient rallié l’Eglise catholique, grâce aux missions des Dominicains. En 1553, devant les dérives d’un patriarche, un groupe de nestoriens fit appel à Rome et une Eglise chaldéenne catholique fut constituée, avec son propre patriarche portant le titre de « patriarche de Babylone » et résidant à Bagdad, puis à Mossoul. Actuellement, il se trouve de nouveau à Bagdad. Les deux derniers siècles ont vu de nombreux retours à Rome, mais le Concile Vatican II a stoppé ce mouvement, et, par ailleurs, beaucoup de Chaldéens, catholiques ou non, ont péri dans les persécutions turques de 1914-1918.

Aujourd’hui, pour résumer la situation, il existe deux Eglises assyriennes (ou « nestoriennes ») : l’une (« Église apostolique assyrienne de l’Orient ») dont le patriarche, exilé aux Etats-Unis depuis 1933, vient avec courage d’opérer son retour en Irak, et l’autre demeuré en Irak (« Ancienne Église de l’Orient ») ; et il y a l’ «Église catholique chaldéenne » dont les fidèles sont fixés surtout en Irak, près de Mossoul. Tous ces chrétiens forment l’ensemble des Assyro-Chaldéens et ont pour langue liturgique l’araméen-syriaque, langue la plus proche de l’araméen parlé par Notre-Seigneur. On trouve également en Inde des chrétiens de rite chaldéen, appelés Malabares, les uns catholiques, les autres monophysites et rattachés à Antioche. Ce rite y parvint vraisemblablement à la faveur de l’émigration des chrétiens fuyant les persécutions des Perses, au IVe siècle.

Trois liturgies sont utilisées dans le rite chaldéen, celle des apôtres, la plus grande partie de l’année, celle de Théodore et celle dite de Nestorius. Le prêtre chante tout, même les paroles de la consécration. Si celles-ci ne sont pas écrites dans le missel, c’est à cause de la loi de l’arcane (= fait de garder plus ou moins secrets certains éléments de la foi ou du culte, en temps de persécution), qui a pu se conserver. Mais les Assyriens, eux, utilisent l’anaphore d’Addaï et Mari sans les paroles de la consécration, ce qui la rend invalide. On remarque une attitude propre à cette liturgie : à l’anaphore, notamment, le prêtre s’incline profondément en étendant les mains, suppliant et humble. Par ailleurs, les icônes ne sont pas nécessaires à la liturgie, contrairement à d’autres rites d’Orient, et servent plutôt à orner le sanctuaire.

Si la liturgie chaldéenne, dans son ensemble, n’a pas subi de bouleversements après le dernier concile, on note cependant quelques changements qui ne vont guère dans le bon sens. Ainsi, en 1971, on a raccourci des prières de la messe pour supprimer des temps de silence et, surtout, on a supprimé toutes les génuflexions, ne laissant que celles autour de la Consécration. Depuis 2015, les prêtres célèbrent face au peuple et la liturgie nouvelle laisse le prêtre nommer à son gré Marie, Mère de Dieu ou Mère du Christ afin de se rapprocher des Assyriens (Nestorius niait l’unicité de personne en Notre-Seigneur, et donc la maternité divine de Notre-Dame). Et le patriarche annonce de nouveaux changements pour 2020… Ce digne prélat a d’ailleurs des propos étonnants : selon lui, la transsubstantiation a lieu non au moment des paroles de la consécration, mais quand le prêtre récite l’épiclèse (invocation au Saint-Esprit), erreur dénoncée par les papes Pie VII et saint Pie X, et qui est justement commune à tous les Orientaux dissidents ! Il déclare aussi que le rôle de l’Eglise est de former des imams… et, lors d’une conférence en France, il a réclamé de l’argent, qui sert aussi bien aux catholiques qu’aux musulmans.

Bref, la situation de cette Eglise chaldéenne n’est pas plus brillante que celle de l’Eglise romaine. Et nous ne pouvons que nous réjouir et rendre grâce à Dieu que quelques-uns de ses membres aient gardé toute la Tradition, tant liturgique que doctrinale, et qu’ils aient désormais un pasteur.

Avec les communautés de Lettonie et d’Ukraine, qui emploient toutes deux la liturgie byzantine, ce sont les seuls catholiques orientaux qui conservent la pureté de la foi. Prions donc pour leur persévérance et leur développement, en n’oubliant pas ce que disait Léon XIII, à la suite de bien des papes : « Il importe de conserver des rites orientaux, dont la glorieuse antiquité, qui les rend si respectables, jette sur l’Eglise entière un lustre remarquable et atteste la divine unité de la foi catholique. »

26 novembre 2016

[Mgr Williamson - Initiative St Marcel] Cinq “Dubia”.

SOURCE - Mgr Williamson - Initiative St Marcel - 26 novembre 2016

Quatre nobles prélats forcent un Pape à dire
Sa pensée plus profonde – et c’est du pur délire !
  
Le règne de François depuis 2013 comme Pape catholique a été parsemé de scandales, mais celui d’il y a dix jours a été sans précédent : sommé par quatre Cardinaux honorables à clarifier ce qui paraissait être son reniement de la base même de la morale catholique, il vient de donner en public des réponses qui émancipent virtuellement l’homme de la loi morale de Dieu. Une telle affirmation papale de la religion Conciliaire de l’homme contre la religion catholique de Dieu fait qu’un schisme dans l’Église Universelle devient bien plus proche, car depuis cinquante ans de l’après-Concile les papes Conciliaires ont réussi l’exploit de rester à la tête de deux religions opposées, mais cette contradiction ne pouvait pas durer indéfiniment, et elle devra éclater bientôt dans le schisme.
  
En 2014 et 2015 François a tenu deux Synodes à Rome pour consulter des évêques du monde entier sur des questions concernant la famille humaine. Le 19 mars de cette année il a publié son Exhortation Apostolique post-synodale sur “L’Amour dans la Famille”, dont le huitième des neuf chapitres a suscité la controverse depuis le début. Le 15 septembre quatre Cardinaux en particulier ont envoyé au Pape une lettre privée, et parfaitement respectueuse, où ils lui ont demandé en tant que Suprême Pontife de clarifier cinq “dubia”, ou points de doctrine qui sont restés obscurs dans l’Exhortation. Voici leur essence :—
  
1 Exhortation #305 : Une personne mariée qui vit comme mari et femme avec quelqu’un(e) qui n’est pas son époux/épouse légitime, peut-elle désormais recevoir l’Absolution et Communion sacramentelle tout en continuant de vivre dans un état de faux mariage ?
  
2 #304 : faut-il encore croire qu’il y a des normes absolues de morale qui prohibent les actes intrinsèquement mauvais, et qui obligent sans exception ?
  
