25 mai 2013

[Mgr Williamson - Commentaire Eleison] Damnation éternelle - II

SOURCE - Mgr Williamson - Commentaire Eleison - 25 mai 2013

Il est inutile de nous berner que nous autres êtres humains nous puissions sonder le mystère de la damnation d’une seule âme, encore moins celle de la majorité des hommes qui vivent et meurent, mais on peut évoquer certaines vérités qui rendent plus facile d’accepter que nous sommes en présence d’un mystère au-delà de toute possibilité de connaissance purement humaine.

La clef du mystère se trouve sûrement dans la grandeur infinie du Bon Dieu, ou son manque de toute limite. S’il est bien infini, alors l’offenser, c’est commettre une offense qui est sous un certain angle sans limites. Or la seule façon dont un être humain fini puisse souffrir infiniment, c’est que la souffrance soit sans fin dans le temps. Donc il y a une certaine proportion entre toute offense grave commise contre Dieu et un châtiment éternel.

Dans l’abstrait, il n’est pas tellement difficile pour la raison humaine de saisir l’infinité ou le manque de limites du Bon Dieu. Nous sommes entourés d’effets qui exigent une cause. Mais un enchaînement de causes ne peut continuer à l’infini, pas plus qu’une chaîne de maillons sans fin ne peut se suspendre sans crochet au plafond. Donc il doit y avoir une Cause Première, et celle-ci nous l’appelons Dieu. Mais si cette Cause Première était composée de parties, alors il aurait fallu pour les mettre ensemble un compositeur qui eût précédé la Cause Première, ce qui est contradictoire. Donc Dieu n’est d’aucune façon composé, il ne peut être que l’Existence pure et simple. Mais l’existence en tant que telle n’est pas limitée. Donc toute limite imposée à la Cause Première exigerait un être qui l’eût précédé pour la lui imposer – encore impossible. Donc l’être de la Cause Première n’a pas de limites. Dieu est l’Existence sans limites.

Dans le concret pourtant il n’est pas si facile pour nos esprits humains de saisir l’infinité divine. Ceux-ci fonctionnent à longueur de journée à partir de créatures limitées et finies. Ce n’est qu’en dirigeant nos cœurs et esprits vers Dieu que nous manions dans notre pensée l’infini. De là vient par ailleurs cette difficulté que nous avons si souvent de prier, parce que nous ne pouvons penser à la Bonté sans fin qu’en pensant à une bonté limitée qui soit proche de nous, et en élaguant ensuite ses limites. Par exemple, Dieu est aussi beau qu’un coucher de soleil, mais infiniment plus beau.

Il s’ensuit que plus nous nous laissons accaparer par la vie quotidienne, moins nos esprits et cœurs auront de possibilité de saisir ce qui ou ce qu’est le Dieu caché derrière tous les êtres limités qui tissent notre vie quotidienne. Au contraire, plus nous appliquons nos esprits et cœurs à connaître et aimer la Bonté illimitée qui se situe nécessairement derrière toutes ces bontés limitées qui constituent notre vie de tous les jours, plus nous aurons d’accès au mystère de la bonté infinie de Dieu et au mystère qui lui correspond de l’ingratitude de tant de ses créatures humaines.

Donc pour diminuer, sans nullement sonder, le mystère de la damnation éternelle des âmes, j’ai besoin de suivre l’exemple de St Dominique, et de prier. Prier ne signifie pas ici s’illusionner que Dieu a raison alors qu’en réalité il a tort. Il signifie accéder à la vérité, à savoir que c’est lui qui a raison et moi – qui ai tort !

Les Exercices Spirituels de St Ignace aident puissamment à diriger le cœur et l’esprit vers Dieu. Il y a un Saint qui a prié plus ou moins ainsi : « O amour, vous n’êtes pas aimé. Que vous fussiez aimé ! Donnez-moi seulement de vous aimer comme il faut, et faites ensuite de moi ce que vous voudrez. »

Kyrie eleison.