15 mars 2015

[Lettre à Nos Frères Prêtres (FSSPX)] Doctrine de Vatican II sur l'oecuménisme

SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres (n°65) - FSSPX - mars 2015

Dans notre lettre précédente, numéro 64, nous avons posé, à propos de l’œcuménisme, des « principes préalables ». Nous y rappelions que, d’un point de vue catholique, il est impossible de promouvoir l’œcuménisme aux dépens de la vérité ou en altérant l’essentielle continuité du Magistère. Nous allons maintenant étudier brièvement ce que dit le Concile, ou ses commentateurs autorisés, sur cette question de l’œcuménisme.

L’Église du Christ subsiste dans l’Église catholique. Le terme important ici est « subsiste ». C’est-à-dire que l’Église du Christ a un mode d’être plénier dans l’Église catholique, mais elle possède d’autres modes d’être ailleurs

La première partie de cette affirmation découle clairement de trois textes successifs de Vatican II : « Cette Église comme société constituée et organisée en ce monde, subsiste dans l’Église catholique » (Lumen Gentium 8 § 2). « Cette unique Église subsiste de façon inamissible dans l’Église catholique » (Unitatis Redintegratio 4 § 3). « Cette unique vraie religion, nous croyons qu’elle subsiste dans l’Église catholique » (Dignitatis Humanæ 1 § 2).

La seconde partie a été exprimée par des précisions données assez récemment par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi : « Par l’expression subsistit in, le concile Vatican II a voulu proclamer deux affirmations doctrinales : d’une part, que malgré les divisions entre chrétiens, l’Église du Christ continue à exister en plénitude dans la seule Église catholique ; d’autre part, “que des éléments nombreux de sanctification et de vérité subsistent hors de ses structures”, c’est-à-dire dans les Églises et Communautés ecclésiales qui ne sont pas encore en pleine communion avec l’Église catholique. Mais il faut affirmer de ces dernières que leur “force dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Église catholique” » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Dominus Jesus, 06 août 2000, § 16).

Et encore : « Selon la doctrine catholique, s’il est correct d’affirmer que l’Église du Christ est présente et agissante dans les Églises et les Communautés ecclésiales qui ne sont pas encore en pleine communion avec l’Église catholique, grâce aux éléments de sanctification et de vérité qu’on y trouve, le verbe “subsister” ne peut être exclusivement attribué qu’à la seule Église catholique, étant donné qu’il se réfère à la note d’unité professée dans les symboles de la foi (“Je crois en l’Église, une”) ; et cette Église une “subsiste” dans l’Église catholique » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, « Réponses à des questions concernant certains aspects de la doctrine sur l’Église », 29 juin 2007, deuxième question).

Il y a ainsi diverses sphères d’appartenance à l’Église du Christ, et l’Église est unie même à ceux qui ne sont pas dans l’Église catholique

Vatican II affirme explicitement cette doctrine : « Avec ceux qui, étant baptisés, portent le beau nom de chrétien sans professer pourtant intégralement la foi ou sans garder l’unité de la communion avec le successeur de Pierre, l’Église se sait unie pour de multiples raisons » (Lumen Gentium 15 § 1).

Commentant ses voyages apostoliques, le pape Jean-Paul II affirmait en ce sens : « Dans ces assemblées vraiment plénières des communautés ecclésiales des différents pays, se réalise le fondamental chapitre second de Lumen Gentium qui traite des nombreuses sphères d’appartenance à l’Église comme peuple de Dieu, et du lien qui existe avec elle, même de la part de ceux qui n’en font pas encore partie » (Jean-Paul II, « Bilan d’un an de ministère », Discours au Sacré Collège, DC 1790, 20 juillet 1980, p. 670).

