7 novembre 2006

La Lettre de Paix liturgique
Numéro 59 – 7 novembre 2006 - contact@paixliturgique.com
POURQUOI CETTE HAINE ?
Depuis que les rumeurs d’une possible libéralisation de la liturgie traditionnelle se sont fait jour, on assiste à une nouvelle, mais non moins incroyable, campagne de haine envers les fidèles attachés à cette vénérable liturgie. Parallèlement, chaque jour, notre Saint-Père Benoît XVI fait l’objet de pressions lamentables pour que son désir de paix liturgique échoue.

Pour cela, tous les moyens sont bons, on ressort les vieux épouvantails qui ne signifient plus rien dans l’Eglise d’aujourd’hui sauf peut être chez ceux qui n’ont pas su évoluer et en sont restés aux années 70… Ainsi, on parle de « guerre du latin », de « retour en arrière », de « remise en cause du Concile Vatican II », « d’atteinte à l’unité de l’Eglise » quand on n’utilise pas carrément les amalgames les plus ignobles : « extrême droite », « action française »...

Contre les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle tous les coups seraient-ils permis ? Affirmations mensongères, procès d’intention, humiliations, moqueries, caricatures… pourquoi se gêner envers ceux qui, de toute façon, dans les faits, à de rares exceptions près, sont traités depuis quarante ans par leurs propres évêques comme des chrétiens de seconde catégorie ? D’ailleurs comment peuvent-ils se défendre ? Ils n’ont pas accès aux media, on ne les interroge pas et quand par miracle un journaliste les interroge comme dans La Croix à propos du diocèse de Reims c’est pour ne laisser de l’entretien que des bribes qui déforment la pensée réelle des personnes interrogées.

Pourquoi tant de méchanceté ? Pourquoi cette peur d’une telle décision du Saint-Père ?

Rappelons qu’il s’agirait simplement d’instaurer la liberté de choisir entre l’une ou l’autre forme du missel romain sans aucune obligation faite à qui que ce soit ; et rappelons que partout on ne cesse de dire que cette liturgie n’intéresse personne, ne regroupe que des personnes âgées et nostalgiques, est un vestige rétrograde du passé, que ses fidèles sont en voie de disparition, que c’est un problème mineur… alors donc pourquoi toute cette agitation ?


L’article paru dans le Monde en date du 3 novembre dernier nous semble révélateur de ce climat détestable. En voici quelques extraits :
Le retour à la "guerre du latin", par Henri Tincq
LE MONDE du  03.11.06
Une nouvelle crise couve au sein de l'Eglise catholique, dont les prémices se font déjà sentir en France. La "guerre du latin" est de retour. On croit rêver, revenir quarante ans en arrière, quand, après le concile Vatican II (1962-1965), partisans et adversaires de la nouvelle liturgie en venaient presque aux poings. Quand Mgr Lefebvre, évêque rebelle, tonnait contre la messe " moderniste", qui trahissait, selon lui, la plus ancienne tradition de l'Eglise.

Le christianisme est aux prises avec des défis d'une ampleur jamais égalée : l'érosion de la foi dans la vieille Europe laïcisée, la montée du "relativisme" des valeurs et des pratiques, la cohabitation avec un islam tenté par le radicalisme. Et, pourtant, l'Eglise catholique ne craint pas de disperser son énergie dans une querelle de rites qui semble d'un autre âge, mais recouvre des controverses autrement plus graves.

