26 avril 2006

Abbé Cekada interviewé sur Radio courtoisie
Emission de Serge de Beketch - 26 avril 2006 - transcrit par www.virgo-maria.org
Serge de Beketch :
Bonsoir Monsieur l’Abbé
Abbé Cekada
Bonsoir la France
Serge de Beketch
Vous êtes aux Etats-Unis. Je vous est appelé parce que j’ai découvert sur votre site internet qui s’appelle www.traditionalmass.org un exposé particulièrement clair d’une chose d’une gravité immense. C’est une étude sur la validité de la consécration des évêques conciliaires depuis le 18 juin 1968. C’est une étude que vous intitulez « Absolutely nul and utterly void », c’est-à-dire « absolument nulles et entièrement vaines ». Ce faisant vous reprenez la conclusion anticipée de la bulle apostolique « Apostolicae Curae » de 1896 de Léon XIII qui avait sanctionné définitivement l’invalidité des sacres anglicans. On va expliquer pourquoi. Mais la première question que je vais vous poser, c’est celle de votre intention en publiant cette étude. Ce n’est pas par hasard. Vous la publiez le jour de l’Annonciation puis qu’elle est datée du 25 mars 2006 et qui est également le jour du quinzième anniversaire de la mort de Mgr Lefebvre.
Abbé Cekada
Exactement, j’ai été ordonné par Mgr Lefebvre. J’étais dans la ville de Milwaukee dans l’Etat du Wisconsin au centre des Etats-Unis et j’étais petit séminariste à cet endroit. Après je suis entré dans l’ordre des cisterciens et je fus envoyé en Suisse à l’abbaye de Fribourg au nord de la Suisse. J’ai beaucoup lu sur la question de la messe tridentine et à ce moment là, il y avait un grand débat dans la presse. C’était dans les années 1975 sur le cas de Mgr Lefebvre. J’ai été attiré par les positions de Mgr Lefebvre et je suis entré au séminaire d’Econe cette année. Je suis allé parler une fois avec Monseigneur sur la question de mes anciens amis dans le séminaire moderniste, s’ils voulaient travailler avec la Fraternité Saint Pie X, il m’a expliqué sa position sur la question des ordres conférés dans le nouveau rite.
Serge de Beketch
Alors qu’elle était cette position de Mgr Lefebvre ?
Abbé Cekada
Mgr Lefebvre m’a dit que l’on a supprimé quelque chose pour la prêtrise et donc c’est douteux et il m’a expliqué que pour les consécrations épiscopales c’est tout à fait invalide parce que l’on a changé la forme sacramentelle. J’ai été choqué d’entendre une telle chose.
Serge de Beketch
Est-ce que la position de Mgr Lefebvre sur la question de la validité de ces consécrations a évolué par la suite et dans quel sens ?
Abbé Cekada
Après quelques années, il a modifié, je crois, sa position. Dans les années 1980, je crois qu’il est entré dans les négociations avec le Vatican et il a changé sa position un peu en disant que apparemment cela vient des rites orientaux et qu’ils sont valides.
Serge de Beketch
L’argument des défenseurs de la validité, c’est de dire que le rituel conciliaire a repris des éléments de rituels beaucoup plus anciens qui étaient des rituels orientaux et que cela confère à cette consécration la même validité. C’est la position actuelle des conciliaires.
Abbé Cekada
C’est tout à fait faux parce que j’ai fait une comparaison entre la nouvelle forme de la consécration épiscopale et les rites orientaux. Il y a quelque chose en commun mais ils ne sont pas la même chose.
Serge de Beketch Ce que je voudrais préciser d’abord selon la bonne vieille formule : d’où parlez-vous ? C’est une formule trotskiste si je ne m’abuse mon cher Patrick Goffman.
Patrick Goffman
Intégralement marxiste
Serge de Beketch
Vous parlez en tant qu’enseignant de théologie et de liturgie catholique au séminaire de la Très Sainte Trinité de Brooksville en Floride. Vous êtes prêtre, théologien et liturgiste. Par conséquent, vous êtes fondé à avoir un regard et une opinion professionnelle sur ces questions. Pouvez-vous rappeler pour les auditeurs ce qui fait un sacrement ?
Abbé Cekada
Il faut avoir pour un sacrement, la matière et la forme. La forme est la formule essentielle. Pour le sacrement de l’Ordre, Pie XII a expliqué qu’il faut avoir deux choses dans la forme sacramentelle : la grâce du Saint-Esprit et la potestas Ordinis (c’est-à-dire le pouvoir de conférer l’Ordre). Ces deux choses sont requises. Si on enlève la potestas Ordinis, on change la substance de la forme et la forme ne dit pas la même chose. La conséquence est que la forme est invalide.
Serge de Beketch
Ne peut-on pas penser que, si la forme devient invalide par la maladresse ou par la mauvaise volonté du célébrant ou de la personne qui ordonne, la bonne foi de celui qui reçoit le sacrement n’engage pas dans la voie de l’Ecclesia supplet, est-ce que le Saint-Esprit ne supplée pas en quelque sorte à l’absence de célébrant ?
Abbé Cekada
L’Eglise ne peut pas suppléer le manque d’une chose essentielle dans la forme. Parce que c’est requis. Par exemple, dans le baptême, il y a des choses qui sont requises. Si on omet par exemple, le mot ‘baptise’ dans la forme, l’intention du célébrant n’a rien à faire.
