7 août 2008


Archive 5 - "Qui sont les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle ? Lettre d'Oremus de juillet 1997
7 août 2008 - lettre 130 de paixliturgique.com
La lettre d’Oremus de juillet 1997 que nous publions aujourd’hui visait à tenter de présenter ceux que l’on appelle « les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise ». Onze ans après sa publication, il est aisé de mesurer que ce qui était vrai à l’époque, l’est encore plus aujourd’hui.
En effet, si le Motu Proprio de Benoît XVI n’est visiblement pas encore parvenu dans les évêchés de France, il a en revanche déjà eu une influence considérable sur la masse des fidèles de base qui croyaient jusque là les mensonges que de nombreux clercs mal intentionnés leur disaient quand ils affirmaient que la liturgie traditionnelle était désormais interdite.
En réaffirmant clairement que jamais la messe tridentine n'avait cessé d'être permise, le Saint Père a permis à l’ensemble des fidèles de l’Eglise de bénéficier du trésor liturgique que constitue la forme extraordinaire du rite romain. Ce processus de découverte d’une liturgie jusqu’alors inconnue au plus grand nombre des fidèles n’en est qu’à son tout début.
En tout état de cause, à tout ce que nous avons décrit il y a onze ans, il faut ajouter les masses énormes de fidèles qui, croyant être obligés de suivre une réforme qu'il n'appréciaient guère, peuvent aujourd'hui se tourner résolument vers les célébrations selon la forme extraordinaire.
Voici le texte :

Qui sont les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle ?
Il y a encore quelque temps, il était fréquent d’entendre dire au sein de certains milieux « catholiques » qu’il n’existait plus en France et en Europe de « problèmes liturgiques » et que tous les fidèles avaient accepté unanimement et avec joie les réformes mises en place dans les paroisses depuis la fin des années 60. Aujourd’hui, il n’est plus possible d’exprimer une telle affirmation ; en effet, les témoignages abondent de l’existence au sein des Eglises d’Europe de mouvements importants et nombreux de fidèles attachés avec enthousiasme à la liturgie traditionnelle de l’Eglise latine… C’est pourquoi jaillit maintenant, de la bouche même de ceux-là qui hier encore niaient l’existence du « problème traditionaliste », une question nouvelle, à savoir qui sont ces êtres surprenants qui restent en 1997, à moins de 1 000 jours de l’an 2000, indéfectiblement attachés à la liturgie traditionnelle. Le plus simple, il est vrai, serait sans doute pour ceux qui ne savent pas répondre à cette question d’interroger les fidèles eux-mêmes ; cela permettrait de rétablir des contacts qui bien souvent parce qu’ils n’existent plus, laissent la porte ouverte aux plus dures incompréhensions et par là à des analyses simplistes… Néanmoins, dans l’espérance de concourir au rétablissement des liens indispensables entre les fidèles appartenant aux différentes sensibilités de l’unique Eglise catholique, notre ami Philippe Thomas a souhaité interroger Monsieur Marc Bouhier, vice-président de l’association Oremus, pour connaître son point de vue à propos d’un groupe de fidèles qu’il connaît bien.
Marc Bouhier, pourriez-vous nous brosser rapidement le « portrait-robot » des fidèles attachés à la liturgie traditionnelle ?
La formulation de votre question montre à quel point les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle sont méconnus, tant de leurs pasteurs que des médias. En effet, il est clairement impossible de brosser un « portrait-robot » des « catholiques traditionalistes » pour deux raisons : tout simplement parce que ces fidèles sont sans conteste aujourd’hui très nombreux, et que ce grand nombre nous oblige à admettre qu’ils ne forment pas un groupe monolithique, mais un ensemble extrêmement divers et varié.
N’existe-t-il pas néanmoins quelques dénominateurs communs qui puissent se retrouver chez l’ensemble de ces fidèles ?
Bien entendu, il en existe un, mais un seul : celui de leur attachement à la liturgie latine traditionnelle. Cependant, hormis cette conviction commune, ces fidèles, selon leur histoire propre, ou selon les circonstances de leur itinéraire spirituel propre, peuvent avoir vécu chacun un cheminement particulier, souvent tout à fait différent de celui de l’itinéraire des autres fidèles attachés à la liturgie traditionnelle.
Ne peut-on pas néanmoins distinguer quelques grandes classifications au sein de ces fidèles ?
Bien que classifier s’avère à l’évidence réducteur et simplificateur, je crois qu’il est possible, d’une manière qui cependant reste arbitraire pour des raisons que j’exposerai tout à l’heure, de distinguer parmi les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle trois groupes principaux : les résistants, les déçus des réformes liturgiques et les convertis à la messe traditionnelle.
