10 mai 2014

[Diocèse de Toulon-Fréjus] Vocations et ordinations - Grande interview de monseigneur Rey

SOURCE - Diocèse de Toulon-Fréjus - 9 mai 2014

En 2014, monseigneur Dominique Rey aura la joie d’ordonner 5 nouveaux prêtres au service de notre diocèse dont 2 dans la forme extraordinaire (en lien avec la Société missionnaire de la Miséricorde Divine). Tous ces prêtres incardinés dans le diocèse de Fréjus-Toulon seront au service des communautés chrétiennes du Var. A l’approche de ces événements mais aussi de la journée mondiale des Vocations, monseigneur Rey a bien voulu répondre à quelques questions.
1. Qu’attend-on d’un prêtre aujourd’hui, dans un contexte marqué par la sécularisation?
Trois caractéristiques me paraissent qualifier le prêtre du XXIème siècle. D’abord, l’intégrité. J’entends par ce mot combien le ministre ordonné doit assumer son identité sacerdotale, l’enraciner sur le plan spirituel par une vraie relation au Christ, dans une recherche constante de cohérence de vie, d’exemplarité évangélique, et de fidélité au Magistère. Une deuxième attitude est à privilégier : la proximité. La tentation du prêtre est le cléricalisme, en se situant en surplomb de ceux qu’il est sensé servir. Cette proximité est à vivre à l’intérieur de l’Eglise en mettant en valeur la place des fidèles laïcs et en leur donnant la possibilité d’exercer une vraie coresponsabilité pastorale. Cette proximité s’applique également sur le plan de la mission. A l’exemple du Christ, on ne peut témoigner de la foi et rendre compte de notre espérance qu’en rejoignant les personnes là où elles se trouvent et là où elles en sont. La troisième qualité du prêtre, placé aujourd’hui dans le contexte « de l’éclipse de Dieu » et de la marginalisation de l’Eglise, doit être le zèle missionnaire. Il s’agit d’aller au devant des gens, en posture de « sortie vers les périphéries existentielles » comme le rappelle le Pape François. 
2. Comment expliquez-vous le nombre important de séminaristes accueillis dans le diocèse (une soixantaine de candidats au sacerdoce) alors que tant de diocèses n’ont plus aucune vocation ou si peu?
Ce nombre tient en partie à l’accueil des nouvelles réalités ecclésiales qui se sont implantées dans le diocèse et qui enrichissent celui-ci, et de leur charisme et de leurs vocations. De plus, je constate que les jeunes fonctionnent dans une culture de réseaux, et non plus dans un référencement territorial. Beaucoup d’entre eux, n’ayant pas de racines locales, sont attirés par des diocèses qui présentent une physionomie missionnaire, ce qui explique l’attraction que le diocèse exerce vis-à-vis de jeunes originaires de l’extérieur du département. 

Je soulignerais que cet apport extérieur n’a rien de nouveau. La Provence, et le Var en particulier, a toujours été une terre d’accueil. N’oublions pas que plus de 60% de la population actuelle du Var n’est pas originaire de ce département. Déjà autrefois un nombre important de prêtres qui exerçaient dans le diocèse venaient d’ailleurs ou s’y réfugiaient pour des raisons de santé, ou en raison de l’abondance des vocations dans leur région d’origine (par exemples, Alpes de Haute Provence), ou encore à cause de l’afflux de familles de marins souvent originaires de Bretagne et pourvoyeuses de vocations. Ces apports constituent une constante de l’histoire religieuse de notre diocèse. En mesurant le nombre de séminaristes issus du diocèse, je retrouve aujourd’hui les mêmes proportions de « locaux » que l’on dénombre proportionnellement dans les diocèses voisins de taille équivalente (Nice, Marseille, Aix). 