A peine sorti d'une désastreuse polémique avec le monde musulman, Benoît XVI serait à la veille de prendre une initiative qui, déjà, suscite des expressions scandalisées et des pressions de toute nature. Un motu proprio - décision personnelle du pape - devrait "libéraliser" la messe selon le rite ancien de l'Eglise (en latin et dos du célébrant tourné au public), dit rite "tridentin" (datant du concile de Trente, 1545-1563). 
(...)
Les deux camps sont déjà en place pour une bataille qui s'annonce frontale : celui des "traditionalistes", ultraminoritaires mais revanchards, héritiers de l'" intransigeantisme" catholique du XIXe siècle, qui aujourd'hui triomphent, obtiennent tout ce qu'ils réclament depuis quarante ans et s'approprient ce pape conservateur dont ils ont accueilli l'élection en 2005 comme une bénédiction. Puis le camp des catholiques dits " de progrès", qui craignent des pressions intégristes répétées sur le clergé local, le retour à des polémiques stériles et la création d'une sorte d'Eglise parallèle.
(...) 
C'est l'héritage de Vatican II qui est menacé : un concile qui a rajeuni le catholicisme, l'a ouvert à la modernité, l'a rapproché des hommes de son temps, a reconnu leur liberté de conscience et de religion, a exploré toutes les voies d'un dialogue avec les athées, avec les "frères" chrétiens séparés et les non-chrétiens, juifs, musulmans. Depuis quarante ans, le vent a tourné. Dix-huit mois après son élection, le procès de Benoît XVI a commencé : un pape néoconservateur est à l'oeuvre et, après le durcissement de ton face à l'islam, les facilités données à la liturgie traditionnelle confirmeraient le grignotage des acquis de Vatican II.
La réalité n'est bien sûr pas si simple. Mais à vouloir réintégrer, à marche forcée, son aile la plus traditionaliste, le pape multiplie les concessions qui scandalisent ses fidèles parmi les plus modérés, surtout en France, d'où est parti le schisme de Mgr Lefebvre (qui a consacré illégalement, en 1988, quatre évêques ipso facto excommuniés avec lui), où les évêques et les prêtres conciliaires font encore l'objet d'un harcèlement constant de la part de groupes "tradis", spécialistes de la délation et de la calomnie. Le 8 septembre, le Vatican a autorisé la création à Bordeaux d'un institut de droit autonome pour accueillir des curés intégristes, faux repentis (comme l'abbé Laguérie, aux liens anciens avec l'extrême droite) qui n'ont jamais manifesté qu'un discours de haine à l'égard des papes "modernistes" et de rejet du dernier concile, qui aurait "protestantisé" l'Eglise.
(...)
Le nouveau chef de l'Eglise catholique n'a jamais fait mystère de sa répulsion pour les abus d'une réforme "qui a fait dégénérer la liturgie en show". En 1997 déjà, il écrivait dans Le Sel de la terre (Flammarion) : "Je suis d'avis que l'on devrait accorder beaucoup plus généreusement à tous ceux qui le souhaitent le droit de conserver l'ancien rite." On en est là aujourd'hui. Rome pense que la libéralisation de la messe à l'ancienne est le prix à payer pour la réintégration des schismatiques. Elle sera suivie d'une levée des excommunications et de toutes les sanctions prises contre eux. De quoi alarmer les catholiques qui n'ont jamais connu d'autre fidélité qu'à l'Eglise de Vatican II et d'autre messe que la moderne. Ils se demandent pourquoi le Vatican fait tant d'efforts pour se réconcilier avec une fraction aussi récalcitrante, au lieu de la laisser à son sort de petite secte sans avenir et sans âme.
Le scepticisme sur la stratégie romaine l'emporte. C'est un faux calcul de croire que les traditionalistes vont renoncer à leur fonds de commerce, s'amender, faire pénitence, se rallier au dernier concile, cesser leurs campagnes contre un clergé et un épiscopat qui, à les entendre, auraient perdu toute autorité, ne sauraient plus attirer de jeunes prêtres, feraient trop de politique, ne défendraient plus assez de certitudes morales et dogmatiques, dialogueraient trop avec les juifs, les protestants, les musulmans. En montrant que les réformes du concile, et l'esprit même de Vatican II, étaient, d'une certaine manière, négociables, le pape a pris un gros risque : celui de faire passer le souci de la réconciliation et de l'unité avant celui de la clarté doctrinale.
HENRI TINCQ
Article paru dans Le Monde du 3 novembre 2006
► Les réactions de Paix liturgique :
