15 mai 2013

[Abbé Benoit Storez, fsspx - Le Belvédère] Les racines profondes du mariage pour tous

SOURCE - Abbé Benoit Storez, fsspx - Le Belvédère - mai 2013

Notre pauvre pays qui a déjà apostasié en rejetant son Dieu, s'enfonce maintenant plus avant dans la perversion en rejetant même l'ordre naturel. Jamais le démon ne dira : « C'est assez », le mal n'a pas de limite. 

Mais au delà de l'actualité politique, il importe pour nous de remonter aux racines profondes de cette corruption de la société, car cette loi est l'aboutissement une volonté persévérante de dénaturer l'œuvre de Dieu. On pourrait en particulier faire deux réflexions : l'une concernant le mariage lui-même, l'autre concernant la complémentarité et la distinction entre l'homme et la femme.

Parmi les sept sacrements que Jésus-Christ a donné à l'humanité, cinq sont destinés à l'utilité personnelle, et deux au bien de la société. Les cinq premiers sacrements, qui sont le Baptême, la Confirmation, l'Eucharistie, la Pénitence et l'Extrème- Onction, sont reçus pour notre sanctification propre. Les deux autres en revanche, qui sont l'Ordre et le Mariage, ont été institués pour le bien commun. En d'autres termes, on est baptisé pour soi, on reçoit la communion pour soi, mais le sacerdoce est reçu pour les autres, et le mariage est également pour les autres, en l'occurrence pour les enfants.

Cela ne signifie pas qu'il n'y ait aucun bien à tirer pour soi-même des sacrements de Mariage et d'Ordre. Le prêtre est le premier bénéficiaire de la grâce de pouvoir dire la messe. Mais il a reçu ce pouvoir avant tout pour la sanctification d'autrui : le sacerdoce est un service. De même les époux reçoivent dans le mariage des grâces particulières qui les aideront puissamment à se sanctifier. Mais par ce sacrement, c'est la sanctification de toute la famille qui est visée plus que la sanctification personnelle.

Cette réflexion sur le sacrement de Mariage peut même s'élargir au contrat de mariage, c'est-à-dire à l'engagement total et réciproque des époux l'un envers l'autre, contrat qui existe depuis le premier jour de la Création et que Jésus-Christ a élevé à la dignité de sacrement. Cet engagement a deux buts, qui sont les deux fins du mariage : premièrement la génération et l'éducation des enfants, et deuxièmement l'entraide mutuelle. L'épanouissement mutuel des époux est donc un des buts du mariage, mais c'est la fin seconde et non la fin première. Fin seconde ne veut pas dire accessoire, mais souligne simplement l'ordre qui existe entre ces deux fins indissociables, dont la seconde est subordonnée et vient en aide à l'obtention de la première.

Or depuis des années, on assiste à une inversion des fins du mariage : l'épanouissement mutuel est devenu premier, et le bien des enfants second. Cette erreur véhiculée par les penseurs modernes a pourtant été condamnée par les papes, par Pie XII en particulier (Allocution aux père de famille, 18 septembre 1951), mais on la voit aujourd'hui enseignée partout. Elle était insinuée dans le Concile Vatican II (Gaudium et spes n° 47 et suivants), puis a été explicité dans le nouveau code de droit canonique (canon 1055) et dans le nouveau catéchisme, dit catéchisme de l'Eglise catholique (n° 1601). Graduellement, les novateurs ont provoqué un véritable bouleversement qui va à l'encontre de toute la Tradition. Dès le début, des voix s'était élevées pour souligner qu'un tel renversement de valeur pouvait conduire fort loin, jusqu'à un ébranlement profond de la morale et de la notion même de mariage. Si en effet l'épanouissement personnel des époux est premier, alors tout ce qui permet cet épanouissement peut s'en trouver légitimer, y compris les déviations les plus honteuses. On le voit hélas aujourd'hui, et les malheurs de notre temps ne font que mieux souligner la sagesse de l'enseignement constant de l'Eglise et la perspicacité des défenseurs de la foi. On assiste à une perversion du mariage parce que le bien personnel des époux a été mis à la première place. Ce bien est important, certes, mais la doctrine de l'Eglise l'a toujours placé en second car il est au service des enfants à qui profitent la stabilité et l'harmonie de la famille. 

