29 juin 2007





Sermon prononcé par Mgr Williamson aux ordinations à Ecône - le 29 juin 2007
mis en ligne sur leforumcatholique.org
Transcription d’un enregistrement audio relue par l’auteur le 16 septembre 2007.

Monsieur le Supérieur général,Messeigneurs, mes chers confrères, mes chères soeurs, Très chers fidèles,Je pense deviner que certains s’attachent la ceinture : prions pour qu’ils ne finissent pas par avoir voulu un siège éjectable ! Mais ne craignez pas !
Nous tremblons tous parce que la situation dans l’Eglise et dans le monde est chaque jour plus effarante.

I - NOTRE DAME A AKITA

Je vais citer quelques paroles de Notre Dame au Japon en 1973 : il y a donc 34 ans ; des paroles dont l’évêque du lieu, qui a bien examiné le cas, nous permet de penser, de croire que c’était bien la très Sainte Vierge qui parlait ; et lorsque l’évêque du lieu a consulté le Cardinal Ratzinger à ce moment-là, dans les années 1980, le Cal Ratzinger aurait dit « Fatima et Akita, c’est la même chose ».
Or, et c’est intéressant, il n’y a rien dans tout ce que nous connaissons jusqu’ici de l’événement de Fatima, qui soit comparable avec le contenu de ce troisième message d’Akita, ce qui nous permet de penser que ce message-ci correspond peut-être en grande partie au troisième secret de Fatima toujours non révélé. Ne nous laissons pas leurrer ; ce que l’on a révélé en 2000 n’est sûrement pas le secret qu’on attendait en 1960, comme vient de l’écrire dans un livre très intéressant un journaliste italien Antonio Socci.
Donc voici peut-être l’essentiel de ce troisième secret de Fatima, qu’on aurait dû connaître en 1960, et qui aurait pu nous éviter peut-être en bonne partie ou dans une certaine mesure, Vatican II, s’il avait été révélé au moment voulu par Notre Dame.
En tout cas, voici ce que disait Notre Dame en 1973, et cela correspond, c’est bien proportionné, à la gravité de la situation actuelle. Elle parle sans se montrer, à une religieuse d’une petite congrégation dans le nord du Japon. Elle a essayé de parler en Europe, on peut penser que cela a échoué, alors elle va au Japon pour se faire entendre et les autres évêques du Japon ont tout fait également pour étouffer ce message. Mais un évêque courageux, et qui a bien enquêté sur la chose, a eu le courage de soutenir, et de donner son appui et son approbation épiscopale comme ordinaire du lieu, à ce qu’a voulu dire Notre Dame.
« Comme je te l’ai dit, dit Notre Dame à cette religieuse, si les hommes ne se repentent et ne s’améliorent pas, le Père infligera un châtiment terrible à l’humanité entière. » Je n’ai pas les accents de Notre Dame, qui sans doute ont été bien plus doux, mais le contenu est terrible. « Ce sera alors un châtiment plus grave que le déluge, tel qu’il n’y en a jamais eu auparavant, un Feu tombera du Ciel et anéantira une grande partie de l’humanité, les bons comme les méchants, n’épargnant ni les prêtres ni les fidèles. Les survivants se trouveront dans une telle désolation qu’ils envieront les morts. Les seules armes qui nous resteront alors – qui NOUS resteront alors : Elle priera à ce moment-là avec nous – seront le Rosaire et le Signe laissé par le Fils. (On ne sait pas encore de quel signe il s’agit). Récitez chaque jour les prières du Rosaire ; avec le Rosaire priez pour le Pape, les évêques, et les prêtres. »

Voila bien le plus grave du problème : si seulement l’Eglise était sur pied, le monde serait en bien moins mauvais état. Mais si le sel de la terre s’affadit, si la lumière du monde s’éteint, le monde est dans les ténèbres et dans la corruption.
Je continue avec ce qu’a dit Notre Dame : « L’action du Diable s’infiltrera même dans l’Eglise, de sorte qu’on verra des cardinaux s’opposer à des cardinaux, des évêques contre d’autres évêques. Les prêtres qui me vénèrent seront méprisés et combattus par leurs confrères. Les églises, les autels seront saccagés… »
Mes chers amis, quoi de plus probable ? On ne l’aura pas volé !
« L’Église (je reprends les paroles de Notre Dame) sera pleine de ceux qui acceptent les compromis, et le Démon poussera beaucoup de prêtres et d’âmes consacrées à quitter le service du Seigneur. Le Démon s’acharne surtout contre les âmes consacrées à Dieu, la perspective de la perte de nombreuses âmes est la cause de ma tristesse. Si les péchés croissent en nombre et en gravité, il n’y aura plus de pardon pour ceux-ci. »
(Évidemment le Bon Dieu ne cesse pas d’être miséricordieux ; évidemment les prêtres qui entendent les confessions seront toujours capables de pardonner les péchés, à la place de Notre-Seigneur. Alors si Notre-Dame parle comme cela du pardon des péchés, c’est sans doute parce que dans bon nombre de grandes villes aujourd’hui, la confession est de moins en moins accessible.)

« Avec courage, parle à ton supérieur. Il saura encourager chacune d’entre vous à prier et à accomplir des oeuvres de réparation. »
Fin du troisième message d’Akita..