Nous sommes stupéfaits de constater qu’il existe encore en 2006 des personnes faisant preuve d’une telle méconnaissance à l’endroit des fidèles attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise. Sans doute est-il plus facile de parler comme on le souhaite de ce qu’on ne connaît pas plutôt que de faire l’effort de voir la réalité telle qu’elle est. Nous n’osons croire à une manœuvre délibérée de calomnie !
Redisons simplement que l’immense majorité des catholiques attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise, sont des fidèles qui sont nés après la réforme liturgique et qui connaissant les deux formes liturgiques ont fait le choix de la forme traditionnelle.
C’est un fait incontestable que cette forme liturgique attire chaque jour de plus en plus de jeunes pratiquants. Il suffit pour s’en convaincre d’oser regarder en face les nombres d’entrées dans les séminaires traditionnels, le dynamisme et la jeunesse du Pèlerinage de Chartres pour ne citer que quelques exemples…
Il est facile de décréter que les traditionalistes sont « ultra minoritaires » pour mieux les marginaliser. Combien même cela serait vrai, serait-ce une raison valable qui justifierait le régime d’apartheid liturgique qui les frappe actuellement dans les diocèses de France ? Et puis si les fidèles traditionnels sont si peu nombreux, si minoritaires, pourquoi toute cette polémique ? Pourquoi craint-on cette mesure si ce n’est parce que l’on sait que de très nombreux fidèles assisteraient à la messe tridentine s’ils en avaient le choix : plus de 50% selon le sondage Ipsos/Oremus de 2001. La vérité est que de très nombreux fidèles sont privés de la liturgie à laquelle ils aspirent en raison du despotisme liturgique actuel. Il est tellement facile de dire comme le fait encore Monseigneur Jordan dans son diocèse de Reims que la messe traditionnelle n’intéresse personne, qu’il n’y a pas de demandes…
Nous ne comprenons pas la mauvaise caricature que certains esprits ne cessent de faire des familles attachés à cette liturgie. Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose dit l’adage…
Nous avons fait un rêve : Et si les détracteurs de la messe latine traditionnelle avaient l’honnêteté intellectuelle, ne serait-ce qu’une seule fois, d’aller dans les paroisses traditionnelles à la rencontre des fidèles. L’exemple du diocèse de Nanterre est sur ce point révélateur. Plusieurs des cinq prêtres diocésains qui célèbrent la messe traditionnelle chaque dimanche à Sainte-Marie des Fontenelles ont dit avoir eu des appréhensions ( !) la première fois qu’ils sont venus célébrer la messe tant on leur avait dit que les familles attachées à cette forme liturgique étaient des « intégristes », « des terroristes d’extrême droite », des « agitateurs violents et jamais contents ». Tous, et Monseigneur Yvon Aybram, vicaire épiscopal en charge de la lettre Ecclesia Dei en tête, s’accordent à dire qu’ils ont trouvé une communauté sympathique, respectueuse et extrêmement dynamique… Et ils n’ont pu que constater que contrairement à des allégations répétées la critique de Vatican II n’était pas l’obsession quotidienne de leurs paroissiens ! Si cet exemple pouvait être suivi…
Une écrasante majorité des fidèles et des prêtres souhaite la paix. Cette affirmation a été vérifiée par l’expérience menée pendant plus de deux ans dans 85 % des paroisses du diocèse de Nanterre… Dès lors qu’on ne leur impose rien, les fidèles sont tout à fait favorables à ce que d’autres sensibilités liturgiques puissent librement s’exprimer. Alors pourquoi parler de division et de rupture ?
Nous ne comprenons pas le totalitarisme qui s’étale dans les media ces temps derniers. Nous comprenons très bien que de nombreux prêtres souhaitent continuer à utiliser les livres liturgiques issus de la réforme et trouvons même cela très bien. Dès lors que cette décision romaine n’imposerait rien à personne, nous ne pouvons comprendre une telle attitude d’ostracisme. A moins que ce ne soit la liberté qui soit vécue comme insupportable pour certains mais alors ne sommes nous pas dès lors dans des dérives intolérantes et totalitaires ? Est-ce compatible avec l’esprit de l’évangile ?
Enfin qu’il nous soit permis de dire que nous n’acceptons pas que l’on remette en permanence en cause notre attachement au Magistère constant de l’Eglise en affirmant que nous refusons le Concile Vatican II. Il nous semble au contraire que relire la Constitution Sacrosantum Concilum serait utile à tous ces apprentis liturges et autres autorités morales autoproclamées…
Nous affirmons notre plus grand soutien et notre attachement indéfectible à notre Saint-Père Benoît XVI et prions pour que la paix liturgique s’instaure bientôt partout dans le monde et que cesse l’hypocrisie.
Sylvie Mimpontel