Pourriez-vous nous préciser ce que vous appelez « le groupe des résistants » ?
Ils constituent le noyau le plus aisé à circonscrire. De ce fait, il est aussi le plus connu des autorités et des médias. Il s’agit bien évidemment des catholiques qui, dès la mise en œuvre dans les années 60 des réformes liturgiques, se sont élevés contre celles-ci - constituant, en France et en Europe, d’authentiques noyaux de résistance à une réforme liturgique dont ils craignaient qu’elle ne soit l’occasion d’un appauvrissement doctrinal et spirituel.
Ce sont des fidèles appartenant à ce groupe qui constituèrent, partout en France, les premiers noyaux de contestation à une réforme liturgique trop souvent imposée « à la hussarde », d’une manière brutale, et parfois accompagnée d’outrances que tous reconnaissent aujourd’hui.
Qu’appelez-vous « le groupe des déçus » ?
Il réunit une part très importante de ceux qui constituent aujourd’hui les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle. Le plus souvent, ce sont des catholiques sincères et soumis qui ont accueilli avec joie les réformes postconciliaires et qui ont même souvent participé à la mise en œuvre de celles-ci.
Malheureusement, trop souvent, ils se sont aperçus que ce qui se réalisait dans leur paroisse n’avait que peu de rapport avec ce qu’avaient été jusqu’alors leur foi et ses expressions liturgiques. Alors, fréquemment, après quelques années passées dans leur paroisse, ils n’ont plus supporté les tensions qu’ils vivaient au quotidien et les dérives dont ils ne comprenaient pas « l’intérêt pastoral », et ils ont fini par cesser toute pratique religieuse régulière.
Cependant, cette situation ne correspondant pas à leurs convictions de catholiques fidèles, ils ont peu à peu, mais en grand nombre, rejoint les noyaux fidèles à la liturgie traditionnelle qui s’étaient constitués dans presque tous les diocèses de France. Il est clair qu’aujourd’hui, ils représentent, et de loin, le groupe le plus important de ceux qui sont attachés à la liturgie traditionnelle.
Peut-on dire que ce groupe des déçus réunit des fidèles ayant fait des choix théologiques ou sociaux particuliers ?
Votre question s’explique naturellement, parce que c’est ce qu’essaie de faire croire un certain nombre de journalistes, détracteurs de la liturgie traditionnelle, fervent disciples de Voltaire qui affirmait, rappelons-le : « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose ».
La force des médias est telle aujourd’hui que de trop nombreux pasteurs - qui ne connaissent ces fidèles qu’à travers des articles « assassins » du Monde voire de Golias - finissent par croire que ceux-ci ne formeraient qu’un conglomérat de réactionnaires nostalgiques, attachés à la liturgie classique essentiellement pour des raisons sociales ou politiques, alors qu’en réalité les plus nombreux ne sont en fait que des déçus, heureux de retrouver dans la liturgie traditionnelle une piété et une dévotion qui semblent avoir disparu à peu près partout aujourd’hui.
Vous avez évoqué précédemment « les convertis ». Pourriez-vous préciser vos idées sur ce groupe de fidèles ?
Il s’agit ici de présenter l’aspect le plus méconnu du monde des fidèles attachés à la tradition.
Pour définir ce groupe, il nous faut rappeler que, depuis plus de trente ans, la désaffection des fidèles a été considérable : alors que dans les années 60, la pratique religieuse avoisinait les 50%, elle est aujourd’hui inférieure à 4 %. Mais cette désaffection ne se réduit pas à un problème de pratique hebdomadaire. Il faut bien admettre que, dans de nombreux cas, les familles qui ont cessé de pratiquer se sont plus fondamentalement éloignées de la religion, ne faisant plus baptiser leurs enfants et ne leurs transmettant plus aucun éducation religieuse. C’est pourquoi nous voyons aujourd’hui émerger de nouvelles générations qui n’ont plus rien de chrétien et qui sont devenues authentiquement païennes.
C’est parmi cette population que se développe d’une manière invisible un véritable apostolat qui conduit parfois à de véritables conversions, lesquelles aboutissent bien évidemment au baptême et à la fidélité aux formes liturgiques à l’origine de ces conversions.
C’est ainsi qu’au fil des années s’est agrégé un nombre croissant de familles et de jeunes qui font s’accroître les communautés de fidèles attachés à la liturgie traditionnelle d’une manière parfois considérable.
Pouvez-vous préciser la motivation de ces conversions ?
Ceci pourra peut-être surprendre quelques-uns, mais des contemporains « païens », habitués aux bruits et au caractère artificiel du monde moderne, ont souvent été aidés dans leur processus de conversion par la découverte d’une liturgie fondée sur le sacré et le silence : elle exprime excellemment pour eux la transcendance divine et leur condition de pauvres pécheurs agenouillés devant leur Sauveur.