II - L’ENCYCLIQUE PASCENDI


Cette année-ci est aussi le centième anniversaire de cette autre grande lumière donnée par Dieu au vingtième siècle, et aussi à notre siècle, le vingt et unième. Il y a eu ces deux grandes lumières : Fatima, et l’Encyclique Pascendi qui a été promulguée par Saint Pie X en 1907.
Et si nous voulons comprendre pourquoi la crise est tellement terrible aujourd’hui, on ne peut mieux faire que de revenir à Pascendi, d’étudier Pascendi qui est comme la « Charte de la Fraternité Saint Pie X », en ce sens que Monseigneur a pris ce Pape comme Patron de la Fraternité ; sans doute pour toute la grandeur de son pontificat, mais en particulier pour sa défense de la Foi. Il a été grand dans le renouveau de la musique de l’Eglise, dans l’Eucharistie pour les enfants, dans la révision du Droit Canon, mais s’il n’y avait pas la Foi, que seraient ces autres accomplissements, ces autres faits ? Donc c’est sûrement en premier lieu pour la Foi et pour Pascendi, l’oeuvre insigne de Pie X en défense de la Foi, que Mgr
Lefebvre l’a choisi pour patron de la Fraternité.
Quelques mots sur l’encyclique elle-même, que tous devraient connaître : elle n’est pas facile, mais il faut la connaître pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui. Je vais essayer d’expliquer pourquoi. Puis je ferai quelques commentaires et applications.
Donc l’Encyclique elle-même se divise en trois grandes parties, outre l’introduction et la conclusion : la doctrine des modernistes, les causes du Modernisme, et les remèdes du Modernisme. Or les causes environnent les faits, donc se ramènent en quelque sorte à la doctrine, et les remèdes se ramènent également à la doctrine. Donc la Doctrine forme la plus grande partie de l’encyclique, et c’est la partie plus importante.
Cette première grande partie se subdivise en diverses sous-sections : le philosophe moderniste, le croyant moderniste, le théologien moderniste, l’historien moderniste, le critique moderniste, l’apologète moderniste et le réformateur moderniste, et la conclusion qui en sort est que le modernisme est l’égout collecteur de toutes les hérésies de tous les temps. Il n’y a pas de pire hérésie, ni plus profonde, ni plus subtile, et c’est pour cela que l’Eglise se trouve aujourd’hui dans cette crise si difficile à manier, si difficile à comprendre.
De ces diverses sections, c’est le philosophe moderniste que Pie X analyse en premier. Et pour cause : parce que ce sont les erreurs en philosophie qui sont à la racine des erreurs du croyant, du théologien, du critique et du réformateur moderniste.
Cette section sur la philosophie se subdivise entre les principes et leurs applications. Evidemment l’application dérive des principes, donc le noyau de l’encyclique se trouve dansces deux paragraphes, ces deux seuls paragraphes, sur les principes du modernisme et du philosophe moderniste.
Il y a deux grands principes : le phénoménisme agnostique [ou agnosticisme phénoméniste]1 qui est un principe négatif, comme pour déblayer le terrain ; et puis l’immanence vitale pour reconstruire. Mais puisque qu’on ne peut pas reconstruire sans avoir déblayé le terrain, le principe négatif qui précède le principe positif est encore plus important. Et l’on peut dire que le peu que dit Saint Pie X sur le phénoménisme agnostique est comme le gland dont le chêne est tout le reste de l’encyclique.
Qui a compris ce principe du phénoménisme agnostique [ou agnosticisme] peut facilement comprendre le reste de l’encyclique, encore faut-il comprendre le phénoménisme agnostique et, mes chers amis, c’est le problème de nos temps depuis 200 ans. Le phénoménisme agnostique, c'est-à-dire qu’au-delà des phénomènes, de l’autre côté des apparences, je ne peux rien connaître. Le « Ding an sich », la chose en elle-même, est inconnaissable. Mon intelligence n’atteint pas la réalité des choses, elle n’atteint que les apparences qui me sont livrées par les sens, et c’est mon intelligence qui organise les données des sens pour reconstituer l’univers ; autrement dit l’intelligence, l’intellect, est sevré [privé] de son objet.
On étudie la SCOLASTIQUE qui est la philosophie de l’Église ; on peut dire qu’elle est la“technicisation” – excusez-moi ce terme – du bon sens, pour faire monter à l’état technique ce que nous dit le bon sens. La Scolastique sait que l’objet est l’acte d’être même de l’action de l’intelligence. Sans objet il n’y a pas d’intellection Autrement dit, l’objet est tellement important – l’objet, pas les apparences – que sans cet objet il n’y aurait pas d’acte d’intelligence ; l’intelligence “n’intelligerait” pas. Voilà le bon sens, voilà la Scolastique. Nous connaissons les choses, nous savons ce qu’elles sont au-delà des apparences. Les apparences nous les indiquent, et en général, nous les indiquent sans nous tromper (à quelques exceptions près, comme le cauchemar). Les sens nous transmettent leur contenu intelligible qui est l’essence des choses. Nous connaissons l’essence des choses, nous connaissons la réalité, nous connaissons la vérité objective dans l’objet, en dehors de notre subjectivité, et là, nous pouvons la connaître, et la connaissant, l’intelligence marche, fonctionne à partir de cette saisie de l’objet.
Alors imaginez ce que c’est que dire que « l’intellect n’atteint pas l’objet »: c’est nier l’acte de l’intelligence, c’est libérer l’intelligence de l’objet : voilà ce que l’on a voulu : c’est la liberté, c’est l’ultime liberté. On adore la liberté, on aime la liberté, on poursuit la liberté, eh bien l’ultime liberté, c’est de dire que cette tente au-dessus de ma tête n’est une tente que si moi je consens que ce soit une tente : si moi je préfère dire que c’est un éléphant, ce sera un éléphant : ce sont les apparences d’une tente, mais moi je reconstitue les données sensibles de cette tente et je dis que de fait c’est un éléphant.
Alors là, on voit la folie de ce système. Et pour que ceux qui le pratiquent ne deviennent pas fous, et pour qu’ils puissent survivre, pour qu’ils puissent vivre, bien sûr ils appliquent ce système de façon sélective. Ainsi, lorsqu’ils descendent prendre le petit déjeuner, ils trouvent devant eux une tasse blanche qui contient un liquide noir ; ils choisissent de dire que c’est du café, parce que s’ils choisissaient de dire que c’est autre chose, ils risqueraient d’avoir soif. Ils descendent dans le garage, et avec le semblant de clé ils allument le semblant de moteur pour faire marcher le semblant d’auto, parce qu’autrement, ils n’arriveraient pas à l’université pour débiter leurs insanités, dans l’université où ils sont professeurs, s’il vous plait !
C’est l’assassinat du bon sens, et c’est ainsi depuis 200 ans, depuis la fin du XVIIIe siècle, que l’homme veut remplacer la nature, les choses et les objets qui nous sont donnés par Dieu, par ses propres fantaisies. Et depuis 200 ans, comme le dit fameusement bien Marcel de Corte, depuis 200 ans l’intelligence s’applique non pas à intelliger, mais à fabriquer avec l’aide de l’imagination un autre monde que celui qui nous est donné par Dieu. Cette folie sélective a gagné aujourd’hui le monde entier ou presque, et gagne chaque jour toujours plus de terrain. Et c’est pour cela que, les hommes étant détachés de la réalité et lancés chaque jour davantage dans la fantaisie, la crise du monde et de l’Eglise empire de jour en jour.
Et si nous voulons ne pas perdre pied dans cette épouvantable tempête qui monte toujours, et qui se terminera, si nous en croyons Notre Dame d’Akita, par un déluge de feu, c’est à cause de cette insanité que nous nous trouvons dans la situation où nous nous trouvons ; et c’est pour cela qu’il faut faire ce que l’on peut pour comprendre le phénoménisme agnostique et son application tous azimuts dans le monde qui nous entoure. Par exemple, la fantaisie préférée, la réalité de maintenant, c’est la réalité virtuelle. Depuis l’électronique, nous avons ce nom pour cette réalité-fantaisie, c’est la réalité virtuelle. Mais comme dit De Corte, ce n’est pas l’électronique qui s’est créée elle-même, c’est l’homme qui a désiré la fantaisie, qui a désiré remplacer la réalité par la fantaisie, le réel par la réalité virtuelle ; qui a créé l’internet, la télévision et tous ces écrans techniquement merveilleux mais très distrayants pour tout ce qui regarde les intérêts de Dieu.