3 #301 : peut-on dire encore qu’une personne qui vit en violation d’un des commandements de Dieu, par exemple dans l’adultère, se trouve dans un état habituel de péché grave ?
  
4 #302 : peut-on dire encore que les circonstances ou intentions qui entourent un acte intrinsèquement mauvais de par son objet ne peuvent jamais le rendre subjectivement bon ou acceptable comme choix?
  
5 #303 : faut-il encore exclure tout rôle créateur de la conscience en sorte que celle-ci ne peut jamais autoriser des exceptions aux normes morales absolues qui prohibent des actes intrinsèquement mauvais de par leur objet ?
  
A ces cinq questions rédigées délibérément de façon à n’admettre comme réponse que oui ou non, la réponse de l’Église catholique depuis Notre Seigneur lui-même a toujours été claire et n’a jamais varié : la Communion ne peut se donner à des adultères : il y a des normes morales absolues ; l’état de péché grave est chose qui existe ; les bonnes intentions ne peuvent rendre bons des actes mauvais ; la conscience ne peut légitimer des actes pervers. Autrement dit, à ces cinq questions en noir ou blanc, par oui ou par non, la réponse de l’Église a toujours été : 1 Non, 2 Oui, 3 Oui, 4 Oui, 5 Oui.
  
Le 16 novembre, donc il y a juste dix jours, les quatre Cardinaux ont rendu publique leur lettre (cf. Mt. XVIII, 15–17). Le 18 novembre, dans un entretien avec le journal italien Avvenire, le Pape François a donné les réponses exactement contraires : 1 Oui, 2 Non, 3 Non, 4 Non, 5 Non. (Il est vrai qu’à chaque fois il a ajouté, “De telles choses ne se règlent pas en noir ou blanc, nous sommes appelés à discerner,” mais par là il ne cherchait qu’à confondre les questions immobiles de principe avec les questions mobiles d’ application des principes.)
  
Tout honneur aux quatre Cardinaux qui ont obtenu lumière et clarté pour beaucou p de brebis dans la confusion qui veulent pourtant arriver au Ciel : Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner. Immergés dans le Novus Ordo, ils n’ont évidemment pas perdu tout courage ni tout sens de leur devoir. Et il est exclu qu’ils aient agi pour des motifs autres que les meilleurs en pressurant le Pape à clarifier sa pensée. Donc cette clarté où laisse-t-elle l’Église ? Pas ailleurs qu’au bord du schisme.
  
Kyrie eleison.

[Candidus - Le Forum Catholique] Pourquoi François veut-il régulariser la FSSPX ?

SOURCECandidus - Le Forum Catholique - 26 novembre 2016

Pourquoi François veut-il régulariser la FSSPX? C'est la question que pose Michael Matt, directeur de l'excellent journal traditionaliste américain, The Remnant, dans cette vidéo en anglais.

Ma réponse est :

Parce que François est un vrai libéral ; il en existe peu mais c'est l'un d'entre eux. Il veut démontrer au monde entier que la miséricorde n'a pas de frontière et doit atteindre les périphéries les plus reculées (à ses yeux, les FFI n'étaient pas dans ces périphéries).

Et aussi parce qu'il ne s'intéresse pas à la doctrine qu'il assimile avec un certain mépris à de la "théorie" ; pour lui, être fidèle à un concile, à n'importe quel concile, y compris Vatican II qu'il cite peu, n'est pas important. L'important pour lui, ce n'est pas la spéculation, c'est la vie.

François incarne la nocivité mais aussi la faiblesse du libéralisme. Que la FSSPX l'utilise à son avantage ! Et ensuite que se passera-t-il ?

François a 80 ans et un seul poumon, le prochain conclave ne peut pas être si éloigné. Si par réaction nous avons demain un cardinal conservateur de la trempe des Cardinaux Burke ou Sarah élu pape, vous imaginez l'opposition libérale qu'il va devoir affronter? Il lui sera extrêmement difficile de régulariser la FSSPX. Et ce serait pour ce pape une grand secours que de pouvoir compter sur une organisation internationale bien structurée, forte de plusieurs centaines de prêtres et d'évêques aguerris au combat doctrinal ; organisation reconnue, légitimée, par l'idole des libéraux ! "Seulement Nixon pouvait aller à Pékin?", seulement François peut régulariser la FSSPX.

Admettons un instant qu'une telle régularisation soit un piège de celui qui se décrit comme un "furbo" ; admettons que Rome ne recherche que la neutralisation de la FSSPX : la Fraternité n'aura qu'un mot à dire, un mot qu'elle connaît et manie parfaitement, un mot qui constitue une partie essentielle de ses gènes, de son identité, de son vocabulaire ; un mot quelle peut prononcer à n'importe quel moment : NON.

"Non, nous n'acceptons pas cela ; non, nous n'obéirons pas à ce que vous nous demandez."

Que répondrait Rome? "Nous allons vous condamner, vous censurer, vous excommunier"? N'entendez-vous pas l'éclat de rire général? Ce serait ridicule, et les Romains sont comme tout le monde, ils n'aiment pas le ridicule.

[DICI] Le Puy-en-Velay : Une chapelle à rendre au culte

SOURCE - DICI - 26 novembre 2016

Aujourd’hui en France, 400 églises sont menacées de disparition. Détruites, vendues, transformées en salles des fêtes, en restaurants, en cinémas, en mosquées, en centres d’affaires, ou tout simplement laissées à l’abandon, les exemples ne manquent pas. Hélas !

Rendons ces églises au culte, quand c’est possible !

Or c’est possible au Puy-en-Velay (Haute-Loire) où le Prieuré Saint-François-Régis a le projet d’acheter une chapelle désaffectée, qui fut l’ancienne chapelle du couvent de la Visitation, édifiée en 1655.

Cette chapelle servit de tribunal pendant la Révolution. C’est là que furent emprisonnés et condamnés à mort de nombreux prêtres réfractaires, ainsi que des catholiques fidèles. Le chef de la chouannerie du Velay y fut emprisonné et assassiné.

Cette chapelle, témoin du sang des martyrs pour la Foi catholique, attend nos dons pour être rendue au culte.

Située en ce haut lieu marial – où lorsque le jour de l’Annonciation coïncide avec la Passion, le Jubilé du Puy célèbre solennellement l’Incarnation rédemptrice –, cette chapelle honorera tout particulièrement la Très Sainte Vierge Marie.

N’hésitons pas à participer à cette acquisition pour permettre la transmission de la foi, par la Sainte Messe, les sacrements et l’enseignement catholique.