De ceci, il y a une conclusion pratique à tirer : c'est que le plus grand ennemi du mariage est l'égoïsme. Quand des époux ou des parents se recherchent eux-mêmes de façon habituelle, leur famille est en péril. Le mariage est construit sur un don, et lorsque l'on se donne, c'est sans retour et pour toujours. Dieu dans sa bonté veut que les époux profitent de ce don dans les joies de la vie de famille et trouvent en eux-mêmes la vérification de la parole de Dieu : « Il y a plus de joie à donner qu'à recevoir ». Mais de même qu'il n'existe pas de vie ici-bas sans épreuve, de même il n'existe pas de vie de famille sans épreuve. Dans les moments de difficultés, il faut se rappeler que le mariage est un don de soi, et que dans la vie commune, ce don généreux que l'on a fait et que l'on renouvelle aide à porter et surmonter à deux les épreuves de la vie.

L'autre racine d'où est sorti ce texte qui ne saurait mériter le nom de loi, est l'entreprise menée de longue date pour gommer dans l'humanité la distinction entre hommes et femmes. On arrive aujourd'hui aux conclusions ultimes de cette stratégie persévérante et peut -être qu'un futur proche verra les documents officiels porter les mentions « parent 1 » et « parent 2 ». D'ailleurs, tant qu'à numéroter, pourquoi s'arrêter à deux ? 

C'est l'aboutissement d'un long processus de conditionnement des esprits. La femme a été vue comme inférieure à l'homme parce que le rôle de chef est dévolu à l'homme. Cette infériorité est une grave erreur, et qu'il suffise de dire que dans la Sainte Famille, celle qui devait être la Reine du ciel était soumise à saint Joseph, et n'en était pas diminuée pour autant. Saint Joseph d'ailleurs devait bénir le ciel de lui avoir donné une épouse qui l'aide et le seconde si bien dans sa responsabilité. Dans la famille, l'homme est la tête et la femme le cœur. 

Or de même que dans le corps, la tête et le cœur concourent à la vie, de même dans la famille, le mari et l'épouse concourent à la vie familiale. Contre cette sagesse du Créateur, la place de la femme a été vue comme un esclavage, une indignité. Les hommes malheureusement se sont souvent prêtés à cette erreur, confondant l'autorité avec la supériorité. De ce fait, ils ont soit fait de l'autorité une tyrannie, soit abdiqué au contraire de leur responsabilité comme si elle était humiliante pour autrui. 

Après avoir inculqué dans l'esprit des femmes ce sentiment d'infériorité, l'ennemi du genre humain a exploité notre fond d'orgueil pour pousser à la révolte contre l'ordre établi : c'est toute l'histoire du mouvement féministe, appelé aussi mouvement de libération de la femme, c'est tout dire. Tout ce qui est fait par l'homme doit pouvoir être fait par les femmes car, disent-ils, nous sommes tous égaux, et il est injuste qu'il y ait des préférences. Et voilà comment on pousse des femmes dans des métiers qui vont à l'encontre de leurs qualités naturelles. Des lois sont même édictées pour imposer la parité au nom de l'égalité. Toute cette pression qui s'exerce depuis des années a ultimement comme but de gommer la différence entre hommes et femmes en leur donnant les mêmes métiers, les mêmes responsabilité, les mêmes façons de vivre. 