Alors une application : Si chez ces hommes d’Église, une tête est détachée de la réalité, mais de façon sélective, alors elle peut très bien dire : « deux et deux font quatre » ; le problème n’est pas là. Le problème c’est qu’en même temps ils croient que deux et deux peuvent faire cinq. Or qui comprend avec un minimum de bon sens ce qu’est l’arithmétique comprend que si quelqu’un estime que deux et deux font quatre mais peuvent en même temps faire cinq, c’est un arithméticien hautement dangereux, parce qu’à un moment où je n’observe pas, il va glisser de l’un à l’autre. Voilà pourquoi Pie X dit dans cette encyclique que lorsqu’on lit un moderniste, une page est parfaitement catholique, et la page suivante est parfaitement rationaliste, c'est-à-dire la raison de l’homme mise à la place de Dieu.
Donc pour la promotion de l’arithmétique, il faut faire extrêmement attention si l’on a affaire à des gens qui pensent que deux et deux font quatre mais aussi cinq, car ils pourront encore raisonner sur « deux et deux font quatre », sur des bases apparemment solides. Mais s’ils ne disent jamais qu’ils croient que deux et deux peuvent aussi faire cinq, je ne saurai pas quand ils commencent à raisonner faux. Autrement dit, plus ils énoncent tout leur système et moins ils sont dangereux ; moins ils disent que deux et deux peuvent aussi faire cinq, et plus ils sont dangereux.
Or les conservateurs dans l’Église qui nous entourent – faisons attention : tous ces conservateurs ne sont pas pleinement « traditionalistes » –, ce sont tous des gens qui veulent plus ou moins mélanger la vérité objective, absolue, une et exclusive de la Foi catholique, avec la modernité, et ce n’est pas possible ! Dans l’arithmétique, les choses sont claires ; c’est malheureusement moins clair dans les choses de la Foi. Mais pour peu qu’on ait la Foi, on comprend très bien que la Foi est une vérité aussi une, aussi exclusive et aussi immuable, que deux et deux font quatre, et beaucoup plus importante !
Il y a deux semaines j’étais en Allemagne ; je parlais avec un confrère théologien qui venait de lire le dernier livre du Pape Benoit XVI et il me disait un peu ce qu’il y avait làdedans. J’ai dit (sans avoir lu le livre): « Çà, c’est quelqu’un qui pense que deux et deux font quatre et en même temps cinq ». Et ce théologien de me répondre un peu tristement, car il ne voulait pas le reconnaître, « C’est bien cela ».

