21 juin 2012

[Un prêtre catholique] Benoît XVI le veut !…

Un prêtre catholique - 21 juin 2012

Benoît XVI le veut !…
A propos des accords entre Rome et la FSSPX
Que veut-il exactement ? Laissons-le s’exprimer :

Le mercredi 28 janvier 2009, après avoir levé les excommunications qui touchaient les quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre, le Pape Benoît XVI affirmait au sujet des responsables de la FSSPX :
« J’espère que mon geste sera suivi par leur ferme engagement d’accomplir le chemin encore nécessaire pour réaliser leur pleine communion dans l’Église, afin de témoigner d’une authentique fidélité et d’une véritable reconnaissance du Magistère comme de l’autorité du Pape et du Concile Vatican II. »
Le 10 mars 2009, dans sa LETTRE AUX ÉVÊQUES DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE AU SUJET DE LA LEVÉE DE L'EXCOMMUNICATION DES QUATRE ÉVÊQUES CONSACRÉS PAR MGR LEFEBVRE, Benoît XVI écrivait :
« Le fait que la Fraternité Saint-Pie X n’ait pas de position canonique dans l’Église, ne se base pas en fin de comptes sur des raisons disciplinaires mais doctrinales. Tant que la Fraternité n’a pas une position canonique dans l’Église, ses ministres non plus n’exercent pas de ministères légitimes dans l’Église. Il faut ensuite distinguer entre le niveau disciplinaire, qui concerne les personnes en tant que telles, et le niveau doctrinal où sont en question le ministère et l’institution. Pour le préciser encore une fois: tant que les questions concernant la doctrine ne sont pas éclaircies, la Fraternité n’a aucun statut canonique dans l’Église, et ses ministres – même s’ils ont été libérés de la punition ecclésiastique – n’exercent de façon légitime aucun ministère dans l’Église. »
(…)
« Il devient clair ainsi que les problèmes qui doivent être traités à présent sont de nature essentiellement doctrinale et regardent surtout l’acceptation du Concile Vatican II et du magistère post-conciliaire des Papes.»
(…)
« Conduire les hommes vers Dieu, vers le Dieu qui parle dans la Bible : c’est la priorité suprême et fondamentale de l’Église et du Successeur de Pierre aujourd’hui. D’où découle, comme conséquence logique, que nous devons avoir à coeur l’unité des croyants. En effet, leur discorde, leur opposition interne met en doute la crédibilité de ce qu’ils disent de Dieu. C’est pourquoi l’effort en vue du témoignage commun de foi des chrétiens – par l’oecuménisme – est inclus dans la priorité suprême.»
(…)
« Le fait de s’engager à réduire les durcissements et les rétrécissements, pour donner ainsi une place à ce qu’il y a de positif et de récupérable pour l’ensemble, peut-il être totalement erroné? Moi-même j’ai vu, dans les années qui ont suivi 1988, que, grâce au retour de communautés auparavant séparées de Rome, leur climat interne a changé; que le retour dans la grande et vaste Église commune a fait dépasser des positions unilatérales et a atténué des durcissements de sorte qu’ensuite en ont émergé des forces positives pour l’ensemble. »
Comment cette position de Benoît XVI est-elle comprise par les analystes ?
« La stratégie du Saint-Siège ne date pas de Benoît XVI. Elle repose sur le principe qu’il faut grignoter la nébuleuse intégriste, en intégrant les morceaux digérables qui s’en détachent. Dès 1988, au lendemain du schisme, Rome crée les instituts Ecclesia Dei, qui récupèrent ceux qui ne veulent pas suivre Mgr Lefebvre. Cette stratégie s’appuie sur un pragmatisme et une confiance. Loin de se polariser sur une conversion doctrinale des brebis revenant au bercail, le Vatican veut surtout s’assurer de leur volonté de ne plus faire la guerre. Rome fait le pari que, Dieu aidant, les réintégrés vont quitter leur posture virulente pour se fondre dans le paysage ecclésial au bout de deux générations. Un pari gagné, au Brésil, avec l’administration apostolique de Campos, en 2001. »
Extrait de l'article de Jean Mercier, LA VIE, 22 septembre 2011 
 
La même idée était défendue par le Père Jean-Paul Durand, interrogé dans le journal La Croix, le 14 septembre 2011 :
« Question d’Isabelle de Gaulmyn : Pourquoi d’un côté poser ce préambule, et de l’autre laisser ouverte «à une légitime discussion» des expressions ou formulations présentes dans les textes du concile Vatican II ?

- C’est une méthode de dialogue, que l’on utilise aussi dans le dialogue oecuménique, avec les autres confessions chrétiennes. C’est ainsi qu’avec les luthériens, pour l’accord sur la doctrine de la justification, on a reconnu une base commune, mais aussi des différences d’appréciations, et c’est une manière de ne pas bloquer les choses. C’est la même chose ici : il est demandé aux intégristes un minimum incontournable, le préambule doctrinal, et on prend ensuite le temps de discuter sur certaines interprétations.»
Sur le site de Témoignage chrétien, le 23 mai 2012, on pouvait lire l’analyse du journaliste Jérôme Anciberro qui, sans cacher sa détestation des « intégristes », donne son jugement sur la tactique romaine :
« À la fin de la Seconde guerre mondiale, Matyas Rakosi, chef du parti communiste hongrois, avait théorisé la tactique dite du « salami », consistant à découper tranche par tranche l’opposition jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. Après la Fraternité Saint-Pierre, fondée en 1988 pour accueillir les membres de la FSSPX qui avaient refusé de suivre le schisme de Mgr Lefebvre, après les membres de l’Institut du Bon Pasteur en 2007, une nouvelle tranche du salami intégriste est peut-être en train de tomber dans l’escarcelle de l’Église romaine. Mais ce qui est remarquable, c’est que ce sont les intégristes eux-mêmes qui semblent manier le couteau. »
La révélation faite par le journaliste italien G Nuzzi dans son livre Sa Sainteté, les papiers secrets de Benoît XVI, éd Chiarelettere, mai 2012, pp. 207-208, à propos d'un document corrigé par le Pape Benoît XVI au sujet de l'accord avec la FSSPX dévoile au grand jour la pensée du souverain pontife à l'égard de celle-ci :
[la phrase] « le Saint Père n'a pas l'intention de faire l'impasse sur une condition qui est indispensable » est effacée par Benoît XVI et remplacée par : « la pleine reconnaissance du Concile Vatican II et du magistère des papes Jean XXIII, Paul VI, Jan Paul Ier et II et Benoît XVI lui-même est une condition indispensable ».
La Croix, le 13 juin 2012
« La résorption du schisme est l’un des objectifs assignés par Benoît XVI pour son pontificat, et il a mis tout son poids pour y parvenir. Il est convaincu, observe un proche du dossier, que « si la Fraternité est rattachée au reste de l’Église, la tradition vivante irriguera cette communauté, et que le temps fera son oeuvre pour aplanir les résistances ».
Frédéric MOUNIER (à Rome) et Isabelle de GAULMYN