25 juin 2012

[Un prêtre catholique - antimodernisme.info] Mgr Lefebvre, Rome et les ralliés

SOURCE - Un prêtre catholique - antimodernisme.info - juin 2012

Table des matières
Introduction
I - L’œuvre de Mgr Lefebvre
1. L’œuvre de Mgr Lefebvre jusqu’en 1988 : maintenir la Tradition
2. Continuer cette œuvre après sa mort
# Dans l’esprit de foi
# Il est nécessaire de mettre la Tradition à l’abri des influences modernistes et libérales
# La Tradition ne peut continuer qu’avec un ou plusieurs évêques
# Ces évêques doivent avoir les mêmes principes que Mgr Lefebvre pour continuer l’œuvre dans le même esprit
# Le sermon du 29 juin 1987
3. Attitude de Rome
# Réaction de Rome
# Mgr Lefebvre tente un accord avec réticence
# Les bons fidèles craignaient cet accord
# Visite du cardinal Cagnon : approbation de l’œuvre
4. Mgr Lefebvre refuse tout accord avec Rome
# Le désaccord vient d’une opposition de doctrine avouée par les évêques
# Le désaccord vient non seulement des erreurs doctrinales mais aussi de la perversité de leur esprit…
# …et de leur manque d’honnêteté
# Rome ne veut pas la même chose que lui
# Mgr Lefebvre se donne les moyens de continuer l’œuvre : « opération survie », les sacres de 19885. D’autres acceptent un accord avec Rome
# Ils pensent trouver dans cet accord les garanties suffisantes pour continuer la Tradition : confiance sans fondement
# Les communautés qui ont passé cet accord avec Rome
# On les appelle « ralliés »
II - Les intentions
1. Mgr Lefebvre
# Remettre en honneur la Tradition et lui redonner dans l’Église la place qui lui est due
# Examiner si Rome veut sincèrement protéger la Tradition
2. Rome
# Réconciliation et non pas reconnaissance de la Tradition comme voulait Mgr Lefebvre
# Faire rallier tous les traditionalistes à Rome
# Pleine communion ecclésiale qui inclut la collaboration des ralliés sous la direction des évêques diocésains et qui détermine la composition de la commission romaine.
# C’est autre chose qu’une question de rite : toute une conception de l’Église
# Dans ce cadre deux tendances sont manifestes
# Il faut penser comme tous les évêques, reconnaître l’orthodoxie de la nouvelle messe et adhérer au concile Vatican II
# Fidélité à la Tradition vivante
3. Les ralliés
# Ils ne veulent pas pleinement suivre la Tradition
# Être dans l’obéissance
# Être dans la légalité (situation canonique régulière) ; être relevé des censures
# Être dans l’Église ; l’Église est visible
# Travailler dans l’Église à ce que la Tradition retrouve son droit de cité
# C’est l’Église qui sauve et non nous qui sauvons l’Église
# S’opposer à l’esprit de parti et au schisme
# Garder ses amitiés ; faire cesser les divisions et les souffrances
# S’ouvrir
# Favoriser l’apostolat et l’afflue des vocations en ôtant les obstacles apparents de schisme
# Être un pont entre Rome et la Fraternité Saint Pie X
# Les laïcs sont incompétents pour juger de certaines choses religieuses ; ils prennent leur bien où ils peuvent
III - Les termes de l’accord : le Motu proprio du 2 juillet 1988
1. Un fondement sentimental et non doctrinal
2. Première conséquence : l’œcuménisme liturgique
3. Deuxième conséquence : de l’œcuménisme liturgique à l’œcuménisme doctrinal
# Dérive progressive
# La pleine acceptation de l’œcuménisme pratiqué par Jean-Paul II
# La pleine acceptation des principes sous-jacents à cette pratique
4. La réponse du pape Pie XI
5. Tradition vivante
# Sens des mots
# Novateurs
# Infaillibilité
IV - Un accord pratique ?
1. Attitude subversive
2. Se soumettre volontairement aux autorités romaines : se mettre sous influence moderniste
3. Intégrer la Tradition dans le système moderniste : le pluralisme
V - Confirmation : l’accord de Campo
# Être reconnus par Rome
# Le concile Vatican II « à la lumière de la Tradition »
# La nouvelle messe
# Avec le pape
# collaborer au combat contre les erreurs !
# Omission de la profession publique de la foi
VI - Confirmation : l’Institut du Bon Pasteur
# Les premiers membres
# Réconciliation
# La messe
# Évolutionnisme et pluralisme
# Conclusion
VII - La participation à la messe chez les ralliés
# Un exemple
# Quelques notions
# Retour sur l’exemple
# Application : participation à la messe chez les ralliés
# Un autre exemple à méditer
# Un attrape-nigauds ! ce que Mgr Lefebvre pensait de la messe chez les ralliés ou de la messe à indult...
# Mgr Lefebvre aux fidèles du Canada
VIII - Conclusion
1. Rectitude d’intention
2. Vivre de foi, non de sentiment
3. Soumission à la sagesse, vraie obéissance
# Soumission à la sagesse divine
# Obéissance
# Conseils des saints
# En résumé

Introduction
Face à la crise dans l’Église, Mgr Lefebvre a donné la preuve de l’union remarquable entre plusieurs vertus  : le respect dû à l’autorité  ; la prudence  : il restait méfiant à l’égard des autorités qui avaient si gravement trahi la foi catholique et qui ne donnaient aucune garantie de leur retour à la Tradition  ; la docilité et l’attention à la Providence sans jamais la précéder  ; l’espérance  : l’Esprit Saint pourrait agir dans ces autorités pour les ramener à la Tradition  ; l’attachement profond et fort à la foi catholique et à l’Église  ; la défense du règne de Jésus-Christ.
De plus, il fut un digne successeur des Apôtres, fidèle à sa charge d’évêque, gardien de la foi et pasteur des brebis.
Les âmes désorientées par le concile Vatican II, la nouvelle messe et les réformes post conciliaires ont reconnu en lui un père et un docteur de la foi. Ces âmes ne s’y sont pas trompées. La Providence leur montrait un père en qui elles trouvaient réconfort et encouragement  ; en son enseignement, elles trouvaient des principes et des directives, appliqués à la situation exceptionnelle, qu’est la crise dans l’Église. Cet enseignement faisait preuve d’une grande sagesse. Laquelle demeure un guide précieux, tant que dure la crise.
C’est dans cet esprit que le présent document a été rédigé.

I - L’œuvre de Mgr Lefebvre
1. L’œuvre de Mgr Lefebvre jusqu’en 1988  : maintenir la Tradition
«  Nous adhérons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catholique, gardienne de la foi catholique et des traditions néces­saires au maintien de cette foi, à la Rome éternelle, maîtresse de sagesse et de vérité.
«  Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifes­tée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réfor­mes qui en sont issues. (…)
«  Aucune autorité, même la plus élevée dans la hiérarchie, ne peut nous contraindre à abandonner ou à dimi­nuer notre foi catholique clairement exprimée et professée par le magis­tère de l’Église depuis dix-neuf siècles.
«  S’il arrivait, dit saint Paul, que nous-même ou un Ange venu du ciel vous enseigne autre chose que ce que je vous ai enseigné, qu’il soit anathème  » (Gal. 1, 8) (Déclaration du 21 novembre 1974)
«  Parce que nous voulons rester catholiques. C’est vraiment la raison pour laquelle nous sommes poursuivis, c’est parce que nous voulons rester catholiques. Nous sommes poursuivis parce que nous voulons garder la messe catholique, parce que nous voulons garder la foi catholique, parce que nous voulons garder le sacerdoce catholique. Nous sommes poursuivis à cause de cela.  » (Mgr Lefebvre, Écône, 4 septembre 1987, Sel de la Terre n°31, p. 201)
«  Il y a un combat qui est mené dans l’Église pour faire disparaître le passé, la tradition de l’Église. Cette persécution continuelle contre ceux qui veulent demeurer catholiques, comme l’étaient les papes avant Vatican II. Voilà notre position. Nous continuons ce que les papes ont enseigné et ont fait avant Vatican II. Nous nous opposons à ce qu’ont fait les papes Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II actuellement, parce qu’ils ont accompli une rupture avec leurs prédécesseurs. Nous préférons la tradition de l’Église à l’œuvre de quelques rares papes qui s’opposent à leurs prédécesseurs.
«  Cependant nous avons voulu garder le contact avec Rome, au cours de ces années, depuis 1976, au moment où nous avons reçu la suspens a divinis, parce que nous continuions à faire des ordinations sacerdotales. Nous avons voulu garder le contact avec Rome, espérant que la Tradition retrouverait un jour ses droits. Mais ce fût peine perdue.
«  Devant le refus de Rome de prendre en considération nos protestations et nos demandes de retour à la Tradition, et devant mon âge car j’ai maintenant 82 ans, je suis dans ma 83e année, il est évident que je sens la fin venir, il me faut un successeur.  » (Conférence de Mgr Lefebvre du 15 juin 1988, Fideliter, 29-30 juin 1988, p. 8-9)
2. Continuer cette œuvre après sa mort
# Dans l’esprit de foi
- fermeté dans l’attachement aux principes (se battre pour eux)
«  Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous avons eu des difficultés avec Rome. Ce n’est pas par plaisir que nous avons dû nous battre. Nous l’avons fait pour des principes, pour garder la foi catholique.  » Parlant des moines du Barroux, Mgr Lefebvre ajoute  : «  Ils ont pratiquement abandonné le combat de la foi. Ils ne peuvent plus attaquer Rome. C’est ce qu’a fait aussi le Père de Blignières. Il a changé complètement. Lui qui avait écrit tout un volume pour condamner la liberté religieuse, il écrit maintenant en faveur de la liberté religieuse. Ce n’est pas sérieux. On ne peut plus compter sur des hommes comme ceux-là, qui n’ont rien compris à la question doc­trinale.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°79, janvier-février 1991, p. 6.)
- l’essentiel n’est pas la messe, mais la doctrine
En 1986, à Écône, Mgr Lefebvre avertissait les séminaristes  : ce n’est pas donner la messe qui résout les problèmes, il faut dépasser cette conception. (14 janvier 1986) «  Ce n’est pas une petite chose qui nous oppose. Il ne suffit pas qu’on nous dise  : vous pouvez dire la messe ancienne, mais il faut accepter cela. Non, ce n’est pas que cela qui nous oppose, c’est la doctrine. C’est clair.
«  C’est ce qui est grave chez Dom Gérard et c’est ce qui l’a perdu.
«  Dom Gérard n’a toujours vu que la liturgie et la vie monastique. Il ne voit pas clairement les problèmes théologiques du Concile, de la liberté religieuse. Il ne voit pas la malice de ces erreurs. Il n’a jamais été très soucieux de cela.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°66, novembre-décembre 1988, p. 14  ; cf. Fideliter, n°87, sep­tembre 1990, p. 1)
D’aucuns ont écrit que, au Concile Vatican II, la seule messe célébrée était la messe traditionnelle. Cela n’a pas empêché ledit concile de promulguer les décrets funestes sur la liberté religieuse et l’œcuménisme… (L’Hermine, année 2005, n°6)
- un accord sur la messe seulement : une impasse
Les ralliés disent  : «  Oh, pourvu qu’on nous accorde la bonne messe, on peut donner la main à Rome, il n’y a pas de problèmes.  » Mgr Lefebvre répond  : «  Voilà comment ça marche ! Ils sont dans une impasse car on ne peut pas à la fois donner la main aux modernistes et vouloir garder la Tradition.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°87, septembre 1990, p. 3)
- ne pas minimiser les difficultés, ni magnifier la Rome actuelle
«  Il faut placer les événements qui se passent aujourd’hui et qui vont se passer demain — particulièrement la consécration épiscopale de quatre jeunes évêques le 30 juin — dans le contexte de nos difficultés avec Rome, non seulement depuis 1970, depuis la fondation d’Écône, mais depuis le Concile.
«  Au Concile, moi-même et un certain nombre d’évêques nous avons lutté contre le modernisme et contre les erreurs que nous estimions inadmissibles et incompatibles avec la foi catholique. Le problème de fond, c’est cela. C’est une opposition formelle, profonde, radicale, contre les idées modernes et modernistes qui sont passées à travers le Concile.  » (Conférence de Mgr Lefebvre du 15 juin 1988, Fideliter, 29-30 juin 1988, p. 8-9)
En 1987, lors des tractations avec Rome, il avait été question d’un cardinal visiteur qui aurait eu plus ou moins d’autorité sur les œuvres de la Tradition. Parlant de lui, Mgr Lefebvre disait  : «  Et puis, je le vois d’ici, je le vois au milieu de nous, et avec de petits groupes, il va aller se promener avec des séminaristes  : «  Mais vous exagérez les difficultés. Mais voyons, le Concile  : mais vous prenez ce que vous voulez, il ne faut pas comprendre le Concile à la lettre... mais ceci, mais cela...  » Minimiser, minimiser, minimiser nos difficultés, n’est-ce pas, minimiser notre résistance. «  Mais la liturgie, la liturgie...  : puisqu’on vous accorde la messe de saint Pie V, vous pouvez quand même bien dire une fois de temps en temps la messe nouvelle. Elle n’est pas hérétique. Elle n’est pas schismatique. Il ne faut pas exagérer.  » Minimiser, minimiser  ; et puis, au contraire, magnifier ce que le Saint-Siège va nous donner  : «  Il faut s’entendre... Qu’est-ce que vous attendez  ? Il ne faut pas être comme cela avec des catégories et un esprit difficile.  »  » (Mgr Lefebvre, Écône, 4 septembre 1987, Sel de la Terre n°31, p. 198)
- dénoncer ouvertement les auteurs de l’autodémolition de l’Église et de la foi
«  Il ne faut pas avoir peur d’affirmer que les autorités romaines actuelles depuis Jean XXIII et Paul VI se sont faites les collaboratrices actives de la Franc-maçonnerie Juive internationale et du socialisme mondial. Jean-Paul II est avant tout un politicien philo-communiste au service d’un communisme mondial à teinte religieuse. Il attaque ouvertement tous les gouvernements anti-communistes, et n’apporte par ses voyages aucun renouveau catholique.
«  Ces autorités romaines conciliaires ne peuvent donc que s’opposer farouchement et violemment à toute réaf­firmation du Magistère traditionnel. Les erreurs du Concile et ses réformes demeurent la norme officielle consacrée par la profession de foi du Cardinal Ratzinger de mars 1989.  »
Une certaine piété ou une sainteté apparente plus que réelle ne saurait suffire  : «  J’entends dire  : «  Vous exa­gérez  ! il y a de plus en plus de bons évêques qui prient, qui ont la foi, qui sont édifiants...  » Seraient-ils des saints, dès lors qu’ils admettent la fausse liberté religieuse, donc l’État laïque, le faux œcuménisme, donc l’admission de plusieurs voies de salut, la réforme liturgique, donc la négation pratique du sacrifice de la Messe, les nouveaux catéchismes avec toutes leurs erreurs et hérésies, ils contribuent officiellement à la ré­volution dans l’Église et à sa destruction.  » (Mgr Lefebvre, Itinéraire spirituel, p. 10-11)
- combattre pour la foi à l’exemple des martyrs
Dans une conférence aux séminaristes d’Écône, Mgr Lefebvre disait (nous le résumons)  : Il ne faut pas se laisser entraîner par une dureté, une crispation sentimentale contre cette situation en rejetant toute hiérarchie. C’est une tendance assez naturelle car nous souffrons. Il ne faut pas tout rejeter car comment ferions-nous plus tard pour revenir à une situation normale  ? C’est un esprit schismatique.
D’un autre côté, il ne faut pas se laisser entraîner par le découragement  : certains ne peuvent pas rester toujours comme ça, en donnant l’impression qu’ils sont en dehors de l’Église, qu’ils sont désobéissants. Ce découragement, cette lassitude du combat n’est pas l’esprit de l’Église, de ceux qui ont combattu pour la foi, qui ont versé leur sang pour garder la foi  : les martyrs ont refusé de verser l’encens à l’idole du moment. Les libéraux, au contraire, veulent s’entendre avec les ennemis de l’Église, ils veulent être en bon terme avec le monde, ils préfèrent abandonner la foi pour être bien avec le monde plutôt que d’être martyrs. Il faut garder l’esprit des martyrs  : souffrir avec l’Église et pour l’Église. (Conférence à Écône, 3 décembre 1982)
# Il est nécessaire de mettre la Tradition à l’abri des influences modernistes et libérales
- Se protéger de Rome et des évêques
Cette protection est nécessaire car il est dans l’ordre des choses que le supérieur exerce une influence sur l’inférieur. Si le supérieur s’oppose à la foi catholique, que deviendra l’inférieur  ?
«  Il y en a qui sont prêts à sacrifier le combat de la foi en disant  : Rentrons d’abord dans l’Église  ! (…) Taisons notre problème dogmatique. (…) Ne parlons plus de la malice de la messe. (…) Ne disons plus rien sur les questions de la liberté religieuse, des droits de l’homme, de l’œcuménisme. Taisons-nous, taisons-nous, et puis comme cela nous pourrons rentrer dans le cadre de l’Église, et, une fois que nous serons à l’intérieur de l’Église, vous allez voir, on va pouvoir combattre, on va pouvoir faire ceci, on va pouvoir faire cela… C’est absolument faux  ! On ne rentre pas dans un cadre, et sous des supérieurs, en disant que l’on va tout bousculer lorsqu’on sera dedans alors qu’ils ont tout en mains pour nous juguler  ! Ils ont toute l’autorité.  » (Mgr Lefebvre, Écône, 21 janvier 1984)
«  J’aurais bien signé un accord définitif après avoir signé le protocole, si nous avions eu la possibilité de nous protéger efficacement contre le modernisme de Rome et des évêques. Il était indispensable que cette protection existât. Autrement nous aurions été pris par Rome d’un côté et par les évêques de l’autre, qui auraient essayé de nous influencer, de nous faire accepter le Concile évidemment, en fait de faire disparaître la Tradition.  » (Mgr Lefebvre, «  Après les ralliements sonnera l’heure de vérité  », Fideliter n°68, mars-avril 1989, p. 15)
Cette protection lui paraissait si nécessaire qu’il la voulait pour toute personne  : «  C’est donc un devoir strict pour tout prêtre voulant demeurer catholique de se séparer de cette Église conciliaire, tant qu’elle ne re­trouvera pas la tradition du Magistère de l’Église et de la foi catholique.  » (Mgr Lefebvre, Itinéraire spirituel, 1990, p. 31)
- Se protéger des groupes de fidèles libéraux
«  Surtout s’il y avait un arrangement (avec Rome), nous serions envahis par quantité de monde  : Mainte­nant que vous avez la Tradition et êtes reconnus par Rome, on va venir chez vous.
«  Il y a quantité de gens qui vont garder leur esprit moderne et libéral, mais qui viendront chez nous parce que cela leur fera plaisir d’assister de temps en temps à une cérémonie traditionnelle, d’avoir des contacts avec les traditionalistes.
«  Et cela va être très dangereux pour nos milieux. Si nous sommes envahis par ce monde-là que va devenir la Tradition  ? Petit à petit, il va y avoir une espèce d’osmose qui va se produire, une espèce de consensus. Oh, après tout, la nouvelle messe ce n’est pas si mal que ça, il ne faut pas exagérer. Tout doucement, tout doucement on va finir par ne plus voir la distinction entre le libéralisme et la Tradition. C’est très dangereux.  » (Mgr Lefebvre, Conférence faite au séminaire Saint-Curé-d’Ars à Flavigny le 11 juin 1988, Fideliter n°68, mars-avril 1989, p. 23)
- Seul un milieu entièrement dégagé des erreurs modernes peut permettre le renouveau
«  Seul un milieu entièrement dégagé des erreurs modernes et des mœurs modernes peut permettre le renou­veau de l’Église. Ce milieu est celui qu’ont visité le Cardinal Gagnon et Mgr Perl, milieu formé de familles profondément chrétiennes, ayant de nombreux enfants, et d’où proviennent de nombreuses et excellentes vo­cations.  » (Lettre au Pape, 20 mai 1988, Fideliter, 29-30 juin 1988.)
- Deux moyens pour être protégé de Rome  : des évêques traditionnels et une une commission romaine chargée de régler les rapports de la Tradition avec Rome
«  Nous avons accepté alors d’entrer dans ce nouveau dialogue, mais à la condition que notre identité soit bien protégée contre les influences libérales par des Évêques pris dans la Tradition, et par une majorité de membres dans la Commission Romaine pour la Tradition.  » («  Pourquoi cet arrêt des colloques par Mgr Lefebvre alors qu’un accord était signé le 5 mai 1988 ?  » Fideliter, 29-30 juin 1988)
«  Que fallait-il pour être protégés de Rome et des évêques  ? Moi, je voulais une commission à Rome qui soit composée entièrement de traditionalistes et qui aurait été comme une délégation de la Tradition à Rome. Quand des difficultés sur place seraient survenues, on aurait pu s’adresser à cette commission ayant la possibilité de nous défendre puisque composée de gens de la Tradition. Cette commission devait comprendre sept membres. Moi, je demandais que les sept membres soient de la Tradition. Ils n’ont pas voulu.  » (Mgr Lefebvre, «  Après les ralliements sonnera l’heure de vérité  », Fideliter n°68, mars-avril 1989, p. 15)
(cf. Mgr Lefebvre, Lettre au Cardinal Ratzinger 24 mai 1988, Fideliter 29-30 juin 1988, p. 48)
# La Tradition ne peut continuer qu’avec un ou plusieurs évêques
«  Depuis déjà plusieurs années j’essayais de faire entendre à Rome qu’avançant en âge, il me fallait assurer ma succession, que quelqu’un un jour ou l’autre, prenne ma place. On ne peut pas avoir des séminaires et des sémina­ristes sans un évêque  ; les fidèles eux-mêmes ont besoin aussi d’un évêque pour la transmission de la foi et celle des sacrements, en particulier celui de la confirmation. On était très conscient de cela à Rome.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter n°70, juillet-août 1989, p. 5)
# Ces évêques doivent avoir les mêmes principes que Mgr Lefebvre pour continuer l’œuvre dans le même esprit
«  Je ne crois pas possible pour une communauté de rester fidèle à la foi et à la Tradition, si les évêques n’ont pas cette foi et cette fidélité à la Tradition. C’est impossible. L’Église est quand même faite avant tout des évêques. On a beau avoir des prêtres, les prêtres sont influencés par les évêques. Ce sont tout de même les évêques qui font les prêtres et donc qui les orientent, que ce soit dans les séminaires, par des prédications, des retraites ou par tout un ensemble de choses. Il est impossible de garder la Tradition avec des évêques progressistes.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°70, juillet-août 1989, p. 5)
«  Rome comprend cette nécessité, mais le Pape acceptera-t-il que les Évêques soient des membres de la Tradition  ? Pour nous, il ne peut en être autrement. Toute autre solution serait le signe qu’on veut nous aligner sur la Révolution conciliaire, et là notre devoir de la désobéissance resurgit immédiatement.  » (Mgr Lefebvre, «  L’obéissance peut-elle nous obliger à désobéir  ?  », Fideliter 29-30 juin 1988, p. 63)
# Le sermon du 29 juin 1987
En 1985, Mgr Lefebvre avait soumis à Rome un document, Dubia ou Mes doutes sur la liberté religieuse, dans lequel il exprimait l’opposition entre la doctrine du Concile Vatican II sur la liberté religieuse et l’enseignement traditionnel et antérieur de l’Église. En mars 1987, Rome répond à ces Dubia et y réaffirme les principes faux. Dans le sermon du 29 juin 1987, Mgr Lefebvre menace Rome de sacrer des évêques. Il ex­plique que cette réponse aux Dubia est un signe qu’il attendait pour accomplir cet acte, un signe «  plus grave qu’Assise (la réunion de toutes les religions à Assise en octobre 1986). Car une chose est d’accomplir une action grave et scandaleuse, autre chose d’affirmer des principes faux, qui ont dans la pratique des conclusions désastreuses  », à savoir le découronnement de Notre Seigneur Jésus-Christ et le «  panthéon de toutes les religions.  »
3. Attitude de Rome
# Réaction de Rome
«  À Rome, on a eu peur que j’arrive vraiment à consacrer des évêques et c’est alors qu’il a été décidé de faire une ouverture plus grande vis-à-vis de ce que nous demandions depuis toujours.  » «  C’est incroyable mais ils ont peur d’un évêque traditionnel qui travaille contre les erreurs conciliaires et cela ils ne peuvent pas le supporter.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°70, juillet-août 1989, p. 2, 15)
# Mgr Lefebvre tente un accord avec réticence
- Quelle confiance  ?
«  Est-ce qu’on prend la main qui nous est tendue ? Ou est-ce qu’on la refuse ? Moi, personnellement, je n’ai aucune confiance. Cela fait des années et des années que je fréquente ce milieu, des années que je vois la manière dont ils agissent. Je n’ai plus aucune confiance.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°70, juillet-août 1989, p. 2)
- Dialogue de sourds par opposition de doctrines
Mgr Lefebvre n’était pas trop favorable à des colloques et accord purement diplomatiques.