Alors le Motu Proprio par exemple, c’est très gentil, c’est « deux et deux font quatre », libérer la Messe Tridentine, la Messe de toujours, c’est très bon. Et pour beaucoup d’âmes dans l’Eglise officielle on peut imaginer que cela va les libérer, ce sera le début d’une libération de ce qui a été pour quelques uns d’entre eux depuis des décennies, une prison, et ce sera de l’oxygène pour eux, ce sera de l’oxygène pour beaucoup de fidèles. Donc nous accueillons le fait que parmi ces gens là, si le Motu Proprio dira que « deux et deux peuvent faire quatre ou cinq » cela pourra les aider â avancer vers « deux et deux font quatre ». Peutêtre vont-ils arriver à éliminer totalement le « deux et deux font cinq » : c’est pour cela qu’il faut prier.
Mais pour nous qui, par la grâce de Dieu, – et jamais sans – avons la Foi, et comprenons que la Foi est à cet égard comme l’arithmétique, nous nous méfions extrêmement de ces braves (disons “braves”) hommes d’Église (je dirai un peu plus loin pourquoi on peut très bien dire qu’ils sont braves), envers ces braves gens de l’Église, nous nous méfions quand même ; ils ne savent pas ce qu’ils font. Au fond, dès qu’ils se sont laissé contaminer dans la moindre mesure, par l’idée moderne, l’idée maçonnique, que la Vérité est ouverte, et pas exclusive, dès que nous avons la moindre affaire à traiter avec ces gens-là, nous devons faire extrêmement attention.
Par contre, ils occupent la chaire de Moïse, nous croyons que ce sont les hommes de l’Eglise, votre serviteur cite toujours, et le nom du Pape dans le canon, et le nom de l’évêque du lieu s’il le connaît, et s’il ne le connaît pas il dit toujours « hujus diocesis ». Autrement dit : ils occupent la chaire de Moïse, ils ont notre respect, même notre affection, notre disponibilité, notre charité, ils ont aussi des âmes à sauver, tout cela ils l’ont et nous les en assurons. Mais en même temps – et nous ne le cachons pas – parce que « deux et deux font quatre » et même pas quatre virgule zéro un (4,01) mais « quatre », nous nous méfions extrêmement de parler, de traiter avec eux d’arithmétique, autrement dit des questions de la Foi. Et bien sûr Mgr Lefebvre a dû se battre d’abord sur la question de la Messe parce que c’était la première chose à sauver, mais derrière la Messe il y avait essentiellement dans le fond un problème de Foi, le problème on ne peut plus grave de la Foi, parce que ce sont les fondements mêmes de l’esprit qui sont ébranlés.
Et voilà encore une complication : puisque nier une vérité objective, nier l’exclusivité de la vérité n’est pas directement contre un dogme de la Foi, eh bien on ne peut pas affirmer clairement et nettement que ces gens ont nécessairement perdu la Foi. En adhérant à cette folie au niveau de la nature, ils n’ont pas nécessairement adhéré à une négation d’une vérité surnaturelle. Et cela complique beaucoup les choses ; nous ne pouvons pas dire comme cela que ces gens-là ont perdu la Foi ; Dieu seul le sait ! Arrive un moment où, comme un bon protestant, je dis « deux et deux font exclusivement cinq » ; à ce moment-là, la chose est nette et claire. Mais la confusion est bien pire que la netteté et la clarté des protestants « ancien style ». Nous avons affaire partout, – et non seulement dans l'Église – à des gens dont l’esprit flotte, et ils peuvent très facilement être sincères, attention ! Sincères et braves ! Qu’est ce que la sincérité ? La correspondance entre l’extérieur et l’intérieur. Mais si l’intérieur flotte, alors mon extérieur peut très bien adhérer aujourd’hui à une chose qui correspond à l’intérieur d’aujourd’hui, mais puisque l’intérieur flotte, puisqu’il est détaché de l’objet, de la vérité immuable, donc il est changeant. Si le lendemain l’intérieur flotte et l’extérieur flotte avec, il est tout aussi sincère demain qu’il l’a été aujourd’hui !
Combien sommes-nous à avoir fait l’expérience d’un prêtre de paroisse qui un jour est complètement d’accord avec moi, lorsque je parle de la Tradition ; et puis le lendemain, je sais qu’un moderniste acharné est allé le voir, et il a dit être complètement d’accord avec le moderniste aussi ! Il ne comprend plus le principe de non-contradiction : les plombs dans sa tête ont sauté !
Et comment veut-on raisonner avec ces gens-là, comment veut-on traiter des questions de la Foi avec ces gens-là ? On les aime, on leur veut tout le bien du monde, on veut qu’ils comprennent, et même plus, qu’ils se convertissent. Ils ont peut-être la Foi, Dieu le sait, mais Ô Ciel, Dieu seul peut démêler cette confusion-là ! Comme dit Macbeth « Confusion now hath made his masterpiece ». C’est aujourd’hui le chef d’oeuvre de la confusion, et elle augmente tous les jours, et le monde devient fou !