La pression est telle que ces idées s'insinuent doucement même chez les catholiques. Il est difficile de se défendre d'une odeur répandue partout : elle finit par s'imprégner aux vêtements, par pénétrer partout. De même une idée répandue depuis si longtemps par tous les moyens possibles et imaginables finit par s'insinuer dans nos esprits presque à notre insu. Ainsi voit-on se répandre jusque dans nos chapelles une façon de s'habiller qui va directement à l'encontre de la distinction naturelle entre hommes et femmes, je veux parler bien sûr du pantalon féminin. Cette mode nouvelle, et l'idée qu'elle véhicule, s'est tellement bien insinuée que dans l'immense majorité des cas, ce n'est pas par effet de mode, encore moins par féminisme, mais tout simplement par commodité que ce vêtement est porté. Et l'on s'en excuse en alléguant que c'est la coutume maintenant, et qu'on ne peut plus dire que le pantalon soit un vêtement masculin. Pourtant, qui pourra nier que cette mode n'ait contribué efficacement à gommer la différence entre hommes et femmes ? Pour mettre dans les esprits des gens qu'ils sont identiques, commençons par les faire s'habiller de façon identique ! La mode a été lancée il y a fort longtemps, le démon est patient. Dès le début, des esprits avertis ont alerté des dangers d'une telle évolution, hélas en vain. Ainsi pendant des décennies, la mode a habitué les femmes à s'habiller comme les hommes afin d'atténuer autant que possible cette différence extérieure par trop flagrante. 

Aujourd'hui, nous arrivons aux conclusions de cette triste évolution : puisque la femme s'habille de la même façon, exerce les mêmes métiers, est en tout l'égal et la copie conforme de l'homme, c'est donc que la notion d'homme et de femme n'est pas une réalité naturelle mais simplement une convention sociale. On décore ça d'une belle théorie que l'on fait ensuite apprendre à l'école à grand renfort de programme scolaire obligatoire et de soi-disant littérature. Pauvres enfants qui grandissent en buvant pareil poison ! Dans une pareille perspective, la notion de mariage comme union d'un homme et d'une femme apparaît comme bien désuète et porteuse de valeurs dépassés. Ainsi s'en trouvent ruinées la famille et la société, au milieu des applaudissements de la classe politique. 

Mais pourquoi tant de rage à détruire notre nature ? Le démon cherche à corrompre le plus possible l'empreinte de la Sagesse de Dieu dans la Création. Mais surtout, il vise à la perte des âmes. Or il y a un dicton de sagesse populaire qui dit : on ne construit pas de surnaturel sur du naturel boiteux. La surnature en effet surélève la nature et s'appuie sur elle. Aussi pour mieux détruire le surnaturel, le démon s'attaque aussi au naturel, le corrompt et le transforme pour faire la société à son image : monstrueuse. 

Quel remède devant tant de maux ? Commençons par balayer devant notre porte. On juge l'arbre à ses fruits, la cause à ses effets. Témoin de tant de bouleversements, travaillons à en extirper les causes et les racines profondes. Il faut veiller à ne pas laisser s'insinuer chez nous les vapeurs d'une société qui se corrompt. Que les hommes soient des hommes et les femmes soient des femmes. Il y a des richesses distinctes et complémentaires qu'il faut veiller à cultiver. Il faut également sauvegarder les vertus d'oubli de soi et de générosité. La société se meurt d'égoïsme. Parents chrétiens : soyez toujours généreux et apprenez à vos enfants à se donner. 

Dans ce contexte de naufrage social, tournons nos yeux vers la Sainte Famille. Nous entrons dans le mois de Marie, lequel commence par la fête de saint Joseph. Quels plus beaux modèles pourrions-nous donner que la sainte Vierge et saint Joseph ? Saint Joseph, chef de famille à l'autorité ferme et douce, parfait modèle du devoir d'état bien accompli et protecteur infatigable de la Sainte Famille. La Très Sainte Vierge, modèle d'épouse et de mère, qui n'a pas brillé par l'éclat des miracles ou la prédication dans le monde entier, mais qui a tenu sa maison, a élevé l'Enfant-Jésus et a parfaitement rempli son rôle d'ange du foyer. N'y voyons pas une fonction accessoire indigne de sa grandeur, c'est la vie que Dieu a voulu pour celle qu'il a couronnée Reine du Ciel. C'est un rôle moins en vue que d'autres, certes, mais non moins grand. Saint Joseph, la Sainte Vierge, modèles du devoir d'état bien accompli, modèles d'ordre et de vertus chrétiennes! Imitons-les, prions-les : ils nous sauveront. 

Abbé Benoît Storez