9 juillet 2007





La messe en latin sort du purgatoire
9 juillet 2007 - Catherine Coroller - liberation.fr
Le pape donne satisfaction aux intégristes. Mais le contenu du missel de 1962 provoque un tollé. «C ’est un grand jour, merci, merci, merci», triomphe Danielle V. sur le Forum catholique, site Internet traditionaliste. Samedi, événement dans l’histoire de l’église catholique, le pape Benoît XVI a publié un motu proprio (décret) libéralisant la célébration de la messe selon le rite de Saint-Pie V (en latin, le prêtre dos aux fidèles), encore appelé rite tridentin. Une bonne nouvelle pour les intégristes,. Une moins bonne pour les évêques français qui ont tenté en vain de contrecarrer l’initiative papale.
Depuis le concile Vatican II (1959-1965), en effet, la messe en latin était soumise à autorisation expresse de l’évêque, la célébration en langue vernaculaire devenant la règle. Désormais, les deux devront cohabiter au sein d’une même paroisse, les fidèles pouvant demander que messe, baptêmes et mariages soient célébrés selon l’ancien rite. Reste que la décision de Benoît XVI pose question. «Pourquoi ce texte aujourd’hui ? Dans un but de réconciliation entre les catholiques», répond le cardinal Jean-Pierre Ricard, président de la Conférence des évêques de France.
Benoît XVI s’est fixé pour objectif de faire rentrer les intégristes dans le giron de l’Eglise. Particulièrement visée, la Fraternité Saint-Pie  X, hostile aux ­innovations du concile Vatican II. En 1988, son fondateur, l’évêque Marcel Lefebvre, ­ordonne quatre évêques sans l’accord du Vatican, provoquant un schisme aussitôt sanctionné d’excommunication par Jean Paul II. «Benoît XVI est un théologien. Il sait combien les schismes ont été des plaies ouvertes au flanc de l’église», précise Jean-Pierre Ricard.
Cette libéralisation du rite tridentin est donc un geste envers les courants les plus réactionnaires de l’Eglise catholique. Certains, comme l’abbé Philippe Laguérie, ex-figure de proue de la Fraternité Saint-Pie X, ont saisi la perche et rejoint Rome. D’autres font monter les enchères. Suite à la publication du motu proprio, Bernard Fellay, supérieur de la Fraternité Saint-Pie X, s’est «réjoui de voir l’Eglise retrouver ainsi sa tradition liturgique», mais a jugé que «des difficultés subsistent encore». Son courant s’oppose notamment à l’une des principales avancées de Vatican II, l’ouverture vers l’ «œcuménisme qui établit en fait [selon lui] l’égalité des religions».
Une autre question se pose : comment les autres catholiques vont-ils vivre cette main tendue aux intégristes ? Le cardinal Ricard reconnaît qu’existent entre traditionalistes et modernistes des «antagonismes», des «rivalités», des «positions qui s’excluent». «Il va y avoir des grumeaux dans la pâte», plaisante-t-il. D’après Jean-Pierre Ricard, Benoît XVI, lui, est confiant : «Le pape pense qu’il n’y aura pas de déferlante, de tsunami», en clair, que les demandes de messes traditionnelles resteront marginales.
Le motu proprio fait d’autres mécontents. Pour suivre les célébrations, les traditionalistes utilisent un missel promulgué par Jean XXIII en 1962. Trois ans plus tôt, ce pape avait supprimé des notations déjà jugées outrageuses, comme celles accusant les Juifs de «perfidie». Mais d’autres sont restées. Ainsi, la prière du Vendredi saint, évoquant «les hérétiques et les schismatiques» (les protestants et orthodoxes), et invitant l’assistance à intercéder «pour les Juifs, afin que Dieu notre Seigneur enlève le voile qui couvre leurs cœurs». Deux pages plus loin, les Juifs sont qualifiés de «peuple aveugle». Samedi, des organisations juives, dont l’Anti-Defamation League, basée aux Etats-Unis, ont jugé ces termes «durs» et «insultants». Jean-Pierre Ricard répond que «les formes liturgiques ne sont pas des pièces de musée : si on se rend compte qu’il y a tel ou tel point dans cette forme-là, qui aujourd’hui fait difficulté, il faut peut-être le modifier».