22 juin 2016

[Paix Liturgique] Un nouveau pas vers la paix et la réconciliation: quand l'Eglise de France s'ouvre avec normalité aux ordinations traditionnelles

SOURCE - Paix Liturgique - Lettre n°547 - 22 juin 2016

Ce samedi 18 juin 2016, le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, a ordonné quatre nouveaux prêtres pour la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre (FSSP) en la cathédrale d’Auxerre. Cette cérémonie, qui prouve que lorsqu'elle embrasse avec bienveillance l’esprit du Motu Proprio Summorum Pontificum l’Église de France est capable de faire avancer la paix liturgique et le renouveau sacerdotal, inspire nos réflexions hebdomadaires.

Il y a deux ans, le 28 juin 2014 (voir notre lettre 447), c’était dans la cathédrale de Chartres que Mgr Aillet, évêque de Bayonne, avait ordonné trois prêtres de la FSSP. Nous saluions à l’époque ce nouveau pas vers une normalisation de la célébration de la forme extraordinaire, en son acte le plus important, celui de la « fabrication » sacramentelle de ministres pour cette forme et dans cette forme. 

Rappelons que c'est à Lyon, le 29 juin 1993, qu'eut lieu la première ordination traditionnelle depuis la réforme liturgique : ce jour-là, le cardinal Decourtray ordonnait en l’église Saint-Georges un prêtre pour la FSSP. Mais, qu'il s'agisse de Lyon ou de Bordeaux, où l'Institut du Bon Pasteur voit ses nouveaux prêtres ordonnés en l'église Saint-Éloi, ce geste demeure rare dans une cathédrale, à l'exception notable de celle de Toulon, où Mgr Rey l'accomplit volontiers, notamment pour les Missionnaires de la Miséricorde divine de l'abbé Loiseau.

Pour qui n’y a jamais assisté, les ordinations régies par le Pontifical romain issu du concile de Trente et en vigueur jusqu’à la réforme liturgique sont généralement un moment de découverte de la grande solennité et de la merveilleuse splendeur du culte catholique.

Ainsi, ce samedi 18 juin 2016, de nombreux touristes et curieux visitant la superbe cathédrale d’Auxerre n’ont pas manqué de s’arrêter, interloqués et captivés par la cérémonie qui s’y déroulait.
Pourtant, pour les habitués, le trait marquant de cette ordination sacerdotale des abbés Pierre-Emmanuel Bonnin, Cyrille Perret, Antoine de Nazelle et Sébastien Damaggio – nouveaux prêtres français de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre (FSSP) – pourrait bien être sa grande simplicité. Voire, son aspect ordinaire.

Attention, qu’aucun lecteur ne se méprenne : la cérémonie était en tout point remarquable, de l’agencement de l’autel à l’interprétation musicale livrée par les Pueri Cantores de Versailles et rythmée par les grandes orgues Oberthür de la cathédrale Saint-Étienne en passant par le service liturgique assuré par les séminaristes venus de Wigratzbad, le séminaire situé en Bavière de la FSSP. Toutefois, forme liturgique mise à part – ce qui certes n’est pas rien –, ces ordinations n’avaient guère de différences avec celles auxquelles on peut encore assister dans les diocèses. Essentiellement parce qu’elles avaient lieu dans une cathédrale diocésaine et qu’elles étaient conférées des mains d’un archevêque métropolitain, de surcroît ancien président de la Conférence des évêques de France, le cardinal Ricard.

LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1) 120 prêtres et séminaristes, 500 fidèles, deux Pères Abbés (Le Barroux et Lagrasse), un cardinal métropolitain et quatre nouveaux prêtres : exprimée en chiffres « bruts », la messe pontificale d’ordination des abbés Bonnin, Perret, de Nazelle et Damaggio ne se distingue guère des quelques ordinations des diocèses français qui en célèbrent encore. Il faut savoir gré à l’évêque de Sens et Auxerre, Mgr Giraud, d’avoir ouvert sa cathédrale avec générosité et à Mgr Ricard d’avoir présidé avec bienveillance et simplicité à cette belle cérémonie. En soi, ils n’ont rien accompli d’exceptionnel si ce n’est de se comporter en pasteurs attentifs et disponibles à TOUS, ce qui, au moment où certains de leurs confrères semblent renouer avec un ostracisme d’un autre temps, demeure un témoignage de vraie charité chrétienne.

2) Cette « normalité » de la célébration de samedi est d’autant plus intéressante qu’elle concerne la Fraternité Saint-Pierre, pilier du monde Ecclesia Dei, né de fait pour elle et par elle en 1988. Deux décennies durant, la FSSP a dû se contenter des miettes que l’Église de France acceptait de lui concéder et s’est donc organisée en marge de celle-ci, installant sa maison généralice en Suisse et son séminaire européen en Allemagne. Il convient donc de lui rendre justice d’avoir su prendre acte du passage de l’époque Ecclesia Dei à l’époque Summorum Pontificum en décidant d’organiser – avec les complications que cela représente – les ordinations de ses nouveaux prêtres français non plus en son séminaire bavarois mais dans des cathédrales françaises en faisant appel à des célébrants diocésains.

3) La liturgie romaine traditionnelle ne connaît aujourd’hui que deux cas de concélébration, celui de la messe de consécration d’un évêque et celui de la messe d’ordination sacerdotale : le pontife profère lentement, à intelligible voix, les paroles de la messe depuis l’offertoire jusqu’au dernier évangile, de sorte que les nouveaux prêtres, à genoux devant l’autel, puissent les dire à voix médiocre en même temps que lui. En fait, la véritable « première messe » d’un prêtre est donc celle de sa propre ordination. Ces quatre nouveaux prêtres ont donc eu ainsi le privilège de célébrer leur première messe dans une cathédrale.

4) De la même façon que le pape Benoît XVI a voulu que les deux formes du même rite romain coexistent dans le cadre paroissial, il est bon que la vie sacerdotale des prêtres voués à la célébration de la liturgie traditionnelle puisse commencer dans le cadre d’une cathédrale diocésaine, en y recevant le sacerdoce des mains d’un évêque diocésain. L’attachement à la divulgation et au service de la forme extraordinaire du rite romain devient ainsi toujours plus un fait ordinaire de la vie de l’Église et donc une arme de plus au service de son renouveau et de son unité.