8 septembre 2012

[SPO] Profession religieuse en la fête de la Nativité de Notre-Dame

SOURCE - SPO - 8 septembre 2012

Aujourd’hui, dans les abbayes filles de Notre-Dame de Fontgombault, et, bien sûr, dans cette abbaye célèbre, c’est le jour des professions religieuses quand il y en a. Les bénédictins subissent, en effet, eux aussi un ralentissement sérieux des vocations, même si des jeunes gens continuent de frapper à leurs portes pour s’enrôler dans cette armée pacifique qui entend servir, par la louange divine, le roi des rois. On parle de prendre les armes dans la Règle de saint Benoît, même s’il ne s’agit pas de n’importe quels armes. Le début du Prologue de la Règle le dit très bien :
Écoute, mon fils, l’enseignement du maître, ouvre l’oreille de ton coeur ! Accepte volontiers les conseils d’un père qui t’aime et fais vraiment tout ce qu’il te dit.

En travaillant ainsi à obéir, tu reviendras vers Dieu. En effet, en refusant d’obéir par manque de courage, tu étais parti loin de lui.

Maintenant, c’est donc à toi que je parle, à toi, c’est-à-dire à tout homme qui renonce à faire sa volonté égoïste et qui prend les armes très fortes et belles de l’obéissance pour combattre sous les ordres du Christ, le vrai Roi, notre Seigneur.
Dans son célèbre Commentaire de la Règle de saint Benoît, dom Paul Delatte, troisième père abbé de Solesmes, commente ainsi ce passage :
Saint Benoît indique à qui s’adresse l’invitation, à qui convient le programme dont il vient de tracer une première esquisse : à vous donc s’adresse présentement ma parole, mon exhortation paternelle, qui que vous soyez, pourvu que vous apparteniez à la race des dociles et des forts : réserve faite pour ceux qui sont liés par d’autres devoirs et pour les incapables, il n’y a pas d’exclusion prononcée. On suppose seulement chez le candidat le dessein de souscrire aux conditions de la vie monastique, qui se réduisent à trois : renoncer à ses volontés propres, prendre en main les armes de l’obéissance et militer pour le Seigneur. Renoncer à ses volontés propres, ceci est préjudiciel. Saint Benoît parle des volontés, au pluriel, parce que la volonté propre ou l’égoïsme revêt des formes multiples. Sans prétendre les classifier, nous pouvons remarquer qu’il y a des volontés de réaction, des volontés de système, des volontés de tempérament. Les premières sont les moins dangereuses :c’est l’erreur d’un instant, une distraction, une parenthèse. Les volontés de système naissent habituellement au cours de la vie religieuse. On avait, au jour de la profession, renoncé à tout, mais on a reconstruit depuis : c’est une question de personne que l’on aime ou que l’on n’aime pas ; ou bien une question de doctrine, un point de détail peut-être, sur lequel on ne consent pas à transiger Il est plus malaisé encore de nous défaire de la volonté de tempérament, d’une trempe fermée, maussade, chicanière, qui nous porte invariablement à l’ego contra. Dans la mesure où nous dépouillerons la vieille défroque séculière d’égoïsme et jetterons bas tous les impedimenta, nous serons en état de saisir et de manier les armes de l’obéissance. Alors que l’Apôtre envisage les principales vertus comme les pièces diverses de l’armure surnaturelle (I THESS., V, 8 ; EPHES., Vl, 14-17), N. B. Père appelle du seul nom générique les armes qu’il donne à son moine : c’est l’armure de l’obéissance. On est soldat pour obéir, pour obéir en dépit de tout, et toujours ; et, lorsqu’il s’agit du Seigneur, pour obéir universellement et sans demander des pourquoi : c’est bien le moins. A-t-on assez déclamé contre l’immoralité du vœu d’obéissance ! a-t-on assez jeté le discrédit sur les vertus dites passives ! Saint Benoît comprend autrement les intérêts de la dignité humaine : les armes de l’obéissance sont pour lui les plus fortes, les mieux trempées, les plus brillantes aussi et les plus glorieuses. Nous obéissons à Dieu, nous obéissons à une Règle que nous avons étudiée et choisie : à un homme, nous n’obéissons jamais que dans les limites de ce que nous avons voué. Et alors que nous obéissons, non seulement nous sommes libres puisque c’est délibérément que nous unissons notre volonté à celle de Dieu, ce qui n’est pas une manière de se rapetisser ; mais encore nous sommes tenus de faire nôtre le motif réel de l’action et d’associer notre intelligence à la pensée divine. L’enrôlement fait, le soldat équipé, il n’y a plus qu’à militer sous l’étendard du vrai roi le Seigneur Christ : Domino Christo vero regi militaturus. C’est pour lui et ses intérêts, c’est à son exemple aussi que nous le servons : In capite libri scriptum est de me ut facerem voluntatem tuam. Deus meus, volui, et legem tuam in medio cordis mei… Factus obediens usque ad mortem. Prenons bien conscience du drame qui s’accomplit, et dans lequel nous devons jouer notre rôle. Ce drame remplit le temps et l’espace. Il a commencé, dès l’origine des choses, dans le monde angélique, par une désobéissance qui en a entraîné ici-bas une autre, laquelle a été réparée par l’obéissance de Notre Seigneur Jésus-Christ ; les êtres intelligents se sont rangés en deux camps : ceux qui obéissent, et ceux qui n’obéissent pas ; et la lutte des deux armées est sans trêve. Chacune a son roi ; et qui prétend se soustraire à l’obéissance passe de fait sous la tyrannie d’un autre. Dieu pour dieu : j’aime mieux le mien ! Dans l’armée de ceux qui obéissent au Seigneur, les religieux forment un corps d’élite. N B. Père reconnaîtra d’ailleurs que la vie monastique a encore la physionomie d’une école, d’un atelier, et surtout celle d’une famille.
Les abbayes de la famille de Fontgombault – on sait qu’elles appartiennent toutes à la congrégation de Solesmes et qu’elles ne forment pas à ce titre une famille bénédictine particulière, même si elles sont unies par des liens spécifiques – ont repris le texte de la profession religieuse datant de dom Guéranger, le restaurateur de Solesmes et le fondateur de la Congrégation de France, devenue depuis la congrégation de Solesmes.
 
Ce matin, à Notre-Dame de Randol, l’abbé Georges Cabaud a fait profession religieuse. Prêtre diocésain depuis plusieurs années, il a décidé d’entrer à l’abbaye de Randol, fondée à la fin des années soixante par l’abbaye de Fontgombault. Il est le fils de l’écrivain Judith Cabaud, spécialiste du grand rabbin Zolli, proche du Centre Charlier de Bernard Antony et chroniqueuse au journal L’Homme Nouveau. Judith Cabaud a raconté sa conversion au catholicisme, son mariage et l’éducation de ses enfants dans un très beau livre publié chez DMM : Sous les balcons du Ciel.
 
L’abbaye Notre-Dame de Randol possède un site Internet que l’on peut visiter ICI.