«  Nous n’avons pas la même façon de concevoir la réconciliation. Le cardinal Ratzinger la voit dans le sens de nous réduire, de nous ramener à Vatican II. Nous, nous la voyons comme un retour de Rome à la Tradition. On ne s’entend pas. C’est un dialogue de sourds. Je ne peux pas beaucoup parler d’avenir, car le mien est derrière moi. Mais si je vis encore un peu et en supposant que d’ici à un certain temps Rome fasse un appel, qu’on veuille nous revoir, reprendre langue, à ce moment-là c’est moi qui poserais les conditions. Je n’accepte­rai plus d’être dans la situation où nous nous sommes trouvés lors des colloques. C’est fini.
«  Je poserais la question au plan doctrinal  : Est-ce que vous êtes d’accord avec les grandes encycliques de tous les papes qui vous ont précédés  ? Est-ce que vous êtes d’accord avec Quanta Cura de Pie IX, Immortale Dei Libertas de Léon XIII, Pascendi de Pie X, Quas Primas de Pie XI, Humani generis de Pie XII  ? Est-ce que vous êtes en pleine communion avec ces papes et avec leurs affirmations  ? Est-ce que vous acceptez encore le serment anti-moderniste  ? Est-ce que vous êtes pour le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ  ?
«  Si vous n’acceptez pas la doctrine de vos prédécesseurs, il est inutile de parler. Tant que vous n’aurez pas accepté de réformer le Concile en considérant la doctrine de ces papes qui vous ont précédés, il n’y a pas de dialogue possible. C’est inutile.
«  Les positions seraient ainsi plus claires.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°66, novembre-décembre 1988, p. 12-13)
# Les bons fidèles craignaient cet accord
«  Nos vrais fidèles, ceux qui ont compris le problème et qui nous ont justement aidés à poursuivre la ligne droite et ferme de la Tradition et de la foi, craignaient les démarches que j’ai faites à Rome. Ils m’ont dit que c’était dangereux et que je perdais mon temps.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°79, p. 11)
# Visite du cardinal Gagnon  : approbation de l’œuvre
Envoyé par Rome le cardinal Gagnon visite toutes les maisons et les œuvres de la Fraternité Saint Pie X et des communautés amies  ; partout il rencontre un accueil empressé et bienveillant. À la fin de sa visite, le 8 décembre 1987, il assiste publiquement à la messe pontificale de Mgr Lefebvre et aux engagements des jeunes séminaristes dans la Fraternité Saint Pie X. Il écrit sur le livre d’or du séminaire  : «  Que la Vierge immaculée écoute nos prières ferventes pour que l’œuvre de formation merveilleusement accomplie en cette maison trouve tout son rayonnement pour la vie de l’Église.  » (cf. la vie de Mgr Lefebvre écrite par Mgr Tissier de Mallerais, Clovis, p. 580)
4. Mgr Lefebvre refuse tout accord avec Rome
# Le désaccord vient d’une opposition de doctrine avouée par les évêques
- Opposition doctrinale et non liturgique
Le refus du nouveau rite révèle «  une attitude plus profonde, parfois cachée, parfois clairement affirmée, de refuser l’autorité du Concile et des Papes Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II. Ce refus lui-même provenait d’une conception fixiste de la Tradition contraire à l’enseignement de la Constitution conciliaire Dei Verbum, d’un refus catégorique à priori de tout le mouvement œcuménique tel que le reprend et le réoriente le Décret conciliaire Unitatis redintegratio, d’un rejet total de la nouvelle relation avec le judaïsme, avec les autres re­ligions (présentée dans la déclaration Nostra aetate) et finalement avec les hommes de notre temps (Constitution Gaudium et spes et Déclaration Dignitatis humanae sur la liberté religieuse).  » (Cardinal Albert Decourtray, archevêque de Lyon, aux membres du Conseil presbytéral et du Conseil diocésain de pastorale réunis en session extraordinaire, 2 septembre 1988)
L’évêque de Laval, en février 2003, dans le Courrier de la Mayenne, met aussi le doigt sur la cause du désaccord  : «  refuser l’enseignement de Vatican II sur les points essentiels  : liberté religieuse, œcuménisme, messe (la nouvelle), autorité du Pape dans l’Église et des évêques dans leur diocèse (selon Vatican II, c’est à dire la collégialité qui introduit la démocratie dans l’Église)  ». Puis il dévoile la vraie raison de cette opposition  : «  Il n’y a pas une expression de foi de toujours. La foi est vécue comme une nouveauté perpétuelle, source de vie. La foi s’incarne dans l’Histoire...  »
Suite à l’entretien de Mgr Fellay avec le pape Benoît XVI le 29 août 2005, le cardinal Medina disait lui aussi  : «  Si le Saint-Père le veut, dès demain, il peut prendre une décision concernant les problèmes liturgiques, je n’y vois aucune difficulté. En revanche, si l’on ne se met pas d’accord sur les problèmes doctrinaux posés par certains membres de la Fraternité on obtiendra des décisions utiles et sympathiques mais sans arriver à la pleine communion, si vivement souhaitée. L’autorisation, pour tous les prêtres, de célébrer selon la forme ancienne du rite romain ne résoudra pas le problème de fond qui existe avec la Fraternité Saint-Pie X. Si ses membres disaient, par exemple, nous repoussons le concile Vatican II, alors on se trouverait devant une situation difficile à résoudre.  » (26 septembre 2005, agence de presse I. Media, DICI n°121, p. 11)
De la même façon, Mgr Vingt-Trois, dans Le Figaro du 22 septembre 2005, affirmait  : «  On sait que le dialogue avec la Fraternité Saint Pie X n’est pas d’abord conditionné par la liturgie. Cette question est un simple drapeau agité pour mobiliser des braves gens et leur faire croire qu’il s’agit du véritable enjeu. Leur problème réside dans le refus du concile Vatican II, du dialogue interreligieux et du respect dû par tous à la conscience personnelle.  »
Suite à la fondation de l’Institut du Bon Pasteur, les évêques français ont donné le même avis. Mgr Vingt-Trois, le 26 octobre 2006 à l’Institut catholique de Paris, déclare que «  sous couvert de la mobilisation pour la défense d’une forme liturgique, c’est bien à une critique radicale du concile Vatican II que l’on a assité. (…) Le problème n’est pas exclusivement liturgique mais il demeure un problème ecclésiologique.  » Les évêques de la Province de Normandie à tous leurs prêtres, le 17 octobre 2006, les évêques de la Province de Besançon, Strasbourg et Metz dans un communiqué du 25 octobre 2006 redoutent que «  l’usage du Missel romain de 1962 ne relativise les orientations du concile Vatican II.  » Mgrs Dagens, Defois et Noyer ont le même jugement. (DICI n° 145, 4 novembre 2006)
- Une conception évolutive de la vérité
On aura noté que tout doit évoluer  : il ne faut pas «  une conception fixiste de la Tradition  », disait le cardinal Decourtray. «  La foi est vécue comme une nouveauté perpétuelle  », affirmait de son côté l’évêque de Laval. «  J’ai toujours voulu rester fidèle à Vatican II, cet aujourd’hui de l’Église, sans nostalgie pour un hier irrémédiablement passé, sans impatience pour un demain qui ne nous appartient pas  », écrivait le futur Benoît XVI (Cardinal Ratzinger, Entretien sur la foi, Fayard, 1985, p. 17)
Rien n’est plus contraire à la notion même de vérité et de dépôt immuable de la foi. C’est le cœur de la crise de l’Église. C’est en ce sens qu’il faut les comprendre lorsqu’ils parlent de Tradition vivante. (Voir plus bas IV, 5)
# Le désaccord vient non seulement des erreurs doctrinales mais aussi de la perversité de leur esprit…
«  Et nous aussi nous avons choisi d’être contre-révolutionnaires, avec le Syllabus, contre les erreurs mo­dernes, d’être dans la vérité catholique et de la défendre.
«  Ce combat entre l’Église et les libéraux modernistes, c’est celui du concile Vatican II. Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures. Et cela va très loin. Plus on analyse les documents de Vatican II et l’interprétation qu’en ont donné les autorités de l’Église, plus on s’aperçoit qu’il s’agit non seulement de quelques erreurs, l’œcuménisme, la liberté religieuse, la collégialité, un certain libéralisme, mais encore d’une perversion de l’esprit.
«  C’est toute une nouvelle philosophie, basée sur la philosophie moderne du subjectivisme.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°87, septembre 1990, p. 5  ; cf. Fideliter, n°79, p. 3)
# …et de leur manque d’honneteté
«  Mais, je pense que, à mon sens, nous n’avons pas affaire à des gens honnêtes. C’est cela qui est terrible, nous n’avons plus affaire à des gens honnêtes. Autrefois, quand j’allais à Rome comme délégué apostolique, j’avais affaire à des gens honnêtes, à des gens qui voulaient le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, à des gens qui travaillaient pour le salut des âmes. Maintenant, ce n’est plus cela, ce n’est pas cela.
«  Ils ne travaillent pas pour le salut des âmes, ils travaillent pour la gloire humaine de l’Église dans le monde, la gloire purement humaine.  » (Mgr Lefebvre, Écône, 4 septembre 1987, Sel de la Terre n°31 p. 205-206)
# Rome ne veut pas la même chose que lui
Rome ne veut ni la Commission, ni les évêques, comme le comprend Mgr Lefebvre.
«  Cette Commission est un organisme du Saint-Siège au service de la Fraternité et des diverses instances avec lesquelles il faudra traiter pour établir et consolider l’œuvre de réconciliation. De plus, ce n’est pas elle, mais le Saint-Père qui, en dernière instance, prendra les décisions  : la question d’une majorité ne se pose donc pas  ; les intérêts de la Fraternité sont garantis par sa représentation au sein de la Commission, et les craintes que vous avez exprimées par rapport aux autres membres n’ont pas lieu de persister, dès lors que le choix de ces membres sera effectué par le Saint-Père lui-même.  » (Lettre du cardinal Ratzinger à Mgr Lefebvre, 30 mai 1988, Fideliter 29-30 juin 1988, p. 50)
«  En attendant l’approbation de la structure juridique définitive de la Fraternité, le Cardinal-visiteur se portera garant de l’orthodoxie de l’enseignement dans vos séminaires, de l’esprit ecclésial et de l’unité avec le Saint-Siège. Au cours de cette période, le Cardinal-visiteur décidera également de l’admission des séminaristes au sacerdoce, en tenant compte de l’avis des Supérieurs compétents.  » (Lettre du cardinal Ratzinger à Mgr Lefebvre, 28 juillet 1987, Fideliter 29-30 juin 1988, p. 29-30)
«  Etant donné le refus de considérer nos requêtes, et étant évident que le but de cette réconciliation n’est pas du tout le même pour le Saint-Siège que pour nous, nous croyons préférable d’attendre des temps plus propices au retour de Rome à la Tradition.  » (Lettre de Mgr Lefebvre au Pape, 2 juin 1988, Fideliter 29-30 juin 1988)
# Mgr Lefebvre se donne les moyens de continuer l’œuvre  : «  opération survie  », les sacres de 1988
«  Devant le refus de Rome de prendre en considération nos protestations et nos demandes de retour à la Tradition, et devant mon âge car j’ai maintenant 82 ans, je suis dans ma 83e année, il est évident que je sens la fin venir, il me faut un successeur. Je ne peux pas laisser cinq séminaires à travers le monde, sans évêque pour ordonner ces séminaristes, puisqu’on ne peut pas faire de prêtres sans évêque. Et que tant qu’il n’y aura pas d’accord avec Rome, il n’y aura pas d’évêques qui accepteront de faire des ordinations. Donc je me trouve dans une impasse absolue et j’ai un choix à faire  : ou bien mourir et laisser mes séminaristes comme cela dans l’abandon et laisser mes séminaristes orphelins, ou bien faire des évêques. Je n’ai pas le choix.  » (Mgr Lefebvre, Conférence du 15 juin 1988, Fideliter 29-30 juin 1988, p. 9)
«  Aujourd’hui, cette journée c’est l’opération ‘survie’, et si j’avais poursuivi avec Rome, en continuant les accords que nous avons signés et en poursuivant la mise en pratique de ces accords, je faisais l’opération ‘suicide’.  » (Sermon du 30 juin 1988, Fideliter n°64, p. 6)
5. D’autres acceptent un accord avec Rome
# Ils pensent trouver dans cet accord les garanties suffisantes pour continuer la Tradition  : confiance sans fondement
Depuis les débuts de la Tradition, Rome fit plusieurs tentatives pour détacher des prêtres et des séminaristes de l’œuvre de Mgr Lefebvre  ; elle leur promettait la messe traditionnelle et tous les avantages d’une recon­naissance légale. Rome n’a jamais tenu ses promesses. Mgr Lefebvre rapporte quelques faits.
«  En ce qui concerne les séminaristes partis en 1977 à Rome, on leur avait promis la messe traditionnelle, et puis au bout d’un certain temps, trois ou quatre mois, on leur a dit  : «  Maintenant quand même il faut vous adapter un petit peu  ; rester figés sur la messe de Saint Pie V, quand même, il faut s’ouvrir un petit peu.  » Et pour les ouvrir, on a fait une cérémonie œcuménique avec un Bouddha sur l’autel. Alors, l’abbé Daniel Séguy, de Montauban, a pris la statue et l’a brisée par terre. Ce fut la fin du séminaire Léonin.  » (Mgr Lefebvre, en août 1987 au Barroux)
Dom Augustin, supérieur du monastère bénédictin de Flavigny, «  s’est rallié à Rome (en 1985) avec l’espoir qu’on lui garderait la Tradition, qu’il conserverait dans son monastère, c’est-à-dire la messe traditionnelle pour ses moines, pour la messe conventuelle. Eh bien, Rome a exigé que pour la messe conventuelle ce soit la messe du Concile et non pas la messe ancienne. Au lieu de nous dire vous pouvez garder la Tradition, on change la Tradition.  » (Mgr Lefebvre, Conférence du 15 juin 1988, Fideliter 29-30 juin 1988, Écône)
En 1986, était fondé le séminaire Mater Ecclesiae pour accueillir les transfuges d’Écône. «  Vous avez en­tendu parler, sans doute, et vous avez fait quelques articles dans les journaux, il y a deux ans, sur les transfuges d’Écône, les fameux transfuges d’Écône ! Étaient partis d’ici, d’Écône, neuf séminaristes. Celui qui a été le chef en quelque sorte de cette petite rébellion, l’abbé..., est resté dans le séminaire pendant un certain temps, il cachait bien son jeu, et il est arrivé à déterminer huit autres séminaristes à quitter Écône. (…) Oh ! C’est formidable ; c’est une occasion unique. Si on leur promet monts et merveilles, il y en aura d’autres qui vont venir. Il l’a dit explicitement. Le cardinal Ratzinger l’a dit  : «  Je suis heureux qu’il y en ait qui aient quitté Écône et j’espère bien qu’il y en aura d’autres qui suivront les premiers.  »
Nous ne pouvons pas avoir confiance, ce n’est pas possible.  » (Mgr Lefebvre, Conférence du 15 juin 1988, Fideliter 29-30 juin 1988)
Comment alors le supérieur de la Fraternité Saint Pierre a-t-il pu écrire  : «  Les difficultés ne manqueront pas, nous ne nous faisons aucune illusion. Mais nous avons déjà pu faire l’expérience consolante que, dans ces difficultés, Rome nous soutient efficacement. Et le grief selon lequel Rome, en nous “divisant”, combattrait la tradition par la tradition, trahit une bien piètre foi dans la force en elle-même de cette tradition vivifiante  »  ? (Abbé Joseph Bisig, Tu es Petrus, mars 1989)
Un autre écrit  : «  Ce qui est plus important, et que la Fraternité ne voit pas, c’est que de nouveaux hommes d’Église sont maintenant à l’œuvre, qui sont des hommes de foi et qui manifestent clairement cette foi. Mgr Thomas (évêque de Versailles) est justement de ceux-là. C’est une raison supplémentaire pour ne pas accepter un schisme et je l’ai dit publiquement dès les premières menaces faites à Écône, il y a déjà un an.  » (R. P. Bruno de Blignière, Famille chrétienne, 21 juillet 1988) Quel aveuglement  !
# Les communautés qui ont passé cet accord avec Rome
En 1988  : monastère bénédictin Sainte Madeleine du Barroux  ; Fraternité Saint Pierre  ; monastère bénédic­tin de Fontgombault et ses filles (Triors, Randol)  ; Institut de la Sainte Croix de Riaumont  ; Institut du Christ-Roi (Mgr Wach)  ; Opus Mariae (R.P. Wladimir)  ; bénédictines de Joucques et du Barroux  ; dominicaines de Pontcalec  ; Fraternité Saint Vincent Ferrier de Chéméré-le-Roi, couvent dominicain qui auparavant était sédé­vacantiste.
Les uns et les autres sont régis par le Motu Proprio Ecclesia Dei adflicta du 2 juillet 1988.
En 2002  : les prêtres du diocèse de Campos au Brésil, régis par un accord spécial.
Le 8 septembre 2006, à grand renfort médiatique, la com­mission Ecclesia Dei a érigé, par un décret signé du car­dinal Castrillon Hoyos, un nouvel institut de droit ponti­fical, l’Institut du Bon Pasteur (Bordeaux).
# On les appelle «  ralliés  »
On les appelle «  ralliés  » car dans les faits comme dans les principes ils ne sont plus du côté de leurs anciens compagnons d’armes, mais du côté de ceux qu’ils combattaient auparavant comme ennemis de la foi, de la Tradition et du règne social de Jésus-Christ. Nous montrerons ci-après qu’ils sont ralliés dans les principes en examinant les intentions, la soumission volontaire à l’influence moderniste, et les termes de l’accord. Ils sont ralliés aussi dans les faits, en voici quelques exemples  :
- Quant à la messe
Ils concélèbrent la nouvelle messe et même la célèbrent, et ne nient plus son opposition à la foi catholique. Certains prêtres encouragent les fidèles à remplir l’obligation dominicale par l’assistance à la nouvelle dans leur paroisse plutôt que d’assister à l’ancienne messe dans une chapelle de la Fraternité Saint Pie X. Dom Gérard et Mgr Wach l’ont concélébrée avec le pape Jean-Paul II  ; Mgr Rifan, de son côté l’a concélébrée le 8 septembre 2004 à Aparecida au Brésil. L’abbé Ribeton, de la Fraternité Saint Pierre, disait  : «  Je ne crois pas que célébrer la messe selon le nouvel ordo puisse en soi constituer un désordre moral objectif  » (Forum catholique, 13.11.2006), au contraire de Mgr Lefebvre  : «  La nouvelle messe conduit au péché contre la foi, et c’est l’un des péchés les plus graves…  » (La messe de toujours, Clovis 2005, p. 396) L’abbé de Tanouärn, de l’Institut du Bon Pasteur, affirme que cette messe nouvelle est «  un rite légitime  » (Valeurs actuelles, 1.12.2006), et participa activement à la messe d’enterrement de P. Pujo, célébrée selon le nouveau rite. Ce même Institut reconnaît «  l’égalité de droit positif des deux formes du rite, la licéité de la liturgie de Paul VI et sa validité.  » Il dénonce la mise en cause de son identité propre, à savoir  : «  qui célèbre en pratique seulement la messe traditionnelle serait suspect d’exclure “par principe” l’ordo de Paul VI.  » (Abbé Christophe Héry, La Pastorale, n°2, novembre 2009)
- Quant au Concile Vatican II
Ils publient des ouvrages pour prouver que la déclaration du concile Vatican II sur la liberté religieuse est en pleine conformité avec la Tradition. (R. P. Basile du Barroux, et les dominicains de Chéméré)
Ils approuvent le nouveau Catéchisme de l’Église catholique publié en 1992 et son Compendium publié en 2005  : l’un et l’autre reprennent les erreurs du Concile sur la liberté religieuse, l’œcuménisme, la collégialité et d’autres encore.
Ils se réfèrent au nouveau Code de Droit Canon de 1983 qui met en application les réformes du Concile Vatican II dans la vie de l’Église.
Ils écoutent en communauté la lecture des méditations du chemin de Croix du “bienheureux” Jean-Paul II. (Le Barroux, Lettre aux Amis, été 2011)
Ils jugent mauvais le communiqué publié par le supérieur de la Fraternité Saint Pie X le 12 septembre 2011. Le supérieur, M. l’abbé de Cacqueray y dénonce la réunion interreligieuse d’Assise, célébrée en mémoire des 25 ans de la première du genre, le 27 octobre 1986. M. l’abbé de Tanoüarn, lui, vole au secours de celle de 2011  : «  Lorsque le pape demande aux religions de se concevoir elles-mêmes comme un service de paix et non comme une caution de violence […] il accomplit un geste important et légitime.  » Comme si les papes n’avaient pas depuis longtemps condamné les réunions interreligieuses, comme si le faux (fausses religions) pouvait servir le bien et la paix.
- Quant aux contacts incessants avec le clergé diocésain
Ces contacts conduisent certains à des compromissions et finalement à entrer dans les diocèses sous l’autorité de l’évêque. Les bons rapports avec les évêques ne leur apportent pas que des joies  : récupération par les diocèses des centres paroissiaux de Versailles, Lyon, et Orléans.
- Rupture de contact avec ceux qui continuent l’œuvre de Mgr Lefebvre
Cette division vient d’eux seuls  : «  Que la Fraternité de Mgr Lefebvre ait été voulue par Dieu, nous le croyons aussi. Et c’est justement parce que nous voulons rester fidèles à la foi catholique que nous devons le quitter. C’est parce que l’on ne s’est pas assez considéré comme des serviteurs inutiles, que l’on s’est crû in­dispensable. Cette magnifique œuvre a été voulue par Dieu, elle ne l’est plus. Dieu fera naître d’ossements desséchés — si nécessaire — de nouveaux fils d’Israël (cf. vision prophétique d’Ezéchiel ch. 37). N’oublions jamais.  » (Document collectif des prêtres de la Fraternité Saint Pierre contre les sacres, début 1989)
- Division, imposée par Rome et les évêques
À Versailles à la rentrée 1988, Mgr Thomas reconnaît l’existence juridique de l’Abbé Porta et de Notre-Dame des Armées, pour une durée expérimentale d’un an, à la condition expresse que plus aucun rapport ne soit entretenu avec la Fraternité St Pie X et ceux qui la soutiennent. En conséquence les prêtres n’ayant pas dé­sapprouvé les sacres ne sont plus autorisés à pénétrer dans la chapelle même pour prêcher au cours d’une messe privée…
Les ralliés l’avaient vite compris  : «  Je dis qu’eux ne veulent pas que nous dépendions de ces quatre évê­ques (consacrés par Mgr Lefebvre). Moi, je n’y tiens pas plus que ça parce qu’au fond, l’Église ne tient pas à ces quatre évêques, elle tient en elle-même par ses propres lois.  » (Dom Gérard, Radio Courtoisie, 28 août 1988)
Cette division est imposée par le pape lui-même dans son Motu proprio du 2 juillet 1988  : «  afin qu’ils rem­plissent le grave devoir qui est le leur de demeurer unis au Vicaire du Christ dans l’unité de l’Église catholique, et qu’ils ne continuent pas à soutenir ce mouvement, de quelque façon que ce soit…  » (Motu proprio de Jean-Paul II, 2 juillet 1988)

II - Les intentions
Les intentions dans la tentative d’accord entre Rome et Mgr Lefebvre sont opposées. C’est pourquoi aucun accord n’est possible.
Par contre il y a convergence d’intention entre les ralliés et Rome…
1. Mgr Lefebvre
# Remettre en honneur la Tradition et lui redonner dans l’Église la place qui lui est due
- Non pas un accord diplomatique pour forcer le ralliement
«  Pendant quinze ans on a dialogué pour essayer de remettre la Tradition en honneur, à la place qui lui est due dans l’Église. Nous nous sommes heurtés à un refus continuel. Ce que Rome accorde à présent en faveur de la tradition, n’est qu’un geste purement politique, diplomatique pour forcer les ralliements. Mais ce n’est pas une conviction dans les bienfaits de la Tradition.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°79, janvier-février 1991, p. 4  ; cf. Fideliter, n°70, juillet-août 1989, p. 4)
- Mais donner à la Tradition les moyens de se développer librement
«  Afin d’enrayer l’auto démolition de l’Église, nous supplions le Saint-Père, par votre intermédiaire, de procurer le libre exercice de la tradition en procurant à la tradition les moyens de vivre et de se développer pour le salut de l’Église catholique et le salut des âmes, que soient reconnues les œuvres de la tradition, en particulier les séminaires, et que S.E. Mgr Castro-Mayer et moi-même puissions nous donner les auxiliaires de notre choix pour garder à l’Église les grâces de la Tradition, seule source de rénovation de l’Église.  » (Lettre de Mgr Lefebvre au cardinal Ratzinger, 8 juillet 1988, Fideliter 29-30 juin 1988, p. 25)
- Continuer l’œuvre entreprise  : le sacerdoce
«  Dieu a suscité la Fraternité sacerdotale saint Pie X pour le maintien et la perpétuité de son sacrifice glorieux et expiatoire dans l’Église. Il s’est choisi de vrais prêtres instruits et convaincus de ces mystères divins. Dieu m’a fait la grâce de préparer ces lévites et de leur conférer la grâce sacerdotale pour la persévé­rance du vrai sacrifice, selon la définition du Concile de Trente.