Le coût de la chapelle est de 150.000€. Les dons sont à adresser à l’ordre du Prieuré Saint-François-Régis 31 rue Holtzer 42240 Unieux, ou bien en ligne sur le site de la chapelle : chapelledupuyfsspx.com (Reçu fiscal sur simple demande)

(Source : chapelledupuyfsspx.com – DICI du 23/11/16)

25 novembre 2016

[Jeanne Smits (blog)] L’éloge du pape François à la théologie morale de Bernard Häring, l’homme de l’opposition à Humanae vitae

SOURCE - Jeanne Smits (blog) - 25 novembre 2016

Le pape François a fait l’éloge appuyé du théologien moral allemand Bernard Häring, connu pour son opposition bruyante contre Humanae vitae : Häring a rejoint dès le lendemain de sa parution le groupe de théologiens américains en signant avec eux une déclaration assurant que les catholiques pouvaient de manière responsable décider d’avoir recours à la contraception si celle-ci devait servir au bien de leur mariage. Häring devait vite devenir le symbole de la « dissidence » à l’égard de l'encyclique de Paul VI – largement inspirée, il faut le rappeler, par le cardinal Wojtyla, le futur saint pape Jean-Paul II.

Ces propos élogieux, François les a tenus devant la 36e congrégation générale de l’ordre des jésuites, le 24 octobre dernier, et ils ont été publiés jeudi par La Civiltá Cattolica, revue jésuite, rapporte LifeSiteNews.

Le pape François a déclaré : « Je pense que Bernard Häring a commencé à chercher une nouvelle manière d’aider la théologie morale à refleurir. » En relativisant la morale et en contestant directement et ouvertement, au grand scandale des fidèles désireux de respecter les préceptes vivifiants de l’Eglise, Häring a répandu l'idée que la loi morale ne vaut pas pour tous et qu’il est possible de s’arranger avec elle. Cela est en réalité vieux comme le péché, et entraîne les âmes à présumer de la miséricorde.

C’est en réponse à une question sur le discernement, mot clef, selon lui, de ce qu'il souhaite diffuser à travers Amoris laetitia où il apparaît une trentaine de fois, que le pape François a déclaré :

« Le discernement est l’élément clé : la capacité du discernement. Je note l’absence du discernement dans la formation des prêtres. Nous courons le risque de nous habituer au “blanc ou noir“, à ce qui est légal. Nous sommes assez fermés, en général, au discernement. Une chose est claire : aujourd’hui, dans un certain nombre de séminaires, une rigidité a été introduite qui est très éloignée du discernement des situations. Et cela est dangereux, car cela peut conduire vers une conception de la moralité qui a un sens casuistique. »

Cette casuistique — qui est tout de même une spécialité des jésuites — est le fruit de ce qu’il appelle « un scolasticisme décadent », celui qui était prévalent selon lui au moment où sa génération faisait des études.

« Toute la sphère morale était restreinte à “vous pouvez”, “vous ne pouvez pas”, “jusqu’ici oui mais pas là” ». « C’était une moralité très étrangère au “ discernement” », a-t-il ajouté, affirmant dans ce contexte que Bernard Häring a « été le premier à commencer à chercher une nouvelle manière d’aider la théologie morale à refleurir ».

Si ce principe devait s’imposer en théologie morale, pas de doute : on pourrait tuer, voler, commettre l’adultère pour « sauver son mariage », en toute bonne conscience et responsabilité. On dira que cela n’a rien à voir. Mais si : la question est de savoir si la contraception est un acte moralement mauvais en soi, comme le dit Humanae vitae. La prétendre acceptable selon les circonstances, c’est la dire moralement bonne ou à tout le moins indifférente…

Roberto de Mattei a expliqué lors d’une conférence l’an dernier au Rome Life Forum que Häring s’est imposé comme l’architecte de Gaudium et Spes, le document de Vatican II sur le mariage, qui a pour particularité d’omettre la présentation de l’ordre traditionnel des fins du mariage et qui n’aborde pas la question de la contraception, conformément à ce qu’avait désiré la Commission sur le monde moderne dont le théologien avait été nommé secrétaire.

A la parution d’Humanae Vitae, qui rectifiait le tir, Häring s’est engagé dans une dissidence ouverte qui l’a conduit à être soumis à une enquête par la Congrégation pour la doctrine de la foi ; il a également servi de mentor au prêtre catholique américain Charles Curran qui a été privé de son titre de théologien catholique et interdit d’enseigner dans n’importe quel établissement catholique par Jean-Paul II en raison de sa condamnation agressive des positions de l’Eglise sur l’avortement, la contraception et l’homosexualité.

Ce prêtre, faisant le portrait de son maître dans le journal catholique de gauche américain National Catholic Reporter en 2012, raconte qu’il avait pu obtenir un entretien avec le Cardinal Ratzinger en 1986 sans rien obtenir toutefois. « Le lendemain, quatrième dimanche de carême, nous étions six à rejoindre la maison religieuse de Häring pour célébrer une liturgie qu'il présidait. L'Evangile était celui de la parabole du fils prodigue. Häring, au cours de son homélie, regarda vers moi et dit que l’Eglise était le fils prodigue qui avait pris tout mon trésor et mon travail au service de la théologie morale pour les donner aux cochons. Mais le Saint Esprit m’appelait moi et les autres présents à endosser le rôle du père et à pardonner à l’Eglise. »

On a là un bel exemple de l’inversion des valeurs. Inversion que l’on devine aussi dans cette condamnation d’une morale claire comme relevant de la casuistique, alors que la casuistique est précisément la morale de situation, celle qui veut bien affirmer des principes mais qui les mine de l’intérieur en les rendant quasiment inopérants au vu des situations concrètes.

Le choix du Pape François d’invoquer ce théologien-là pour parler du discernement est très parlant. Le discernement consiste à rechercher la volonté de Dieu et à se reconnaître pécheur lorsqu’on ne s’y conforme pas, ce qui est tout de même le lot du commun des mortels.

[Abbé Alain Lorans, fsspx - DICI] Ces doutes qu’on redoute à Rome

SOURCE - DICI - 25 novembre 2016

En septembre, quatre cardinaux soumettaient respectueusement au pape les doutes que soulève l’exhortation Amoris lætitia, sur la question des divorcés « remariés ». Depuis deux mois, ils ne reçoivent en réponse à ces doutes cardinalices qu’un silence papal. Ont-ils raison ? Ont-ils tort ? Le souverain pontife ne répond ni oui, ni non.
         
A l’occasion du dernier consistoire, la réunion qui permet aux cardinaux de se retrouver la veille, autour du pape, a été annulée sans explication, mais peut-être pas sans raison… On dit que François préférait éviter un débat entre prélats, car il redoute ces doutes.
          
