26 janvier 2009





L’unité de l’Eglise catholique, mais à quel prix?
26 janvier 2009 - Patricia Briel - letemps.ch
Une réintégration sans concession. C’est bien ce que semble avoir obtenu la Fraternité Saint-Pie X à l’issue d’un long combat mené au nom de la Tradition. Samedi, Benoît XVI a annulé l’excommunication des quatre évêques ordonnés par Mgr Le­febvre en 1988, sans que ceux-ci aient cédé un pouce de leurs revendications. Rome a plié le genou devant Ecône. Le pape a fini par accepter les deux préalables posés par la Fraternité pour la poursuite des négociations: libéralisation de la messe tridentine et levée de l’excommunication. Ira-t-il jusqu’à adopter les vues des partisans de Mgr Le­febvre sur l’œcuménisme et la liberté de religion? Les intégristes n’ont jamais caché leur rejet du Concile Vatican II. Et rien n’indique qu’ils sont prêts à évoluer sur ce sujet. Dans une lettre aux fidèles datée du 24 janvier, Mgr Bernard Fellay, supérieur de la Fraternité, a réitéré la position des lefebvristes: «Nous acceptons et faisons nôtres tous les conciles jusqu’à Vatican II au sujet duquel nous émettons des réserves.» L’Eglise catholique aspire à la réalisation de l’unité. Que Be­noît XVI ait cherché à résorber le schisme n’est donc pas étonnant. Sa démarche est légitime. Mais son empressement à vouloir réintégrer les lefebvristes donne des signaux inquiétants, et risque de créer ou d’approfondir d’autres divisions. A l’intérieur du catholicisme, d’abord. Le pape s’est montré «paternellement sensible au malaise spirituel» éprouvé par les évêques intégristes, dit le décret. Les catholiques progressistes, dont le malaise grandit tous les jours, aimeraient sans doute aussi bénéficier de la sensibilité paternelle de Benoît XVI concernant leurs revendications: l’accès des divorcés-remariés à la communion, l’ordination d’hommes mariés, et l’assouplissement du célibat des prêtres.
Division avec les Juifs ensuite. Le décret a été publié peu après la diffusion de propos négationnistes par l’un des évêques d’Ecône. On a beau savoir que l’Eglise condamne l’antisémitisme, le maintien de la publication du décret dans un contexte tendu est pour le moins mal­adroit.
Division avec les autres confessions chrétiennes enfin. Pour les adeptes de la Fraternité, l’œcuménisme est à sens unique. Le fait que le pape ait renoncé à exiger leur adhésion pleine et entière au Concile Vatican II peut être interprété comme un mauvais signe par les orthodoxes et les protestants.
Le prix à payer pour retrouver l’unité avec Ecône, qui représente 150. 000 fidèles, n’est-il pas trop élevé?