Application : Il y a comme cela deux dangers qui feront de moi ou un sédévacantiste ou un libéral. Si je dis (et ce serait normal de le dire) : « Ces gens-là sont sincères, ils sont braves, donc leur doctrine est bonne », je me trompe et je me fais libéral ; je suis leur doctrine et je me fais libéral. Si par contre je dis : « Ces gens ont une doctrine très mauvaise, donc ils ne sont pas sincères ni braves », je me trompe, parce qu’ils peuvent être sincères et braves !
Alors comment voir, et que leur doctrine est mauvaise, et qu’ils peuvent être sincères et braves ? Il faut comprendre le détachement de l’intelligence de son objet ; il faut comprendre le fond de Pascendi pour comprendre où nous en sommes. Et plus ils sont sincères et braves, plus ils peuvent être dangereux, objectivement parlant. Alors aujourd’hui, il faut constamment distinguer entre ce qui est objectif et subjectif. Dieu seul sait faire la part des choses dans chaque homme, mais nous, nous faisons ce que nous pouvons. Objectivement, ces Romains sont fous !, comme dit Astérix. Mais subjectivement, ils peuvent être braves. Ils ne sont pas nécessairement braves ; derrière, il y a un noyau dirigeant très méchant, qui sait pertinemment ce qu’il fait. Mais ce n’est pas le cas de tous ces Romains.
Alors sachons comprendre : si l’intelligence est détachée de son objet, il peut raisonner juste, mais à d’autres moments il peut raisonner faux, sans qu’il cesse peut-être d’être sincère et brave.
Et comme cela nous éviterons de dire, Ou : leur doctrine est mauvaise, donc ils sont méchants ; ou : ils sont braves, donc leur doctrine est bonne. Ce sont deux erreurs : leur doctrine est très mauvaise, parce que leur arithmétique est très mauvaise, mais néanmoins, parce qu’ils peuvent ne pas savoir ce qu’ils font, ils peuvent être sincères et braves, Dieu seul le sait !
En tout cas, ce que nous savons par la grâce de Dieu, c’est que « deux et deux font quatre », que la vérité est une, immuable, et surtout exclusive, exclusive de toute erreur. Il importe souverainement que nous en restions là, parce que c’est là ce qui est objectif, pour ne pas glisser dans le délire subjectif qui attire, où glisse tant de monde vers toujours plus de « deux et deux font cinq », et qui va attirer à la fin un déluge de feu, parce que, pour redresser cette situation-là, qu’est ce qu’il y a d’autre, sinon un déluge de feu ? Quelle autre solution est envisageable ? Les hommes sont plongés dans l’erreur, et avec l’erreur comme dit toujours saint Paul, va le péché. Dieu sait l’état de leurs consciences, mais si Notre-Dame dit (et apparemment c’est bien elle), si Notre-Dame dit qu’il va y avoir un déluge de feu si les hommes ne s’amendent pas et ne se repentent pas (depuis 1973 la plupart ne donnent aucune indication sérieuse de s’amender ni de se repentir), alors nous pouvons bien nous attendre – je ne sais pas à quelle échéance, Dieu le sait – à un déluge de feu, pire, bien pire que le déluge d’eau ! Mais tout aussi ravageur.

Autres applications : Observons bien, je l’ai déjà indiqué, qu’il s’agit d’une erreur au niveau de la nature, c’est le fonctionnement de l’intelligence naturelle qui glisse, et c’est tellement différent de la surnature qu’il est concevable que quelqu’un garde la Foi tout en adhérant à cette erreur dans le domaine de la philosophie. Tant que l’Eglise n’a pas défini, comme elle le fera sûrement quant elle sortira de cette crise, tant qu’elle n’a pas défini, avec toute la force de son autorité divine, ce qu’est cette erreur du phénoménisme agnostique par exemple, (Pie X a commencé, mais il faut mettre les points sur les « i »), tant que l’Église ne l’a pas fait, on n’est pas nécessairement hérétique à suivre ce système en philosophie.
Donc aujourd’hui mes chers amis, attention à la nature, c’est la nature aujourd’hui qui est faussée. Je crois l’avoir dit ici il y a douze ans, peut-être seize ans, que sais-je, en tout cas, cela n’a pas trouvé un bon accueil chez tous. On a pu dire « voilà du naturalisme », on peut le dire toujours, mais il me semble que l’ennemi attaque par là aujourd’hui. La surnature, il l’a plus ou moins faussée avec Vatican II, maintenant il s’attaque au sous-sol. Et le problème est dans le sous-sol ; à quoi bon un magnifique deuxième étage si le sous-sol est inondé ? Il nous faut descendre dans le sous-sol, dans la boue apportée par toute inondation, pour nettoyer la boue comme faisait saint Pie X, parce que c’est là qu’est le problème. On ne défend pas la forteresse là où l’ennemi n’attaque pas : aujourd’hui il faut être intelligent et savoir par où, en général, l’ennemi attaque.
Je vous donne un exemple que je donne toujours : la différence entre l’homme et la femme : c’est une question de nature. Mais si un prêtre dans le confessionnal ne comprend pas la différence profonde et naturelle donnée par Dieu, voulue par Dieu, et qui est un chef d’oeuvre de complémentarité très profond et magnifique, eh bien si un prêtre ne comprend pas cette différence, s’il s’est laissé contaminer par la propagande des francs-maçons, – cette propagande implacable de tous les jours de tous les médias – que les hommes et les femmes sont aussi interchangeables que les roues d’une voiture, eh bien si un prêtre ne comprend pas cela, comment va-t-il traiter avec les hommes et les femmes ? Comment va-t-il pouvoir aider les mariages, aider les familles ? Peut-être le comprend-il, mais ce n’est pas le monde moderne qui l’aide à comprendre cela, et ce n’est pas l’étude exclusive des grands mystères surnaturels de notre Foi qui va l’aider à comprendre cela. A la fin du XIXe siècle, Léon XIII a dû faire une encyclique sur la famille, ce qui n’était pas nécessaire auparavant ; les vérités naturelles de la famille allaient de soi, personne ne les mettait en question, mais à la fin du XIXe siècle elles étaient déjà bien ébranlées grâce à l’oeuvre des francs-maçons, des ennemis de Dieu, qui savent ce qu’ils font sans aucun doute (au moins ceux qui veulent aller en Enfer), mais à côté de ceux-là il peut y en avoir un bon nombre qui font l’oeuvre de la maçonnerie sans se rendre compte où cela va les mener.
Alors c’est la Nature qui est aujourd’hui attaquée : la nature est minée, la nature est subvertie, la nature est faussée, alors que la nature ne change pas : la nature des hommes et des femmes voulue par Dieu ne change pas. Mais selon toutes les apparences, selon toutes les fabrications de l’homme moderne, cela a changé. En Théologie morale nous apprenons tous que les hommes sont capables d’ébranler les principes secondaires de la théologie morale, mais pas les principes primaires. Par exemple : « Faites le bien, évitez le mal », cela on ne peut le faire sortir d’aucune tête, mais « ne pas voler », cela on peut le faire sortir des têtes en enseignant dès la jeunesse à des garçons que voler c’est bien ; pour le bien commun de quelque communauté que ce soit, on peut faire sauter ce principe « il ne faut pas voler ».
Alors cette falsification de la nature peut aller loin, avec la permission de Dieu, comme un juste châtiment de ce monde qui ne veut plus de Lui, et qui veut des fabrications humaines, des fabrications de la raison humaine à la place de la vérité objective donnée par Dieu.