«  C’est ce qui nous a valu la persécution de la Rome antichrist. Cette Rome, moderniste et libérale, poursuivant son oeuvre destructrice du Règne de Notre Seigneur comme le prouvent Assise et la confirmation des thèses libé­rales de Vatican II sur la liberté religieuse. Je me vois contraint par la Providence divine de transmettre la grâce de l’épiscopat catholique que j’ai reçue, afin que l’Église et le sacerdoce catholique continuent à subsister pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.  » (Lettre aux futurs évêques 29 août 1987, Fideliter 29-30 juin 1988.)
# Examiner si Rome veut sincèrement protéger la Tradition
«  Au cours des derniers contacts que j’ai eus à Rome, j’ai plusieurs fois voulu sonder leurs intentions, mesurer s’il y avait un véritable changement. Cela n’apparaissait pas impossible après le constat des échecs catastrophiques et désastreux qui ont suivi le Concile et après aussi la visite du cardinal Gagnon et de Mgr Perl qui avaient eux-mêmes constaté les fruits du bon travail de la Fraternité. (…) Si je suis allé discuter à Rome, c’est parce que je voulais essayer de voir si nous pourrions réaliser un accord avec les autorités ecclé­siastiques, tout en nous mettant à l’abri de leur libéralisme et en sauvegardant la Tradition. Force m’a bien été de constater qu’aucun accord ne pouvait être réalisé qui nous donne à la fois toute garantie et la conviction que Rome voulait sincèrement concourir à la préservation de la Tradition.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter n°68 p.7 et 15  ; cf. «  Pourquoi cet arrêt des colloques par Mgr Lefebvre alors qu’un accord était signé le 5 mai 1988  ?  » Fideliter 29-30 juin 1988, p. 66)
2. Rome
# Réconciliation et non pas reconnaissance de la Tradition comme voulait Mgr Lefebvre
«  Le 2 juin j’ai écrit de nouveau au Pape : inutile de continuer les colloques et les contacts. Nous n’avons pas le même but. Vous voulez nous rallier et nous réconcilier et nous, nous voulons être reconnus tels que nous sommes. Nous voulons continuer la Tradition, comme nous le faisons.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter n°70 p. 4)
«  Alors que nous parlons de réconciliation, Mgr Lefebvre ne veut entendre parler que de reconnaissance. La différence n’est pas mince. La réconciliation suppose un effort réciproque, ainsi que l’admission des erreurs passées. Mgr Lefebvre prétend que l’ensemble de l’Église a tort et que lui, Mgr Lefebvre, et ses adeptes ont toujours raison.  » (Cardinal Gagnon, 31 juillet 1988, Avvenire)
# Faire rallier tous les traditionalistes à Rome
«  Tout ce qui leur a été accordé, ne leur a été consenti que dans le but de faire en sorte que tous ceux qui adhè­rent ou sont liés à la Fraternité s’en détachent et se soumettent à Rome. J’ai eu l’occasion de voir au moins trois lettres que Mgr Perl a envoyées en réponse à des personnes qui lui avaient écrit. C’est toujours la même chose. Il faut absolument faire un effort auprès de ceux qui n’ont pas compris la nécessité de se rallier au Pape et au Concile. C’est dommage, écrit-il, de constater qu’il n’y a pas eu plus de ralliements.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°79, janvier-février 1991, p. 5.)
# Pleine communion ecclésiale qui inclut la collaboration des ralliés sous la direction des évêques diocé­sains et qui détermine la composition de la commission romaine.
- Pleine communion ecclésiale
«  À propos de la liberté d’action des évêques locaux par rapport à la Commission Ecclesia Dei, le cardinal Mayer a rappelé ce que précise le Motu proprio du 2 juillet dernier (n° 5). La Commission a la charge, expli­qua le cardinal, de collaborer avec les évêques, avec les dicastères de la Curie romaine et les milieux intéressés, dans le but de faciliter la pleine communion ecclésiale de prêtres, séminaristes, communautés ou religieux et religieuses pris individuellement, qui jusqu’ici étaient de diverses manières reliés à la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre…  » (Famille chrétienne, 3 novembre 1988)
«  Il est évident que, loin de chercher à mettre un frein à l’application de la réforme entreprise après le concile, cette concession est destinée à faciliter la communion ecclésiale des personnes qui se sentent liées à ces formes liturgiques.  » («  Audience du Saint-Père aux religieux de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux  », Osservatore romano, 2 octobre 1990)
Que signifie cette pleine communion  ? Ce qui suit le manifeste.
- Obéissance
«  C’est au nom de l’obéissance au vicaire du Christ, que nous vous demandons un acte public de soumis­sion, afin de réparer ce que vos écrits, vos propos, votre attitude ont d’offensant à l’égard de l’Église et de son magistère.  » (Paul VI, Lettre à Mgr Lefebvre, 29 juin 1975, cité par J. Madiran, La condamnation sauvage de Mgr Lefebvre)
Rien n’a changé depuis. Mgr Lefebvre y a répondu  : «  Il faut reconnaître que le tour a été bien joué et le mensonge de Satan merveilleusement utilisé. L’Église va se détruire elle-même par voie d’obéissance. (…) Il réussit à faire condamner ceux qui gardent la foi catholique par ceux-là mêmes qui devraient la défendre et la propager.  » (Mgr Lefebvre, 13 octobre 1974, Le coup de maître de Satan, éd. Saint Gabriel, p. 6)
- Apostolat sous la direction des évêques
L’archevêque d’Avignon explique à ses prêtres que le pape a accordé au monastère bénédictin du Barroux «  la pleine réconciliation avec le Siège Apostolique avec la possibilité d’utiliser les livres liturgiques en vigueur en 1962 et de développer un rayonnement pastoral par des œuvres d’apostolat et de conserver les ministères actuellement assumés, compte tenu des canons 679-683 qui portent sur la collaboration organisée entre les Instituts religieux et le clergé séculier et sur la coordination de toutes les œuvres et activités apostoli­ques sous la direction de l’évêque diocésain (can 680).  » (Lettre de Mgr Bouchex, archevêque d’Avignon, aux prêtres de son diocèse, 17 août 1988)
C’est donc à une dépendance étroite et quotidienne que le canon 680 soumet le monastère du Barroux  : «  Entre les divers instituts et aussi entre ceux-ci et le clergé séculier, que soit encouragée une collaboration organisée ainsi que, sous la direction de l’évêque diocésain, une coordination de toutes les œuvres et activités apostoliques, restant saufs le caractère, le but de chaque institut et les lois de fondation.  » (Nouveau code de droit canon, 1983)
La Fraternité Saint Pierre est érigée en société cléricale de vie apostolique de droit pontifical. Cependant, comme dans le cas du monastère du Barroux, cela ne signifie nullement l’indépendance à l’égard des évêques afin d’être soustrait à leur influence délétère.
«  Pour favoriser l’unité nécessaire de 1’Église, les membres de la Fraternité Saint Pierre poursuivront avec une particulière diligence la communion avec l’évêque et le presbyterium diocésains, selon la norme des canons 679-683. De même, ils observeront dans l’exercice du ministère pastoral les prescriptions du droit, particulièrement celles qui ont trait à la célébration valide et licite des sacrements de pénitence et de mariage, ainsi qu’aux notations à transcrire dans les livres paroissiaux selon le canon 535, § 1.  » (Commission pontifi­cale Ecclesia Dei, le 18 octobre 1988, Augustin, cardinal Mayer, président.)
Il en est de même pour l’Institut du Bon Pasteur. (cf. plus bas VI)
- Composition de la commission romaine
«  Cette Commission est un organisme du Saint-Siège au service de la Fraternité et des diverses instances avec lesquelles il faudra traiter pour établir et consolider l’œuvre de réconciliation. De plus, ce n’est pas elle, mais le Saint-Père qui, en dernière instance, prendra les décisions  : la question d’une majorité ne se pose donc pas  ; les intérêts de la Fraternité sont garantis par sa représentation au sein de la Commission, et les craintes que vous avez exprimées par rapport aux autres membres n’ont pas lieu de persister, dès lors que le choix de ces membres sera effectué par le Saint-Père lui-même.  » (Lettre du cardinal Ratzinger à Mgr Lefebvre, 30 mai 1988)
# C’est autre chose qu’une question de rite  : toute une conception de l’Église
«  En réalité, si Mgr Lefebvre n’a pas accepté le protocole qui lui était proposé, c’est précisément parce qu’il a compris soudain sa signification réelle. «  Ils voulaient nous tromper  », a-t-il dit équivalemment. Cela signi­fiait  : «  Ils voulaient nous faire accepter le Concile.  » Ceci montre combien on aurait tort de réduire cette douloureuse affaire à une question de latin ou de rituel, voire même de protestation contre certains abus. C’est toute une conception de l’Église universelle et de l’Église particulière, du ministère épiscopal et du ministère de Pierre, qui est ici en cause.  » (Cardinal Decourtray, Discours à l’assemblée plénière des évêques de France, Lourdes, 26 octobre 1988, DC n° 1973, p. 22)
«  La question de fond n’est pas une question de latin, ni même de liturgie, si importante soit-elle. Ce qui est enjeu, c’est le mystère de l’Église.  » (Mgr Jullien, archevêque de Rennes, Le Choc du mois, 10 décembre 1988) (Voir aussi plus haut, I 4)
# Dans ce cadre deux tendances sont manifestes
Soit ramener les ralliés à la nouvelle messe et au concile Vatican II, en excluant tout retour en arrière.
Soit intégrer la Tradition (avec l’ancienne messe) dans l’espace pluraliste et évolutionniste  : «  L’ancien rite romain conserve dans l’Église son droit de cité au sein de la multiformité des rites catholiques, tant latins qu’orientaux.  » (Cardinal Castrillon-Hoyos, homélie du 24 juin 2003 lors d’une messe célébrée selon l’ancien rite)
La Tradition ne sera qu’une forme parmi d’autres de spiritualité, une voie parmi d’autres d’apostolat  : la liberté…
# Il faut penser comme tous les évêques, reconnaître l’orthodoxie de la nouvelle messe et adhérer au concile Vatican II
- Tout doit s’aligner sur ce que les évêques pensent  :
«  Le cardinal Ratzinger l’a dit ouvertement en répondant au grand journal de Francfort Die Welt qui l’inter­rogeait après les sacres  : Il est inadmissible et on ne peut pas accepter qu’il y ait dans l’Église des groupes de catholiques qui ne se soumettent pas à ce que pensent d’une manière générale les évêques dans le monde.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°66, novembre-décembre 1988, p. 11)
- Célébrer la nouvelle messe  :
«  Voici un exemple qu’a donné le cardinal Ratzinger. Par exemple à Saint- Nicolas-du-Chardonnet, Monseigneur, quand le protocole sera signé, que les affaires seront réglées, il est évident que Saint-Nicolas-du-Chardonnet ne va pas rester comme maintenant. Pourquoi  ? Parce que Saint-Nicolas est une paroisse de Paris et dépend du cardinal Lustiger. Par conséquent il sera absolument nécessaire que dans la paroisse de Saint-Nicolas-du-Chardonnet il y ait une messe nouvelle régulièrement, tous les dimanches.  » (Mgr Lefebvre, Conférence de presse, Écône 15 juin 1988, Fideliter 29-30 juin 1988, p. 17)
- Adhérer au Concile Vatican II  :
«  Quant à ceux qui, non sans mérite, ont refusé l’acte schismatique du 30 juin et demandé la réconciliation, il est clair qu’ils doivent, avec notre aide amicale et priante, confiante, patiente, mais exigeante, progresser sur le chemin de l’adhésion véritable au Concile dans sa totalité.  » (Cardinal Decourtray, Discours à l’assemblée plénière des évêques de France, Lourdes, 26 octobre 1988, DC n° 1973, p. 22)
Au monastère bénédictin de Flavigny, plusieurs choses furent imposées  :
«  Tout d’abord, l’adoption, pour la célébration de la messe, du rite dit de Paul VI. Lors de la visite canoni­que effectuée au monastère par Dom Prou et le P. Roualet, vicaire général du diocèse de Dijon, chaque moine signe la lettre du cardinal Ratzinger à Mgr Lefebvre (que celui-ci a toujours refusé de signer) sur l’acceptation de la légitimité du rite de Paul VI et du Concile. Ceci permet de régulariser les ordinations faites par Mgr Lefebvre, signe que la réconciliation est acquise. Enfin à la demande du cardinal Ratzinger, Mgr Balland organise dans le monastère une série de sessions sur le Concile de Vatican II.  » (L’actualité religieuse dans le monde, avril 1988) (Voir aussi plus haut I, 4)
# Fidélité à la Tradition vivante
Le Motu proprio, les déclarations des papes Jean-Paul II et Benoît XVI ainsi que celles des évêques n’ont qu’une seule voix pour faire l’éloge de la Tradition vivante. Nous verrons quel sens il faut lui donner. (voir plus bas en IV, 5)
3. Les ralliés
Les motifs qui les poussent à cet accord avec Rome sont les suivants  :
# Ils ne veulent pas pleinement suivre la Tradition
Suivre pleinement la Tradition consiste à conserver la foi, dénoncer les erreurs, garder l’ancienne messe pour des motifs de foi, rejeter le Concile en raison de son opposition au règne de Jésus-Christ.
- Pour la plupart des ralliés, garder la messe, les sacrements et le catéchisme suffit
«  Ce que nous demandions depuis le début (messe de saint Pie V, catéchisme, sacrements, le tout conforme au rite de la Tradition séculaire de 1’Église), nous était octroyé, sans contrepartie doctrinale, sans concession, sans reniement.  » (Dom Gérard, 18 août 1988)
«  Rendez-nous l’Écriture, le catéchisme et la messe  !
Telle fut notre lettre au pape Paul VI en 1972. Telle est en 1988 notre lettre au pape Jean-Paul II.  » (J. Madiran, Itinéraires, octobre 1988)
Mgr Lefebvre et les évêques ont déjà donné la réponse  : ce n’est pas une question de rite ou de messe, mais de doctrine, de principes et plus profondément d’une philosophie.
- Se centrer sur l’essentiel  : la messe
D’autres arguent qu’il faut se centrer sur l’essentiel  : la messe. En effet, le plus important est de garder la foi  ; or, par la messe, on reçoit les grâces qui permettent de garder la foi  ; l’essentiel est donc de garder la messe.
Nous répondons ainsi  : il est vrai que la messe donne les grâces qui permettent de conserver la foi. Or on ne peut pas conserver la foi sans combattre les erreurs  : c’est pourquoi, dit H. Hello, «  cette détestation de l’erreur est la pierre de touche à laquelle se reconnaît l’amour de la vérité.  » (L’homme, Perrin 1941, p. 214) Par conséquent l’assistance à la messe de toujours donne les grâces et l’esprit de combat contre les erreurs  ; si l’esprit de combat n’est pas présent, c’est qu’alors ces grâces sont mal reçues.
- Nous n’avons pas les lumières pour juger le pape
Par ailleurs, disent-ils, nous n’avons pas les lumières pour juger le pape sur les erreurs qu’il commettrait  ; Dieu seul en est juge. Comme de bons fils nous devons cacher les misères de notre Saint Père, à l’imitation des fils de Noé qui ont caché la honte de leur père. N’ajoutons pas scandale sur scandale.
Voici notre réponse. Il y a juger et juger  : juger de la conformité ou de la difformité des paroles et des actes d’une personne par rapport à la vérité ou à la loi divine est à la portée de tous ceux qui ont étudié leur catéchisme. Quant à juger des dispositions secrètes et des intentions cachées, cela ne nous appartient pas  : c’est réservé à Dieu. Ayons soin de discerner ce qui est objectif  : les paroles et les actes, et ce qui est subjectif  : les intentions.
Quand le loup est dans la bergerie le vrai scandale est de ne pas crier au loup  ! le scandale est de ne pas avoir souci du bien de Dieu, son honneur, et du bien des brebis qu’il faut protéger du loup. Le scandale est encore de ne rien faire pour empêcher sa mauvaise influence.
# Être dans l’obéissance
Obéissez  ! obéissez  ! n’ont cessé de répéter les autorités romaines à Mgr Lefebvre.
Certains ont pensé que l’obéissance aux autorités actuelles était compatible avec la fidélité à la Tradition.
«  Nous relevons le défi et continuons tranquillement notre route, en bénéficiant d’un statut capable non seulement de nous maintenir fidèles à notre tradition liturgique avec la bénédiction de l’Église, mais encore si Dieu le veut, de servir de trait d’union entre ces deux exigences imprescriptibles  : Tradition et obéissance...  » (Dom Gérard, dans la Lettre aux Amis du Monastère, n°44)
Cet argument ne tient pas devant les faits qui montrent les fruits vénéneux de l’obéissance mal comprise. Nous donnerons plus bas (VI, 3) les motifs qui ne permettent pas la soumission volontaire à des autorités qui s’opposent à la foi catholique.
# Être dans la légalité (situation canonique régulière)  ; être relevé des censures
Les évêques consacrés par Mgr Lefebvre «  sont sans doute plus sûrs doctrinalement, plus catholiques, que bon nombre d’évêques actuels  ! Mais le pape est le pape, les évêques sont chefs de leurs diocèses et peuvent seuls donner la juridiction pour les confessions ou les mariages, même si, par ailleurs leurs déclarations et leurs comportements ont plutôt détruit l’Église qu’ils ne l’ont édifiée.  » (Abbé Laffargue, juillet 1988)
Cet argument repose sur un désordre. Ce qui fait l’appartenance à l’Église c’est d’abord la foi, l’adhésion à toutes les vérités enseignées par l’Église. La loi, le droit canon, est au service de la foi et de la sanctification des âmes et non l’inverse. Si l’opposition à Rome n’était qu’une question de discipline, d’obéissance ou de charité, c’est la loi et son appli­cation qui devrait régler le conflit. Mais nous l’avons dit, c’est une opposition sur la doctrine et sur les principes les plus fondamentaux  : c’est une question philosophique et théologique et non de situation canoni­que régulière.
# Être dans l’Église  ; l’Église est visible
«  Est-il désormais établi que l’on ne peut pas faire son salut dans l’Église visible  : la société des fidèles sous l’autorité du pape  ? Faut-il obligatoirement en sortir pour ne pas perdre son âme  ?  » (Lettre de J. Madiran à Mgr Lefebvre, 26 août 1988)
«  À n’importe quel moment l’offre pouvait comporter une part de perfidie. Mais quoi qu’il en soit, c’est dans l’Église visible qu’il faut que soient réinstallés la messe, la doctrine, etc.  » (J. Madiran, Itinéraires, avril 1989)
«  Il est préjudiciable que la Tradition même de l’Église soit reléguée hors de son périmètre officiel visible. Cela est contraire à l’honneur de l’Épouse du Christ. La visibilité de l’Église est un de ses caractères essen­tiels.  » (Dom Gérard, 18 août 1988)
Mgr Lefebvre se riait de ces arguties.
«  Cette histoire d’Église visible de Dom Gérard et de M. Madiran est enfantine. C’est incroyable que l’on puisse parler d’Église visible pour l’Église conciliaire par opposition à l’Église catholique que nous essayons de représenter et de continuer. Je ne dis pas que nous sommes l’Église catholique. Je ne l’ai jamais dit. Personne ne peut me reprocher d’avoir jamais voulu me prendre pour un pape. Mais, nous représentons vraiment l’Église catholique telle qu’elle était autrefois puisque nous conti­nuons ce qu’elle a toujours fait. C’est nous qui avons les notes de l’Église visible  : l’unité, la catholicité, l’apostolicité, la sainteté. C’est cela qui fait l’Église visible.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter n°70, p. 6)
De même, le 9 septembre 1988, Mgr Lefebvre disait dans une conférence aux prêtres à Écône  : «  Vous continuez, vous représentez vraiment l’Église. Je crois qu’il faut vous convaincre de cela  : vous représentez l’Église catholique. Non pas qu’il n’y ait pas d’Église en dehors de nous, il ne s’agit pas de cela. Mais ces derniers temps, on nous a dit qu’il était nécessaire que la Tradition entre dans l’Église visible. Je pense qu’on fait là une erreur très grave.
«  Où est l’Église visi­ble  ? Elle se reconnaît aux fruits qu’elle a toujours donnés de sa visibilité  : elle est une, sainte, catholique et apostolique.
«  Où sont les véritables marques de l’Église  ? Sont-elles davantage dans l’Église officielle ou chez nous, en ce que nous représentons, en ce que nous sommes  ?
«  Il est clair que c’est nous qui gardons l’unité de la foi, qui a disparu de Église officielle. Un évêque croit à ceci, l’autre n’y croit pas, la foi est diverse, leurs catéchismes abominables comportent des hérésies. Où est l’unité de la foi dans Rome  ?
«  Où est l’unité de la foi dans le monde  ? C’est bien nous qui l’avons gardée. L’unité de la foi réalisée dans le monde entier c’est la catholicité. Or, cette unité de la foi dans le monde entier n’existe plus, il n’y a donc plus de catholicité pratiquement. Il y a bientôt autant d’Églises catholiques que d’évêques et de diocèses. Chacun a sa manière de voir, de penser, de prêcher, de faire son catéchisme. Il n’y a plus de catholicité.
«  L’apos­tolicité  ? Ils ont rompu avec le passé. Ils ne veulent plus de ce qui s’est passé avant le concile Vatican II. Voyez le Motu proprio du Pape nous condamnant, il dit bien que la Tradition vivante, c’est Vatican II, qu’il ne faut pas se reporter avant Vatican II, que cela ne signifie rien. Pour lui, l’Église porte la Tradition (qui évolue) avec elle de siècle en siècle, et alors toute la Tradition se trouve dans l’Église d’aujourd’hui. Mais quelle est cette Tradition  ? À quoi se rattache-t-elle  ? Comment se rattache-t-elle au passé  ? (…)
«  L’apostolicité  : nous, nous sommes rattachés aux Apôtres par l’autorité. Mon sacerdoce me vient des Apôtres ; votre sacerdoce vous vient des Apôtres. Nous sommes les fils de ceux qui nous ont donné l’épiscopat. Notre épiscopat descend du saint Pape Pie V et par lui nous remontons aux Apôtres. Quant à l’apostolicité de la foi, nous croyons la même foi que les Apôtres. Nous n’avons rien changé et nous ne voulons rien changer.
«  Et puis la sainteté. On ne va pas se faire des com­pliments ou des louanges. Si nous ne voulons pas nous considérer nous-mêmes, considérons les autres et les fruits de notre apostolat, les fruits des vocations, de nos religieuses, des religieux et des familles chrétiennes. Quand Mgr Perl disait aux religieuses dominicaines que c’était sur des bases comme les leurs qu’il fau­drait reconstruire l’Église, ce n’est tout de même pas un petit compliment.
«  Tout cela montre que c’est nous qui avons les marques de l’Église visible. S’il y a encore une visibilité de l’Église aujourd’hui, c’est grâce à vous. Ces signes ne se trouvent plus chez les autres. (…)
«  Ce n’est pas nous, mais les modernistes qui sortent de l’Église. Quant à dire “sortir de l’Église visi­ble“, c’est se tromper en assimilant Église officielle et Église visible. Nous ap­partenons bien à l’Église visible. (…) Sortir, donc, de l’Église officielle  ? Dans une certaine mesure, oui, évidemment.  » (Mgr Lefebvre, conférence à Écône, 9 septembre 1988, Fideliter n°66, p. 27)
Qui est dans l’Église  ? Les catholiques. Les modernistes, en raison de leurs erreurs, n’appartiennent pas à l’Église. Ils forment ce que l’un d’eux a appelé l’Église conciliaire.
# Ne pas être excommunié
Les épouvantails, schisme, excommunication, mettent en fuite les passereaux inattentifs au sens des mots et aux réalités.
L’excommunication est une peine infligée par l’Église à un baptisé en punition d’une faute grave. Elle exclut le coupable de la communion ecclésiastique et par suite prive de certains biens (messe, sacrements, sacramentaux, prières publiques, indulgences). Il ne faut pas la confondre avec l’hérésie qui sépare de la foi catholique, ni avec le schisme qui sépare de l’unité catholique.
Garder la foi catholique et prendre les moyens de la conserver n’est pas aux yeux de l’Église une faute qui mérite une peine, mais une action très bonne, digne de louange. C’est pourquoi l’excommunication lancée par les autorités romaines en 1988 contre Mgr Lefebvre et les quatre évêques sacrés par lui est nulle et le demeure.
Les seuls excommuniés sont les modernistes  : Mgr Lefebvre l’a souvent proclamé.
«  On nous dit schismatiques, on nous dit excommuniés. Demandons-nous qui nous accuse ainsi et pourquoi on nous excommunie. Ceux qui nous excommunient sont déjà excommuniés eux-mêmes depuis longtemps. Pourquoi  ? Parce qu’ils sont modernistes. D’esprit moderniste, ils ont fait une Église conforme à l’esprit du monde. Et c’est saint Pie X qui a condamné les modernistes et les a excommuniés. Et pourquoi nous excommunient-ils  ? Parce que nous voulons rester catholiques.  » (Sermon à l’Étoile du Matin, 10 juillet 1988, Fïdeliter 65)
Dans la conférence de presse tenue avant les sacres, Mgr Lefebvre est aussi clair.
