16 février 2009





Retour sur une crise dans l'Église
16 février 2009 - Jean-François Bouthors - éditorial - ouest-france.fr
Avec le recul, il est utile de revenir sur la crise qui a secoué l'Église catholique, avec le décret levant l'excommunication des quatre évêques lefebvristes, au moment où l'un d'eux, Mgr Williamson, tenait des propos négationnistes. La position du pape a été clarifiée depuis et ne laisse aucun doute sur le fait que la réintégration de Mgr Williamson ne pourra se faire tant qu'il maintiendra ses positions. Or, il ne semble pas disposé à bouger.

Ce n'est pas le seul résultat de la « faute » - comme l'a dit le cardinal Schönborn, réputé proche de Benoit XVI - commise au Vatican. La mobilisation de l'opinion publique catholique, jusqu'à l'intervention déterminée - une première - de la chancelière allemande, Angela Merkel, démocrate-chrétienne, a déplacé les lignes. On a vu, en effet, fait rarissime, des évêques, notamment français, dire publiquement leur désaccord. Certains y ont mis les formes, ménageant le pape ; d'autres, notamment les cardinaux autrichien Schönborn et allemand Lehman, ont été plus directs.

À Rome, le cardinal Kasper, président du Conseil pontifical pour l'unité des chrétiens, a sévèrement mis en cause le fonctionnement de la Curie. Non seulement ces évêques s'étonnaient vigoureusement du fait que le pape n'ait pas été informé des opinions de Mgr Williamson, ni du double langage des responsables de la fraternité Saint-Pie X à l'égard du Concile Vatican II, mais aussi ils condamnaient à mots à peine couverts le cavalier seul de Mgr Castrillon Hoyos, en charge du dossier à Rome.

Si les évêques, généralement peu enclins à exprimer des différends sur la place publique, sont montés au créneau, c'est aussi parce qu'ils ont senti le « sens commun » du peuple chrétien, et pensé que celui-ci n'avait pas tort.

Fait marquant : c'est la « collégialité », principe de gouvernement de l'Église proclamé fortement par Vatican II et refusé par Mgr Lefebvre, qui s'est imposée. Parce que les évêques ont eu le courage de la vouloir, et d'une certaine façon de la faire entendre, alors qu'elle avait été mise à mal, ignorée par le pape et bafouée par une partie de la Curie.

Sur un tel dossier, l'Église de France s'était trouvée mise sur la touche et, plus d'une fois, placée devant le fait accompli. Jusqu'alors, l'Épiscopat avait surtout tendu le dos et demandé aux fidèles de faire contre mauvaise fortune bon coeur. Mais certains des évêques français, et non des moindres, s'en désolaient en privé, en pensant à ce dossier comme à d'autres. Il n'en ira plus de même, car un seuil a été franchi.

Une inhibition a été levée : les évêques ont su dire publiquement qu'ils voulaient avoir voix au chapitre sur les questions essentielles, et le pape pourra difficilement l'ignorer. L'histoire récente de l'Église montre que celle-ci a toujours souffert des orientations prises hors de la collégialité. L'exemple majeur est celui de l'encyclique Humanae Vitae (1968) sur le mariage et la régulation des naissances, écrite à rebours des conclusions des travaux des évêques sur le sujet. Elle a suscité une incompréhension majeure dans le peuple chrétien et au-delà, et laissé l'impression que l'Église s'enfermait dans un dogmatisme coupé des réalités humaines.

Autrement dit, près d'un demi-siècle après Vatican II, l'Église fait encore l'apprentissage de ce qu'elle proclamait alors : le fait que son autorité repose sur la communion des évêques, pape compris. Ce qui vient de se passer le rappelle avec force.



(*) Éditeur et écrivain.

Jean-François Bouthors (*)