Qu’en est-il de la parrhèsia, cette liberté de parole, cette franchise sans flatterie à laquelle le Saint-Père avait invité les participants au synode sur la famille ? Faut-il en conclure qu’ils étaient libres de parler de tout, mais pas d’exprimer le moindre doute ?
           
Au fond, comme le dit un bon analyste de la crise présente, on voit deux conceptions de l’Eglise s’affronter : « D’un côté il y a ceux qui considèrent qu’il est du devoir pastoral de l’Eglise d’enseigner la doctrine révélée, telle qu’elle est ; de l’autre, ceux qui préconisent comme unique attitude pastorale acceptable, l’accompagnement, le discernement et l’intégration ». Mais l’intégration pastorale des divorcés « remariés » peut-elle se faire au risque d’une désintégration de la doctrine et de la morale ? Est-il interdit de douter de la légitimité doctrinale d’une telle pastorale ?
           
Un doute ne se redoute pas, il se résout.
             
Abbé Alain Lorans

24 novembre 2016

[Abbé Francesco Ricossa, imbc - Rivarol] « Si Luther revenait sur terre, il trouverait que Bergoglio est trop progressiste ! »

SOURCE - Abbé Francesco Ricossa, imbc - Rivarol - 24 novembre 2016

RIVAROL : Quelles réflexions vous inspirent le tout récent voyage en Suède de Bergoglio, voyage qui avait officiellement pour but de lancer une année de célébration des cinq cents ans de la Réforme de Martin Luther, les déclarations de François sur Luther et avec les luthériens, sa participation à une réunion dans une cathédrale luthérienne avec une femme, “évêque” et chef de l'Eglise luthérienne de Suède. Voyage au cours duquel Bergoglio n'avait même pas prévu de dire la “messe' (ou plus précisément la synaxe de Paul VI) et c'est la communauté “catholique” locale mécontente qui lui a forcé la main, ce qui est inouï ?
Abbé Francesco RICOSSA : Tout d’abord, cette visite en Suède est la suite immédiate du pèlerinage de luthériens à Rome. Bergoglio les a reçus au Vatican le 13 octobre, en ayant à ses côtés une statue de Martin Luther, et il s’était auparavant déjà rendu au temple luthérien de Rome. La visite en Suède n’est que le début des initiatives œcuméniques pour l’anniversaire des cinq cents ans de la Réforme, et au fond, même si Bergoglio le fait d’une façon plus ouverte, il a quand même repris la ligne de ses prédécesseurs. En effet déjà Jean-Paul II et Benoît XVI avaient fait de grands éloges de Martin Luther. Ce n’est que la confirmation de ce que l’on disait dans les années 1970 : « la nouvelle messe est la messe de Luther ». On criait au scandale lorsque les traditionalistes disaient cela, mais au fond c’est une évidence. 
         
D’ailleurs la miséricorde telle que Bergoglio l’entend est tout à fait luthérienne. Il parle d’un homme qui ne peut que pécher, qui doit presque se complaire dans le péché, et qui est sauvé par la miséricorde du Christ, même s’il ne se détache pas du péché. Il en parle sans cesse et singulièrement tout au long de l’année dite de la miséricorde qui s’est achevée dimanche dernier. Le péché est dans l’homme ; il ne peut pas s’éliminer, et il est couvert par le manteau de la Passion du Christ. Dans son discours aux missionnaires de la miséricorde, Bergoglio disait que même si un pénitent n’avouait pas son péché, ou ne voulait pas en sortir, la miséricorde du Seigneur lui pardonne. C’est une idée luthérienne. Dans le document « Du conflit à la communion », qui date de juin 2013, il est écrit (n. 154) que même théologiquement il y a un accord avec les protestants non seulement sur la justification mais aussi sur la présence réelle, la transsubstantiation étant considérée comme non essentielle. En tout cas, je pense même que si Luther revenait sur terre, il trouverait que Bergoglio va trop loin dans le progressisme !
R. : Justement ce que vous dites va dans le sens de cette visite ahurissante faite par Bergoglio le 11 novembre à des prêtres défroqués et leur famille, dont quatre anciens “curés” du diocèse de Rome. A aucun moment il ne leur a rappelé les obligations qui étaient les leurs dès lors qu'ils avaient embrassé le sacerdoce. Voici ce qui dit le Vatican dans un communiqué officiel : « Le Saint-Père a voulu offrir un signe de proximité et d’affection à ces jeunes qui ont fait un choix pas toujours accepté par leurs frères prêtres et leur famille », « Après plusieurs années consacrées au ministère sacerdotal en paroisse, il est apparu que la solitude, l’incompréhension, la fatigue causée par les lourdes responsabilités pastorales les ont fait douter de leur choix initial de la prêtrise », continue la Salle de presse du “Saint-Siège”. « Des mois et des années d’incertitude et de doute les ont souvent conduits à croire qu’ils avaient fait, avec le sacerdoce, le mauvais choix. (sic !) D’où leur décision de quitter la prêtrise et de fonder une famille. » 
Les dépêches d’agence précisent que quatre des jeunes pères de famille rencontrés par Bergoglio étaient d’anciens “curés” du diocèse de Rome, les autres venant de Madrid (Espagne), d’Amérique latine et de Sicile. Selon le Vatican, l’arrivée de Bergoglio dans l’appartement « a été marquée par un grand enthousiasme », les enfants se rassemblant autour de François pour l’embrasser tandis que les parents « ne retenaient pas leur émotion ». « La visite du Saint-Père a été très appréciée par toutes les personnes présentes qui n’ont pas ressenti le jugement du pape sur leur choix, mais sa proximité et l’affection de sa présence », précise le Vatican selon qui François a écouté les anciens prêtres et s’est tenu au courant des procédures canoniques en cours. « Sa parole paternelle a rassuré tout le monde sur son amitié et la certitude de son intérêt personnel », conclut le Vatican selon qui François a une nouvelle fois « voulu donner un signe de la miséricorde à ceux qui vivent une situation de détresse spirituelle et matérielle, et que personne ne doit se sentir éloigné de l’amour et de la solidarité des pasteurs ». Que penser d'un tel comportement ?
Abbé F. R. : C’est le point d’arrivée, pour le moment, de quelque chose qui est bien vieux. Paul VI, après Vatican II, a changé la discipline de l’Eglise qui était de ne jamais concéder de dispense pour qu’un prêtre puisse contracter mariage, même à l’article de la mort alors que tous les autres empêchements pouvaient être dispensés. A la suite de ce changement, il y a eu un grand nombre de défections sacerdotales, tristes et scandaleuses.