«  Alors nous sommes excommuniés par des modernistes, par des gens qui ont été condamnés par les papes précédents. Alors qu’est-ce que cela peut bien faire. Nous sommes condamnés par des gens qui sont condamnés, et qui devraient être condamnés publiquement. Cela nous laisse indifférent. Cela n’a pas de valeur évidemment. Déclaration de schisme  ; schisme avec quoi, avec le Pape successeur de Pierre  ? Non, schisme avec le Pape moderniste, oui, schisme avec les idées que le Pape répand partout, les idées de la Révolution, les idées modernes, oui. Nous sommes en schisme avec cela. Nous n’acceptons pas bien sûr. Nous n’avons personnellement aucune intention de rupture avec Rome. Nous voulons être unis à la Rome de toujours et nous sommes persuadés d’être unis à la Rome de toujours, parce que dans nos séminaires, dans nos prédications, dans toute notre vie et la vie des chrétiens qui nous suivent, nous continuons la vie traditionnelle comme elle l’était avant le Concile Vatican II et qu’elle a été vécue pendant vingt siècles. Alors, je ne vois pas pourquoi nous serions en rupture avec Rome parce que nous faisons ce que Rome elle-même a conseillé de faire pendant vingt siècles. Cela n’est pas possible.  » (Conférence de presse, Fideliter 29-30 juin 1988)
D’ailleurs, Saint Pie X, par le Motu proprio Praestantia, du 18 novembre 1907, infligeait cette peine aux modernistes.
«  En outre, voulant réprimer l’audace de jour en jour croissante de nombreux modernistes — qui, par toutes sortes de sophismes et d’artifices, s’efforcent de ruiner la valeur et l’efficacité non seulement du décret Lamentabili sane exitu rendu, sur Notre ordre, le 3 juillet de l’année courante, par la sainte Inquisition romaine et universelle, mais encore de Notre encyclique Pascendi Dominici Gregis, du 8 septembre de cette même année —, Nous réitérons et confirmons, de Notre autorité apostolique tant le Décret de cette sainte Congrégation suprême que Notre Encyclique et nous ajoutons la peine d’excommunication contre les contradicteurs.
«  Nous déclarons et décrétons que si quelqu’un — ce qu’à Dieu ne plaise — avait assez de témérité pour défendre n’importe laquelle des propositions, des opinions et des doctrines réprouvées dans l’un ou l’autre des documents mentionnés plus haut, il encourrait ipso facto la censure portée par le chapitre Docentes de la Constitution Apostolicae Sedis, laquelle censure est la première des excommunications latae sententiae simplement réservée au Pontife romain. Et il doit être entendu que cette excommunication ne supprime pas les peines que peuvent encourir ceux qui se seront opposés en quelque manière aux susdits documents en tant que propagateurs et fauteurs d’hérésies, lorsque leurs propositions, opinions ou doctrines seront hérétiques, ce qui, à la vérité, est arrivé plus d’une fois aux adversaires de ces deux documents —, surtout lorsqu’ils se sont faits les champions du modernisme, c’est-à-dire du rendez vous de toutes les hérésies.  »
Sans doute canoniquement cette peine ne vaut plus, mais elle demeure conforme à l’esprit de l’Église.
# Travailler dans l’Église à ce que la Tradition retrouve son droit de cité
Les ralliés veulent que la Tradition retrouvent son droit de cité dans l’Église.
«  Nous constatons que le fait de la Tradition retrouvant officiellement son droit de cité est maintenant stig­matisé par ceux qui, hier encore, y travaillaient. N’est-ce pas là une nouvelle et inquiétante orientation  ? Notre stupeur est grande et la tempête qui s’est levée à ce sujet nous à profondément attristées.  » (Lettre des mo­niales de La Font-de-Perthus, l5janvier 1989)
Il faut maintenir la foi dans sa paroisse par la messe  : c’est pourquoi ils choisissent de rester dans leur paroisse. Il faut changer l’Église de l’intérieur.
Nous nous opposons à ce choix, car il comporte deux illusions  : illusion d’être dans l’Église catholique si on demeure dans l’Église conciliaire, soumis aux évêques modernistes qui détournent de la foi catholique  ; et fausse conception de l’autorité  : ce n’est pas l’inférieur qui a le pouvoir de changer quelque chose dans l’Église, mais le supérieur. Ce serait de la subversion que de prétendre attribuer à un inférieur un pouvoir de direction dans l’Église. Changer l’Église de l’intérieur, c’est aussi ce qu’ont voulu et fait les modernistes…
«  Se mettre à l’intérieur de l’Église, qu’est-ce que cela veut dire  ? Et d’abord de quelle Église parle-t-on  ? Si c’est de l’Église conciliaire, il faudrait que nous qui avons lutté contre elle pendant vingt ans parce que nous voulons l’Église catholique, nous rentrions dans cette Église conciliaire pour soi-disant la rendre catholique. C’est une illusion totale. Ce ne sont pas les sujets qui font les supérieurs, mais les supérieurs qui font les sujets.
«  Dans toute cette Curie romaine, parmi tous les évêques du monde qui sont progressistes, j’aurais été com­plètement noyé. Je n’aurais rien pu faire, ni protéger les fidèles et les séminaristes. On nous aurait dit  : bon, on va vous donner tel évêque pour faire les ordinations, vos séminaristes devront accepter des professeurs venus de tel ou tel diocèse. C’est impossible. À la Fraternité Saint-Pierre ils ont des professeurs qui viennent du diocèse d’Augsbourg. Quels sont ces professeurs  ? Qu’est-ce qu’ils enseignent  ?  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°70, p. 6)
# C’est l’Église qui sauve et non les hommes qui sauvent l’Église
«  Le travail est immense et nous devons, dans le respect des autres, avec une très grande charité et sans nous prendre pour les seuls sauveurs de l’Église, alors que c’est l’Église qui nous sauve, remplir humblement notre mission là où la Providence nous a placés.  » (Max Champoiseau, CHAC, Famille Chrétienne, mars 1989)
La réponse tient en une image  : saint François d’Assise soutenant l’Église en train de s’écrouler. L’histoire des crises de l’Église est aussi l’histoire des hommes suscités par Dieu pour la relever…
# S’opposer à l’esprit de parti et au schisme
«  Ce serait une erreur grave de constituer dans 1’Église une sorte de grand parti unifié élisant à sa tête un chef faisant manœuvrer ses troupes à son gré.  » (Dom Gérard, 18 août 1988)
C’est faire injure à Mgr Lefebvre que d’en faire un chef de parti. Lui-même a toujours pris soin de ne pas être et de ne pas se faire appeler chef des traditionalistes. Il a possédé une autorité morale sur les fidèles  : elle fut normale pour un successeur des apôtres fidèle à sa charge  ; les fidèles et les prêtres ont trouvé en lui le pasteur dont ils avaient besoin. Cette autorité morale demeure, car ses enseignements et ses principes dans la crise actuelle gardent toute leur force et leur intérêt.
Quant au schisme, il n’existe que pour ceux qui ne savent pas la différence entre désobéissance nécessaire à une autorité quelconque et le refus de reconnaître cette autorité pour ce qu’elle est. Désobéir au Pape n’est pas se séparer de l’Église, il faut y ajouter autre chose  : se constituer sa propre autorité indépendante. Or Mgr Lefebvre a eu soin de donner à la Fraternité Saint Pie X sa place reconnue dans l’Église et de ne pas donner aux évêques sacrés par lui une juridiction sur un territoire donné. Il n’a jamais eu en lui d’esprit de rébellion, mais de respect envers Rome, esprit qui s’est transmis et qui demeure. La plus belle preuve en fut l’accueil chaleu­reux réservé à l’envoyé du Pape, le cardinal Gagnon, lors de la visite qu’il fit de toutes les œuvres de la Tradition en 1987.
Par ailleurs, Mgr Lefebvre a souvent dit que les schismatiques sont ceux qui professent les nouveautés issues du Concile Vatican II. «  Nous croyons pouvoir affirmer en nous tenant à la critique interne et externe de Vatican II, c’est à dire en analysant les textes et en étudiant les tenants et aboutissants de ce Concile, que celui-ci, tournant le dos à la Tradition et rompant avec l’Église du passé est un Concile schismatique.  » (Mgr Lefebvre, Figaro, 2 août 1976)
«  Le Magistère d’aujourd’hui ne se suffit pas à lui-même, pour être dit catholique, s’il n’est pas la trans­mission du dépôt de la foi, c’est-à-dire de la Tradition. Un Magistère nouveau, sans racine dans le passé, et à plus forte raison contraire au Magistère de toujours, ne peut-être que schismatique, sinon hérétique.
«  Une volonté permanente d’anéantissement de la tradition est une volonté suicidaire qui autorise par le fait même, les vrais et fidèles catholiques à prendre toutes les initiatives nécessaires à la survie de l’Église et au salut des âmes.  » (Lettre de Mgr Lefebvre du 8 juillet 1987 au cardinal Ratzinger)
# Garder ses amitiés  ; faire cesser les divisions et les souffrances
«  Nous ne voulons plus allumer des incendies, mais les éteindre  ; creuser des fossés, mais au contraire réta­blir des ponts ou des passerelles  ; prononcer des exclusives ou des condamnations, mais au contraire comprendre, éclairer, reprendre si nécessaire avec patience et, surtout, pardon­ner...  » (…)
«  L’urgence d’aujourd’hui, c’est de faire baisser la pression et la souffrance dans les âmes qui ont été déchi­rées par la crise de l’Église, et qui, pour certaines, en sont venues à se déchirer entre elles.  » (Abbé Christian Laffargue, alors membre de la Fraternité Saint-Pierre, Famille Chrétienne, n°585, mars 1989)
Tout cela c’est du sentiment  ! Il importe peu à la question. Nous y répondrons en conclusion.
Disons cependant qu’il n’y a pas de charité sans la foi, et par conséquent pas d’amitié vraie qui ne soit fondée sur la foi. (Il serait fort utile de relire l’encyclique de Pie XI sur l’œcuménisme, Mortalium animos.)
Saint Pie X nous exhortait déjà  : «  La doctrine catholique nous enseigne que le premier devoir de la charité ne réside pas dans la tolérance des convictions erronées quelques sincères qu’elles soient, ni dans l’indiffé­rence théorique et pratique pour l’erreur ou le vice où nous voyons nos frères plongés, mais dans le zèle pour leur amélioration...  » (Lettre sur le Sillon)
Le moyen d’éviter et d’accroître les divisions c’est de cesser tout contact avec ceux qui ont quitté le bon combat de la foi  : on évite ainsi toute polémique inutile et blessante. C’était le conseil de Mgr Lefebvre.
«  Je pense qu’il faut peut-être prendre garde d’éviter tout ce qui pourrait manifester, par des expressions un peu trop dures, notre désapprobation de ceux qui nous quittent. Ne pas les affubler d’épithètes qui peuvent être prises un peu comme injurieuses. Cela ne nous sert à rien, au contraire je crois. Personnellement, j’ai toujours cette attitude vis-à-vis de tous ceux qui nous ont quittés — et Dieu sait s’il y en a eu au cours de l’histoire de la Fraternité  ; l’histoire de la Fraternité, c’est presque l’histoire des séparations — j’ai toujours pris comme principe  : plus de relations, c’est fini.  » (Mgr Lefebvre, conférence à Écône, 9 septembre 1988, Fideliter n°66, p. 31)
# S’ouvrir
«  Il était important pour la communauté de ne pas trop se replier sur elle-même, ou sur le milieu traditiona­liste, au risque de méconnaître la situation véritable de l’Église et de ses évolutions internes. (…)
Un des grands mérites des frères du prieuré pourrait bien être d’avoir initié une nouvelle dynamique que les crispations traditionalistes et antitraditionalistes ont pour fonction de bloquer.  » (G. Leclerc, 30 Jours, mars 1988, sur les dominicains de Chéméré)
Notre réponse veut obliger à définir les mots et les choses qu’elles signifient. Que veut dire s’ouvrir  ? La vraie question est de savoir à qui  ? et à quoi  ? et comment  ? Le concile Vatican II a été voulu comme une ouverture au monde, «  l’aggiornamento  ». On sait ce qu’il en advint  : «  la fumée de Satan est entrée dans l’Église  », selon la juste affirmation de Paul VI.
# Favoriser l’apostolat et l’afflue des vocations en ôtant les obstacles apparents de schisme
«  Il semble que nous serions coupables si, par suite de notre refus de saisir l’occasion, des milliers de jeunes étaient pour toujours privés de la messe latine et grégorienne, la messe face à Dieu, où le Canon s’entoure de silence, où la Sainte Hostie, centre de l’adoration des fidèles, est reçue à genoux et sur les lèvres.  » (Dom Gérard, 18 août 1988)
L’essentiel n’est pas dans toutes ces choses mais dans la conservation de la foi et sa transmission...
«  Si vous voulez, pour prendre une image, nous étions hier encore paisiblement retirés comme dans un châ­teau fort imprenable. Aujourd’hui, le pont-levis s’est abaissé  : les soldats feront des incursions, étendant leur conquête  ; c’est l’extension même du Royaume qui est en jeu. Il y a dans l’esprit de la Tradition une dimen­sion missionnaire que la Providence nous demande d’assumer. Nous ne nous y déroberons pas  ». (Dom Gérard, Le Choc du mois, septembre 1988)
Dom Gérard semble dire que la Tradition avant les sacres et après les sacres n’était pas missionnaire et qu’il a fallu attendre de se rallier à Rome pour le devenir enfin. Il a pourtant connu le MJCF et l’a encouragé  ! Il n’y a pas mouvement plus missionnaire et son œuvre continue dans la Tradition.
# Être un pont entre Rome et la Fraternité Saint Pie X
Certains affirment que la Fraternité Saint Pierre et les messes célébrées selon l’Indult de 1984 sont un pont vers la Tradition et la Fraternité Saint Pie X. Ces messes célébrées dans ces conditions seraient favorables à un retour à la Tradition, car l’ancienne messe a une grande puissance pour donner la foi. Et on cite des exem­ples nombreux pour appuyer cette affirmation.
La réponse tient tout d’abord dans les exemples contraires de prêtres et laïques qui sont passés de la Fraternité Saint Pierre à la Rome moderniste.
Ensuite il faut observer la nature des choses. La situation des ralliés est telle qu’elle favorise le passage au modernisme  : leur enseignement est que le concile Vatican II n’est pas contraire à la tradition et que la nou­velle messe n’est pas opposée à la foi. Leur pratique suit cet enseignement  : ils célèbrent la nouvelle messe au moins quelques fois et écrivent des livres pour défendre la liberté religieuse de Vatican II. Il est donc dans la nature des choses que ceux qui fréquentent les ralliés et leurs lieux de messes finissent par prendre cet ensei­gnement et par conséquent devenir modernistes.
S’il arrive qu’un laïque ou un prêtre venant du modernisme passe de la Fraternité Saint Pierre à la Fraternité Saint Pie X, ce sera malgré l’orientation propre des ralliés  : au gré de circonstances étrangères à cette orienta­tion, malgré la nature des choses, il ira vers la Tradition.
À l’inverse, ceux qui quittent la Fraternité Saint Pie X pour le modernisme agissent contre la nature des choses  : l’enseignement qui y est donné, la pratique de séparation d’avec la Rome moderniste orientent les esprits vers la Tradition et contre le modernisme. Seules des circonstances étrangères à cette orientation peuvent expliquer ces défections.
Or on juge d’une chose selon sa nature et non selon des circonstances qui lui sont étrangères.
Par conséquent selon la nature des choses la Fraternité Saint Pierre et les ralliés éloignent les âmes de la foi  : ils ne sont pas un pont la Tradition mais une voie de perdition. (Cf. l’article, Ecclesia Dei afflicta  : le sas, Sel de la Terre, n°66, p. 138)
# Les laïcs sont incompétents pour juger de certaines choses religieuses  ; ils prennent leur bien où ils peuvent
«  La tâche de la Fraternité sacerdotale est, dit Mgr Lefebvre, de «  faire des prêtres  », de faire ces prêtres-là. Nous en sommes les bénéficiaires. Nous y avons aidé par nos dons, par notre sympathie exprimée et argu­mentée, par nos prières. Mais non point par nos conseils et avis, non point par nos approbations ou réprobations, ce n’est pas de notre compétence.  » (J. Madiran, Itinéraires, juillet-octobre 1988)
Il est faux de dire que les laïcs ne peuvent jamais juger des choses de la foi. D’ailleurs, J. Madiran et d’autres, après les sacres, ont cessé de soutenir et d’aider les prêtres de Mgr Lefebvre. Ce changement est bien venu d’un jugement désapprouvant.
Dom Guéranger a écrit avec force qu’en certaines circonstances les laïques pouvaient et devaient juger et choisir et non pas prendre leur bien là où ils le peuvent.
«  Le Jour de Noël 428, l’archevêque de Constantinople Nestorius profitant du concours immense des fidèles assemblés pour fêter l’enfantement de la Vierge-mère, laissait tomber du haut de la chaire épiscopale cette parole de blasphème  : “Marie n’a point enfanté Dieu  ; son fils n’était qu’un homme, instrument de la divinité’. Un frémissement d’horreur parcourut à ces mots la multitude  ; interprète de l’indignation générale, le scolas­tique Eusèbe, simple laïque, se leva du milieu de la foule et protesta contre l’impiété. Bientôt, une protestation plus explicite fut rédigée au nom des membres de cette Église désolée, et répandue à de nombreux exemplaires, déclarant anathème à quiconque oserait dire  : “Autre est le Fils unique du Père, autre celui de la Vierge Marie”. Attitude généreuse, qui fut alors la sauvegarde de Byzance, et lui valut l’éloge des conciles et des papes  ! Quand le pasteur se change en loup, c’est au troupeau à se défendre tout d’abord. Régulièrement, sans doute, la doctrine descend des évêques au peuple fidèle, et les sujets, dans l’ordre de la foi, n’ont point à juger leurs chefs. Mais il est dans le trésor de la Révélation des points essentiels, dont tout chrétien, par le fait même de son titre de chrétien, a la connaissance nécessaire et la garde obligée. Le principe ne change pas, qu’il s’agisse de croyance ou de conduite, de morale ou de dogme. Les trahisons pareilles à celle de Nestorius sont rares dans l’Église  ; mais il peut arriver que des pasteurs restent silencieux, pour une cause ou pour une autre, en certaines circonstances où la religion même serait engagée. Les vrais fidèles sont les hommes qui puisent dans leur seul baptême, en de telles conjonctures, l’inspiration d’une ligne de conduite  ; non les pusillanimes qui, sous le prétexte spécieux de la soumission aux pouvoirs établis, attendent pour courir à l’ennemi, ou s’opposer à ses entreprises, un programme qui n’est pas nécessaire et qu’on ne doit point leur donner.  » (Année liturgique, Dom Guéranger, à la fête de Saint Cyrille d’Alexandrie, 9 février)
On peut aussi citer le pape Léon XIII  :
«  Mais quand les circonstances en font une nécessité, ce ne sont pas seulement les chefs qui doivent défen­dre l’intégrité de la foi, mais chacun est tenu de manifester à autrui sa foi, soit pour instruire et encourager les autres fidèles, soit pour repousser les attaques des incroyants.  » (Léon XIII, Sapientiae christianae, 10 janvier 1890, PIN n°262-268)

III - Les termes de l’accord  : le Motu proprio du 2 juillet 1988
La Fraternité Saint Pierre, la Fra­ternité Saint Vincent Ferrier, le mo­nastère Sainte Madeleine du Barroux, l’Institut du Christ-Roi, et d’autres bé­néficient du Motu Proprio Ecclesia Dei Adflicta du pape Jean-Paul II, publié le 2 juillet 1988.
Suite aux sacres de 1988, en effet, le pape manifes­tait «  à tous ces fidèles qui se sentent attachés à des formes liturgiques et disciplinaires antécé­dentes dans la tradition latine  », sa volonté «  de leur faciliter la commu­nion ecclé­siale grâce à des mesures nécessaires pour garantir le respect de leurs justes aspirations.  »
Le Motu Proprio ajoutait encore  : «  on devra partout respecter le désir spirituel de tous ceux qui se sentent liés à la tradition liturgique latine en faisant une application large et géné­reuse des directives données en leur temps par le Siège apostolique pour l’usage du Missel Romain selon l’édi­tion typique de 1962.  » (Ces directi­ves étaient données en 1984 par un indult, appelé indult de 1984)
Tous ces fidèles et prêtres se ré­jouissaient  : ils gardaient la messe, tout en bénéficiant d’une reconnais­sance canonique de Rome. Tout allait pour le mieux et la grande peur du schisme était écartée.
Pourtant Rome ne s’était pas cachée  : le Motu Proprio n’était qu’une conces­sion temporaire, «  une paren­thèse miséricor­dieuse pour des per­sonnes qui doivent s’approprier pro­gres­sivement l’ordo missae de Paul VI.  »[1]
Dom Gérard s’en plaignait en 1994  : il titrait sa Lettre aux Amis du monastère  : Trahison  ? Impasse  ? [2]
D’ailleurs, cette intention n’avait pas changé  : en 1976 Mgr Benelli deman­dait exactement la même chose à Mgr Lefebvre  ; après tout s’arrangerait ...
Il est vrai que Rome a fondé cer­tains de ces instituts avec ce caractère propre ou «  charisme  »  : la messe ex­clusivement célébrée selon l’ancien rite. A cette faible barrière, ces insti­tuts s’accrochent... sans grand espoir. Le fondement sentimental et non doctrinal de l’accord en est la raison.
1. Un fondement sentimental et non doctrinal
Comme on vient de le lire, le Motu Proprio permet l’usage de l’ancien rite à tous ceux «  qui se sentent atta­chés à des formes litur­giques et disciplinaires  » antérieures au Concile. Il faut respecter leur «  désir spirituel  » et leurs «  justes as­pirations  » [3]. Ce n’est donc point pour des raisons doctrinales, pour des motifs de foi que l’ancienne messe leur est concédée  : les raisons de l’at­tachement à l’ancienne messe et le rejet de la nouvelle sont sentimen­tales et spirituelles.
D’ailleurs le Motu Proprio, en se référant à l’indult de 1984 [4], obligeait ses signataires à n’avoir «  aucune part avec ceux qui mettent en doute la lé­gitimité et la rectitude doctrinale du Missel romain promulgué par Paul VI.  » Accepter cet indult conduit à refuser à toute remise en cause de la recti­tude doc­trinale de cette nouvel­le messe.
Aucun doute à ce sujet, l’opposi­tion à Rome au sujet de la nouvelle messe n’est pas fondée sur la vérité et sur la foi mais sur le sentiment.
Les seize signataires de la lettre [5] écrite à Rome pour contester la hié­rarchie de la Fraternité Saint Pierre le notaient excellemment  : «  Les raisons d’une telle opposition ne sont pas seulement liturgiques, ne sont pas réelle­ment doctrinales, faute de travail approfondi sur les points considérés comme litigieux en 1988, mais plutôt psychologiques, voire sociologiques, et à ce titre incontrôlables comme le révèle l’exacerbation crois­sante des tensions.  »
Les romantiques de la Tradition  ?  !
2. Première conséquence  : l’œcuménisme liturgique
Puisque la foi et la vérité ne sont pas les motifs de leur choix, les ralliés sont contraints à estimer légitime la coexistence des deux rites.
Le Motu Proprio les y conduit puisqu’il demande que tous prennent conscience «  non seulement de la légi­timité mais aussi de la diversité des charis­mes et des traditions de spiritualité et d’apostolat qui consti­tue la beauté de l’unité dans la variété.  » (Motu Proprio n°5a)
En 1993, cinq ans après le Motu Proprio, la NEF publiait un numéro spécial intitulé «  Bilan du Motu Proprio Ecclesia Dei  ». On pouvait y lire, à propos de l’ancienne et de la nouvelle messe qu’il faut respecter «  les légiti­mes différences et préfé­rences.  » «  Diversités n’est pas divi­sion.  » Il faut «  la diversité dans l’unité  » et le respect «  des sensibilités légitimes  ». Et l’on va même jusqu’à demander «  de laisser ce qui divise et se tourner vers le positif.  » Aussi pourra-t-on «  apprendre à mieux se connaître et à dialo­guer.  »
En 1998, une lettre du monastère Sainte Madeleine du Barroux publiait «  une très intéressante analyse que le R.P. Louis-Marie de Blignière a fait paraître à l’occasion du dixième anni­versaire du Motu Proprio Ecclesia Dei dans la revue Sedes Sapientiae (n°64) éditée par la Fraternité Saint Vincent Ferrier.  » (Supplément à Lettre aux Amis du monastère n°87) Il considère que le Motu Proprio est «  un rappel de doctrine ecclésiologique  : la diversité dans l’unité n’est pas une tolérance, mais une richesse (n° 5a), pour la litur­gie (nn° 5c, 6a et b), la spiritualité (nn°5a et 6a), l’apostolat (n°5a) et la dis­ci­pline (n°5c).  »
Beaucoup ont pu ainsi «  trouver un cadre conforme à leurs “aspirations traditionnelles”, dans l’obéissance »...
