27 mars 2001

Les lefebvristes semblent hostiles à un rapprochement avec Rome, suivi d'une déclaration du cardinal Eyt
Isabelle de Gaulmyn, La Croix, 27 mars 2001
POLEMIQUE Dimanche, la messe à Saint-Nicolas du Chardonnet a été l'occasion pour la paroisse intégriste d'exprimer sa réticence au processus en cours avec le Vatican
" Prudence et inquiétude. " C'est l'attitude qui dominait, dimanche, sur le parvis de Saint-Nicolas du Chardonnet, concernant les pourparlers en cours entre les lefebvristes et Rome (lire La Croix du 21 mars). Même ton dans l'homélie de Mgr Bernard Tissier de Mallerais, l'un des quatre évêques schismatiques ordonnés par le fondateur de la Fraternité Saint-Pie-X, venu dimanche célébrer une messe dans la paroisse parisienne intégriste pour le dixième anniversaire de la mort du fondateur d'Ecône.
Rome doit faire " repentance " pour la rencontre d'Assise
En s' appuyant sur le souvenir de Mgr Lefébvre, l'évêque s'est attaché, tout au long de son homélie, à montrer la distance qui persiste entre la Fraternité Saint-Pie-X et Rome : " Nous ne sommes pas de ceux qui se figurent que, d'ici à quelques mois, quelques années, tout sera réglé ", explique Mgr Tissier de Mallerais. Car, poursuit-il : " Il ne suffit pas qu'ils (les responsables romains) nous donnent la messe. Ils doivent aussi l'accepter de grand coeur." En clair, les intégristes ne se contenteront pas de la simple reconnaissance de la messe selon le rite institué par Pie V : " Ils doivent comprendre, à Rome, qu'ils ne peuvent garder la nouvelle messe ", une messe " oecuménique, ambigüe, protestantisée, d'inspiration maçonnique ", qui " confond le sacerdoce commun des fidèles, et le sacerdoce hiérarchique du prêtre ". Il faut que Rome reprenne à son compte ce combat-là, explique en substance Mgr Tissier de Mallerais.
La liturgie actuelle, selon le rite promulgué par Paul VI, n'est pas la seule pierre d'achoppement aux yeux des intégristes. Pour Mgr Tissier de Mallerais, le pouvoir du Successeur de Pierre est de " transmettre fidèlement le dépôt de la foi, et non de découvrir une doctrine nouvelle " comme, par exemple, l'oecuménisme ou la liberté religieuse. Sur ces sujets, les lefebvristes invitent Rome à se " convertir ". Plus encore : " Le Pape doit fait une repentance ", notamment pour la rencontre interreligieuse d'Assise.
Mgr Tissier de Mallerais refuse pourtant de fermer totalement la porte : " Il y a quelques petits signes d'un retour de Rome à Rome, remercions Dieu. "
Mais la prudence domine parmi les fidèles venus très nombreux ce dimanche. "Nous n'allons pas abandonner trente années de combat", souligne cet homme d'âge mûr en sortant. Plus loin, pourtant, une dame note que, rapprochements ou non, de toute façon, elle-même ne s'est "jamais sentie en dehors de l'Église catholique", malgré "cette étiquette de schismatiques dont on voudrait bien nous affubler".
Isabelle de GAULMYN

Le cardinal Pierre Eyt : "Tout n'est pas négociable"
Voici ce que nous écrit l'archevêque de Bordeaux, expliquant sa prudence à l'égard du rapprochement de Rome et des lefebvristes : " Dans " La Lettre à nos frères prêtres " (NDLR : bulletin de la Fraternité Saint-Pie-X, numéro de mars 2001), (...) des " théologiens lefebvristes " se livrent à (une) attristante caricature de la théologie catholique de l'Eucharistie. Il ne s'agit pas moins que de contester radicalement la doctrine énoncée sur l'Eucharistie par Paul VI et Jean-Paul II. (...) Comment pourrions-nous accepter que d'autres catholiques puissent dire d'une théologie aussi autorisée " qu'ils découvrent avec effroi qu'elle est condamnable et partiellement condamnée par le Magistère authentique de l'Église" ? Ce sont hélas ! des propos de cette sorte que nous tiennent certains évêques et prêtres de la Fraternité Saint-Pie-X au moment où ils nous disent aspirer à " se raprocher " de l'Église catholique. De telles différences doctrinales, liturgiques, sacramentelles, institutionnelles, de telles oppositions, non seulement sur le "Mystère pascal" mais sur tant d'autres éléments de la foi, peuvent-elles être surmontées sans examen approfondi et sans délai suffisant ? Pour le moment et concemant ces problèmes, nous sommes nombreux à voir sur cette route davantage d'obstacles que d'ouvertures.