17 janvier 2012

[Jean Mercier - La Vie] Entre les intégristes et le Vatican, une réconciliation sous pression

SOURCE - Jean Mercier - La Vie - 17 janvier 2012

Trois ans après la levée par le Vatican de l'excommunication des quatres évêques intégristes, dont le négationniste Richard Williamson, Rome et la Fraternité Saint Pie X sont au pied du mur. Benoît XVI va t-il céder devant les exigences lefebvristes? Les disciples de Mgr Fellay vont-ils se déchirer? Retour sur un feuilleton à épisodes qui suscite une guerre fratricide au sein de la galaxie intégriste.

Le 23 janvier prochain, une réunion au sommet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF) statuera peut-être sur la position ultime de Rome dans le feuilleton à rebondissements de la réconciliation entre la Fraternité Saint Pie X et le Saint Siège. Relancée il y a douze ans ans, la normalisation des dissidents a connu un coup d'accélérateur par Benoît XVI. Après avoir reçu Mgr Fellay en 2005, le pape a accédé aux trois conditions posées par les intégristes : réhabilitation officielle de la messe ancienne dans l'Eglise (2007), levée des excommunications (2009), tenue de discussions doctrinales approfondies (2009-2011).
 
En 2011, le pape a multiplié les actes (comme la béatification de Jean Paul II, le remake de la rencontre d'Assise, le lancement d'une année de la foi placée sous le patronage de Vatican II), qui ont rendu furieux les plus radicaux des intégristes. Pourtant, en septembre dernier, la Congrégation pour la Doctrine de la foi a proposé un "Préambule doctrinal" (un protocole d'accord), tenu secret. Mi décembre, Mgr Fellay a renvoyé au Vatican le texte avec des demandes de clarification, elles aussi restées secrètes.
 
On attend désormais la réponse du Vatican aux exigences ultimes de Mgr Fellay. Il est peu probable que Rome arrête les frais. Le pape pourrait, soit reformuler encore le protocole d'accord, soit accéder aux demandes des intégristes, s'il estime que la volonté de ses interlocuteurs d'être en communion avec lui et l'Eglise est bien réelle.
 
En tout état de cause, la Fraternité sacerdotale Saint Pie X est sous pression. D'un côté les ultras (un quart des fidèles et des clercs) refusent tout retour dans le giron de Rome car cela les obligerait à renoncer à leurs positions idéologiques. Certes ils ne seraient pas obligés de célébrer la messe telle que le pape la célèbre, mais ils devraient au moins la considérer valide, ce qu'ils nient depuis 40 ans. Ils perdraient aussi dans l'opération ce qui fait leur fonds de commerce : dénoncer l'apostasie de l'Eglise, incarner le petit reste des catholiques "purs".
 
De l'autre les modérés forment un autre quart. Ils sont prêts à de menues concessions envers Rome dans l'espoir d'être réintégrés, ce qui serait pour eux comme une avalisation de leur idées. Ils veulent continuer leur croisade au sein de l'Eglise, et comptent bien que le Magistère condamnera un jour les éléments du Concile qui leur sont insupportables (liberté religieuse, dialogue interreligieux et œcuménique).
 
Entre les deux, le gros des troupes est légitimiste, et suivrait probablement Mgr Fellay dans ses décisions. A moins que certains ne basculent, en cas de putsch des ultras. L'issue de cette guerre fratricide n'est pas claire, mais il est probable qu'une scission interviendrait au sein de la FFPSX si un accord de réconciliation était scellé avec Rome.

Pour aller plus loin

Plus d'informations sur la division des intégristes, l'attitude du Vatican et la nature des réseaux lefebvristes dans notre dossier spécial publié dans La Vie à paraître le 19 janvier.