Plusieurs applications pratiques

Voyons quelques applications pour notre vie de catholiques, si vous voulez.
D’abord ce manque de réalisme et ce manque de bon sens nous menacent tous. Peutêtre Dieu aidant avons-nous jusqu’ici gardé notre bon sens, mais il est menacé. Qu’est-ce que le bon sens ? C’est quelque chose de naturel, pas de surnaturel. Marcel de Corte dira que c’est le sens des réalités de l’intelligence, autrement dit, si vous voulez, l’embrayage entre l’intelligence et la réalité. L’intelligence peut très bien tourner, comme un moteur peut très bien tourner sans ce que rien n’arrive aux roues ! Entre les roues et le moteur il y a l’embrayage. Eh bien, le bon sens c’est l’embrayage entre l’intelligence naturelle et la réalité qui nous entoure.
Souvenez-vous, souvenons-nous qu’au moment de Vatican II, il y avait deux mille évêques qui tous avaient fait un bon séminaire, qui nombreux, sinon tous, avaient dans la tête les bons principes, par exemple du thomisme, et le thomisme est imparable, incomparable ; c’est comme je l’ai dit, la montée du bon sens au niveau technique ; au noyau du thomisme est le bon sens. Mais chez le grand nombre de ces évêques, le teilhardisme avait remplacé leur bon sens. À ce moment-là, à quoi servait leur thomisme ? Alors gardons le bon sens !
Il y a des années ici au séminaire, le Père Barrielle citait le Père Vallet disant : « Le bon sens ne perd jamais ses droits ». Dicton magnifique ; plus que jamais aujourd’hui, on a besoin du bon sens, et les catholiques ont besoin du bon sens ; il ne suffit pas aujourd’hui d’avoir une Foi magnifique, il faut encore ce bon sens pour la mettre en rapport avec cet environnement tel qu’on n’en a jamais eu dans toute l’histoire de l’humanité.
Ce monde d’aujourd’hui, j’imagine qu’on pourra le comparer seulement à ce qu’a été le monde juste avant le déluge au temps de Noé. Juste avant le déluge, Noé était isolé avec ses trois fils et leurs femmes ; tout le monde se moquait de lui, personne n’avait compris : comme dit Notre-Seigneur, « on naissait, on se mariait, on mourait comme d’habitude », comme si de rien n’était. Là encore, il aura fallu que le grand nombre des hommes aient passé à la fantaisie pour que, pour ainsi dire, le Bon Dieu n’ait rien eu d’autre à faire que de recommencer avec huit âmes seulement !
C’est la situation où nous nous trouvons aujourd’hui : méditons cette situation comme elle a dû être avant le Déluge parce que là nous avons la comparaison la plus exacte avec ce que nous vivons aujourd’hui. Seulement à ce moment-là, ils n’étaient pas encore apostats par rapport à Notre Seigneur Jésus-Christ ; aujourd’hui le monde entier, et surtout les catholiques, un bon nombre de catholiques sont effectivement (subjectivement ou objectivement, là encore, Dieu le sait), apostats de Notre Seigneur Jésus-Christ, et c’est bien plus grave ! Et c’est pour cela que le déluge sera bien plus grave que la première fois. Mais cela s’est passé une fois que l’humanité a pu tellement sombrer dans l’erreur et l’hérésie que le Bon Dieu a dû nettoyer. Et si cela s’est passé une fois, cela peut se passer une autre fois ; c’est arrivé, cela peut arriver de nouveau. Voilà pour l’irréalisme.

Ensuite, je l’ai déjà dit, la dénature ; c’est la nature qui est faussée et qui fait pour les catholiques de tout nouveaux problèmes. Nous avons des problèmes que les Pères de l’Église n’ont pas eu à affronter. Seulement quelques-uns de ces Pères avec une vision prophétique ont conçu ce que pourra être le monde à la fin, par exemple saint Paul dans la deuxième Épître à Timothée. Mais pour prévoir et analyser comment cela fonctionne, il faut de bonnes têtes modernes pour le faire. Et là, je me permets de recommander ce laïc, un professeur laïc, Marcel De Corte. Il a fini d’écrire en 1969. Là encore on a un esprit qui va au fond des choses et il a bien décrit à ce moment-là là la situation que nous vivons aujourd’hui.
De nouveaux problèmes, par exemple avec les jeunes. La nature humaine est toujours la même, mais les jeunes sont, d’une certaine façon, bien différents de ce qu’ils ont toujours été.
Et cela exige des familles…, le problème des familles, ah ! Trois choses, trois béatitudes, mes chers amis laïcs, pères et mères de famille, parents : Bienheureux ceux qui pleurent, car vous serez consolés. Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice et de vérité, car vous serez rassasiés. Bienheureux ceux qui sont persécutés à cause de moi, dit Notre Seigneur parce que vous voulez garder la foi dans un monde fou, et la persécution pour subtile et pour douce qu’elle soit, n’en est pas moins dangereuse. Alors bienheureux ! Élevez vos têtes, chers fidèles, parce que notre rédemption est proche. Ce n’est pas la rédemption de la fin du monde, je ne le crois pas. C’est la rédemption par – excusez-moi – par le déluge de feu. Cela s’approche.