Il ne s’agit donc pas de s’excuser d’accueillir des personnes venues d’ailleurs, ou d’exhumer la fausse nostalgie d’un clergé autochtone issu d’un passé où les mobilités étaient rares. Je suis heureux d’accueillir toutes les vocations qui naissent dans notre beau diocèse de Fréjus-Toulon tout autant que j’assume le fait d’accompagner vers la prêtrise ceux qui choisissent notre diocèse pour se mettre au service de sa mission. Cela dit, il ne faut pas oublier que plusieurs jeunes issus du diocèse sont entrés au séminaire ces dernières années ou bien se posent actuellement la question de leur éventuelle vocation sacerdotale. 
3. Au sein du clergé du séminaire, un nombre significatif de prêtres ou de jeunes sont liés à des communautés nouvelles. Que signifie pour vous ce phénomène? Comment accueillir cette diversité?
Sur les 222 prêtres en activité, un certain nombre d’entre eux (96) sont liés à des communautés de différents types : instituts religieux, associations cléricales, communautés nouvelles de laïcs, etc. Ce nombre et cette diversité sont une chance. D’abord, ils permettent d’assumer un quadrillage du terrain et donc de développer une pastorale de présence et de proximité. Dans des diocèses de taille équivalente, où l’on dénombre des effectifs de prêtres moins importants, la raréfaction du clergé et son vieillissement conduisent systématiquement à des regroupements. Des pans entiers du territoire ne sont alors plus desservis par une présence sacerdotale. Par ailleurs, je note que le nombre relativement important de prêtres dans le diocèse favorise la constitution de pôles missionnaires, en particulier dans les grandes communes (Toulon, Draguignan, Hyères, Saint-Maximin, Brignoles, Fréjus, Saint-Raphaël…). Les prêtres sont ainsi rassemblés autour d’une mission commune avec un certain partage de vie et de prière qui évite l’isolement et le découragement. 

Par le fait que les effectifs du clergé sont en proportion plus abondants que dans d’autres diocèses nous permet de déployer des apostolats transversaux et investir certains projets pastoraux sans mettre en cause la desserte pastorale ordinaire. Je pense en particulier à des prêtres qui peuvent être mis quasiment à plein temps au service des mouvements, des aumôneries, de la diaconie, ou au service d’apostolats spécifiques comme le monde de la nuit, ce qui serait impossible à imaginer si l’on fonctionnait à flux tendus avec des ressources humaines très contraintes. Parce que nos effectifs sont comparativement plus garnis qu’ailleurs, nous pouvons aussi mobiliser certains d’entre eux pour la formation au séminaire (6 prêtres à plein temps). 

L’accueil de cette diversité appelle à relever un quadruple défi. En premier lieu, le défi de la communion pour que notre Eglise ne soit pas la simple juxtaposition de charismes et de sensibilités pastorales. Le pèlerinage des prêtres et séminaristes chaque année à Cotignac, les rencontres sacerdotales dans le cadre des doyennés mais aussi pour les jeunes prêtres qui partent ensemble plusieurs jours chaque année en pèlerinage, entre autres initiatives, manifestent l’effort qui doit toujours être le nôtre de grandir dans la communion ministérielle et intergénérationnelle, dans le respect des dons portés par chacun au service de l’unique Eglise du Christ dont nous sommes les ministres et les serviteurs. Seule l’Eglise dans son ensemble a le charisme de tous les charismes.

Cette diversité nous invite à relever un autre défi, qui est celui de l’ouverture à l’universel. Je pense à l’aide que nous avons à apporter à d’autres diocèses en difficulté sur le plan du nombre de prêtres. Nous avons envoyés des prêtres à l’étranger, que l’on appelle fidei donum, mais il y a aussi des diocèses de taille plus modeste dans notre province ecclésiastique, que nous soutenons : Digne, la Corse. 

Un autre défi est celui de l’incarnation. Pour les nouveaux venus, l’effort à accomplir est de s’inscrire dans l’histoire d’une Eglise particulière et d’un presbyterium marqués par de fortes traditions. Les nouvelles générations sont souvent sujettes au zapping et à la prime donnée au ressenti émotionnel. Servir le Christ et les hommes nécessite de travailler dans des fidélités et dans la durée en acceptant de traverser des zones d’inconfort et des résistances intérieures ou extérieures. 

