15 mai 2001

Les négociations avec Rome : les conciliaires refusent de libérer la Messe de la Tradition.
Abbé Dominique De Vriendt, Éditorial de "Communicantes" (FSSPX, Canada), mai 2001
Depuis les Sacres épiscopaux de 1988, cette historique « opération survie » qui donna à la Fraternité Saint-Pie X et à l’Église quatre évêques qui ne compromettraient pas avec le modernisme, la politique de Rome avait été celle du silence et de l’ostracisme : reléguer les oeuvres de la Tradition dans l’oubli derrière la muraille d’une soi-disant « excommunication ». Or, depuis le mois de décembre dernier, la Fraternité s’est trouvée soudainement à l’avant plan de l’actualité : même les médias officiels de l’Église conciliaire comme La Croix de Paris, ont été obligés d’en parler : Rome et la Fraternité seraient sur le point de signer un accord! Espoir fou chez les uns, scepticisme presque cynique chez d’autres. Trois mois plus tard, la veille du jour de Pâques, la Fraternité, qui avait posé deux préalables essentiels à toute négociation (voir ci-dessous l’article de l’abbé Laguérie), reçoit enfin une réponse écrite de Rome qui met fin, sine die, au processus entamé. Rome, qui en la personne du cardinal Castrillon Hoyos, préfet de la commission Ecclesia Dei et de la congrégation du Clergé, s’était d’abord montrée favorable à l’idée, fait maintenant marche arrière et refuse de libérer la messe de la Tradition, c.a.d. refuse de déclarer publiquement le droit de tout prêtre de célébrer selon la messe de la Tradition.
L’article de l’abbé Laguérie, dont nous reproduisons ci-dessous de larges extraits, vous donne une bonne synthèse des événements.
Certains se diront : pourquoi parler de cela, pourquoi perdre notre temps à commenter l’éphémère, le jeu vain et trompeur des tractations de la politique vaticane ? Nous répondons : parce que le rayonnement, et même la survie de la Fraternité sont en jeu. Parce que le bien de l’Église entière est en jeu. Pour le comprendre, nous devons laisser de côté les rumeurs, les interprétations biaisées, tous les racontars que l’on trouve sur l’Internet; nous devons nous élever au-dessus des passions. Ce qui importe, ce sont les principes, les lignes directrices, les intentions profondes. Du côté de la Fraternité, ceux-ci sont absolument clairs et n’ont pas changé. Mgr Bernard Fellay, notre Supérieur général, les expose très clairement dans le numéro 68 de Cor Unum, qu’il nous autorise à reproduire partiellement ci-dessus :
            1- D’une part, il n’est pas question pour la Fraternité de céder sur l’essentiel : c’est le trésor de l’Église, le fondement de la vie de la Foi
            2- D’autre part, nous ne devons pas rejeter a priori la possibilité d’une grâce de conversion à Rome. Car, même occupée par la secte moderniste, Rome reste la tête visible de l’Église : il n’y aura pas de fin à cette crise terrible de l’Église sans le retour de Rome à la Tradition.
Certains parmi nous se sont demandés si la Fraternité n’avait pas été trop exigeante. Devant de si généreuses propositions de Rome (voir article de l’abbé Laguérie), n’était-il pas inconvenant voire arrogant d’oser même présenter des conditions ?
Non, les demandes de la Fraternité ne sont nullement excessives. Elles sont sages et nécessaires, géniales même, comme certains l’ont dit. Mgr Fellay l’explique très bien : « Vu les contradictions romaines, il était nécessaire de demander à Rome un acte concret par lequel elle montrerait à tous qu’elle fait un geste vrai en faveur de la Tradition. De plus, si nous avions des accords avec Rome, il serait absolument nécessaire d’avoir l’assurance de la pérennité du rite que nous célébrons. Or la proclamation officielle de la non abrogation du rite tridentin empêcherait Rome de ‘supprimer’ la messe de St. Pie V pendant au moins des années sinon définitivement. Les bienfaits d’une telle mesure seraient immenses pour toute l’Église. Justice serait enfin faite. Cela permettrait aussi de tester la bonne volonté de Rome envers nous : car s’ils sont prêts à endosser les problèmes qui surgiront nécessairement au niveau des évêques avec la réintroduction de l’ancienne messe, alors nous pouvons penser qu’ils sont peut-être prêts à assumer aussi les contradictions et les objections qui s’élèveront lors de notre arrivée. Il est inutile de mentionner la facilité accrue avec laquelle les prêtres qui le désirent, mais qui n’osent pas, pourront célébrer à nouveau l’ancienne messe » (Cor Unum No. 68).