C’est la communion imparfaite : l’Église du Christ « subsiste » dans l’Église catholique (ce qui produit la communion parfaite) et « existe » dans les autres Églises, selon divers modes (ce qui produit la communion imparfaite)

C’est ce qu’affirme le décret sur l’œcuménisme : « Ceux qui croient au Christ et qui ont reçu le baptême validement se trouvent dans une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec l’Église catholique » (Unitatis Redintegratio 3 § 1). Cette communion, même imparfaite, est toutefois une véritable union dans l’Esprit-Saint C’est ce qu’exprime Lumen Gentium : « A cela s’ajoute la communion dans la prière et dans les autres bienfaits spirituels, bien mieux, une véritable union dans l’Esprit-Saint » (Lumen Gentium 15 § 1).

Le pape Jean-Paul II est revenu plusieurs fois sur ce point, par exemple : « Les biens qui unissent les chrétiens par l’intermédiaire du Christ et dans l’Esprit-Saint en une communion, encore qu’elle soit incomplète à cause des réelles divisions qui demeurent… » (Jean-Paul II, « Aux représentants des églises chrétiennes non catholiques du Japon », Osservatore Romano de langue française, 17 mars 1981, p. 9).

Le même pape a d’ailleurs étendu cette union dans l’Esprit-Saint jusqu’aux religions et cultures non chrétiennes : « N’arrive-t-il pas parfois que la fermeté de la croyance des membres des religions non-chrétiennes – effet elle aussi de l’Esprit de Vérité opérant au-delà des frontières visibles du Corps Mystique – devrait faire honte aux chrétiens ? » (Jean-Paul II, Redemptor Hominis 6 § 3, DC 1761, 1er avril 1979, p. 304). « L’Esprit-Saint est même mystérieusement présent dans les religions et les cultures non chrétiennes (…). De l’Esprit-Saint, on pourrait dire : chacun en a sa part et tous l’ont en entier tant sa générosité est inépuisable » (Jean-Paul II, « Discours au congrès international de Pneumatologie », DC 1828, 18 avril 1982, p. 405).

Les communautés ecclésiales séparées de l’Église catholique sont donc de véritables moyens de salut

C’est l’affirmation explicite de Vatican II : « Ces Églises et communautés séparées, bien que nous les croyions souffrir de déficience, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se servir d’elles comme de moyens de salut » (Unitatis Redintegratio 3 § 4). 

Jean-Paul II, entre autres, a repris cette même doctrine : « Il est extrêmement important de faire une présentation correcte et loyale des autres Églises et communautés ecclésiales dont l’Esprit du Christ ne refuse pas de se servir comme de moyens de salut » (Jean-Paul II, Catechesi tradendæ 32, DC 1773, 4 novembre 1979, p. 909).

Il faut ainsi bien augurer du salut de ces frères séparés

C’est le pape Jean-Paul II qui a tiré cette conséquence logique des affirmations précédentes. Après avoir énuméré les divers sphères d’appartenance au peuple de Dieu, en parlant donc des communautés non catholiques, il s’affirme en effet pour chacune d’elles « plein de la particulière espérance du salut qui, s’il s’accomplit hors de l’Église visible, se réalise cependant grâce au Christ opérant dans l’Église » (Jean-Paul II, « Le voyage en Afrique », Audience générale du 20 mai 1980, DC 1789, 6 juillet 1980, p. 619).

Et il faut les encourager à témoigner de leur foi

La déclaration sur la liberté religieuse pose la base de cette doctrine : « La liberté religieuse demande, en outre, que les groupes religieux ne soient pas empêchés de manifester librement l’efficacité singulière de leur doctrine pour organiser la société et vivifier toute l’activité humaine » (Dignitatis humanæ 4 § 5).

Le pape Jean-Paul II a développé cette affirmation : « La grande foule de ceux qui appartiennent au Peuple de Dieu dans le monde – chrétiens, musulmans et autres – en conduisant sereinement leur vie d’obéissance, de louange et d’action de grâce envers Dieu, et de généreux service envers le prochain, offre à l’humanité une alternative authentique, la voie de Dieu pour un monde qui autrement pourrait se détruire dans l’égoïsme, la haine et la lutte » (Osservatore Romano, 10 mai 1985, p. 1 et 4). « Encouragez (…) de manière opportune et amicale vos frères évangéliques à témoigner de leur foi, à fortifier et approfondir dans le Christ leur forme de vie religieuse » (Jean-Paul II, « Témoigner de sa foi dans la diaspora », DC 1798, 21 décembre 1980, p. 1142). 