Bergoglio, par les gestes plus que par la doctrine, manifeste ce qu’il désire. Il a reçu des couples qui vivent ensemble sans être mariés, en tant que tels, il a reçu des “couples” d’homosexuels, de transsexuels comme on dit aujourd’hui, il a téléphoné à la “femme” d’un ancien “évêque” défroqué… Tous ces gestes vont dans le même sens. On pourrait penser à une œuvre de miséricorde vis-à-vis de pécheurs qui ont besoin de sortir de leur péché, ce qui serait évangélique, mais malheureusement dans le contexte de laxisme général, et sans que, à aucun moment, Bergoglio ne demande au pécheur de sortir de son péché, cette attitude est scandaleuse, il y a dans ces gestes comme un encouragement au péché.
R. : Vous évoquez la venue à Rome de couples homosexuels. Il a même rencontré des représentants du lobby LGBT, donc il manifeste une complaisance pour l’homosexualité notoire, revendiquée. Serait-ce une étape vers l’“ordination” d’hommes ouvertement homosexuels, comme c’est le cas dans l’église anglicane, ou l’église luthérienne de Suède ?
Abbé F. R. : Il y a un document, même post-conciliaire, qui interdit d’accepter dans les séminaires ceux qui ont cette tendance. C’est très sage et nécessaire, mais cela ne suffit pas. Car en pratique cette norme est couramment transgressée et l’ancien maître général des dominicains a même pris position publiquement en faveur de l’“ordination” sacerdotale de ces personnes. Quant à la politique de Bergoglio, il a appuyé de toute sa sympathie des dirigeants de partis ouvertement favorables à l’avortement, au divorce, et même à la propagande en faveur de l’homosexualité, tels que Marco Pannella et Emma Bonino. Il les a traités comme ses meilleurs amis, ainsi que le fondateur du journal La Repubblica, Eugenio Scalfari, journaliste de gauche et athée. Si ceux-là sont ses amis, cela ne m’étonnerait pas que les modernistes arrivent au même point que les sectes protestantes.
R. : Bergoglio a également évoqué l'idée de créer des diaconesses. N'est-ce pas là aussi un premier pas vers l'“ordination” de femmes, ce que la doctrine catholique interdit formellement ?
Abbé F. R. : Il n’y a pas de doute. Quand Jean-Paul II a dit pour une fois avec raison que c’est une question sur laquelle on ne peut plus revenir, le “cardinal” Martini, celui qui a soutenu l’élection de Bergoglio, et qui était alors favorable à l’“ordination” des femmes, avait dit que l’on pouvait tout de même étudier la question du diaconat. Ou comment, quand la porte est fermée, entrer par la fenêtre… Or une étude a été faite sur le sujet, et il en est ressorti que les anciennes “diaconesses” n’étaient pas ordonnées, elles ne recevaient pas le sacrement de l’ordre. Ainsi, même la question du diaconat avait été fermée. 

Maintenant le simple fait de dire qu’il faut une autre commission pour étudier cette question, c’est évidemment aller dans le sens de l’ouverture aux femmes du sacrement de l’ordre. Il faut que les gens puissent s’habituer au diaconat féminin. On voit d’ailleurs déjà depuis Vatican II des diacres mariés qui continuent la vie matrimoniale, ce qui n’avait jamais existé auparavant dans l’Eglise catholique latine. Déjà on voit des diacres avec des femmes. Bientôt on verra des femmes diacres. Le but est de dire qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre le sacrement de l’ordre et le sexe féminin. L’étape suivante sera l’ordination sacerdotale, puis épiscopale, pour les femmes. 
R. : Mais il me semble que déjà, sous Jean-Paul II, le Vatican avait permis que les petites filles accèdent au service de messe.
Abbé F.R. : Oui, c’est tout à fait officiel, ce n’est pas un abus liturgique. Bergoglio a mis en œuvre encore une petite nouveauté, en introduisant des femmes et des non-chrétiens dans la cérémonie du lavement des pieds le Jeudi Saint, acte liturgique pendant lequel douze personnes doivent représenter les douze apôtres. C’est d’ailleurs tout à fait conforme à l’idée moderne d’égalité et de non-discrimination.
R. : Et cela favorise l’apostasie universelle. Aux Etats-Unis par exemple, en novembre 2013, l’Illinois a autorisé le “mariage” homosexuel. Les actes et paroles publiques de Bergoglio avaient provoqué un retournement des membres “catholiques” de la Chambre qui s’étaient appuyés sur le fameux « qui suis-je pour juger ? » de François pour renoncer à leur opposition au prétendu mariage des invertis ?
Abbé F.R. : Il est en effet frappant de constater que tous ceux qui veulent démolir la morale chrétienne s’appuient sur Bergoglio, et que ce dernier ne les désavoue jamais. Au journaliste de gauche Scalfari, il a dit que chacun doit suivre sa conscience, l’idée que chacun se fait du bien et du mal. Or il est évident que l’on doit suivre sa conscience, mais une conscience éclairée, informée, guidée par la doctrine chrétienne. On a crié à la falsification, joué sur le fait que Scalfari avait peut-être mal retranscrit les paroles de François. Ce dernier n’a jamais démenti avoir tenu ces propos. Un livre a même été publié à la suite des entretiens, et le nom de Bergoglio apparaît comme co-auteur. Il n’y a donc aucun doute sur la réalité de ses propos.
R. : L'accord entre la FSSPX et les occupants modernistes du Vatican vous semble-t-il imminent, beaucoup d'étapes ayant déjà été franchies ? La dernière en date vient d’être actée : dans la lettre Misericordia et misera du 21 novembre 2016, à l’issue de « l’année de la miséricorde », François accorde de manière permanente, et non plus limitée dans le temps, la possibilité aux prêtres de la FSSPX d’absoudre validement et licitement. Voici la traduction du texte publié en italien : « pour répondre aux besoins des fidèles, le Saint-Père confiant dans la bonne volonté de leurs prêtres d'atteindre, avec l'aide de Dieu, la pleine communion avec l'Église catholique, stipule que ceux qui fréquentent les églises desservies par les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X peuvent validement et licitement recevoir l'absolution sacramentelle. »
Abbé F.R. : L’astuce a été de cacher que le point final est déjà arrivé. Le fameux accord, je pense, est déjà fait. La FSSPX a déjà reçu des modernistes le 5 juin 2015 le pouvoir de juger en première instance ses propres sujets, ce qu’on ne peut pas faire si l’on n’a pas de juridiction ; elle a été reconnue le 17 mars 2015 par le diocèse de Buenos Aires comme société de droit ecclésiastique, érigée canoniquement, elle a reçu le 1er septembre 2015 le pouvoir de confesser et d’absoudre, pendant l’année dite de miséricorde, et voilà que depuis le 21 novembre ce pouvoir devient permanent, ce qui est donner objectivement à la FSSPX une juridiction ordinaire. Récemment, ce 22 juin, à l’occasion des ordinations à Zaitzkofen en Allemagne, elle a été autorisée officiellement à faire des ordinations sacerdotales, comme quoi la FSSPX est déjà reconnue.

