13 septembre 2006

[Abbé de Tanoüarn - Céline Pascot - Minute] « Jamais Rome n’était allée aussi loin »

Abbé de Tanoüarn - Céline Pascot - Minute - 13 septembre 2006

L’abbé Guillaume de Tanoüarn est membre fondateur de l’Institut du Bon Pasteur. Il a participé aux négociations avec le Saint-Siège, qui ont, selon lui, abouti à un « accord au cordeau ».  
Minute : Mais qu’y a-t-il donc de neuf dans la création de cet institut traditionaliste ?
Abbé de Tanoüarn : D’abord l’atmosphère, c’est-à-dire le principal. Depuis le Motu proprio de Jean Paul II Ecclesia Dei afflicta de 1988, intervenu après le sacre de quatre évêques, il était convenu dans l’Eglise romaine que les traditionalistes étaient des gens un peu difficiles mais que, comme on était chrétien, il était important de les accueillir. Je n’exagère pas. Voyez, à cette époque, les explications embarrassées du pape, se justifiant durant une audience : « L’Eglise donne un signe de compréhension aux personnes attachées à certaine formes liturgiques et disciplinaires antérieures. » Un signe de compréhension. Comme à des malades qu’il faudrait guérir ! Jean Paul II écrasait alors les traditionalistes de toute la hauteur de sa charité !

Cette fois, c’est tout différent. Il ne s’agit pas de « compréhension ». Il s’agit d’une mission. Comme dit aux quatre prêtres le cardinal Castrillon Hoyos, qui n’est pourtant pas ce qu’on appelle un mystique, mais qui se pose comme un diplomate de première grandeur : « Vous devez maintenir la richesse du rite de Saint-Pie V et l’offrir pour la grandeur de l’Eglise. » Voilà une atmosphère bien différente, chaleureuse et fervente ! Dans ce contexte nouveau, on comprend que Rome ait accepté volontiers de nommer supérieur de la nouvelle Congrégation un personnage emblématique de la Tradition catholique en France, M. l’abbé Philippe Laguérie. Ce geste exprime bien la confiance qui nous est faite à tous !
Voulez-vous dire que vous vous êtes contentés des belles paroles qu’on vous a adressées ?
Non bien sûr ! Cet accord n’est pas un bricolage, quoi qu’en aient dit certains, avec un mépris un peu rapide. C’est un long processus, qui commence dès la fin de l’année 2005, avec la rédaction d’un nouvel « acte d’adhésion » à Rome, signable par les prêtres traditionalistes en état de rupture. Rome acceptait «une critique sérieuse et constructive de certains enseignements de Vatican II ». En échange, le prêtre en rupture que j’étais s’engageait simplement à « recevoir avec le respect qui leur est dû » les documents du Saint Siège. Avouez que c’est un devoir pour n’importe quel catholique de respecter les documents issus de Rome ! Cette contrepartie est donc tout à fait justifiée !

J’ajoute que sur un autre plan, celui de la liturgie, nous avons reçu de belles assurances, puisque dans les statuts, récemment approuvés, il est dit que les prêtres de l’Institut du Bon Pasteur ont « l’usage exclusif » du rite traditionnel (dit de saint Pie V) qui est « le rite propre » de leur petite congrégation. Jamais Rome n’était allée aussi loin dans ce qui n’est plus seulement une permission mais un véritable encouragement à célébrer la liturgie traditionnelle.
Quelles sont vos perspectives ?
Je ne suis pas Madame Soleil, mais, dans la confiance en Dieu et en son Esprit saint qui nous a menés par des chemins si particuliers, je peux dire aujourd’hui, alors même que nous n’avons aucun moyen financier, que les perspectives sont exaltantes. Pourquoi cela ? Non seulement nous avons bénéficié du savoir faire du cardinal Castrillon Hoyos, mais nous sommes sous le patronage de deux autres personnages importants : celui ue l’on n’attenait pas, c’est le cardinal Ricard, archevêque de Bordeaux. Pour la première fois, un évêque français (et pas n’importe lequel : le président de la Conférence épiscopale) soutient une fondation traditionaliste et accepte de domicilier cette petite congrégation de « sans-papiers » de l’Eglise dans son diocèse. Il accepte aussi de faire de l’église Saint-Eloi, en plein centre ville, une paroisse ayant passé contrat avec lui au nom de l’Institut du Bon Pasteur. Si Dieu veut et si les évêques ont à cœur de se livrer à « ce vrai travail de communion » que le même cardinal Ricard appelait de ses vœux au mois d’avril, les solutions locales vont se multiplier sur le modèle de Saint-Eloi.

Beaucoup me diront : pourquoi vous fier à lui ? – Le cardinal Ricard, au moment où il a pris les rennes de la Conférence des évêques, a dit qu’il voulait être « un tisserand d’unité » entre catholiques. La métaphore est belle ! Elle remonte à Platon. Je crois vraiment qu’une telle ambition n’est pas réductible à la langue de buis que cultivent certains ecclésiastiques de tous bords. Et nous avons d’autant plus de raisons d’avoir confiance que derrière les deux cardinaux, il y a la figure du pape Benoît XVI, dont le cardinal Ricard a redit dans son communiqué du 8 septembre quel était l’engagement personnel en faveur des traditionalistes.

Ce que nous avons fait vendredi en recevant du cardinal Castrillon le décret d’érection de l’IPB, ce n’est pas du tout un « accord pratique » purement circonstanciel et intéressé, c’est la reconnaissance d’un accord fondamental, d’une convergence, entre les ambitions du pape Benoît XVI pour l’Eglise en 2006 et l’effort que nous faisons depuis des années pour que se trouve reconnue enfin l’excellence des formes traditionnelles de la théologie et de la prière liturgique. Je me garderais bien de dire que « le pape pense comme nous ». Ses perspectives sont évidemment plus vastes que les nôtres. Mais il nous est apparu que nous pouvions aujourd’hui, sans arrière-pensée, aider le pape dans sa tâche écrasante au service de l’Eglise.

Propos recueillis par Céline Pascot