Enfin, le 26 octobre 1998, le pape Jean-Paul II, rece­vant les dit-traditio­nalistes «  Ecclesia Dei  » demandait à tous les catholiques des gestes d’unité pour que «  la légi­time diversité et les différentes sensibilités, dignes de respect, ne les séparent pas les uns des autres.  » (D.C. n°2193, p. 1012)
Ce qui est en tout conforme à l’esprit relativiste du Concile  : «  l’Église, dans les domaines qui ne touchent pas la foi ou le bien de toute la commu­nauté, ne désire pas, même dans la liturgie imposer la forme rigide d’un label unique.  » (Constitution sur la liturgie Sacro­sanctum Concilium n°37) [6]
Ainsi donc, l’application pratique du Motu Proprio conduit à considérer nouvelle et ancienne messe comme des diversités légitimes en matière litur­gique, au même titre par lequel coexistaient autrefois les rites lyon­nais, am­brosien et mozarabe avec le rite romain.
Ainsi, la nouvelle messe serait aussi légitime au regard de la foi que ces anciens rites  ! La nouvelle messe ne s’éloignerait donc plus «  dans l’ensemble comme dans le détail de la théolo­gie catholique de la sainte messe, telle qu’elle a été formu­lée au concile de Trente  » [7]  ! Cette mise à égalité des deux messes peut prendre le nom de «  pluralisme litur­gique  » ou «  d’œcuménisme litur­gique  ».
3. Deuxième conséquence  : de l’œcuménisme liturgique à l’œcuménisme doctrinal
# Dérive progressive
Mettre les deux messes à égalité, c’est en pratique mettre la vérité et l’erreur à égalité. «  À force de ne pas vivre comme l’on pense, on finit par penser comme l’on vit.  » Vivant dans la mise à égalité constante de la vérité et de l’erreur, ils en viennent à penser qu’elles sont équivalentes, tout aussi respectables l’une que l’autre.
En 1991, l’abbé Bisig affirmait la continuité doctri­nale entre les deux messes  :
«  Je pense d’ailleurs que l’ancien­ne liturgie permet à ceux qui disent le nouvel ordo de le comprendre dans le sens traditionnel, ce qui est important. Dans une confé­rence, le cardinal Ratzinger regrettait que la réforme litur­gique soit malheureusement trop souvent comprise comme étant en rupture avec la théologie traditionnel­le du sacrifice de la messe. C’est là que nous pouvons, en continuant l’an­cienne liturgie, avoir un rôle impor­tant dans l’Église, pour souligner cette continuité de la théo­logie sur la messe  » [8].
En septembre 1993, les éditions Sainte Madeleine du Barroux publiaient une brochure  : «  Oui  ! le catéchisme de l’Église catholique... est catho­lique  !  » Or il a été amplement dé­montré que ce catéchisme publié par le pape Jean-Paul II en 1992, s’inscrit dans la ligne des réformes entre­prises par le concile Vatican II, no­tamment la liberté religieuse, l’œcu­ménisme et la collégialité  ! [9]
Par ailleurs, tous les ralliés s’accordent à ne plus considérer la déclaration sur la li­berté religieuse de Vatican II comme contraire à la foi catholique, comme destructrice du règne social de Jésus-Christ  : «  Les études de notre Fraternité et de l’abbaye du Barroux sur la liberté religieuse, sans cacher les défauts de la déclaration conciliaire Dignitatis humanae, ont montré la possibilité de la lire dans la continuité du magistère précédent.  » [10]
Puis en octobre 1998, devant tous les ralliés réunis en pèlerinage à Rome, Dom Gérard affirmait l’or­thodoxie de la nouvelle messe.
# La pleine acceptation de l’œcuménisme pratiqué par Jean-Paul II
Cette conclusion a été clairement énoncée par l’abbé Bisig dans une inter­view à un journal polonais en janvier 1999  : «  Je ne vois rien de mauvais dans le fait que des catho­liques se donnent un rendez-vous avec des non-catholiques, qu’ils s’entretiennent entre eux, etc. Assise avait, en un certain sens, une grande impor­tance, dans la mesure où, dans le cadre de la prière pour la paix, se rencontraient les fidèles de diffé­rentes religions, cultures, etc.  ; bien qu’il faille souligner qu’il n’y a pas eu de prières en commun, mais que chacun a prié séparément. Il faut rappeler que c’était encore l’épo­que d’une menace potentielle, que la guerre froide durait, qu’il y avait un danger de conflit nucléaire, et c’est à ce moment, justement, que les leaders des différentes religions ont été convoqués par le pape afin de prier pour la paix. Tel était le but de cette rencontre, et il n’y en avait aucun autre.  » [11]
Une nouvelle réunion inter-religieuse eut lieu en janvier 2002 dans le même esprit que celle d’Assise en 1986. L’abbé Garban de la Fraternité Saint-Pierre tente lui aussi de la justifier. Il rappelle que le Saint-Père avait voulu éviter «  toute apparence de syncrétisme  »  ; il fait remarquer que «  les participants d’Assise étaient venus pour non pas pour prier ensemble, mais être ensemble pour prier. La différence est essentielle.  » Mais le Saint-Père est «  un prophète  », dit-il, donc on peut tout justifier…
# La pleine acceptation des principes sous-jacents à cette pratique
Le même abbé Bisig poursuit  : «  Nous déclarons accepter la doctri­ne sur le magistère de l’Église et sur l’obéissance qui lui est due, telle qu’elle est contenue dans le numéro 25 de la constitution dogma­tique sur l’Église du concile Vatican II. Cette doctrine a été acceptée par tous nos confrères et, cela va de pair, dans la ligne de cette déclaration, ont été acceptés évi­demment, de la même façon, tous les autres documents de Vatican II.  » [12]
Cette acceptation de Vatican II est la conséquence de l’acceptation des deux rites mis côte à côte. De la coexistence des deux rites, on passe à la coexistence des doc­trines dont ils sont l’expression. De même que la nouvelle messe a intro­duit dans les esprits une foi nouvelle, ainsi la coexistence des deux rites, conduira à une nouvelle forme de pensée  : la vérité peut subsister à côté de l’erreur, vérité et erreur mises à égalité ... «  Peste de l’indifférentis­me  » disaient les papes.
Cet œcuménisme liturgique conduit donc à l’œcuménisme doctri­nal et religieux. (C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner que leurs argu­ments soient si sembla­bles à ceux des protestants lors de la fondation du Conseil Œcumé­nique des Églises...)
Il ne faut pas sous estimer la gravité du mal qui atteint les ralliés  : l’in­différentisme détruit tout attachement à la vérité et aux principes  ; il détruit toute pensée  ; il rend impossible la foi à Notre Seigneur Jésus Christ, qui est la Vérité. Cette gravité du mal est confirmée par les faits  : ceux qui fréquen­tent habituellement les messes des ralliés tombent dans un certain relati­visme de la pensée et du jugement, joint au relâchement des mœurs et des habitudes de vie  ; des communautés ralliés, comme le Barroux, reçoivent les évêques diocésains pour des conférences, sermons, retraites, confirmations, comme de bons amis qu’aucune opposition doctrinale ne sépare...
4. La réponse du pape Pie XI
Pie XI condamne cet œcuménisme destructeur de la foi dans l’encyclique Mortalium Animos (1928)  : «  quand il s’agit de favoriser l’unité entre tous les Chrétiens, certains esprits sont trop facilement séduits par une appa­rence de bien. N’est-il pas juste, répète-t-on (...) de s’abstenir d’accu­sations réci­proques et de s’unir enfin un jour par les liens de la charité des uns envers les autres.  » «  On les voit nourrir l’espoir qu’il serait possible d’amener sans difficultés les peuples malgré leurs diver­gences religieuses, à une entente fraternelle sur la profes­sion de certaines doctrines considé­rées comme un fondement commun de vie spirituelle.  » [13]
«  Sous les séductions et le charme de ces discours, se cache une erreur assurément fort grave  » dit Pie XI sans ménagement. Il poursuit  : «  comment concevoir la légiti­mité d’une sorte de pacte chrétien dont les adhé­rents, même dans les questions de foi, garderaient chacun leur maniè­re particulière de penser et de juger alors même qu’elle serait en contra­diction avec celle des autres  ?  »
Il nous prévient  : «  Nous savons très bien que, par là, une étape est faci­le­ment franchie vers la négligence de la religion ou indifférentisme et vers ce qu’on nomme le modernisme, dont les malheureuses victimes sou­tiennent que la vérité des dogmes n’est pas absolue, mais relative, c’est à dire qu’elle s’adapte aux besoins changeants des époques et des lieux et aux diverses tendances des esprits, puisqu’elle n’est pas contenue dans une révélation im­muable, mais qu’elle est de nature à s’accommoder à la vie des hommes.  »
C’est pourquoi il condamne toute collaboration, congrès ou action com­mune quelconque, car «  s’ils le fai­saient, ils accorderaient une autorité à une fausse religion chrétienne.  »
Saint Jean lui-même, l’apôtre de la charité, dit encore Pie XI, «  interdisait de façon absolue tout rapport avec ceux qui ne professaient pas la doctri­ne du Christ entière et pure [14]  : “Si quelqu’un vient à vous et n’ap­porte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison et ne le saluez même pas.” (II Jo 10) C’est pourquoi puisque la charité a pour fondement une foi intègre et sincère, c’est l’unité de foi qui doit être le lien principal unissant les disci­ples du Christ.  »
5. Tradition vivante
D’après Jean-Paul II, jugeant et condamnant les consécrations épiscopales du 30 juin 1988, «  à la racine de cet acte schismatique, on trouve une notion incomplète et contradictoire de la Tradition. Incomplète parce qu’elle ne tient pas suffisamment compte du caractère vivant de la Tradition.  » (Motu proprio Ecclesia Dei adflicta, 2 juillet 1988, n°4) Ce «  caractère vivant  » est à comprendre comme un apport de nouveautés. Jean-Paul II, en effet, écrit un peu plus loin  : il faudra mettre en lumière certains «  points de doctrine qui, peut-être à cause même de leur nouveauté, n’ont pas encore été bien compris dans certains secteurs de l’Église.  » (n°5 b)
Pour comprendre sa pensée, il faut nous interroger sur le sens des mots.
# Sens des mots
Que veut dire le mot tradition  ?
- Tradition signifie tout d’abord ce qui est transmis, l’objet de cette transmission, à savoir les vérités de la foi qui constituent le «  dépôt de la foi  », clos à la mort du dernier des Apôtres. Après ce dernier, il ne peut y avoir aucune révélation de nouvelles vérités, ni évolution des vérités déjà révélées dans un sens nouveau.
- Il signifie ensuite transmettre les vérités, transmettre la révélation divine. Cet acte de transmission n’est pas l’œuvre de quiconque mais de l’autorité enseignante, pape et évêques, autrement dit du magistère.
En ce sens on peut parler de Tradition vivante parce qu’elle est l’acte d’une autorité actuelle qui, lorsqu’elle enseigne infailliblement, est la source prochaine de notre foi. L’autorité enseignante a une mission bien déli­mitée  : transmission de ce qui a été reçu, défense contre l’erreur, meilleure explication ou mise en évidence des vérités révélées, mais toujours dans « la même croyance, le même sens, la même pensée  ». [15] Jamais il ne peut enseigner de nouveautés.
L’Église sur ce sujet donne un enseignement très précis  :
«  Selon la foi de l’Église universelle, affirmée par le saint concile de Trente, cette révélation surnaturelle est contenue «  dans les livres écrits et dans les traditions non écrites qui, reçues par les Apôtres de la bouche même du Christ, ou transmises comme de main en main par les Apôtres, sous la dictée de l’Esprit Saint, sont parvenues jusqu’à nous.  » [16]
«  De plus, on doit croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu, écrite ou transmise, et que l’Église propose à croire comme divinement révélé, soit par un jugement solennel, soit par le magistère ordinaire et universel.  » [17]
«  La doctrine de la foi, que Dieu a révélée, n’a pas été proposée comme une découverte philosophique à perfectionner par l’esprit des hommes, mais comme le dépôt divin, confié à l’épouse du Christ, pour qu’elle le garde fidèlement et le déclare infailliblement. En conséquence, le sens des dogmes sacrés qui doit toujours être conservé est celui que notre Mère la sainte Église a déterminé, et jamais il n’est loisible de s’en écarter sous le prétexte et au nom d’une intelligence plus profonde.  » [18]
«  Si quelqu’un dit qu’il est possible que les dogmes proposés par l’Église se voient donner parfois, suivant le progrès de la science, un sens différent de celui que l’Église a compris et comprend encore, qu’il soit anathème.  » [19]
L’assistance du Saint Esprit aux pasteurs qui enseignent n’est pas promise s’ils enseignent une doctrine nouvelle  :
«  Car le Saint Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’il fasse connaître, sous sa révéla­tion, une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi.  »[20]
# Novateurs
- Quant à l’objet de la Tradition
Quant à l’objet, c’est à dire les vérités révélées, elles ne sont pas pour eux immuables. Nous l’avons si­gnalé plus haut (I, 4), les novateurs ont une conception évolutive de la vérité.
Le futur Benoît XVI écrivait  : «  L’Église marche vers l’accomplissement de l’histoire, elle regarde en avant vers le Seigneur qui vient. Non, on ne retourne pas en arrière et on ne peut pas y retourner.  » (Cardinal Ratzinger, Entretien sur la foi, Fayard, 1985, p. 40)
Le discours de Benoît XVI aux membres de la curie romaine, le 22 décembre 2005, est tout entier pénétré de cet esprit évolutionniste. Le discours a pour sujet les diverses interprétations du concile Vatican II.
L’une est celle de la rupture et de la discontinuité entre avant et après le Concile. Benoît XVI la rejette, car elle dépend d’un «  esprit du Concile  » qu’il faut chercher derrière les textes du Concile et qui «  laisse la place à n’importe quelle fantaisie  » (C’est logique : pour un moderniste tout est vie, or la vie n’est pas discontinue, mais progression continue…).
L’autre est celle «  de la réforme, du renouveau dans la continuité de l’unique sujet-Église  ; c’est un sujet qui grandit dans le temps et qui se développe, tout en restant toujours le même, l’unique sujet du peuple de Dieu en marche.  »
Il cite le pape Jean XXIII dans son discours d’ouverture du Concile  : «  Il est nécessaire que cette doctrine certaine et immuable, qui doit être fidèlement respectée, soit approfondie et présentée d’une façon qui corres­ponde aux exigences de notre temps. » Il faut donc faire une «  distinction entre le dépôt de la foi (…) et la façon dont celles-ci sont énoncées…  » Ce faux principe énoncé par Jean XXIII donnait toute latitude aux novateurs  : changeant les mots pour exprimer la doctrine avec de nouveaux concepts issus d’une nouvelle philosophie, ils changeaient nécessairement la doctrine. Voici comment Grégoire XVI y répond  : «  Vous veillerez, dit-il aux évêques, sur vous et sur la doctrine, vous rappelant sans cesse que l’Église universelle est ébranlée par quelque nouveauté que ce soit, et que, suivant l’avis du pape Agathon, rien de qui a été défini ne doit être retranché, ou changé, ou augmenté, mais qu’il faut le conserver pur et pour le sens et pour l’expression.  » (Mirari vos, 15 août 1832) Et pour l’expression… Pie XII, dans Humani generis condamne ce relativisme doctrinal et le mépris des formules dogmatiques reçues par l’Église (12 août 1950). (cf. Romano Amerio, Iota Unum, p 448-449)
La suite montre que Benoît XVI est un évolutionniste par assimilation des contraires et par relativisme his­torique. Selon lui, il y aurait discontinuité des situations historiques concrètes et continuité des principes  : «  dans ce processus de nouveauté dans la continuité, nous devions apprendre à comprendre (…) que les déci­sions de l’Église en ce qui concerne les faits contingents — par exemple, certaine formes concrètes de libéralisme ou d’interprétation libérale de la Bible — devaient elles aussi être contingentes.  » Il cite comme exemple la liberté religieuse définie à Vatican II  ; moyennant quoi, il peut affirmer que «  les martyrs de la primitive Église (…) sont morts pour leur liberté de conscience.  » Ceci est totalement faux  : les martyrs sont morts pour confesser leur foi en la divinité de Jésus-Christ et leur rejet du culte idolâtrique rendu à l’empereur. Sur ces point il n’y a aucune liberté  : tout homme doit confesser Jésus-Christ.
À plusieurs reprises Benoît XVI parle de la nécessité de redéfinir, de façon nouvelle, les rapports entre foi et sciences modernes, entre Église et État moderne, entre foi et religions.
C’est le modernisme condamné par saint Pie X  : «  Ils posent tout d’abord ce principe général que, dans une religion vivante, il n’est rien qui ne soit variable, rien qui ne doive varier. D’où ils passent à ce que l’on peut regarder comme le point capital de leur système, savoir l’évolution.  » (Saint Pie X, encyclique Pascendi)
On pourrait objecter qu’il ne veut pas enseigner des nouveautés, mais présenter les vérités éternelles de façon nouvelle, adaptée aux circonstances et aux esprits contemporains. Ecoutons Pie IX sur la manière dont il faut comprendre cette adaptation aux temps modernes  : «  Les vérité religieuses demeurent essentiellement immuables. (…) Mais quelques-unes d’entre elles doivent parfois, suivant les circonstances et les nécessités des temps, être placées en plus vive lumière et plus fortement établies. Voilà en quel sens l’Église puise dans son trésor pour en tirer des nouveautés  : Elle tire de son trésor des choses anciennes et nouvelles (Mtth 13, 52)  ; ce qui est ancien, en continuant toujours à enseigner les doctrines maintenant hors de toute controverse, ce qui est nouveau, en donnant par de nouvelles déclarations une base plus ferme et incontestable à ces doctrines qui, bien que toujours professées par elle, ont été pourtant l’objet de récentes attaques.  » (16 mai 1870) Face aux attaques du monde moderne, Pie IX affirme plus fortement les vérités immuables, Benoît XVI les adapte à ce monde…
- Quant à l’organe de la Tradition
Quant à l’organe, source de ce caractère vivant de la Tradition, il est exprimé par les phrases suivantes  : «  L’Église a manifesté encore cette conviction de foi dans le dernier Concile qui s’est réuni pour confirmer et affermir la doctrine de l’Église héritée de la Tradition existant déjà depuis près de vingt siècles, comme réalité vivante qui progresse, en rapport avec les problèmes et les besoins de chaque époque, en approfondissant la compréhension de ce que contenait déjà la foi transmise une fois pour toutes. (…) Étant donné que l’œuvre du Concile dans sa totalité constitue une confirmation de la vérité même vécue par l’Église dès le commence­ment, elle est en même temps renouveau de cette même vérité.  » (Lettre de Jean-Paul II au cardinal Ratzinger, 8 avril 1988) La doctrine progresse, se renouvelle sans cesse «  selon les besoins de chaque époque  ». On comparera à ce qu’en pense saint Pie X : «  Le facteur de l’évolution c’est le besoin de se plier aux conjonctu­res historiques, de s’harmoniser avec les formes existantes des sociétés civiles.  » (Encyclique Pascendi condamnant le modernisme)
Ce progrès, cet approfondissement et cette évolution de la vérité en dépendance des besoins de chaque époque se font par une prise de conscience des croyants. C’est en ce sens qu’il faut comprendre la constitution du concile Vatican II sur la Révélation (Dei Verbum, n°8)  : «  Cette Tradition qui vient des Apôtres se poursuit dans l’Église, sous l’assistance du Saint-Esprit  : en effet, la perception (prise de conscience) des choses aussi bien que des paroles transmises s’accroît, soit par la contemplation et l’étude des croyants qui les méditent en leur cœur , soit par l’intelligence intérieure qu’ils éprouvent des choses spirituelles, soit par la prédication (…) Ainsi l’Église, tandis que les siècles s’écoulent, tend constamment vers la plénitude de la vérité (le dépôt de la foi n’est jamais clos)…  »
On voit alors combien le discours de Benoît XVI du 22 décembre 2005 est en parfaite harmonie avec le Concile et le passage cité  : «  Cet engagement en vue d’exprimer de façon nouvelle une vérité déterminée, exige une nouvelle réflexion sur cette vérité et un nouveau rapport vital avec elle  ; il est également clair que la nouvelle parole ne peut mûrir que si elle naît d’une compréhension consciente de la vérité exprimée et que, d’autre part, la réflexion sur la foi exige également que l’on vive cette foi.  » La foi est une vie, c’est le principe mo­derniste.
Saint Pie X explique le moteur de cette évolution  : elle résulte d’une confrontation entre deux forces.
Selon les principes modernistes condamnés par saint Pie X, la révélation et la foi surgissent des profondeurs de la conscience. De là vient que «  l’Église est une émanation vitale de la conscience collective  » et «  à son tour, l’autorité est un produit vital de l’Église  ». «  La conscience religieuse, tel est le principe d’où l’autorité procède, tout comme l’Église, et s’il en est ainsi, elle en dépend. Vient-elle à oublier ou méconnaître cette dé­pendance, elle tourne en tyrannie.  » «  Il y aurait folie à s’imaginer que le sentiment de liberté, au point où il en est, puisse reculer.  » Il faut donc, conclue saint Pie X, «  chercher une voie de conciliation entre l’autorité de l’Église et la liberté des croyants.  »
Par conséquent, «  l’évolution résulte du conflit de deux forces, dont l’une pousse l’autre au progrès (la conscience collective des croyants), tandis que l’autre tend à la conservation (l’autorité de l’Église).  » (Saint Pie X, encyclique Pascendi) [21].
C’est pourquoi les modernistes ont toujours besoin d’une force conservatrice  : sous le pape Benoît XVI, cette force trouve des alliés de poids dans les «  ralliés  »…
Ce refus de se voir imposer la vérité est passé dans la catéchèse  :
«  On ne peut que se réjouir du refus d’endoctrinement qui caractérise, de façon générale, les démarches d’initiation à la foi, puisqu’en France les animateurs se montrent respectueux de la liberté de conscience de leurs auditeurs et cherchent, surtout au niveau de l’adolescence, à les introduire à la pluralité des références et des pratiques, si caractéristiques de notre monde.  » [22]
«  La source réside-t-elle chez l’individu dans une communauté locale à partir de laquelle les expériences, les découvertes de la foi sont intégrées à l’ensemble plus grand d’un évêché et finalement d’une Église mondiale, au sein de laquelle les expériences des corrections et des amplifications peuvent être apportées par d’autres  ?
«  Ou la source réside-t-elle dans une révélation donnée une fois pour toutes, conservée par la tradition, expli­quée et transmise à toutes les générations  ?  »[23]
Gardons l’esprit catholique : «  Or nous souhaitons que les catholiques n’aient pas horreur seulement des erreurs, mais également de la mentalité ou de l’esprit des modernistes comme on dit  : celui qui se laisse conduire par cet esprit rejette avec dégoût tout ce qui sent l’ancienneté, mais cherche avidement partout la nouveauté  : dans la manière de parler de choses divines, dans la célébration du culte sacré, dans les institu­tions catholiques, et même dans l’exercice de la piété privée.  » [24]
# Infaillibilité
La question si souvent soulevée de l’infaillibilité du pape et du concile Vatican II en réalité ne se pose pas  : une vérité évolutive exclut l’infaillibilité. Mgr Lefebvre nous l’explique.
«  C’est pourquoi ils ont voulu que Vatican II soit un Concile pastoral et non un Concile dogmatique, parce qu’ils ne croient pas à l’infaillibilité. Ils ne veulent pas de vérité définitive. La Vérité doit vivre et doit évoluer. Elle peut changer éventuellement avec le temps, avec l’histoire, la science, etc... L’infaillibilité, elle, fixe à jamais une formule et une vérité qui ne changent plus. Cela ils ne peuvent pas y croire. C’est nous qui sommes avec l’in­faillibilité, ce n’est pas l’Église conciliaire. Elle est contre l’infaillibilité, c’est absolument certain.
«  Le cardinal Ratzinger est contre l’infaillibilité, le Pape est contre l’infaillibilité de par sa formation philosophique. Que l’on nous comprenne bien, nous ne sommes pas contre le Pape en tant qu’il représente toutes les valeurs du siège apostolique, qui sont immuables, du siège de Pierre, mais contre le Pape qui est un moderniste qui ne croit pas à son infaillibilité, qui fait de l’œcuménisme. Évidemment nous sommes contre l’Église conciliaire qui est pratiquement schismatique, même s’ils ne l’acceptent pas. Dans la pratique c’est une Église virtuellement excom­muniée, parce que c’est une Église moderniste.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter n°70, p. 8)

IV - Un accord pratique  ?
Les ralliés ont manqué de foi aux principes rappelés par Mgr Lefebvre  : ceux qui sont attachés à la Tradi­tion, à la foi catholique, sont une vraie portion de l’Église, ils représentent réellement l’Église. Ils n’ont pas d’inquiétude à avoir sur leur appartenance à l’Église, comme nous l’avons déjà montré plus haut (II, 3)  : c’est la foi qui fait, avant tout, l’appartenance à l’Église.
Trois choses font l’unité de l’Église  : l’unité de foi, l’unité de culte, l’unité de charité sous le même gouver­nement. Ce qui est premier pour appartenir à l’Église, c’est la foi, comme le rappelle avec force le pape Pie XI.
Les ralliés n’accordent plus aux principes de la foi la primauté dans l’appartenance à l’Église. Ils considè­rent la nouvelle messe comme tout aussi légitime pour exprimer la foi. Que leur reste-t-ils pour exprimer leur appartenance à l’Église  ? Il ne reste que le gouvernement, la légalité.
Les ralliés, pour être dans l’Église, n’ont donc pas d’autre choix que de se mettre en bon rapport avec les autorités modernistes  : il leur faut passer un accord avec les autorités romaines.