Et comme le dit l’abbé Laurençon dans la Lettre à nos Frères Prêtres, no.9 – mars 2001 : «... à l’heure où, de manière quasi officielle, on reconnaît combien fut abusive et délétère l’interdiction du missel tridentin (Cardinal Ratzinger, Ma Vie, p. 132); à l’heure où l’on estime de plus en plus ouvertement que ‘la crise de l’Église actuelle repose largement sur la désintégration de la liturgie’ (id), (...) il n’est pas incongru de lever l’interdiction abusive et infamante qui pèse sur un missel millénaire dont la sûreté doctrinale et l’efficacité salutaire ne sont plus à redire ».
La présentation par la Fraternité, le 19 février dernier, du livre Le problème de la réforme liturgique au cardinal Castrillon Hoyos, précédé d’une ‘Adresse au Saint-Père’ signée par Mgr Fellay, a montré, par les réactions hostiles de plusieurs cardinaux, dont Mgr Eyt, archevêque de Bordeaux, et même le cardinal Ratzinger, que nos interlocuteurs ne comprennent pas, ou font semblant de ne pas comprendre que le problème est d’abord doctrinal, et non pas simplement disciplinaire, ou ‘de sensibilité’, comme le prétend le cardinal Medina (Présent, 10 mars 2001, Paris).
Cette étude reprend les conclusions du ‘Bref Examen Critique’ présenté en 1970 au pape Paul VI par les cardinaux Ottaviani et Bacci, et les complète par une analyse de la théologie nouvelle du mystère pascal sous-jacente à la nouvelle messe.
Dans le journal parisien La Croix du 27 mars 2001, le cardinal Eyt réduit cette étude à une « attristante caricature de la théologie catholique de l’Eucharistie ». Or il s’agit, écrit l’abbé de la Rocque, dans une lettre publiée par La Croix du 11 avril, « d’un document profondément enraciné dans l’enseignement du Concile de Trente, qui analyse patiemment le Concile Vatican II, le Catéchisme de Église catholique, et les plus grandes encycliques de Jean-Paul II ». D’ailleurs, le cardinal se contredit un peu plus loin lorsqu’il reconnaît qu’il s’agit bien de la « doctrine énoncée sur l’Eucharistie par Paul VI et Jean-Paul II ».
« La question soulevée par ce document est de taille, continue l’abbé de La Rocque, parce qu’elle touche au cœur de la vie ecclésiale, parce qu’elle met en jeu la Rédemption opérée par le Christ. Parce que, peut-être aussi, elle est une clef explicative de la situation difficile que l’Église traverse aujourd’hui ».
Le communiqué de Mgr Eyt montre que les forces occultes qui, depuis un demi-siècle, se sont acharnées à jeter bas la forteresse de l’Église et à l’ouvrir aux erreurs modernes, ne vont pas sans réagir laisser se reconstituer ce rempart de la foi traditionnelle qu’est la messe tridentine. Avec une mauvaise foi sans vergogne, les autorités, comme Mgr Eyt, et même le cardinal Ratzinger, font retomber sur la Fraternité la faute de l’impasse actuelle. « La Fraternité est trop repliée sur elle-même » affirme le cardinal allemand, dans le journal italien Il Giornale, 3 avril 2001. Alors que les récents événements ont justement montré le contraire : c’est parce qu’elle a le souci du bien de l’Église, et de la conversion de ses chefs, que la Fraternité a discuté avec Rome. Cela confirme le jugement que Mgr Lefebvre portait en 1988 : « on n’a pas affaire à des gens honnêtes » ! C’est pourquoi la Fraternité a raison d’une part de tenir à ce préalable absolu de la pleine liberté pour la messe traditionnelle, et d’autre part de lancer le débat doctrinal sur le fond. Sur ce point, la publicité et la diffusion de l’étude Le problème de la réforme liturgique, fait marquer des points pour le retour de Rome à la Tradition. Plus que jamais, nous devons prier pour cela.
Nous présenterons dans notre prochain numéro cette étude capitale pour comprendre la nocivité doctrinale de la nouvelle messe. Pour l’instant, nous vous invitons à lire les commentaires suivants qui éclairent les récents événements :
- Le mot du Supérieur Général, extraits du Cor Unum No. 68 – février 2001
- Le pape, la messe, la paix, par M. l’abbé Philippe Laguérie
- Dans la crise de l’Église.... par M. l’abbé Michel Simoulin
- Entretien avec Mgr Bernard Fellay, extraits, Fideliter No. 140 – mars-avril 20