Enfin, la dernière lettre apostolique du Pape François met en lumière le défi de la conversion pastorale. Nous ne pouvons plus rester dans une pastorale de la maintenance et de l’entretien. Il nous faut opérer des changements nécessaires pour atteindre les gens du parvis, rejoindre les attentes spirituelles de notre temps, nous mobiliser en direction des nouvelles formes de pauvreté : pauvretés matérielles certes, mais aussi relationnelles, affectives, morales qui portent atteinte au principe d’humanité. Cette conversion pastorale passe en premier lieu par la conversion des pasteurs dans la manière de gouverner la communauté de façon plus affiliative, plus dynamique. La formation à la gouvernance pastorale qui a été initiée dans le diocèse, rassemble actuellement près d’une centaine de prêtres de la région pour relever le défi de cette conversion pastorale. 
4. Vous allez présider deux célébrations d’ordination, l’une dans la forme extraordinaire fin mai à la cathédrale de Toulon et l’autre fin juin au séminaire de La Castille, dans la forme ordinaire. Quel regard portez-vous sur cette présence des deux formes du rite romain dans le diocèse? Quelle place accordez-vous aux prêtres et séminaristes attachés à la forme extraordinaire de la liturgie?
J’ai souhaité que nous puissions appliquer pleinement le motu propio de Benoît XVI Summorum pontificum qui parle d’enrichissement mutuel des deux formes du même rite romain dans la fidélité au magistère de l’Eglise, et en particulier à la constitution sur la Liturgie de Vatican II. Dans notre diocèse plusieurs réalités sont attachées à l’ancienne forme du rite : en particulier la Société missionnaire de la Miséricorde Divine, mais aussi d’autres prêtres individuellement marquent leur intérêt pour cette expression liturgique. Cet accueil qui se veut généreux réclame des conditions nécessaires : la fidélité à Vatican II et au magistère actuel de l’Eglise, l’acceptation dans certaines circonstances, en particulier autour de l’Evêque, de la forme ordinaire, et une orientation missionnaire résolue, pour ne pas rester dans l’entre-soi. 

Le séminaire diocésain doit être pour moi la matrice de la communion du presbyterium. C’est la raison pour laquelle j’ai lancé la Maison Saint Charles dans une articulation profonde au Séminaire diocésain. Cette maison offre à des jeunes la possibilité, tout en poursuivant leurs études au Séminaire, d’honorer leur attachement à la forme extraordinaire de la liturgie. Il faut réfléchir dans les années qui viennent à la possibilité que ces futurs prêtres puissent, en plus de l’aide qu’ils peuvent apporter aux communautés attachées au rite tridentin, s’investir dans des ministères missionnaires dans des secteurs où il n’y a plus aucune présence chrétienne. Je pense en particulier, dans notre diocèse, à certaines zones périphériques du territoire. 
5. Mgr, vous allez fêter cette année le 30ème anniversaire de votre ordination presbytérale. Que demandez-vous aux fidèles laïcs qui auront la joie d’accueillir de nouveaux prêtres?
Les fidèles laïcs et les familles en particulier, mais aussi les consacrés, doivent aider les prêtres à croire en leur ministère, à aller jusqu’au bout de leur mission. L’exercice du ministère est pour chacun d’eux une école de sainteté par le don de soi pour le service des autres. Les fidèles doivent les soutenir pour qu’ils soient de vrais pères, appelés par le Christ à engendrer à la foi le peuple chrétien dans les sacrements et l’annonce de la Parole. Nous marchons tous ensemble avec le Seigneur et vers le Seigneur. L’Eglise est une maison mais aussi une cordée où nous avançons les uns avec les autres, et les uns par les autres, vers Celui qui est à la source mais aussi au terme de notre pèlerinage. Les laïcs doivent regarder les prêtres comme un don de Dieu et les aider à porter la lourde charge du ministère mais aussi à se sanctifier et à se convertir car ils sont pécheurs tout comme eux. Je pourrais résumer ce soutien des laïcs par rapport aux prêtres par ces quatre verbes : prier pour eux, les aimer, les aider spirituellement, fraternellement et matériellement, et les accompagner sur les chemins de la mission.