Dans ces rapports d’autorités traditionalistes avec les autorités romaines modernistes, trois possibilités sont à envisager  : les autorités romaines peuvent être considérées soit comme des égaux, soit comme des supé­rieurs, soit comme des autorités illégitimes dans l’exercice de leur charge. La première est subversive  ; la seconde est celle des ralliés se soumettant volontairement aux autorités romaines  ; la troisième est celle de Mgr Lefebvre  : il maintient le principe d’autorité, mais refuse l’obéissance car elle n’est pas due à des autori­tés qui outrepassent les limites de leur charge, comme nous le verrons plus bas.
1. Attitude subversive
Les autorités de la Tradition ne peuvent pas se considérer comme les égales des autorités romaines  : ce serait une attitude subversive et schismatique. Elles sont des inférieures.
Mais un inférieur ne peut prétendre passer un accord avec un supérieur ni dialoguer avec lui  : c’est toujours un peu se mettre sur un pied d’égalité avec lui, c’est glisser sur le terrain de la démocratie. Par conséquent la seule manière non subversive de s’accorder avec lui c’est la soumission et l’obéissance volontaires à son autorité.
Par ailleurs dialoguer pour tenter de trouver un accord entre les traditionalistes et les autorités romaines mo­dernistes, c’est mettre d’un côté les traditionalistes qui portent avec eux la Tradition et d’un autre les autorités modernistes qui prétendent représenter l’Église. La Tradition et l’Église se trouveraient alors en deux camps séparés. Il semblerait donc y avoir opposition entre la Tradition et l’Église. Les modernistes, en effet, refusent la Tradition et surtout son caractère immuable  : il est contraire à l’esprit évolutionniste qui les anime. S’engager dans cette opposition est une nouvelle subversion, car on ne peut pas séparer l’Église et la Tradition  : c’est tout un. La seule manière de sortir de cette subversion, tout en prétendant garder la foi et être en bon rapport avec les autorités romaines, est d’intégrer la Tradition dans le système moderniste.
Les ralliés sont donc contraints à deux choses  : se soumettre volontairement aux autorités romaines et inté­grer la Tradition dans le système moderniste.
2. Se soumettre volontairement aux autorités romaines  : se mettre sous influence moderniste
Saint Thomas s’interroge pour savoir s’il est permis d’instituer à neuf une autorité des infidèles (c. à d. qui n’ont pas la foi) sur les fidèles  : «  On ne doit le permettre en aucune manière, car ceci tournerait au scandale et au péril de la foi. Facilement en effet ceux qui sont soumis à la juridiction des autres peuvent être changés par ceux qui sont au-dessus d’eux et dont ils ont à suivre les ordres...  » (II II 10 a10, cf Combat de la foi n°135, sur le dialogue).
C’est du bon sens  ! L’expérience des ralliés est là pour le confirmer  : peu à peu ils prennent l’esprit libéral et moderniste.
3. Intégrer la Tradition dans le système moderniste  : le pluralisme
L’accord passé entre les ralliés et Rome, nous l’avons vu (III), les a, peu à peu, conduits à mettre la vérité et l’erreur à égalité. Cet accord les a intégrés dans l’Église conciliaire avec leur charisme propre, avec leurs choix liturgiques, doctrinaux et spirituels, comme une légitime diversité au milieu des autres choix liturgiques, doc­trinaux et spirituels que le modernisme a produit. En ce sens Jean-Paul II leur a dit  : «  Les pasteurs et les fidèles doivent avoir une conscience nouvelle non seulement de la légitimité mais aussi de la richesse que re­présente pour l’Église la diversité des charismes et des traditions de spiritualité et d’apostolat qui constitue la beauté de l’unité dans la variété  : telle est la symphonie…  » (Motu Proprio Ecclesia Dei Adflicta, 2 juillet 1988, n°5 a)
La Tradition, et donc toutes les vérités révélées par Notre Seigneur, la messe de toujours qui exprime la foi catholique, la loi de l’Évangile sont réduites au rang d’opinions et de tendances aussi valables que d’autres. C’est le pluralisme cher aux politiques d’aujourd’hui. Il n’y a qu’une chose qu’il exclut c’est la vérité en tant qu’elle oblige tout homme et condamne l’erreur.
Le mot et non seulement l’idée va être employé par les hommes d’Église.
En 2001, dans un interview donné à The latin mass, le cardinal Medina affirme  : «  Je suis conscient des sentiments de nombreux catholiques pour la sainte messe selon le rite de saint Pie V. (…) À une époque de l’histoire où le pluralisme jouit du droit de citoyenneté, pourquoi ne pas reconnaître le même droit à ceux qui souhaitent célébrer la liturgie selon la manière utilisée durant plus de quatre siècles  ?  »
Voyons comment ils expriment l’idée.
En octobre 1998, le pape Jean-Paul II recevait les ralliés venus célébrer leur dixième anniversaire à Rome  : «  J’encourage, dit-il, tous les catholiques à travailler pour l’unité et à renouveler leur attachement à l’Église de façon que toutes les différences légitimes et les diverses sensibilités dignes de respect, ne soient pas un motif de séparation mais de rassemblement pour proclamer ensemble l’Évangile  ; ainsi sous l’impulsion de l’Esprit réunissant les charismes variés, tous pourront glorifier le Seigneur…  »
L’intégration est une question de confiance  !
En 1999, la commission pontificale Ecclesia Dei écrivait à l’abbé Bisig, alors supérieur général de la Fraternité Saint Pierre, que ladite commission agissait «  pour œuvrer à l’intégration des fidèles traditionalistes dans la réalité de l’Église. La racine des présentes difficultés semble être le manque de confiance dans la hiérarchie de l’Église à tous les niveaux, du Saint Siège aux évêques. Peut-être y a-t-il comme fondement de cette attitude un certain dédain, une certaine défiance de l’œuvre du second concile du Vatican. (…) Un tel manque de confiance a été à l’origine du schisme de Mgr Lefebvre et persiste encore.  » (13 juillet 1999)
Pour réaliser ce pluralisme, il faut trouver un équilibre en dépassant les faux antagonismes que certains pourraient découvrir entre les différentes tendances présentes dans l’Église. Ce qui suppose de ne pas rester figé dans ses positions doctrinales…
Dans une interview donnée en décembre 2000, le cardinal Castrillon Hoyos estimait qu’il fallait «  trouver un point d’équilibre, pour dépasser le faux antagonisme que l’on veut créer entre les deux rites.  » Parlant de la Fraternité Saint Pierre, il affirme que «  douze ans après la fondation qui s’est faite en 1988, cette communauté s’efforce de trouver sa place dans l’ensemble de l’Église, à côté de tant d’autres congrégation aux finalités di­verses. Dans la phase actuelle, je considère qu’il faut aider les membres de la Fraternité à maintenir l’équilibre entre l’interprétation authentique du charisme original, ses conséquences, et les conséquences de leur insertion dans la réalité ecclésiale de l’an 2000.  » (La Nef, n°111, décembre 2000, p. 19)
Dans son discours à Cologne le 19 août 2005, Benoît XVI a parlé en faveur de l’œcuménisme selon l’esprit de Vatican II qui vise à établir l’unité des chrétiens. «  Cette unité ne signifie pas ce qu’on pourrait appeler un œcuménisme de retour (qui signifie, selon Pie XI, Mortalium animos, pousser les non catholiques à entrer dans l’Église catholique, unique arche de salut)  : c’est-à-dire renier et refuser sa propre histoire de foi. Abso­lument pas  ! Cela ne signifie pas uniformité de toutes les expressions de la théologie et de la spiritualité, dans les formes liturgiques et dans la discipline. Unité dans la multiplicité et multiplicité dans l’unité.  » Il termine en disant que «  être en chemin ensemble est une forme d’unité  ». (DICI n°120, p. 12) Ce qui revient à dire que l’unité n’est pas encore acquise, mais qu’elle est en perpétuel devenir. L’évolution encore  !
C’est la pensée actuelle des évêques. On la retrouve dans les discours du cardinal Kasper  : «  L’unité conçue comme communion implique l’unité dans la diversité et la diversité dans l’unité.  » (DICI n°125, p. 11)
Cette communion peut être plus ou moins grande  : les orthodoxes, les protestants y ont leur place depuis le Concile. Pourquoi ne pas donner une place aux traditionalistes  ? Elle est proposée à la Fraternité Saint Pie X. Une communion imparfaite ne pourrait satisfaire tout le monde… Alors on devrait s’efforcer d’aboutir à «  une unité plus parfaite  », à «  une communion plus pleine  » (Cardinal Castrillon Hoyos, 30 Jours, fin septembre 2005 et La télévision italienne TV Canal 5, 13 novembre 2005).
Mais alors où est le «  Que votre oui soit oui, que votre non soit non  »  ?
Et où sont les mots de saint Paul  : «  Qu’a de commun la lumière avec les ténèbres  ? Quel accord y a-t-il entre le Christ et Bélial  ?  »  ? (II Cor 6, 14)

V - Confirmation  : l’accord de Campos
Le diocèse de Campos au Brésil était toujours demeuré fidèle à la tradition et à la messe par les soins vigi­lants de Mgr de Castro Mayer, mort en 1991.
Le 18 janvier 2002, les prêtres de Campos, par l’inter­médiaire de l’abbé Rifan, signaient un accord avec Rome.
Ils prétendaient ainsi rester fidèles à Mgr de Castro Mayer et à son combat­ pour la défense de la foi catho­li­que, tout en ayant l’apparent avanta­ge d’être unis aux autorités romaines actuelles (par peur irraisonnée de se sé­parer de l’Église).
Pendant l’été 2002, l’abbé Rifan fut sacré évêque, et aussitôt il vint en Europe­, et visita les communautés ralliées (comme les dominicains de Chéméré-le-Roi, Courrier de la Mayenne, 5 octobre 2002), montrant par là un change­ment d’orientation.
Ce changement d’orientation était déjà inscrit dans leur dé­cla­ration du 18 janvier 2002, jour de l’accord (voir DICI n°43)  ; regardons.
# Être reconnus par Rome
Ils ont demandé à Rome  : «  Que nous soyons acceptés et reconnus comme catholiques.  » Acceptés et recon­nus par qui  ? Par ceux qui «  travaillent à l’auto démolition de l’Église  », comme le disait Paul VI, par ceux qui re­fu­sent le règne social de Jésus-Christ, et pervertissent la foi  ? Ceux-là sont-ils reconnus comme catholiques par Notre Seigneur  ?
Que faut-il, en effet, pour appartenir à l’Église catho­lique  ? Il faut croire et professer la doctrine de Jésus-Christ, participer aux mêmes sacrements, obéir à la même loi, sous l’autorité des pasteurs légitimes. N’étaient-ils pas catholiques jusqu’à présent  ? Alors quel besoin de se faire recon­naître  ?
# Le concile Vatican II «  à la lu­mière de la Tradition  »
Le concile Vatican II, ils déclarent l’accepter «  à la lu­mière de la Tradi­tion  ». À la suite du Cardinal Ratzinger­, ils distinguent le Concile et «  le per­nicieux esprit du Concile  » «  selon lequel l’histoire de l’Église devrait commencer à partir de Vatican II.  » (Entretien sur la foi, Fayard, 1985, ch. 2, p. 37) Ils entrent donc dans ce qu’on peut appeler la ‘ligne Ratzinger’ qui considère que le Concile ne fut pas mauvais, mais que son application fut désastreuse. La crise de l’Église n’est donc pas due au Concile mais à une mauvaise ap­plica­tion de celui-ci. Pour résoudre la crise, «  Vatican II est une réalité qu’il faut accepter pleinement, (...) une base sur laquelle il faut cons­truire solidement.  » (Entretien sur la foi, ch. 2, p. 36, Fayard, 1985) C’est pourquoi, dit la déclaration de Campos, «  Nous recon­naissons le concile Vatican II comme l’un des conciles œcuméniques de l’Église.  »
Or là, ne furent pas les jugements portés par NNSS Lefebvre et Castro Mayer  : s’ils ont su y voir des parties conformes à la Tradition, ils ont su aussi y dis­cerner des parties ambiguës et des documents contraires à la foi, parmi lesquels ceux sur la liberté religieuse, l’œcuménisme et la collégiali­té.
Les textes ambigus, à double sens, ont été voulus par les novateurs afin que, plus tard, ils puissent en tirer le sens désiré. L’un d’eux écrit  : «  Nous nous exprimons de façon diploma­tique, mais après le Concile nous tirerons du texte les con­clu­sions qui y sont implicites.  » (Cité dans la Vie de Mgr Lefebvre, p. 317) L’Esprit de vérité peut-il mettre le sceau de son autorité sur de tels textes, et voudra-t-il ensuite les utiliser comme «  instruments adéquats pour affronter les pro­blèmes d’aujour­d’hui  »  ? (Card. Ratzinger, Entretien sur la foi, Fayard, 1985, p. 36)
Quant aux textes contraires à la Tradition, il a été suffi­samment démon­tré leur opposition à la foi et leurs consé­quences désastreuses pour le règne social de Jésus-Christ. (cf. Mgr Lefebvre, Ils l’ont découronné, J’accuse le Concile  ; Savoir et servir N°57, Retrou­vons­ le vrai Concile, L’esprit et la lettre du Concile, etc.)
Les signataires de Campos ont donc cessé de dire que le concile Vatican II s’opposait à la foi catholique.
# La nouvelle messe
Quant à la nouvelle messe, ils se contentent de recon­naître sa validité, si les conditions requises sont pré­sentes, mais ils n’affirment plus qu’elle «  s’éloigne de façon im­pressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte messe telle qu’elle a été formu­lée au concile de Trente.  » (Cardinaux Ottaviani­ et Bacci, Préface au Bref examen critique) Il est insuffisant de dire que l’ancienne messe est une «  richesse authentique  », qu’elle a «  sanctifié beaucoup d’âmes  », qu’elle «  constitue une authentique profession de foi  ». Il faut ajouter que la nou­velle messe s’éloigne de la foi catholique pour se rapprocher du protestan­tisme («  elle favorise l’hérésie  » disait Mgr Lefebvre­) et que par conséquent y assister met la foi en danger. On ne peut défendre la vérité sans condamner l’erreur.
# Avec le pape, collaborer au combat contre les erreurs  !
«  Nous nous offrons au Pape pour officiellement, avec lui, collaborer au combat contre les erreurs et les hé­ré­sies  ». Donc combattre contre tous ceux qui répan­dent des erreurs, donc... contre le Pape qui propage le faux œcumé­nisme et la liberté religieuse et le moder­nisme  ! Ou alors il faudra dire un jour que le Pape ne profère aucune erreur et justifier tout ce qu’il dit et fait... C’est la position des ralliés.
# Omission de la profession publique de la foi
Cette déclaration de Campos est fautive au moins par omission  : ne pas dire que la nouvelle messe est contrai­re à la foi et que dans le concile Vatican II il y a des erreurs opposées à la Tradition  ; ne pas dire que le Pape propage ces erreurs. Or, nous enseigne l’Église, on est obligé par un com­mandement de Dieu de profes­ser publiquement sa foi quand le silence ou une parole évasive équivaudrait à un reniement de la foi ou à un mépris pour la religion, à une injure envers Dieu ou à un scandale pour le prochain. (Droit canon, canon 1325) N’est-ce pas cela qui est en cause dans les cir­constances actuelles  ? N’y est-on pas obligé même au prix de la perte de sa vie ou de nombreux avantages humains  ?

VI - Confirmation  : l’Institut du Bon Pasteur
Le 8 septembre 2006, à grand renfort médiatique, la com­mission Ecclesia Dei a érigé, par un décret signé du car­dinal Castrillon Hoyos, un nouvel institut de droit ponti­fical, en faveur, semble-t-il, de l’ancienne messe et de la Tradition. C’est une expérience de réconciliation envisagée pour une durée de cinq ans.
# Les premiers membres
Les fondateurs, les abbés Philippe Laguérie, Paul Aulagnier, Christophe Héry, Guillaume de Tanoüarn se sont fait remarquer depuis plusieurs années par leur esprit d’indépendance et d’insubordination qui leur a valu l’exclusion de la Fraternité Saint Pie X. En outre ils étaient attirés depuis longtemps par un accord avec Rome. En avril 2001, dans Pacte n°54, l’abbé Philippe Laguérie écrivait  : «  Je crois à la possibilité d’un accord pratique. (…) Il est urgent de se retrouver dans la communion liturgique et sacramentelle avec l’Église de toujours pour que, faisant pareil, on finisse par penser pareil.  » L’abbé Paul Aulagnier avait manifesté son soutien aux ralliés, dès 1998, en assistant à une réunion de ceux-ci à Rome, puis, en 2002, par son approbation chaleureuse des accords de Campos (cf. ci-dessus).
Se sont joints à eux les abbés Forestier et Perrel, et d’autres encore.
Pourquoi quitter la Fraternité Saint Pie X et entrer dans cet institut puisque des deux côtés ils ont l’ancienne messe  ? Pour Mgr Lefebvre, c’est une question de foi, mais pour eux la foi n’est plus la raison de leur choix.
C’est le sentiment  : on en jugera par les extraits d’un débat paru dans Valeurs Actuelles n°3653, du 1er décembre 2006. Lorsque l’abbé Guillaume de Tanoüarn découvrit l’ancienne messe pour la première fois, il est «  tombé amoureux de ce rite.  » Il vit comme «  une souffrance qu’on puisse laisser entendre que la messe célébrée tous les dimanches dans la plupart des paroisses n’est pas la messe.  » «  Il faut accepter la différence des rites et accepter qu’on puisse avoir une préférence fondée, profonde, pas seulement subjective ou esthétique, pour le rite traditionnel.  » Si c’est seulement une préférence, c’est un sentiment personnel, subjectif… Ce n’est plus question de foi  : «  Si au nom de cette préférence on anathémise tous les autres et on dit que le rite rénové n’est pas légitime, on n’a rien à faire dans l’Église.  »
La création de cet Institut par le pape Benoît XVI est envisagée par l’archevêque de Bordeaux, Mgr Ricard, comme «  une ex­périence de réconciliation et de communion  ».
# Réconciliation
Sur quoi peuvent porter un accord, une réconcilia­tion et une communion  ?
Pour Mgr Ricard, c’est évident, il faut réaffirmer «  l’aspect extrêmement positif vécu par l’Église depuis le Concile.  » Il ne souhaite pas «  que l’accueil de fidèles tradi­tionalistes soit pensé, soit vécu comme un reniement du Concile.  » (Entretien à La Croix, 11 septembre 2006) Il en est de même pour tous les évêques. (cf. ci-dessus, I- 4.)
Ils n’ont rien à craindre. En effet, les membres de ce nouvel institut déclarent «  respecter le Magistère authentique du Siège Romain, dans une fidélité entière au Magistère infaillible de l’Église  ». Ils s’engagent à «  une critique sérieuse et constructive du concile Vatican II pour permettre au Siège Apostolique d’en donner une interprétation authentique.  » (Communiqué des prêtres de l’Institut du Bon Pasteur, 8 septembre 2006, Mascaret n°282) Il n’est donc plus question, comme ils le disaient auparavant, de rupture entre le Concile et la foi catholique. Par leur attitude nouvelle à l’égard du magistère des autorités actuelles de l’Église, ils sont dans la bonne voie pour une pleine communion.
Pour Mgr Lefebvre les choses étaient très claires  : il ne peut pas y avoir de communion plus ou moins pleine avec des autorités romaines qui demeurent éloignées de la foi catholique. Aucun dialogue avec eux (mais prédication de la foi pour les convertir).
«  Nous n’avons pas la même façon de concevoir la réconciliation. Le cardinal Ratzinger la voit dans le sens de nous réduire, de nous ramener à Vatican II. Nous, nous la voyons comme un retour de Rome à la Tradi­tion.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°66, novembre-décembre 1988, p. 12-13)
Par ailleurs tous ces prêtres du nouvel institut devront pour l’exercice de leur ministère et leur apostolat dépen­dre de l’évêque  : «  Pour ce qui est de l’apostolat, ils dépendent de l’évêque diocésain et ils sont obligés d’avoir un accord pour toute implantation dans un diocèse  » précise Mgr Ricard (La Croix, 11 septembre 2006). Alors à quoi et à qui obéiront-ils  ?
Quant aux ordinations, il leur faudra recourir aux évêques conciliaires avec tous les doutes que l’on sait…
# La messe
Les statuts du nouvel institut confèrent le droit de célébrer la messe selon l’ancien rite, comme étant un rite propre. Les fondateurs interprètent cela comme «  un usage exclusif  ». Ce n’est pourtant pas la même chose. Par ailleurs ils sont au même point que la Fraternité Saint Pierre et les autres ralliés  : ils ont la messe, sans les raisons de la conserver à savoir la foi et le rejet des erreurs. Ils ont un effet sans sa cause, le goût de la fraise sans la fraise  : cela ne peut pas tenir.
D’ailleurs Benoît XVI veut-il vraiment la restauration de l’ancienne messe  ? Lors des rencontres de Fontgombault, en 2001, le cardinal Ratzinger s’est prononcé pour une réforme de la réforme du missel de 1969 et pour une évolution du missel de 1962. (Jusqu’à ne faire qu’un seul rite  ?) (DICI n 142, p. 11)
«  Ce n’est pas une petite chose qui nous oppose. Il ne suffit pas qu’on nous dise  : vous pouvez dire la messe ancienne, mais il faut accepter cela. Non, ce n’est pas que cela qui nous oppose, c’est la doctrine.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°66, novembre-décembre 1988, p. 14  ; cf. Fideliter, n°87, septembre 1990, p. 1)
«  Voilà comment ça marche  ! Ils sont dans une im­passe, car on ne peut pas à la fois donner la main aux modernistes et vouloir garder la Tradition.  » (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°87, septembre 1990, p. 3)
# Évolutionnisme et pluralisme 
L’abbé Guillaume de Tanoüarn, dans le même Valeurs Actuelles n°3653, du 1er décembre 2006, dit qu’il faut «  accepter que le rite soit une réalité vivante  »  ; il ne faut pas donner «  l’impression de mythifier une époque. Il est vrai que la Tradition est vivante, ce n’est pas un objet mort, la Tradition ne sent pas le cadavre.  » Il reconnaît que le fleuve de l’évolution existe, «  mais il y a dans ce fleuve des îlots à sec sur lesquels on peut prendre pied et qui nous aident à nous orienter.  » Vers où  ?! Sur les questions sensibles (liberté religieuse, dialogue, repentance, etc.) il veut qu’on «  puisse avancer ensemble dans une critique constructive d’une époque qui est révolue et dont les aspirations ne sont pas les nôtres.  » «  Je pense que c’est un idée totalement fausse de penser que la déchristianisation est liée au concile Vatican II.  »
Il ne faut pas s’étonner s’il verse dans le pluralisme et la légitime diversité qui sont des mots d’ordre du faux œcuménisme. Il faut «  se respecter l’un l’autre dans la différence.  » «  La pluralité des rites ne fera que mieux manifester l’unité du sacrifice dans ses différentes facettes.  »
# Conclusion
Ils se sont mis, par le simple fait de l’accord, dans une situation de reniement. D’ailleurs ne se réjouissent-ils pas qu’une communion «  soit enfin pleinement manifes­tée avec le Saint-Siège  ?  » (Communiqué des prêtres de l’Institut du Bon Pasteur, 8 septembre 2006, Mascaret, n°282, septembre-octobre 2006)
Ne sont-ils pas aveuglés sur la réalité de la crise, quand ils osent affirmer  : «  On a un nouveau pape qui a compris la Tradition (…) Le pape Benoît XVI est un pape traditionaliste.  » (AFP, 8 septembre 2006)
Ils en viennent à n’avoir d’esprit filial que pour le pape et les évêques, et à mépriser à mots à peine couverts Mgr Lefebvre à qui ils doivent tout  : chacun veut avoir ‘‘son petit religion à soi’’ «  en se faisant sa petite mixture personnelle à laquelle personne n’a rien à voir et rien à dire  », dit-il, à propos de la conservation de l’ancienne messe. (Valeurs Actuelles n°3653, 1er décembre 2006)
«  D’où viennent ces chutes qui atteignent les privilé­giés du sanctuaire  ?  » s’interroge dom Marmion. «  Ces chutes ne sont pas subites  ; il faut en chercher loin l’ori­gine. Les fondements de la maison étaient minés depuis longtemps par l’orgueil, l’amour propre, la présomp­tion…  » (Dom Marmion, L’idéal du moine, DDB, 1923, p. 198)
# Mise au pas
Fondé comme une expérience d’une durée de cinq ans, l’IBP est soumis à une visite canonique en 2011. La conclusion est donnée par Mgr Pozzo en avril 2012.
Quant à la messe, «  il convient de définir cette forme comme rite propre de l’Institut, sans parler d’exclusivité  ». Autrement dit, les membres de cet Institut ne pourront plus ni exclure ni refuser la nouvelle messe, par conséquent ils devront la célébrer au moins quelques fois.
Quant au concile Vatican II, d’une part, les professeurs du séminaire devront enseigner le Catéchisme de l’Église Catholique publié sous Jean-Paul II, lequel contient toutes les erreurs du Concile et d’autres encore  ; d’autre part, «  une critique sérieuse et constructive du concile Vatican II  » ne suffit pas, il faut enseigner tout le magistère de l’Église, y compris le magistère de Jean-Paul II et de Benoît XVI, et insister sur «  l’herméneutique du renouvellement dans la continuité  », principe si cher à Benoît XVI. Ceci revient à accepter pleinement le Concile et toute ses erreurs.