De là découle une praxis œcuménique absolument nécessaire

Le pape Jean-Paul II est très souvent revenu sur cette question de l’engagement œcuménique actuel de l’Église catholique, qu’il qualifie de « primordial », « prioritaire », « vital » et « irrévocable ».

« La restauration de l’unité entre tous les chrétiens était l’un des buts principaux du deuxième Concile du Vatican, et, dès mon élection, je me suis engagé formellement à promouvoir l’exécution de ses normes et de ses orientations, considérant que c’était pour moi un devoir primordial » (JeanPaul II, « Allocution au secrétariat pour l’unité des chrétiens », DC 1753, 3 novembre 1978, p. 1017).

« L’Église catholique est irrévocablement engagée dans la vocation œcuménique. Il ne peut y avoir le moindre doute à cet égard. Je veux vous assurer de la manière la plus formelle, comme je n’ai cessé de le faire depuis mon élection comme Pasteur Suprême de l’Église catholique, que l’œcuménisme est et reste une préoccupation majeure dans la vie de notre Église » (Jean-Paul II, discours à Utrecht le 13 mai, Osservatore Romano de langue française, 21 mai 1985, p. 13.). « Je tiens à redire que c’est avec une décision irrévocable que l’Église catholique est engagée dans le mouvement œcuménique et qu’elle veut y contribuer de toutes ses possibilités. C’est pour moi, évêque de Rome, une des priorités pastorales » (Jean-Paul II, discours à la Curie le 28 juin 1985, DC 15, 4-18 août 1985, p. 773). « J’ai continué à stimuler les fils et les filles de l’Église catholique envers leur responsabilité œcuménique, insistant sur le fait qu’elle doit être une priorité pastorale absolue pour l’Église catholique » (Jean-Paul II, discours à Calcutta le 3 février, Osservatore Romano de langue française, 11 février 1986, p. 8).

« Le travail de l’œcuménisme requiert nos efforts constants et de ferventes prières. (…) Nous nous réjouissons de voir les progrès œcuméniques qui ont déjà été réalisés. (…) Dans un certain sens, l’unité des disciples du Christ est une condition pour réaliser la mission de l’Église, plus que cela elle est une condition pour réaliser la mission du Christ lui-même dans le monde. (…) L’unité des chrétiens est vitale pour la prédication de l’Évangile » (Jean-Paul II, discours à Goa le 6 février, Osservatore Romano de langue française, 11 février 1986, p. 14).

Résumé de la doctrine œcuménique issue de Vatican II 

Pour avoir bien en tête la doctrine de Vatican II sur l’œcuménisme en ses éléments de base, nous allons reprendre en un seul texte les diverses propositions que nous venons d’énumérer et de justifier:

«L’Église du Christ subsiste dans l’Église catholique. Le terme important ici est “subsiste”. C’est-à-dire que l’Église du Christ a un mode d’être plénier dans l’Église catholique, mais elle possède d’autres modes d’être ailleurs. Il y a ainsi diverses sphères d’appartenance à l’Église du Christ, et l’Église est unie même à ceux qui ne sont pas dans l’Église catholique. C’est la communion imparfaite : l’Église du Christ “subsiste” dans l’Église catholique (ce qui produit la communion parfaite) et “existe” dans les autres Églises, selon divers modes (ce qui produit la communion imparfaite). Cette communion, même imparfaite, est toutefois une véritable union dans l’Esprit-Saint. Les communautés ecclésiales séparées de l’Église catholique sont donc de véritables moyens de salut. Il faut ainsi bien augurer du salut de ces frères séparés. Et il faut les encourager à témoigner de leur foi. De là découle une praxis œcuménique absolument nécessaire».