Il ne reste plus qu’à lui donner le cadre officiel de la prélature personnelle, et à l’annoncer publiquement à ceux qui ne l’ont pas encore compris. L’on a procédé de cette façon afin d’éviter les difficultés que l’on a connues dans le passé : éviter que de fortes oppositions publiques ne se manifestent contre un accord, à droite de la part de la frange anti-ralliériste de la FSSPX et à gauche du côté des modernistes hostiles à un accord avec les lefebvristes. Cette stratégie s’est révélée très efficace, et tout à fait dans le style de Bergoglio : laisser les théologiens se disputer, tandis que l’homme d’Eglise (ou ce qui en tient lieu), dans la praxis, va de l’avant.
R. : Mais alors l’on est complètement dans le cadre d’un « accord pratique », ce que la Fraternité, pendant des années, a dénoncé, et ce qu’elle a publiquement reproché au Barroux, à l’Institut du Bon Pasteur, à Campos ?
Abbé F.R. : Dans les faits il n’y a aucune différence entre ces groupes et la FSSPX.
R. : Mais la Fraternité dit toujours qu’elle ne reconnaît pas encore Vatican II.
Abbé F.R. : Oui mais chez les modernistes, on peut penser ce que l’on veut. Même Mgr Fellay s’est déclaré d’accord à 99 % avec Vatican II dans un entretien en juin 2001 au journal valaisan La Liberté. Le ton a changé depuis longtemps et changera encore plus. D’ores et déjà en Italie, la FSSPX ne bénit plus les mariages, c’est le prêtre diocésain qui doit le faire ; elle ne donne plus la confirmation sous condition à ceux qui l’ont reçue dans le nouveau rite, ni n’ordonne sous conditions ceux qui ont été ordonnés dans le nouveau rite. Dans la revue italienne Si, si, no, no, il a été écrit que la réforme liturgique pour les sacrements est valide et légitime. De fait, les choses changent bien vite.
R. : Mais la revue Si si no no n’est-elle pas plutôt sur une ligne favorable à la “Résistance” de Mgr Williamson ?
Abbé F. R. : Oui, c’est encore plus remarquable. Ceux qui prétendent résister reconnaissent la nouvelle liturgie comme légitime. Mgr Williamson dit qu’on peut assister à la nouvelle messe [lors d’une conférence donnée le 28 juin 2015 dans l’Etat de New York, ndlr], ce qui ne se disait pas dans les années 1970. Une anecdote : Mgr Williamson va donner une conférence sur le modernisme à Rome le 30 novembre, et parmi toutes les salles disponibles, il a choisi la salle de l’église américaine, épiscopalienne, de Rome. C’est étonnant.
R. : Vous faites une conférence à Paris le 27 novembre sur les guerres de religions (voir notre rubrique agenda pour les détails pratiques). Est-ce un clin d'œil à ce qui se passe avec Bergoglio dans son rapprochement avec les luthériens ?
Abbé F.R. : Oui et non. Il y a certes l’actualité avec cet anniversaire de la réforme, ou plutôt de la révolution protestante. Mais c’est plus que cela. Nous donnons des conférences en Italie et en France qui se veulent des séminaires de formation doctrinale, pas nécessairement de la plus stricte actualité, pour le baptisé, le militant catholique, dans le domaine de la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Les guerres de religion, ce n’est pas seulement de l’histoire, cela permet aussi d’aborder la question de la relation entre l’Eglise et l’Etat. Il y aura trois conférences. Une première partie historique, une deuxième partie, plus doctrinale, concernant la licéité de l’usage de la force en défense de la Foi, niée par les ‘politiques’ du XVIème siècle et les philosophes du XVIIIème, et une troisième conférence qui concerne les erreurs modernistes sur le sujet. Un des thèmes repris le plus souvent par les modernistes, notamment lors des réunions d’Assise, est que toutes les religions sont des religions de paix, et que l’idée qu’il puisse y avoir des motifs religieux pour une guerre est satanique. Nous chercherons à distinguer ce qui est vrai et faux dans cette affirmation, bien conscient d’aller ainsi à contre-courant du discours habituel. 

Propos recueillis par Jérôme BOURBON, 18 novembre 2016

[DICI] Réactions à la demande de quatre cardinaux au pape de « faire la clarté » sur Amoris lætitia

SOURCE - DICI - 24 novembre 2016

Le 14 novembre 2016, quatre cardinaux qui avait adressé une lettre au pape François, le 19 septembre précédent, ont décidé de rendre public cet appel à « faire la clarté » sur l’exhortation post-synodale Amoris lætitia, – appel resté sans réponse de la part du souverain pontife, depuis deux mois. Ces quatre prélats sont les cardinaux Walter Brandmüller, président émérite du Comité pontifical des sciences historiques, Raymond L. Burke, patronus de l’Ordre de Malte, Carlo Caffarra, archevêque émérite de Bologne (Italie), et Joachim Meisner, archevêque émérite de Cologne (Allemagne). Les trois premiers étaient coauteurs de l’ouvrage Demeurer dans la vérité du Christ (2014, Artège), – voir DICI n°301 du 26/09/14. Et le cardinal Caffarra était signataire de la lettre des treize cardinaux présentant au Saint-Père, le 5 octobre 2015, les sérieuses « préoccupations » que leur inspiraient les procédures du synode sur la famille « conçues pour faciliter l’obtention de résultats prédéterminés à propos de questions importantes et controversées », – voir DICI n°323 du 23/10/15.

Les cinq dubia

Les quatre prélats présentent au pape François cinq dubia ou doutes formulés comme ceux qui sont adressés à la Congrégation pour la doctrine de la foi, de manière à ce qu’il soit possible d’y répondre par oui ou par non. Ils sont accompagnés d’une lettre de présentation au pape et d’une note explicative. Voici les cinq dubia, avec un extrait de la note explicative indiquant quel est « l’enjeu concret ». Le texte intégral du document adressé au pape est disponible sur le sitede DICI.

Il est demandé si, en conséquence de ce qui est affirmé dans “Amoris lætitia” aux nn. 300-305, il est maintenant devenu possible d’absoudre dans le sacrement de Pénitence et donc d’admettre à la Sainte Eucharistie une personne qui, étant liée par un lien matrimonial valide, vit more uxorio (maritalement. NDLR) avec une autre personne, sans que soient remplies les conditions prévues par Familiaris consortio au n. 84 et réaffirmées ensuite par Reconciliatio et pænitentia au n. 34 et par Sacramentum caritatis au n. 29. L’expression « dans certains cas » de la note 351 (n. 305) de l’exhortation Amoris lætitia peut-elle être appliquée aux divorcés remariés qui continuent à vivre more uxorio ?