VII - La participation à la messe chez les ralliés
À la messe ou aux sacrements.
«  Vos principes pour juger des idées et des doctrines, comme de ce qu’il faut faire, doivent être différents de ceux du monde  ; différente doit être votre conduite, différentes aussi les raisons de vos efforts pour exercer une influence sur les autres hommes. Prenez vos principes de jugement et d’estime dans l’évangile du Seigneur et dans la doctrine de son Église  ; car il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de son mes­sage (I Cor 1, 21)  ; car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu (I Cor 3, 19)  ; en effet nous prêchons un Christ crucifié (I Cor 1, 23). Si, au lieu d’empoisonner son esprit au contact fré­quent des choses du monde, on ne le nourrit soigneusement par la lecture et la méditation des choses de Dieu, l’étude d’une saine doctrine, la familiarité avec les écrits des auteurs anciens et modernes qui ont brillé par la fermeté de leur foi et la sûreté de leur piété, comment pourrait-on apprécier le vrai et le bien  ?  » (Pie XII, Allocution aux supérieurs religieux, Haud mediocri, 11 février 1958)
«  Aie confiance en Dieu de tout ton cœur et ne t’appuie pas sur ta prudence. Pense à lui dans toutes tes voies, et il conduira lui-même tes pas.  » (Pv 3, 5-6)
La parole divine nous invite donc à réfléchir sur nos actions et à médi­ter sur la sagesse de Dieu pour les y conformer. Être capable de bien ana­lyser nos actions et d’en juger par rapport à la loi de Dieu doit être notre ambition.
Un exemple et quelques notions élémentaires nous donneront des princi­pes d’analyse de nos actions.
1. Un exemple
Au VIème siècle, vivait Herménigilde, fils du roi des Wisigoths, en Espagne. Comme son père, il était arien (hérésie niant la divinité de Jésus-Christ). Il épousa Indegonde, arrière petite-fille de Clovis. Catholique, celle-ci conver­tit son mari. Suite à de mauvais traitements infligés par la reine contre Indegonde, une guerre éclata entre Herménigilde et son père. Calomnié, accu­sé de trahison contre le roi, il fut mis en prison. Ayant décou­vert que son fils était catholique, le roi, le jour de Pâques, lui fit apporter la communion par un évêque arien, et lui dit que c’était l’unique moyen de se réconcilier avec lui. Herménigilde refusa et reprocha à l’évêque son hérésie. Apprenant ce refus, le roi fit trancher la tête de son fils d’un coup de hache.
Herménigilde a-t-il bien agi  ? Recevoir la communion est une chose bonne. Alors, pourquoi la refuser sous peine de mort  ? Comment juger de son acte  ?
2. Quelques notions
Chacun prendra en main un bon livre de doctrine chrétienne, et y apprendra que trois choses concourent à la bonté ou à la malice d’un acte humain : la fin ; l’objet de l’acte ; les circonstances.
La fin de l’acte est l’intention pour laquelle j’agis. En toutes choses j’agis pour une fin et cette fin doit être un bien honnête (la science, la vertu) et non le seul plaisir ou l’utilité. Ce bien honnête est lui-même un moyen qui m’ordonne à mon Souverain Bien qui est Dieu. En toutes choses je dois agir pour plaire à Dieu  : «  Quoique vous fassiez, que vous mangiez ou vous buviez, ou tout autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu,  » nous enseigne saint Paul.
L’objet de l’acte c’est ce que je fais, mais considéré dans sa conformité ou non conformité à la loi de Dieu : prier Notre Seigneur est bon en soi-même ; prendre le bien d’autrui n’est ni bon ni mauvais en soi-même, mais prendre le bien d’autrui contre sa volonté est mal (c’est le vol) ; vendre ou dis­tribuer des moyens anticonceptionnels est mauvais en soi-même ; marcher n’est ni bon ni mauvais en soi-même, mais indifférent. Quelles que soient les circons­tances, quelle que soit la fin poursuivie, l’objet est bon ou mauvais ou indiffé­rent en soi-même, suivant sa conformité ou non conformité à la loi divine et à la droite raison.
Cependant nous devons faire quelques observations, sur les rapports entre l’objet de l’acte et la fin.
Plus nous agissons par un amour fervent de Dieu, plus l’acte, bon par son objet, est rendu meilleur par cette charité.
Inversement un acte bon par son objet peut devenir moins bon ou mauvais par la fin recherchée : faire l’aumône (objet bon) par vaine gloire (fin mauvaise).
Mais une action mauvaise par son objet ne peut jamais devenir bonne par la fin ou intention fixée : mentir pour rendre service ; voler pour faire l’aumône ; lors d’un accouchement difficile, tuer l’enfant dans le sein de sa mère, pour sauver celle-ci de la mort. «  Ne faisons pas le mal pour qu’il en vienne un bien.  » (Rom 3, 8)
Quant à l’acte indifférent par son objet, il est rendu bon ou mauvais par la fin recherchée : partir en voyage (objet indifférent) pour aller rendre service à un ami (intention bonne), comme Notre Dame auprès de sa cou­sine Élisabeth, ou partir en voyage pour préparer le cambriolage du siècle.
Cependant regarder l’objet et la fin de l’acte ne suffit pas, il faut aussi être attentif aux circonstances : per­sonne, chose, lieu, moyens, manière, temps.
La personne : ici on considère la condition sociale de la personne qui accomplit l’action (prêtre, religieux, laïc marié ou non...), sa réputation en bien ou en mal, ses qualités morales. Un évêque qui s’active à balayer une pièce, nous remplit d’admiration par son humilité, tandis que le même travail fait par la mère de famille nous laisse (à tort) indifférents. Un menteur qui dit du mal faux de quelqu’un (calomnie), n’est pas écouté ; mais si c’est une personne réputée pour sa droiture, elle sera écoutée...
La quantité ou la qualité de l’objet de l’acte : voler 500 F est plus grave que voler 10F ; frapper un homme qui est aussi son père, est une faute et contre le cinquième commandement et contre le quatrième.
Les moyens utilisés : tuer avec un couteau ou du poison ; honorer Notre Seigneur, mais en répandant du parfum précieux sur sa tête comme le fit sainte Marie-Madelei­ne.
La manière : par malice, faiblesse ou ignorance, par crainte ou violen­ce, de bonne ou mauvaise foi.
Le lieu : dérober quelque chose dans une église ajoute au vol le sa­crilège. Si une action bonne, au lieu de rester secrète, est faite sur la place publique, elle édifie («  Qu’en voyant vos bonnes œuvres les hommes glo­ri­fient votre Père qui est dans les cieux  ») ; si elle est mauvaise elle attire les autres au mal (scandale) ; que dire des journaux, livres, revues, télévision, films... («  Mieux vaudrait pour lui qu’on lui attachât au cou la meule  »...)
Le temps : le jour (par exemple, manger de la viande, mais un vendredi) ou la durée (avoir de la rancune envers une personne une heure ou un mois).
On aura remarqué que ces cir­constances ajoutent à l’objet une autre valeur morale soit en bien soit en mal  : combien devons-nous y être attentifs  !
3. Retour sur l’exemple
Le roi propose la communion à son fils des mains d’un évêque hérétique, comme unique moyen de se ré­concilier.
L’objet de l’acte, communier, est chose bonne.
L’intention, se réconcilier avec son père et éviter la mort, est bonne.
Mais il y a les circonstances  ! Recevoir la communion est acte de culte, et participer de façon active au culte d’une religion, c’est professer cette religion. Par conséquent recevoir la communion d’un évêque catholique, c’est professer la religion catholique, et recevoir la communion d’un évêque héréti­que, c’est professer l’hérésie et donc abandonner la foi catholique. Même la menace de la mort ne peut le permettre. C’est pour sa fidélité à la foi catholi­que jusqu’à la mort que Herménigilde est couronné de gloire au ciel.
De plus, dans ce cas, la réconciliation entre Herménigilde et son père n’aurait pas été une simple réconcilia­tion par pardon des offenses, mais une réunion dans l’hérésie arienne. Union mauvaise en soi.
L’Église, d’ailleurs, nous enseigne  : «  Les fidèles de Jésus-Christ sont tenus de professer ouvertement leur foi, toutes les fois que leur silence, leur faux-fuyant, ou leur manière d’agir, seraient une négation implicite de la foi, ou injure envers Dieu, ou scandale du prochain.  » (Droit Canon, c. 1325)
4. Application  : participation à la messe chez les ralliés
Pourquoi ne peut-on pas assister aux messes des ralliés (et aux messes concédées par les évêques moder­nistes et dites pour cela messes selon «  l’indult de 1984  ») ?
L’objection courante est la suivante  : la messe selon l’ancien rite est la bonne, alors pourquoi ne pas y parti­ciper dans l’intention de satisfaire à l’obligation dominicale ?
La réponse consiste à distinguer l’objet de l’action et les circonstances.
L’objet de l’action est la participa­tion à la bonne messe : il est bon en lui-même, c’est évident. Mais il y a les circonstances :
# Circonstance de personne
Le prêtre qui célèbre est imbu de modernisme. Croit-il à la doctrine de la présence réelle et du sacrifice  ?
Dans une grande ville, l’évêque avait accordé la messe à Indult. Le célébrant habituel est un dimanche remplacé par le vicaire épiscopal (habitué à la nouvelle messe). À la fin de la messe, il avoue à un fidèle  : j’ai failli m’arrêter au milieu de la messe, car je n’y crois pas. Il avait bien perçu la différence entre les deux rites, mais n’adhérait pas à la doctrine exprimée par l’ancien. Messe valide  ? Agréable à Dieu  ?
Autre exemple. Le curé du Chamblac, dans l’Eure, fidèle à la Tradition, avait demandé que sa messe d’enterrement soit l’ancienne. L’évêque d’Évreux, Mgr David, célèbre soi-même cette messe. Il prononce les paroles de la consécration recto tono du début du récit (Qui pridie quam pateretur) à la fin des paroles consécratoires, sans aucun mouvement du corps et sans aucun changement dans la façon de prononcer. Récit ou acte de consacrer  ? Rien d’extérieur ne permettait de le discerner. Ce n’est pas le latin qui change leurs habitudes…
En ces circonstances, la messe ancienne célébrée par un tel prêtre est-elle un acte de culte agréable à Dieu  ?
Et il y a le sermon…
Et il y a les personnes fréquentées aux messes des ralliés (ou aux messes à indult)  : leur libéralisme, leur manque de fermeté, même sur la doctrine  ; le passage de l’évêque du lieu  ; les revues, etc. ...
Cette circonstance de personne met en évidence un danger manifeste de corruption de la foi et des habitu­des de vie chrétienne.
# Circonstance de lieu
La bonne messe est célébrée dans une église où se célèbre aussi la nouvelle messe.
Elle est célébrée entre deux messes nouvelles  : de façon visible et habituelle les deux messes sont mises à égalité, ce qui revient à mettre la vérité et l’erreur à égalité.
Il y a un seul et même tabernacle pour les deux messes  : les ciboires consacrés à l’ancienne messe serviront à la communion à la nouvelle messe, par exemple pour des divorcés remariés… Ou on donnera la communion à l’ancienne messe avec les hosties consacrées à la nouvelle. Quelle objection pourrait y faire celui qui ne voit que la présence réelle (à supposer qu’elle existe avec la nouvelle messe)  : c’est le même Saint Sacrement  ! La réponse avec la circonstance de lieu est insuffisante. C’est une question de culte différent, comme nous l’expliquerons ci-dessous.
# Qualité de l’acte
La qualité de l’objet de l’acte est quelque chose qui modifie cet objet, qui lui ajoute une autre valeur morale. L’objet ici est la bonne messe  ; mais elle est donnée par des autorités qui travaillent à l’autodémolition de l’Église  ; ils ne l’ont permise aux ralliés que pour s’opposer aux vrais défen­seurs de la Tradition, pour divi­ser leur force. Elle est permise pour faire entrer dans le pluralisme qui admet toutes les opinions et préférences religieuses, mais qui exclut l’attachement à la vérité joint au rejet de l’erreur. Partici­per à l’ancienne messe célébrée dans ces condi­tions c’est accepter aussi cette qualification morale que nous venons de décrire. C’est participer à l’autodémoli­tion de l’Église...
En allant plus loin, il semble légitime d’appliquer les principes mis en œuvre dans l’exemple que nous avons donné ci-dessus.
La messe est un acte de culte, et y participer c’est professer la foi et la religion de ce culte. Or, chez les ralliés, si les apparences sont identiques (messe, sacrements, etc.), la foi et la religion, elles, ont changé. La foi a fait place à un sentiment et leur religion est entrée dans le pluralisme, principe faux qui admet la coexistence pacifique des divers opinions et des diverses religions.
En effet, le Motu Proprio du 2 juillet 1988 leur concède l’ancienne messe, pour satisfaire «  leurs justes aspi­rations  », pour «  respecter le désir spirituel de tous ceux qui se sentent liés à la tradition liturgique latine  », et non par motifs de foi qui font comprendre que la nouvelle messe s’éloigne de la foi catholi­que et se rapproche du protestantisme  : du sentiment et non l’atta­chement à la vérité joint au rejet de l’erreur.
Ils sont entrés dans le pluralisme, car en pratique ils mettent les deux messes à égalité selon les termes du Motu Proprio  : il y a entre les divers rites liturgiques «  diversité des charismes  » et «  unité dans la variété  ». De façon conséquente, ils sont passés, au plan doctrinal, à l’admission des erreurs du concile Vatican II, qui concernent la liberté religieuse et l’œcuménisme et qui sont la source du pluralisme. (Cf. ci-dessus  : Les prin­cipes de leur dérive doctrinale.)
Le Motu proprio de Benoît XVI, de juillet 2007, met explicitement les deux messes à égalité (forme ordinaire et forme extraordinaire). C’est toujours le faux principe du pluralisme.
Participer de façon active à l’ancienne messe célébrée dans de telles condi­tions, c’est adhérer à cette foi-sentiment et à ce pluralisme. Nul ne peut l’admet­tre.
La messe célébrée dans ces conditions ne peut pas être un acte de culte agréable à Dieu.
Par conséquent, on ne peut jamais y participer, pas même une fois pour satisfaire à l’obligation dominicale.
L’exemple de saint Herménigilde et l’exemple suivant confirment nos principes.
5. Un autre exemple à méditer
Dans l’Angleterre d’Élisabeth I, quand la messe fut déclarée illégale et le Prayer Book imposé à tous, le grand mouvement de séparation de Rome et du catholicisme inauguré par Henri VIII trouvait son achèvement. On combattit toutes les anciennes pratiques religieuses  : rosaire, dévotion à la sainte Vierge et aux saints, pè­lerinages, jeûne, confessions. La messe surtout fut l’objet de leur haine. On ridiculisa l’Hostie par des parodies burlesques et des sobriquets comme «  Jack-in-the-box  », «  viande-à-vers  ».
En 1581, un acte fut promulgué qui punissait d’une lourde amende et d’une année d’emprisonnement qui­conque aurait entendu la messe, et d’une amende aussi (20 livres par personne et par mois  : de quoi ruiner une famille  !) quiconque refuserait d’assister aux offices anglicans (Morning prayer).
Les prêtres, réunis en une sorte de concile secret, étudièrent attenti­vement cette difficile question.
Certains fidèles pouvaient arguer avec quelque raison, qu’on ne relevait rien de spécifiquement anticatholi­que dans la Morningprayer à laquelle il suffisait de participer pour échapper à la persécution  : ne se composait-elle pas d’un credo identique au leur, de textes de l’Écriture, de psaumes, et de prières traduites pour la plupart de livres catholiques  ? En nombre d’endroits, les nouveaux curés devaient s’abstenir de prêcher et se contenter de lire des homélies où ils exhortaient leurs ouailles à la vertu, en termes inattaquables.
Mais on ne toléra aucun compromis. L’importance même que le Gouver­nement attachait à la participation à ces prières lui conférait la valeur d’acte d’adhésion à l’Église anglicane. À la participatio in sacris (c’est à dire au fait de prier en commun avec des non catholiques) s’ajoutait la reconnaissance formelle de la suprématie de l’État en matière spirituelle. L’un des prêtres porta donc une condamnation radicale qui excluait de la communauté catholique ceux qui se conformaient à la loi. «  Un acte aussi public, déclara-t-il, que de se rendre en une église où l’on fait profession d’attaquer la vérité, de défigurer l’Église catholique du Christ, d’exciter contre elle à l’hostilité et à la haine, constitue la plus grave iniquité possible.  » (Vie d’Edmond Campion, jésuite, prêtre et martyr, pendu sur l’ordre de la reine Élisabeth I en 1581, et canonisé en 1970.)
6. Un attrape-nigauds  !
Voici ce que Mgr Lefebvre pensait de la messe chez les ralliés ou de la messe à indult...
«  Cher monsieur l’abbé..., (lettre à un prêtre de la FSSPX)
«  À votre bonne lettre, reçue hier à Saint Michel, je réponds aussitôt pour vous dire ce que je pense au sujet de ces prêtres qui reçoivent un «  celebret  » de la Commission Romaine, chargée de nous diviser et de nous détruire.
«  Il est évident qu’en se mettant dans les mains des autorités actuelles conciliaires, ils admettent implicite­ment le Concile et les Réformes qui en sont issues, même s’ils reçoivent des privilèges qui demeurent exceptionnels et provisoires.
«  Leur parole est paralysée pour cette acceptation. Les Évêques les surveillent  !
«  C’est bien regrettable que ces prêtres ne prennent pas conscience de cette réalité. Mais nous ne pouvons tromper les fidèles.
«  Il en est de même pour ces «  Messes traditionnelles  »  ! organisées par les diocèses (messes à indult). Elles sont célébrées entre deux Messes conciliaires. Le prêtre célébrant dit aussi bien la nouvelle que l’ancienne. Comment et par qui est distribuée la sainte communion  ? Quelle sera la prédication  ? Etc...
«  Ces Messes sont des «  attrape-nigauds  » qui entraînent les fidèles dans la compromission  !
«  Beaucoup ont déjà été abandonnés.
«  Ce qu’ils doivent changer, c’est leur doctrine libérale et moderniste.
«  Il faut s’armer de patience et prier. L’heure de Dieu viendra.
«  Que Dieu vous accorde de saintes fêtes de Pâques.
«  Bien cordialement vôtre en Christo et Maria.  »
(Mgr Lefebvre, Saint Michel en Brenne, le 18 mars 1989)
# Mgr Lefebvre aux fidèles du Canada
À propos des catholiques assistant aux messes célébrées sous les conditions de l’indult, Mgr Lefebvre disait  :
«  C’est une position très ambiguë et non conforme à celle que nous défen­dons, et que les traditionalistes ont toujours défendue. Ils acceptent également la légitimité et l’orthodoxie de la messe nouvelle  : ce que nous re­fusons d’affirmer. Nous ne disons pas que la nouvelle messe est hérétique, ni qu’elle est invalide, mais nous refusons de dire qu’elle est légitime, qu’elle est parfaitement orthodoxe. Si bien que les fidèles se demandent s’ils doivent assister à ces messes qui sont maintenant autorisées par les évêques. Pour nous, c’est toujours la même consigne  : nous pensons qu’il ne faut pas aller à ces messes parce qu’il est dangereux d’affirmer que la messe nouvelle est aussi valable que l’ancienne. Peu à peu ces prêtres qui acceptent ces conditions auront les mêmes tendances que ceux qui disent la messe nouvelle, et un jour, peut-être, ils la diront eux-mêmes et atti­reront nos traditionalistes vers la nouvelle messe.
«  Oui, je reconnais bien que le pays est grand, immense, et que les fidèles ont parfois de longues distances à parcourir pour assister le diman­che à la messe traditionnelle. Mais je pense que ces fidèles ont intérêt à n’aller, s’il le faut, qu’une seule fois par mois ou bien à faire vraiment un sacrifice tous les dimanches pour aller à la messe ancienne, à la vraie messe plutôt que de s’habituer à une messe nouvelle ou à une messe ancienne qui est mélangée avec les rites nouveaux et qui risque de devenir un jour, ni plus ni moins, la messe nouvelle.
«  Il vaut mieux demeurer fidèle à la messe an­cienne dans toute son intégrité, et, par conséquent, savoir faire une heure et demie de route s’il le faut le dimanche pour venir à la messe. Que de gens dans le monde font une heure et demie ou même deux heures de route pour aller à leur travail tous les jours. Alors, je pense que l’on peut le dimanche ou au moins tous les quinze jours faire un effort pour aller à la messe ancienne, pour aller à la vraie messe, pour avoir la grâce de la vraie messe.  »
(Mgr Lefebvre, Communicantes, août 1985)

VIII -  Conclusion
1. Rectitude d’intention
Nous devons en toutes choses agir pour plaire à Dieu et non aux hommes  : «  Est-ce la faveur des hommes que je me concilie ou celle de Dieu  ? Si je plaisais encore aux hommes je ne serais pas serviteur du Christ.  » (Gal 1, 10)
Dans la crise de l’Église, notre intention ne peut pas être de chercher la sécurité d’une reconnaissance sociale par l’autorité ecclésiastique, ni de poursuivre une paix fausse qui nous dispense du combat, ni d’établir un accord ou une unité qui n’est qu’un mensonge.
Dom Guéranger, à la fête de saint Hilaire, exalte le courage de ce grand défenseur de la foi, qui n’eut pas à combattre contre un persécuteur menaçant les vies mais séduisant les esprits et flattant les cœurs pour mieux les perdre. Il rapporte les plaintes de saint Hilaire à Dieu  :
O Dieu tout-puissant, «  contre vos ennemis avoués, j’aurais combattu avec bonheur. (...) Mais aujourd’hui nous avons à combattre contre un persécuteur déguisé, contre un ennemi qui nous flatte, contre Constance l’antéchrist, qui a pour nous non des coups mais des caresses  ; qui ne proscrit pas ses victimes pour leur donner la vie véritable, mais les comble de richesses pour leur donner la mort  ; qui ne leur octroie pas la liberté des cachots, mais leur donne une servitude d’honneurs dans ses palais  ; qui ne déchire pas les flancs, mais envahit les cœurs. (...) Il ne dispute pas de peur d’être vaincu  ; mais il flatte pour dominer  ; (...) il procure une fausse unité pour qu’il n’y ait pas de paix  ; il sévit contre certaines erreurs, pour mieux détruire la doctrine du Christ  ; il honore les évêques afin qu’ils cessent d’être évêques  ; il bâtit des églises tout en ruinant la foi. (...)  »
Il est facile et permis de faire le parallèle avec les autorités actuelles de l’Église dans leurs rapports avec ceux qui voudraient rester fidèles à la foi tout en profitant des avantages proposés  : les honneurs, l’abandon du combat doctrinal, la fausse unité.
Dom Guéranger en donne la cause  : l’esprit mondain, le défaut d’une foi profonde conduisant et dirigeant tous les actes de la vie, l’habitude de la diplomatie plus que du combat sans merci contre les ennemis de la foi. Voici ce qu’il dit  : «  À toutes les époques, l’Église a eu en son sein des demi fidèles que l’éducation, une certaine bienséance, quelques succès d’influence et de talent, retiennent parmi les catholiques, mais que l’esprit du monde a pervertis. Ils se sont fait une église humaine, parce que le naturalisme ayant faussé leur esprit, ils sont devenus incapables de saisir l’essence surnaturelle de la véritable Église. Accoutumés aux variations de la politique, aux tours habiles à l’aide desquels les hommes d’État arrivent à maintenir un équili­bre passager à travers les crises, il leur semble que l’Église dans la déclaration même des ses dogmes, doit compter avec des ennemis, qu’elle pourrait se méprendre sur l’opportunité de ses résolutions, en un mot que la précipitation peut attirer sur elle, et sur ceux qu’elle compromettra avec elle, une défaveur funeste.  »
Le cardinal Pie fait parler saint Hilaire comme il suit  : «  J’ai peur de la terrible responsabilité qui pèserait sur moi par la connivence, par la complicité de mon silence. J’ai peur enfin du jugement de Dieu, j’en ai peur pour mes frères sortis de la voie de la vérité, j’en ai peur pour moi dont c’est le devoir de les y ramener.  » On ajoutait  : «  Mais n’y a-t-il pas des réticences permises, des ménagements nécessaires  ?  » Hilaire répondait que l’Église n’a vraiment pas besoin qu’on lui fasse la leçon, et qu’elle ne peut oublier sa mission essentielle. Or cette mission la voici  : «  Ministres de la vérité, il vous appartient de déclarer ce qui est vrai.  » (Œuvres du Cardinal Pie, t6, Rome 14 janvier 1870) (Dom Guéranger, Année liturgique, Noël, à la fête de saint Hilaire) [25]
2. Vivre de foi, non de sentiment
L’erreur des ralliés est d’avoir posé comme fondement le sentiment plus que la vérité et la foi.