Ensuite, le subjectivisme. Le subjectivisme nous guette tous. Dans ce monde l’anormal est devenu le normal, le normal devient anormal ; l’objectivité normale d’un esprit sain (s.a.i.n.) devient de jour en jour plus anormale. Et c’est le monde qui nous entoure, nous sommes des animaux sociaux, ne nous leurrons pas, nous sommes tous en contact, en échange – et en dépendance d’une certaine mesure – avec la société qui nous entoure ; dans le bureau, dans la vie, dans la compagnie, que sais-je, dans la paroisse et, surtout dans la vie quotidienne, on est entouré de gens qui se sont laissés “avaler” par la fantaisie. Un homme d’affaires en Belgique me disait il y a quelques mois : « Dans les affaires, aujourd’hui, ce qu’il faut surtout c’est savoir gérer les apparences. » Nous vivons dans un monde d’apparences. Or il faut garder le sens de la réalité. Si on suit le mouvement des apparences, on va à la rencontre au moins de déceptions qui pourraient ébranler la foi, parce que nous avons cru en un avenir qui chante, et puis cet avenir ne chante jamais. On nous a peut-être promis monts et merveilles, ces monts et merveilles n’arrivent jamais. C’en est à mettre ma foi en question. Non, ce n’est pas ma foi qui est dans l’erreur. C’est moi qui me suis laissé gagner dans une certaine mesure, – ne serait-ce que dans une petite mesure – par ce subjectivisme. Moi, mes idées, à côté de (mélangées avec et au-dessus de) la vérité objective, la réalité objective.
Alors, osé-je dire : méfions-nous de la dite “spiritualité”, parce qu’une saine, une bonne spiritualité, même du XVIIe siècle français, comme un bon repas dans un estomac malade, peut agir comme du poison. Une bonne spiritualité dans une nature atteinte par la modernité peut agir comme un poison. Et c’est pour cela qu’il faut s’occuper du sous-sol avant de construire un bellissime deuxième étage. Méfions-nous donc de cette notion moderne de spiritualité. Saint Augustin dit : « On est chrétien pour soi, prêtre pour les autres. » Donc la spiritualité des prêtres est pour les autres ; ce n’est pas pour la beauté de mon âme, ce n’est pas pour moi, c’est pour Dieu. Oublions-nous nous-mêmes et méfions-nous de la poursuite de nous-même dans ce qu’on appelle la spiritualité. La spiritualité est en soi une bonne chose ; aujourd’hui elle peut faire du mal. Je ne dis pas, évidemment, qu’elle fait nécessairement du mal. Mais au Moyen-âge, alors qu’il y avait tout de même des maux, les gens étaient bien plus naturellement, plus sainement chrétiens.

Méfions-nous de l’autoritarisme. Lorsque l’intelligence est atteinte par le subjectivisme et détachée de son objet et qu’elle ne fonctionne plus, la raison ne fonctionne plus, on se lance dans le volontarisme. Et dans la tentation ; et c’était bien le cas des conciliaires avant le deuxième concile du Vatican : « Pay, pray, and obey » « payez, priez (soyez surnaturels), et obéissez », c’est ce qu’on disait aux fidèles, et le reste, occuper. Ça ne marche plus aujourd’huivous n’avez pas à vous en , ça ne peut plus marcher. Ce sont les prêtres eux-mêmes qui ont détruit leur autorité et qui continuent de le faire en se lançant dans la fantaisie. C’est la réalité, c’est la vérité qui fait l’autorité et pas l’autorité qui fait la vérité. Aujourd’hui plus que jamais il faut comme saint Louis avec l’hérétique : raisonnez, raisonnez et puis percez avec le glaive.
Mais peut-être plus que saint Louis, il faut aujourd’hui raisonner, raisonner, raisonner parce que les têtes sont dans une telle confusion, elles ne comprennent plus le principe d’autorité.
L’autorité a été minée. Mgr Lefebvre a recréé l’autorité par la vérité. Je l’ai rarement entendu affirmer, faire valoir son autorité. Il avait bien sûr une autorité naturelle, mais cette autorité naturelle lui venait du fait qu’à chaque fois qu’il était consulté sur un problème difficile, après avoir écouté, il donnait la solution du bon sens. Il était un exemple vivant de bon sens. C’est ainsi qu’il a restauré l’autorité. Et nous-mêmes, chers confrères, notre autorité dépend dans une bonne mesure, oserais-je dire, non pas seulement de notre foi, mais aussi de notre bon sens. « Le bon sens ne perd jamais ses droits ! »

Et pour finir, l’hypocrisie. C’est un monde d’apparences. Comme le disait ce chantre des temps modernes, John Lennon : “Nothing is real, nothing is worth to worry about, strawberry fields for ever !” « Rien n’est réel, rien ne vaut la peine, des champs de fraises pour toujours ». Mais ces chantres rock ne sont pas tous fous. Cette pauvre jeunesse a affaire à un monde faux, un monde d’apparences, c’est ce que nous autres adultes nous leur avons légué ; c’est notre faute à nous autres adultes. N’empêche que les jeunes ont à manier ce pauvre monde et les meilleurs d’entre eux savent bien qu’il y a un problème. Beaucoup n’ont pas les instruments, les outils pour discerner où est le problème. Bien sûr, s’ils cherchaient où est la vérité et ne cessaient pas de la chercher, ils finiraient par la trouver, sans aucun doute. Dieu ne permet pas que quelqu’un qui cherche la vérité ne la trouve pas, à condition qu’on soit fidèle et qu’on persévère dans la poursuite de la vérité. Mais à ces pauvres jeunes, qui leur dit la vérité aujourd’hui ? Même les hommes d’Église leur mentent, objectivement, au moins. Lorsque les hommes d’Église leur mentent objectivement, comment voulez-vous qu’ils gardent la tête ? Nous les élevons dans une bonne famille, mais ils sont entourés et attirés par toutes les séductions de ce monde électronique et fantaisiste qui les entoure et qui leur donne l’idée que tout le monde est libre, nous jouissons comme jamais de la liberté, l’humanité est dans un état non pas terrible mais magnifique.
Alors, l’hypocrisie est la grande tentation depuis 500 ans, si l’on y pense. Parce que, en voulant descendre de la chrétienté, les premiers siècles après Notre Seigneur Jésus-Christ ont monté pour établir la chrétienté. La chrétienté a été présente mille ans, mais à partir de Luther elle décline. Pour descendre, il faut reconnaître ce qu’a été la chrétienté, et à partir de ce moment-là, il faut faire semblant d’être chrétien.
Dès lors s’enchaîne une série de systèmes hypocrites. Ce sera le protestantisme, le jansénisme, le libéralisme, le communisme, le modernisme, le néo-modernisme…, et maintenant le danger serait pour le traditionalisme lui-même de devenir hypocrite. Oui, vous mes semblables, mes frères – comme dit Baudelaire – vous et moi, nous sommes tous menacés, guettés par l’hypocrisie, c’est-à-dire la tentation d’établir une religion, une tradition d’apparence plutôt qu’une tradition de substance. Veillons à la réalité, veillons à la substance, et ne nous laissons pas gagner par ce pauvre monde qui nous entoure.