Après l’exhortation post-synodale Amoris lætitia (cf. n. 304), l’enseignement de l’encyclique Veritatis splendor n. 79, fondé sur la Sainte Ecriture et sur la Tradition de l’Eglise, à propos de l’existence de normes morales absolues, obligatoires sans exception, qui interdisent des actes intrinsèquement mauvais, continue-t-il à être valide ?

Après Amoris lætitia n. 301, est-il encore possible d’affirmer qu’une personne qui vit habituellement en contradiction avec un commandement de la loi de Dieu, comme par exemple celui qui interdit l’adultère (cf. Mt 19, 3-9), se trouve dans une situation objective de péché grave habituel (cf. Conseil pontifical pour les textes législatifs, Déclaration du 24 juin 2000) ?

Après les affirmations contenues dans Amoris lætitia n. 302 à propos des « circonstances qui atténuent la responsabilité morale », faut-il encore considérer comme valide l’enseignement de l’encyclique Veritatis splendor n. 81, fondé sur la Sainte Ecriture et sur la Tradition de l’Eglise, selon lequel « les circonstances ou les intentions ne pourront jamais transformer un acte intrinsèquement malhonnête de par son objet en un acte subjectivement honnête ou défendable comme choix » ?
Après Amoris lætitia n. 303, faut-il considérer comme encore valide l’enseignement de l’encyclique Veritatis splendor n. 56, fondé sur la Sainte Ecriture et sur la Tradition de l’Eglise, qui exclut une interprétation créatrice du rôle de la conscience et affirme que la conscience n’est jamais autorisée à légitimer des exceptions aux normes morales absolues qui interdisent des actes intrinsèquement mauvais de par leur objet ?

Et les auteurs des dubia définissent « l’enjeu concret » de leur appel au pape en ces termes :

« La publication de l’exhortation apostolique post-synodale Amoris lætitia, consacrée à l’amour dans la famille, a fait naître un vaste débat, notamment à propos de son chapitre VIII. Les paragraphes 300-305, en particulier, ont fait l’objet d’interprétations divergentes.

« Pour beaucoup de personnes – des évêques, des prêtres de paroisse, des fidèles – ces paragraphes font allusion ou même enseignent de manière explicite un changement dans la discipline de l’Eglise en ce qui concerne les divorcés qui vivent une nouvelle union, tandis que d’autres personnes, qui admettent le manque de clarté ou même l’ambigüité des passages en question, expliquent néanmoins que ces mêmes pages peuvent être lues en continuité avec le magistère précédent et qu’elles ne contiennent pas de modification dans la pratique et dans l’enseignement de l’Eglise.

« Animés par une préoccupation pastorale à l’égard des fidèles, quatre cardinaux ont adressé au Saint-Père une lettre sous forme de dubia, dans l’espoir de recevoir des éclaircissements, étant donné que le doute et l’incertitude sont toujours hautement dommageables à la pastorale. (…) Ce qui est en jeu dans Amoris lætitia, ce n’est pas seulement la question de savoir si les divorcés qui ont contracté une nouvelle union – dans certaines circonstances – peuvent ou non avoir de nouveau accès aux sacrements. On constate (…) que les interprétations du document reposent aussi sur des approches différentes, contradictoires, du mode de vie chrétien. »

Réactions et commentaires

Contrairement à ce qu’affirme La Croix du 15 novembre, le Vatican n’a pas répondu aux dubia des quatre cardinaux. Mgr Kevin Farrell, préfet du nouveau dicastère pour les laïcs, la famille et la vie, a réagi, ce même jour, en donnant son opinion personnelle, mais pas une réponse argumentée. « Je pense que le document Amoris lætitia est fidèle à la doctrine et à l’enseignement de l’Eglise », a-t-il déclaré. « Il s’appuie sur la doctrine de Familiaris consortio de Jean-Paul II. Je le crois passionnément. ». « C’est le Saint-Esprit qui nous parle », a-t-il ajouté. « Pensons-nous que le Saint-Esprit n’était pas là au premier synode ? Pensons-nous qu’il n’était pas là au second synode ? Croyons-nous qu’il n’a pas inspiré notre Saint-Père François en écrivant ce document ? »

Le 16 novembre, le cardinal Burke répondait au journaliste du National Catholic Register, Edward Pentin, expliquant la nécessité de cet appel au pape par l’extrême confusion où se trouve actuellement l’Eglise : « Partout où je vais, je l’entends. Les prêtres sont divisés entre eux, les prêtres d’avec les évêques, les évêques entre eux. Il y a une énorme division qui s’est installée dans l’Eglise, et cela n’est pas le chemin de l’Eglise ».

Question : En quoi le chapitre 8 d’Amoris lætitia suscite-t-il cette inquiétude particulière ?

Réponse : Parce qu’il a été la source de toutes ces discussions confuses. Même les directives diocésaines sont confuses et erronées. Nous avons un ensemble de directives dans un diocèse, par exemple, disant que les prêtres sont libres au confessionnal, s’ils le jugent nécessaire, de permettre à une personne qui vit dans une union adultère et continue de le faire, d’avoir accès aux sacrements ; alors que, dans un autre diocèse, en accord avec ce que la pratique de l’Eglise a toujours été, un prêtre est en mesure d’accorder une telle autorisation uniquement à ceux qui ont la ferme intention de vivre chastement, à savoir comme frère et sœur, et de recevoir uniquement les sacrements dans un endroit où il n’y aurait pas de scandale.

– Sans la clarification que vous cherchez, vous dites donc que cela et d’autres enseignements d’Amoris lætitia vont à l’encontre du principe de non-contradiction (qui indique que quelque chose ne peut pas être à la fois vrai et faux en même temps, s’il s’agit du même contexte) ?

– Bien sûr, parce que, par exemple, si vous prenez la question du mariage, l’Eglise enseigne que le mariage est indissoluble, en accord avec la parole du Christ : « Celui qui répudie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère ». Par conséquent, si vous êtes divorcé, vous ne pouvez pas entrer dans une relation conjugale avec une autre personne à moins que le lien indissoluble auquel vous êtes lié soit déclaré nul, inexistant. Mais si nous disons que, dans certains cas, une personne vivant dans une union matrimoniale irrégulière peut recevoir la sainte communion, alors l’une de ces deux choses doit être vraie : ou bien le mariage, en réalité, n’est pas indissoluble – comme, par exemple, dans le genre de “théorie éclairée” (“enlightenment theory”) du cardinal Walter Kasper, qui soutient que le mariage est un idéal auquel, en tout réalisme, nous ne pouvons pas obliger les gens – dans un tel cas, nous avons perdu le sens de la grâce du sacrement, qui permet aux mariés de vivre la vérité de leur engagement de mariage ; ou bien la communion n’est pas la communion au Corps et au Sang du Christ. Bien sûr, aucune de ces deux alternatives n’est possible. Elles contredisent les enseignements constants de l’Eglise depuis le début et, par conséquent, elles ne peuvent pas être vraies. (…)

– Certains diront que vous êtes seulement quatre cardinaux, parmi lesquels vous êtes le seul qui ne soit pas à la retraite, ce qui n’est pas très représentatif de toute l’Eglise. Dans ce cas, ils pourraient demander : Pourquoi le pape devrait-il vous écouter et vous répondre ?