L’homme dont la raison est illuminée par la vérité et la foi, peut et doit dominer ses sentiments et ses passions  : «  Mais votre concupiscence sera sous vous, et vous la dominerez.  » (Gen 4, 7) La vie est un combat continuel contre nos désirs  : «  Ne te laisse pas aller à tes concupiscences, et détourne-toi de ta propre volonté. Si tu contentes les désirs de ton âme, elle fera de toi la joie de tes ennemis.  » (Eccli 18, 30-31)
C’est pourquoi tout homme doit se mettre généreusement à l’école de Jésus-Christ et mortifier ses tendances mauvaises  : «  Celui qui veut venir après moi, qu’il se renonce lui-même, qu’il porte sa croix chaque jour, et qu’il me suive.  » (Luc 9, 23)
Lorsque cette purification est suffisamment achevée, l’âme est avant tout conduite par les vertus, surtout les vertus théologales. L’homme est alors maître de soi-même, beaucoup plus à l’abri de ses sentiments et ses passions, beaucoup plus à l’abri, par conséquent, des troubles et inquiétudes suscités par la crise de l’Église (la grande peur du schisme) et par le monde.
S’il n’y parvient pas, alors son âme est ballottée au gré de ses «  désirs  » et «  préférences  » aussi spirituels soient-ils. Il est également la proie facile du démon et de l’esprit du monde.
Dans ce combat saint Ignace nous a laissé un instrument précieux  : les règles du discernement des esprits, tout particulièrement celles de la première semaine des exercices spirituels. Il y est dit que c’est le propre du mauvais esprit de causer aux âmes «  de la tristesse et des tourments de conscience, d’élever devant elles des obstacles, de les troubler par des raisonnements faux, afin d’arrêter leur progrès dans le chemin de la vertu…  »
«  Mon juste vit de la foi.  »
3. Soumission à la sagesse, vraie obéissance
Les ralliés sont menacés par la «  peste de l’indifférentisme  », puisqu’ils mettent vérité et erreur à égalité, comme nous l’avons vu. Quel remède leur apporter  ?
Soyons d’abord attentifs à l’avertissement de Mgr Freppel.
«  Le plus grand malheur pour un siècle ou un pays, c’est l’abandon ou l’amoindrissement de la vérité. On peut se relever de tout le reste ; on ne se relève jamais du sacrifice des principes. Les caractères peuvent fléchir à des moments donnés et les mœurs publiques recevoir quelque atteinte du vice ou du mauvais exemple, mais rien n’est perdu tant que les vraies doctrines demeurent debout dans leur intégrité. Avec elles, tout se refera tôt ou tard, les hommes et les institutions, parce qu’on est toujours capable de revenir au bien lorsqu’on n’a pas quitté le vrai.
Ce qui enlèverait jusqu’à l’espoir même de salut, ce serait la désertion des principes, en dehors desquels il ne se peut rien de solide et de durable. Aussi le plus grand service qu’un homme puisse rendre à ses semblables aux époques de défaillance et d’obscurcissement, c’est d’affirmer la vérité sans crainte, alors même qu’on ne l’écouterait pas ; car c’est un sillon de lumière qu’il ouvre à travers les intelligences et, si sa voix ne parvient pas à dominer les bruits du moment, du moins sera-t-elle recueillie dans l’avenir comme la messagère du salut.  » (Mgr Freppel, Panégyrique de saint Hilaire, 19 janvier 1873)
# Soumission à la sagesse divine
Pour être soumis à la sagesse divine il faut une certaine indépendance d’esprit.
L’indépendance d’esprit n’est pas l’indépendance à l’égard de la réalité ou de l’autorité de Dieu enseignant par l’Église. Elle est simplement la capacité à reconnaître les limites de toute autorité enseignante  : ces limites sont la vérité connue par l’intelligence soumise à la réalité et celle reçue par la foi dans la soumission au ma­gistère de l’Église. Aucune autorité humaine ne peut obliger un baptisé à l’obéissance si ces limites sont franchies. Et ce baptisé ne peut franchir ces limites car il doit être en tout et toujours soumis à la sagesse de Dieu qu’il reçoit de la réalité et de la révélation.
L’étude et l’amour de la vérité sont les premiers fondements nécessaires à cette soumission.
Les papes sont revenus souvent sur la nécessité de l’étude de la doctrine chrétienne  ; citons Pie XII  : «  Prenez vos principes de jugement et d’estime dans l’évangile du Seigneur et dans la doctrine de son Église  ; car il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de son message (I Cor 1, 21)  ; car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu (I Cor 3, 19)  ; en effet nous prêchons un Christ crucifié (I Cor 1, 23). Si, au lieu d’empoi­sonner son esprit au contact fréquent des choses du monde, on ne le nourrit soigneusement par la lecture et la méditation des choses de Dieu, l’étude d’une saine doctrine, la familiarité avec les écrits des auteurs anciens et modernes qui ont brillé par la fermeté de leur foi et la sûreté de leur piété, comment pourrait-on apprécier le vrai et le bien ?  » (Pie XII, Allocution aux supérieurs religieux, Haud mediocri, 11 février 1958, SVP n° 3944ss)
Par ailleurs saint Paul nous rappelle que l’amour de la vérité est nécessaire et non sa seule connaissance  : beaucoup périssent, dit-il, «  parce qu’ils n’ont pas ouvert leur cœur à l’amour de la vérité pour être sauvés.  » (II Thes 2, 10) Cet amour s’accompagne naturellement de la détestation de l’erreur  : «  Aimer une chose et haïr son contraire relève d’un même principe. Ainsi l’amour d’une chose cause la haine de son contraire.  » (Saint Thomas I II 29 a2 ad2) C’est pourquoi, dit E. Hello, «  cette détestation de l’erreur est la pierre de touche à laquelle se reconnaît l’amour de la vérité.  » (L’homme, Perrin 1941, p. 214)
Cet amour de la vérité conduit à l’effort constant pour conformer la vie à la pensée, à faire que la règle de vie soit la vérité tout entière.
Il conduit également à prendre les mesures de prudence nécessaires à la protection de la vérité et de la foi. L’enseignement et l’exemple de Mgr Lefebvre sont alors un dépôt précieux. C’est pourquoi nous constatons «  que beaucoup de ceux qui n’ont pas connu le mouve­ment traditionaliste et son histoire avant 1988 sont fascinés par la figure de Mgr Lefebvre.  » (Lettre de 16 prêtres de la Fraternité Saint Pierre. Favorables aux nouveautés, ils désapprouvent cette attirance vers Mgr Lefebvre. Fideliter, nov.-déc.1999, n°132, p. 37)
# Obéissance
L’autre fondement à cette indépendance d’esprit est une juste conception de l’obéissance.
Les ralliés posent comme fonde­ment le sentiment plus que la vérité, leur préférence plus que la vertu de foi. Ils choisissent l’ancienne messe par préférence personnelle. Or le supérieur leur com­mande la nouvelle. Quel motif ont-ils de ne pas obéir  ? Aucun  ! En effet, le sentiment et la préférence personnelle doivent céder devant la volonté du supé­rieur.
Par conséquent, à tant nous clamer qu’il faut être dans l’obéissance, eux-mêmes n’y seront vraiment que lorsqu’ils diront ou assisteront exclu­sivement à la nouvelle messe. Mais alors qu’en sera-t-il de leur obéis­sance à Dieu  ?
Mgr Lefebvre et ceux qui ont suivi sa ligne de conduite prudentielle sont de vrais obéissants  : désobéir aux su­périeurs par nécessité de demeurer dans l’obéissance à Dieu, à l’Église, et à la foi de toujours.
Mgr Lefebvre a donné en mars 1988 quelques notions sur l’obéissance. Les voici.
«  Les principes qui déterminent l’obéissance sont connus et tellement conformes à la saine raison et au sens commun qu’on se demande comment des personnes intelligentes peuvent affirmer qu’ils préfèrent se tromper avec le Pape que d’être dans la Vérité contre le Pape.
«  Ce n’est pas cela que nous enseigne la loi naturelle, ni le Magistère de l’Église. L’obéissance suppose une autorité qui donne un ordre ou édicte une loi. Les autorités humaines même instituées par Dieu n’ont d’autorité que pour atteindre le but assigné par Dieu et non pas pour s’en détourner. Lorsqu’une autorité use de son pouvoir à l’encontre de la loi pour laquelle ce pouvoir lui est donné, elle n’a pas droit à l’obéissance et on doit lui désobéir.
«  On accepte cette nécessité de la désobéissance vis-à-vis du père de famille qui encourage sa fille à se prostituer, vis-à-vis de l’autorité civile qui oblige les médecins à provoquer des avortements et à tuer des innocents, mais on accepte à tout prix l’autorité du Pape qui serait infaillible dans son gouvernement et dans toutes ses paroles. C’est bien méconnaître l’histoire et ignorer ce qu’est en réalité l’infaillibilité.
«  Déjà saint Paul a repris saint Pierre qui ne «  marchait pas selon la vérité de l’Évangile  » (Gal. II, 14). Ailleurs saint Paul encourage les fidèles à ne pas lui obéir s’il lui arrivait de prêcher un autre évangile que celui qu’il a ensei­gné précédemment (Gal. I, 8).
«  Saint Thomas, quand il parle de la correction fraternelle, fait allusion à la résistance de saint Paul vis-à-vis de saint Pierre et il commente ainsi  : «  Résister en face et en public dépasse la mesure de la correction fraternelle. Saint Paul ne l’aurait pas fait envers saint Pierre s’il n’avait pas été son égal en quelque manière... Il faut cependant savoir que s’il s’agissait d’un danger pour la foi les supérieurs devraient être repris par leurs infé­rieurs même publiquement. Cela ressort de la manière et de la raison d’agir de saint Paul à l’égard de saint Pierre, dont il était le sujet, de telle sorte, dit la glose de saint Augustin, ‘que le Chef même de l’Église a montré aux su­périeurs que s’il leur arrivait par hasard de quitter le droit chemin, ils acceptassent d’être corrigés par leurs inférieurs’.  » (St Th. 2a. 2ae. q. 33. art. 4. ad 2)
«  Le cas qu’évoque saint Thomas d’Aquin n’est pas chimérique puisqu’il a eu lieu vis-à-vis de Jean XXII de son vivant. Celui-ci crut pouvoir affirmer comme une opinion personnelle que les âmes des élus ne jouissaient de la vision béatifique qu’après le jugement dernier. Il écrivit cette opinion en 1331 et en 1332 il prêcha une opinion semblable au sujet de la peine des damnés. Il entendait proposer cette opinion par un décret solennel.
«  Mais les réactions très vives de la part des Dominicains, surtout ceux de Paris, et des Franciscains le firent re­noncer à cette opinion en faveur de l’opinion traditionnelle définie par son successeur Benoît XII en 1336.
«  Et voici ce que dit le Pape Léon XIII dans son Encyclique Libertas praestantissimum du 20 juin 1888  : «  Sup­posons donc une prescription d’un pouvoir quelconque qui serait en désaccord avec les principes de la droite raison et avec les intérêts du bien public (à plus forte raison avec les principes de la foi), elle n’aurait aucune force de loi…  », et un peu plus loin  : «  Dès que le droit de commander fait défaut ou que le commandement est contraire à la raison, à la loi éternelle, à l’autorité de Dieu, alors il est légitime de désobéir, nous voulons dire aux hommes, afin d’obéir à Dieu  ».
«  Or notre désobéissance est motivée par la nécessité de garder la foi catholique. Les ordres qui nous sont donnés expriment clairement qu’ils nous le sont pour nous obliger à nous soumettre sans réserve au Concile Vatican II, aux réformes post-conciliaires et aux prescriptions du Saint Siège, c’est-à-dire à des orientations et à des actes qui minent notre foi et détruisent l’Église, ce à quoi il est impossible de nous résoudre. Collaborer à la destruction de l’Église, c’est trahir l’Église et Notre Seigneur Jésus-Christ.
«  Or tous les théologiens dignes de ce nom enseignent que si le Pape par ses actes détruit l’Église, nous ne pouvons pas lui obéir, (Vitoria, Obras, pp. 486- 487  ; Suarez, de fide, disp. X, sec. VI. n°16  ; saint Robert Bellarmin, De Rom. Pont., livre II. c. 29  ; Cornélius a Lapide, ad Gal. 2, 11, etc...) et il doit être repris res­pectueusement mais publiquement.
«  Les principes de l’obéissance à l’autorité du Pape sont ceux qui commandent les relations entre une autorité délé­guée et ses sujets. Ils ne s’appliquent pas à l’autorité divine qui est toujours infaillible et indéfectible et donc ne suppose aucune défaillance.
«  Dans la mesure où Dieu a communiqué son infaillibilité au Pape et dans la mesure où le Pape entend user de cette infaillibilité, qui comporte des conditions bien précises pour son exercice, il ne peut y avoir de défail­lance.
«  En dehors de ces cas précis, l’autorité du Pape est faillible et ainsi les critères qui obligent à l’obéissance s’appliquent à ses actes. Il n’est donc pas inconcevable qu’il y ait un devoir de désobéissance vis-à-vis du Pape.
«  L’autorité qui lui a été conférée l’a été pour des fins précises et en définitive pour la gloire de la Trinité, de Notre Seigneur Jésus-Christ et le salut des âmes.
«  Tout ce qui serait accompli par le Pape en opposition avec cette fin n’aurait aucune valeur légale et aucun droit à l’obéissance, bien plus obligerait à la désobéissance pour demeurer dans l’obéissance à Dieu et à la fidélité à l’Église.
«  C’est le cas de tout ce que les derniers Papes ont commandé au nom de la liberté religieuse et de l’œcuménisme depuis le Concile  : toutes les réformes faites en ce nom sont dénuées de tout droit et de toute obligation. Les Papes ont alors utilisé leur autorité contrairement à la fin pour laquelle cette autorité leur a été donnée. Ils ont droit à notre désobéissance.
«  La Fraternité et son histoire manifeste publiquement cette nécessité de la désobéissance pour demeurer fidè­les à Dieu et à l’Église. Les années 74-75-76 laissent le souvenir de cette joute incroyable entre Écône et le Vatican, entre le Pape et moi-même.
«  Le résultat fut la condamnation, la «  suspens a divinis  », nulle de plein droit, le Pape abusant tyranniquement de son autorité pour défendre ses lois contraires au bien de l’Église et au bien des âmes.
«  Ces événements sont une application historique des principes concernant le devoir de désobéissance.
«  Ce fut l’occasion du départ d’un certain nombre de prêtres amis et de certains membres de la Fraternité, effrayés par cette condamnation et ne comprenant pas ce devoir de désobéir en certaines circonstances.
«  Or douze années ont passé, officiellement la condamnation demeure, les relations avec le Pape sont tendues, d’autant plus que les conséquences de l’œcuménisme approchent de l’apostasie, ce qui nous a obligés à des ré­actions véhémentes.
«  Cependant l’annonce d’une consécration épiscopale le 29 juin dernier émeut Rome, qui décide enfin de ré­pondre à notre demande d’une Visite apostolique en envoyant le 11 novembre 1987 le Cardinal Gagnon et Mgr Perl. Autant qu’on a pu en juger par les discours et réflexions des Visiteurs, leur jugement est des plus favora­bles et le Cardinal n’hésite pas à assister à la Messe Pontificale du 8 décembre que célèbre le prélat «  suspens a divinis  ».
«  Que conclure de tout cela sinon que notre désobéissance porte de bons fruits, reconnus par les envoyés de l’autorité à laquelle nous désobéissons  ?
«  Et nous voici affrontés à de nouvelles décisions à prendre. Nous sommes plus que jamais encouragés à donner à la Fraternité les moyens de continuer son œuvre essentielle  : la formation de vrais prêtres de la Sainte Église Catholique et Romaine, c’est-à-dire de me donner des successeurs dans l’Épiscopat.
«  Rome comprend cette nécessité, mais le Pape acceptera-t-il que les Évêques soient des membres de la Tradition  ? Pour nous, il ne peut en être autrement. Toute autre solution serait le signe qu’on veut nous aligner sur la Révolution conciliaire, et là notre devoir de la désobéissance resurgit immédiatement.
«  Les pourparlers sont en cours et nous connaîtrons bientôt les vraies intentions de Rome. Elles décideront de l’avenir. Il nous faut continuer à prier et à veiller. Que l’Esprit Saint nous conduise par l’intercession de Notre-Dame de Fatima.  » (Mgr Lefebvre, «  L’obéissance peut-elle nous obliger à désobéir  ?  », 29 mars 1988, Fideliter 29-30 juin 1988)
Mieux connaître cette vertu d’obéissance, et ses limites à l’égard de supérieurs humains, mieux la pratiquer à l’imita­tion de Jésus Christ, dont la nourriture était de faire la vo­lonté de son Père, tel est le chemin où Dieu nous ap­pelle. Tous les saints ont posé la per­fection dans la pleine et aimante sou­mission à la volonté de Dieu. Suivons leur exemple, sans concession pour le monde ou la nature, mais dans une fidélité toujours plus grande à Notre Seigneur. Cela nous conduira peut-être à l’héroïsme de la sainteté. Mais n’est-ce pas la seule réponse à la dé­composition toujours plus grande du monde et à la crise dans l’Église  ?
# Conseils des saints
- Conseil de saint Vincent de Lérins
- «  Que fera donc le chrétien catholique, si quelque parcelle de l’Église vient à se détacher de la commu­nion de la foi universelle  ?
- Quel autre parti prendre, sinon de préférer au membre gangrené et corrompu le corps dans son ensem­ble qui est saint  ?
- Et si quelque contagion nouvelle s’efforce d’empoisonner, non plus seulement une petite partie de l’Église, mais l’Église tout entière à la fois  ?
- Alors encore, son grand souci sera de s’attacher à l’antiquité, qui, évidemment, ne peut plus être séduite par aucune nouveauté mensongère.
- Et si dans l’antiquité même, une erreur se rencontre qui soit celle de deux ou trois hommes, ou d’une ville, ou même d’une province  ?
- Alors, il aura grand soin de préférer à la témérité ou à l’ignorance d’un petit nombre, les décrets (s’il en existe) d’un concile universel tenu anciennement au nom de l’ensemble des fidèles.
- Et si quelque opinion vient enfin à surgir qu’aucun concile n’ait examiné  ?
- C’est alors qu’il s’occupera de consulter, d’interroger, en les confrontant, les opinions des ancêtres, de ceux d’entre eux notamment qui vivant en des temps et des lieux différents sont demeurés fermes dans la communion et dans la foi de la seule Église catholique et y sont devenus des maîtres autori­sés  ; et tout ce qu’ils auront soutenu, écrit, enseigné non pas individuellement, ou à deux, mais tous ensemble, d’un seul et même accord, ouvertement, fréquemment, constamment, un catholique se rendra compte qu’il doit lui-même y adhérer sans hésitation.  »[26]
- Conseil de saint Augustin
«  Souvent même la divine Providence permet que, par suite de graves violences partisanes de la part d’hommes charnels, même des justes soient chassés de la commu­nauté chrétienne. Si les victimes de cet affront injuste le supportent en toute patience pour la paix de l’Église, sans fomenter de mouvements soit schismatiques, soit héré­tiques, elles donneront à tous l’exemple de la droiture de sentiment et de la pure charité qu’il faut apporter au service de Dieu. L’intention de ces hommes-là est donc de rentrer au port, une fois les bourrasques apaisées ; ou bien, s’ils ne le peuvent, soit que la tempête se prolonge, soit qu’ils crai­gnent par leur retour d’en susciter une semblable ou plus furieuse, ils gardent la volonté de pour­voir au salut de ceux-là mêmes dont les menées séditieuses les ont obligés à partir, sans jamais s’isoler ni former de cote­ries, défendant jusqu’à la mort et servant par leur témoignage la foi qu’ils savent que prêche l’Église catho­lique. Leur couronne, ils la reçoivent dans le secret, du Père qui voit dans le secret. Le cas est rare, mais pas pourtant sans exemple. Il est même plus fréquent qu’on pourrait croire.  »[27]
# En résumé
Le meilleur résumé de tout ce que nous avons examiné se trouve dans les paroles suivantes de Mgr Lefebvre  :
«  C’est un dialogue de sourds. Je ne peux pas beaucoup parler d’avenir, car le mien est derrière moi. Mais si je vis encore un peu et en supposant que d’ici à un certain temps Rome fasse un appel, qu’on veuille nous revoir, reprendre langue, à ce moment-là c’est moi qui poserais les conditions. Je n’accepterai plus d’être dans la situation où nous nous sommes trouvés lors des colloques. C’est fini.
«  Je poserais la question au plan doctrinal  : Est-ce que vous êtes d’accord avec les grandes encycliques de tous les papes qui vous ont précédés  ? Est-ce que vous êtes d’accord avec Quanta Cura de Pie IX, Immortale Dei, et Libertas de Léon XIII, Pascendi de Pie X, Quas Primas de Pie XI, Humani generis de Pie XII  ? Est-ce que vous êtes en pleine communion avec ces papes et avec leurs affirmations  ? Est-ce que vous acceptez encore le serment anti-moderniste  ? Est-ce que vous êtes pour le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ  ?
«  Si vous n’acceptez pas la doctrine de vos prédécesseurs, il est inutile de parler. Tant que vous n’aurez pas accepté de réformer le Concile en considérant la doctrine de ces papes qui vous ont précédés, il n’y a pas de dialogue possible. C’est inutile.
«  Les positions seraient ainsi plus claires.  »
(Mgr Lefebvre, Fideliter, n°66, novembre-décembre 1988, p. 12-13)

[1] Mgr Raffin, NEF, Novembre 1992, p. 15 cité par Dom Gérard, Lettre aux Amis du monastère n°70. Il cite encore une lettre de Mgr O’Sullivan du 5 juillet 1993  : «  Le Cardinal Innocenti ouvrit la discussion en nous disant qu'il s'agissait d'une commission tem­poraire qui travaillait d'elle-même à disparaître.  »
[2] Lettre aux Amis du Monastère n°70.
[3] Motu Proprio Ecclesia Dei adflicta, 2 juillet 1988 n°5 et n°6.
[4] Lettre Quattuor abhinc annos, 3 octobre 1984.
[5] 29 juin 1999 cf. Fideliter n° 132, Nov.-Dec. 1999.
[6] Cité par Dom Gérard dans sa Lettre aux Amis du monastère n° 87.
[7] Bref examen critique, Cardinaux Ottaviani et Bacci.
[8] La NEF, n°9, Septembre 1991, p15.
[9] Abbé Simoulin, Le catéchisme assassi­né, Ed. St. Irénée.
[10] Sedes Sapientiae n°64, éditée par la Fra­ternité St Vincent Ferrier, et citée par la Lettre aux Amis du Monastère n°87.
[11] Traduction donnée par le Sel de la Terre n°30 p. 182.
[12] Sel de la Terre n°30 p. 184.
[13] Le concile Vatican II tient ce même faux langage en affirmant que l'Église «  dans sa tâche de favoriser l'unité et l'amour entre les hommes considère d'abord ce qui leur est commun.  » (Déclaration sur les religions non Chrétiennes n°1)
[14] La Fraternité Saint Vincent Ferrier, dans ces rapports avec les modernistes, ne suit pas cette règle de prudence rappelée par Pie XI  : «  Des passerelles ont été établies entre des cercles qui s'ignoraient. Des col­laborations intellectuelles se sont dessi­nées (...) Des liens se sont tissés à l'occasion d'activités communes (pèlerinages, congrès, publications).  » Sedes Sapientiae n°64
[15] St. Vincent de Lérins, Commonitorium c.23
[16] Concile Vatican I, constitution Dei Filius, c.2, F.C. 155
[17] Concile Vatican I, constitution Dei Filius, c.3, F.C.93
[18] Concile Vatican I, constitution Dei Filius, c. 4, F.C.103, citant St. Vincent de Lérins, Commonitorium, c.
[19] Concile Vatican I, constitution Dei Filius, c. 4, canon 3, F.C.116
[20] Concile Vatican I, constitution Pastor aeternus c.4, F.C.481
[21] Encyclique Pascendi, 1907  ; cf J.B. Lemius, Catéchisme sur le modernisme, n°182 à 183.
[22] P. de Vaucelles s.j., La catéchèse comme fait social, novembre 1979, cité par A. de Lassus, La catéchèse française, AFS, supplément au n°151, p. 14.
[23] P. Van Munster, secrétaire générale de la conférence épiscopale de Hollande, dans une conférence intitulée  : «  L’Église catholique en Hollande - Histoire récente et projets  », publiée par la conférence épiscopale française en 1981, cité par A. de Lassus, La catéchèse française, AFS, supplément au n°151, p.18-19.
[24] Benoît XV, Encyclique Ad beatissimi Apostolorum, 1er novembre 1914.
[25] «  1- Examinez à fond l'intention avec laquelle vous agissez. L'amour avec lequel vous agissez est mille fois plus important que l'exactitude matérielle que vous apportez dans vos actions. 2- Examinez pour voir si votre cœur est entièrement libre  : a- par rapport aux personnes  ; b- par rapport aux occupations, étant disposé à tout moment à changer d'occupation au moindre signe de la divine volonté  ; c- par rapport aux choses, ne tenant à rien, ni pour vous, ni pour les autres, si la charité le demande.  » (Dom Marmion, L'union à Dieu, DDB 1937, p. 23)
[26] Saint Vincent de Lerins, Commonitorium c. 3
[27] De vera religione, 6, 11. Trad. Pegon. Bibliothèque augustinienne, Desclée de Brouwer.