Finalement, voici une consigne naturelle et une consigne surnaturelle.
Une consigne naturelle : Je fais appel à Virgile pour suggérer à quel point le problème d’aujourd’hui est quand même naturel aussi bien que surnaturel.
Dans le deuxième livre de l’Énéide, le fantôme d’Hector, le héros tué par Achille, paraît en songe à Énée au moment où Troie est en train d’être envahie par les Grecs ; Hector avertit Énée qu’il ne faut pas rester mais qu’il doit fuir : « Hélas, fuis et arrache-toi à ces flammes ; l’ennemi possède les murailles [Les modernistes possèdent Rome, possèdent le mécanisme de l'Église]. Troie tombe de sa grande hauteur, [Rome tombe de sa grande hauteur, démolie, subvertie par les ennemis de Dieu]. On a fait assez pour le Roi de Troie et pour la Patrie [Nous avons essayé, surtout Mgr Lefebvre, de venir en aide aux modernistes, ils n’ont pas voulu]. Si Troie avait pu être défendue par un bras droit, elle l’aurait été par le bras d’Hector. Mais il fut tué par Achille ; c’était la volonté des dieux (des faux dieux, mais Achille au moins n’était pas apostat). Troie te confie à toi, Énée, ses choses sacrées et ses dieux des foyers. [Dieu nous confie à nous, les pauvres de la dite Tradition, il confie à ce pauvre reste les sacrements, choses sacrées de Dieu, et les saints de Dieu, et les intérêts de Dieu lui-même nous sont confiés]. Prends ceci [les sacrements] et les dieux [les saints du catholicisme] comme compagnons de ton destin.
La majesté de Virgile, la noblesse de Virgile ! Il y a une noblesse naturelle que le catholicisme seul peut restaurer. Il faut s’occuper de cette nature assiégée et la reconstruire et lui rendre sa noblesse. Avec les choses sacrées de Troie, cherche les grandes murailles que tu vas relever dans un autre endroit [les murailles de Rome]. Virgile était providentiellement conscient de la grande mission de la Rome païenne. Et nous, à combien plus forte raison, sommes-nous conscients de notre grande mission de sauver la Rome surnaturelle, de sauver la foi, de sauver la vérité objective, de sauver la nature humaine ? Cherche les grandes murailles que tu vas relever après avoir longtemps voyagé sur les mers. Enée dut voyager sept années sur les mers avec quantité d’aventures et de difficultés ; nous autres, dans la Tradition, cela fait maintenant presque quarante années que nous voyageons, et c’est loin d’être fini. Alors, laissons-nous inspirer par cette vision de Virgile donc toute naturelle, mais combien sage et providentielle, et l’on peut dire, inspirée à son niveau. Et nous avons à accomplir une mission semblable à celle d’Énée : reconstituer les murailles de Rome après avoir longtemps voyagé sur les mers.

Et finalement la consigne purement surnaturelle. Ici je reviens à Notre Dame d’Akita, mes très chers amis, le Rosaire. Si j’avais un conseil à offrir à qui le voudrait, comment garder le sens de la réalité dans cette tourmente, dans cette fantaisie qui risque de nous engloutir tous, ce serait bien le Rosaire. Notre Dame le dit, non seulement à Akita, mais à plusieurs autres endroits. Je ne sais pas, ma petitesse ne comprend pas pourquoi c’est le Rosaire qui sauve le sens de la réalité, mais je pense le constater. Donc très chers confrères, chers diacres en particulier, elle dit – la traduction en français, je ne sais pas en japonais original – elle dit : le « Rosaire » et pas le chapelet. Beaucoup nous sommes capables de prier une moyenne de quinze mystères par jour et pas seulement cinq. Faisons cela si nous le pouvons parce que le monde en a éperdument besoin. Combien de pauvres gens qui ne savent pas prier, qui ne savent pas prier pour eux-mêmes !
Notre Dame l’a dit aux enfants de Fatima : « Priez pour les pauvres pécheurs qui tombent en enfer, parce que personne ne prie pour eux ». À vous et à moi, mes chers amis, Dieu nous a donné la foi. Eh bien ! Il nous incombe à nous de prier pour des milliards de pauvres hommes qui sont actuellement dans une confusion extrême.
Mais ayons confiance ! Notre Dame a le Démon sous ses pieds. Et ce n’est pas Elle qui se laissera vaincre.
Il suffit que nous recourions à Elle. Et Elle mettra le Démon aussi sous nos pieds, pour autant que nous lui restions attachés.



Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.