– Eh bien, ce n’est pas une question de chiffres ! C’est une question de vérité. Dans le procès de saint Thomas More, quelqu’un lui a dit que la plupart des évêques anglais avaient accepté l’ordre du roi, et il a dit que c’était peut-être vrai, mais que les saints du ciel ne l’avaient pas accepté. Voilà l’important ici. Je pense que même si d’autres cardinaux n’ont pas signé cela, ils partagent la même préoccupation. Mais cela ne me dérange pas. Même si nous étions un, deux ou trois, s’il est question d’une chose qui est vraie et qui est essentielle pour le salut des âmes, alors elle doit être dite.
– Que se passe-t-il si le Saint-Père ne répond pas à votre acte de justice et de charité et ne donne pas la clarification de l’enseignement de l’Eglise que vous espérez ?

– Alors il faudra faire face à cette situation. Il y a, dans la tradition de l’Eglise, la pratique de la correction du Pontife romain. C’est quelque chose qui est évidemment assez rare. Mais s’il n’y a pas de réponse à ces questions, alors je dirais que ce serait une circonstance pour poser un acte formel de correction d’une erreur grave. 

– Dans un conflit entre l’autorité ecclésiale et la Tradition sacrée de l’Eglise, qui lie le croyant, et qui a l’autorité de déterminer cela ?

– Ce qui est contraignant (ce qui lie) c’est la Tradition. L’autorité ecclésiale n’est qu’au service de la Tradition. Je pense à ce passage de saint Paul dans l’épître aux Galates (1, 8) : « Pourtant, si nous-mêmes ou si un ange du ciel vous annonçait un Evangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ! »

– Si le pape devait enseigner une erreur grave ou une hérésie, quelle autorité légale pourrait le déclarer et quelles seraient les conséquences ?

– En pareil cas, et historiquement c’est arrivé, il est du devoir des cardinaux et des évêques de préciser que le pape enseigne l’erreur et de lui demander de la corriger.

Y a-t-il des normes morales absolues ?

Ce que le cardinal Burke déclare dans cet entretien, le journaliste italien Riccardo Cascioli l’affirme également le même jour (16 novembre) dans La Nuova Bussola, écrivant qu’au-delà de l’admission des divorcés « remariés » à la communion se pose une question « beaucoup plus vaste qui touche les fondements de l’Eglise (…) » : « Dit très simplement : existe-t-il des normes absolues, autrement dit une distinction claire entre le bien et le mal ? Le cas des divorcés remariés est un exemple : si le mariage est valide, il reste indissoluble même si des circonstances particulières impliquent une séparation ou un divorce civil ; de sorte que le conjoint qui se marie à nouveau est objectivement dans une situation d’adultère, et cela – pour l’Eglise – ne peut jamais être un bien, quelles que soient les circonstances. Il peut y avoir des conditions atténuantes ou aggravantes, mais le mal reste le mal, c’est une norme objective absolue.

« Si au contraire on accepte une certaine interprétation d’Amoris lætitia, il existerait des conditions telles que l’adultère ne soit pas un péché. Mais si cela était vrai, alors le critère devrait être applicable à tous les autres commandements ; tout devient relatif, rien n’est plus absolu. Une conséquence évidente est que tout est relégué dans la conscience personnelle, et au reste, comment un prêtre pourrait-il faire pour lire dans la conscience des gens ? On parle beaucoup d’accompagnement, mais la vérité est que, dans cette situation, chaque personne reste seule à décider d’elle-même, parce que tout devient possible. (…)

« En outre, il se produirait – comme cela a déjà commencé à se produire – que ce qui est vrai en Europe ne peut pas valoir pour l’Afrique, que ce qui est possible en Allemagne ne l’est pas en France, que deux diocèses voisins suivent des lignes opposées. Un véritable fédéralisme doctrinal…, rien de plus éloigné de ce que le catholicisme a représenté durant deux mille ans. (…)

Et Riccardo Cascioli de rappeler qu’ultimement tout repose sur la foi en la Présence réelle dans l’Eucharistie : « Qu’est-ce que l’Eucharistie et quelles sont les conditions pour y accéder ? Est-ce la Cène (le repas) à laquelle tous sont invités et dont personne ne peut être exclu, ou est-ce le sacrifice du Corps et du Sang de Jésus, le sacrifice de la Croix perpétué à travers les siècles et qui requiert d’être en état de grâce pour l’approcher ?

« Si l’Eucharistie est vraiment la source et le sommet de la vie chrétienne, comme l’enseigne le Catéchisme, on comprend que c’est là un point décisif pour l’Eglise. La décision d’admettre ou non à la communion les divorcés remariés, dépend plus de la conception que nous avons du sacrement de l’Eucharistie que du sacrement du mariage.

« Et certaines phrases prononcées récemment par le pape François lors de plusieurs rencontres avec les luthériens – qui ont semblé vouloir ouvrir la porte à l’intercommunion – ont fait naître une série d’interrogations précisément sur sa conception de l’Eucharistie. Des interrogations qui sont sans réponse pour le moment, tout comme les dubia avancés par les quatre cardinaux. » – Ici le journaliste italien fait référence, entre autres, à la réponse très équivoque que le pape a donnée, le 15 novembre 2015, à une luthérienne mariée à un catholique sur la possibilité pour elle de recevoir la communion – Voir DICI n°325 du 20/11/15.

A Rome, les observateurs ont noté que le pape François avait annulé le pré-consistoire qui devait normalement précéder le consistoire du 19 novembre, où 17 cardinaux ont été créés. Pour certains vaticanistes, comme Marco Tosatti de La Stampa, ce serait à cause de ces dubia sur Amoris lætitia qui auraient pu provoquer un débat que le pape a préféré éviter. Le Saint-Siège n’a donné aucune explication à cette annulation.

(Sources : Chiesa/Croix/NCR/InfoCatho/NBQ – traduction benoitetmoi – DICI n°345 du 25/11/16)