Peut-on mesurer l’importance de ces conversions ?
C’est bien évidemment très difficile, mais l’observation de ce qui a été accompli depuis plus d’un quart de siècle, d’abord dans le cadre du M.J.C.F. et maintenant dans celui de Jeune Chrétienté, nous montre que ces conversions ont pu concerner des milliers de jeunes filles et de jeunes garçons. Certains diront peut-être qu’eu égard à l’importance de la population française ces chiffes restent assez faibles. Ce serait méconnaître les caractéristiques des « convertis » qui bien souvent se montrent plus zélés et plus enthousiastes que les vieux croyants. Ainsi peut-on affirmer qu’une part très importante des cadres religieux et laïcs des communautés fidèles attachés à la liturgie traditionnelle provient de ces « convertis ».
Comment dans la pratique, ces différentes catégories de fidèles se distinguent-elles les unes des autres ?
Votre question me permet de revenir sur les réserves que j’exprimais au début de notre entretien. En effet, si l’on peut tenter de distinguer parmi les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle diverses origines, il est clair qu’au sein des communautés ces éléments disparaissent presque immédiatement. Aussi est-il absurde de vouloir réduire le groupe des fidèles aux seuls résistants ou aux seuls convertis, mais il nous faut accepter plutôt que l’ensemble de ces fidèles constitue aujourd’hui un groupe vivant et dynamique.
Peut-on tenter de fixer l’âge moyen de ces fidèles ?
Un ecclésiastique plein d’humour me disait, il y a quelques semaines, que les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle devaient tous être assez âgés puisque tous étaient censés être des nostalgiques d’avant 1969 qui avaient été incapables de s’adapter…
Les remarques que je viens de formuler démontrent que, parmi ceux qui sont aujourd’hui attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise latine, de nombreux membres du groupe des déçus ou des convertis ne peuvent pas se définir en fonction de leur âge et sont même parfois de très jeunes adultes.
Plus encore, il faut rappeler que tous ces catholiques dont nous venons de parler sont pères et mères de famille, qu’ils ont souvent de nombreux enfants et que, de ce fait, ce sont aujourd’hui des centaines de milliers de jeunes adultes et d’enfants qui vivent chaque semaine au rythme de la liturgie traditionnelle. Ainsi nos communautés ont-elles l’espérance d’être encore vivantes et dynamiques dans l’avenir.
Justement, comment voyez-vous l’issue de ce qui peut apparaître pour quelques-uns comme une difficulté à savoir la continuité de la liturgie traditionnelle ?
Tout d’abord, je ne pense pas que l’existence de la liturgie traditionnelle constitue en soi une difficulté : elle est au contraire, à mon avis, une richesse qui permet à l’Eglise d’offrir à ses fidèles une pluralité d’expressions liturgiques. Enfin, même pour ceux qui jugeraient cette pluralité néfaste, ils doivent savoir que, les questions liturgiques constituant un point fort de la sensibilité des fidèles, ce problème ne pourra se résoudre par la force, mais ne sera réglé que par le rétablissement de liens ecclésiaux forts : eux seuls engendreront la compréhension mutuelle et permettront l’existence d’une véritable amitié chrétienne, qui se vivra en commun peut-être encore pendant plusieurs siècles.
Lettre d'Oremus de juillet 1997

Réflexions de Paix Liturgique
1/ Le Motu Proprio de Benoît XVI, en faisant découvrir la liturgie traditionnelle à des familles qui ne la connaissaient pas, a et va avoir à terme des répercussions gigantesques sur la « sociologie des fidèles attachées à la liturgie traditionnelle de l’Eglise » de demain. A tous ces principaux groupes décrits dans la lettre ci-dessus, il faut ajouter cette nouvelle catégorie de chrétiens qui auront découvert paisiblement la messe traditionnelle dans leurs propres paroisses, qui par la force des choses, sera demain largement majoritaire.
2/ Ce qui est vrai pour les fidèles ne l’est pas moins pour le clergé. A côté des Communautés Ecclesia Dei qui explosent littéralement (au point de représenter, aujourd’hui, environ 20 % des ordinations annuelles de prêtres français), il y a aussi tous les prêtres diocésains à qui le Saint Père rappelle clairement qu’ils ont la possibilité de célébrer selon l’une ou l’autre forme du rite romain. Nul besoin d’être prophète pour comprendre que cette mutation du clergé, bien que lente et discrète, contribuera également à développer le nombre des fidèles attachés à la liturgie traditionnelle et à en multiplier les visages et les origines.