Serge de Beketch
Est-ce que l’on peut dire que c’est du même ordre que l’invalidité de certaines messes, par moment en Afrique on voulait faire de l’inculturation, et on célébrait certaines messes avec du vin de palme et fruit de l’arbre à pain ? J’ai toujours appris que ce ne sont pas des messes Est-ce du même ordre ?
Abbé Cekada
C’est à peu près du même ordre. Mais là on a changé la matière. Et ici avec la consécration épiscopale, on a changé la forme.
Serge de Beketch
Quelles sont les conséquences de ce changement de forme ? C’est naturellement l’invalidité sacramentelle. Quelles sont les conséquences de l’invalidité sacramentelle dans la consécration d’un évêque ?
Abbé Cekada
Tous les sacrements qui dépendent du caractère sacerdotal deviendront donc invalides : la messe, les absolutions, l’extrême onction, etc. Parce que ces sacrements dépendent de la validité de l’ordination sacerdotale qui vient d’un évêque, d’un vrai évêque.
Serge de Beketch
Cela veut dire que si l’évêque est invalide, tous les actes qu’il accomplit dans son ministère deviennent invalides.
Abbé Cekada
Oui dans son ministère sacerdotal, sacramentel.
Serge de Beketch
S’il donne l’Ordre à quelqu’un, la personne en question n’est pas prêtre.
Abbé Cekada
Oui malheureusement, malheureusement. Ce sont les conséquences.
Serge de Beketch
C’est une modification qui date de quand exactement ?
Abbé Cekada
De 1968. Paul VI a changé le pontifical romain et a modifié la formule pour l’ordination sacerdotale avec la suppression d’un mot et pour la consécration épiscopale, il a tout à fait changé la forme essentielle.
Serge de Beketch
Est-ce que vous pouvez nous dire quel est le mot qui a été changé ? En quoi la modification devient manifeste pour quelqu’un qui assiste à une ordination ou à un sacre d’évêque ?
Abbé Cekada
L’ancienne forme exprimait deux choses très nettement, très clairement : la grâce du Saint-esprit et la plénitude du sacerdoce. La nouvelle forme exprime dans un sens la grâce du Saint-Esprit mais elle n’exprime pas le pouvoir de l’évêque, la potestas Ordinis. On a utilisé une autre expression en latin « Spiritus Principalis », c’est le mot essentiel dans la forme. J’ai fait une petite étude sur la signification de cette expression « Spiritus Principalis ». J’ai découvert qu’il y a une bonne douzaine de significations. Parmi ces significations, on ne peut pas trouver l’idée de la potestas Ordinis d’un évêque. Donc on a enlevé tout à fait dans la nouvelle forme, le concept de la plénitude du sacerdoce. Cela a disparu
Serge de Beketch
Est-ce que cela peut être expliqué par une maladresse de traduction ou c’est quelque chose qui procède d’une volonté claire de modifier la forme du sacrement ?
Abbé Cekada
A mon avis c’est le deuxième cas parce que les hommes qui ont travaillé avec le nouveau rite de consécration épiscopal étaient de vrais modernistes. Dom Botte et le Père Lecuyer avaient une théologie tout à fait moderniste. Je crois que c’est fait exprès.
Serge de Beketch
Vous parlez de l’Abbé Botte qui est celui qui a argumenté sur la base du précédent des liturgies orientales, coptes, syriennes occidentales, etc. Mais il dit que le nouveau rituel n’est pas un nouveau rituel mais c’est un emprunt qui est fait à rituel qui est beaucoup plus ancien et qui est le rituel oriental. Vous nous dites que cela n’est pas vrai. La position de Dom Botte a été défendu récemment dans un article publié dans le « Sel de le terre » par le Frère Pierre-Marie qui a exactement la même position que Dom Botte. Vous dites que le rituel moderne n’est pas conforme au rituel oriental.
Abbé Cekada
Non parce que Dom Botte, lui-même, a fait une étude des rites orientaux et a identifié une forme tout à fait différente dans le rite syrien et dans le rite maronite pour la consécration épiscopale, une formule tout à fait différente. Dom Botte a pris comme nouvelle forme pour la consécration épiscopale, son œuvre de reconstitution d’une œuvre d’Hippolyte. C’est une reconstitution, c’est tout-à-fait une reconstitution, ce n’est pas un vrai rite en usage dans l’Eglise catholique et approuvé par les Papes. C’est une création savante de Dom Botte
Serge de Beketch
Votre étude, c’est quelque chose de totalement effrayant. Ce que vous affirmez vous c’est que dans l’état actuel des choses tous les évêques qui ont été consacrés selon le rituel nouveau, le rituel conciliaire, à partir du 18 juin 1968, ne sont pas des évêques.
Abbé Cekada
Oui malheureusement, malheureusement.
Serge de Beketch
Donc tous les prêtres qu’ils ont ordonnés, ne sont pas des prêtres.
Abbé Cekada
Oui malheureusement. C’est la conséquence si on applique les principes théologiques très très clairs que Pie XII a énoncés dans son encyclique « Sacramentum ordinis ». C’est très très clair.
Serge de Beketch
A votre avis, selon votre analyse, si on accepte votre examen de la question, combien reste-t-il d’évêques validement consacrés dans le monde aujourd’hui  ? Car 1968, cela fait 40 ans bientôt, on n’est pas consacré évêque avant 40 ans, ce sont des évêques de 80 ans.
Abbé Cekada
Je ne connais pas le nombre exact. Mais la consécration n’a pas changé beaucoup dans les rites orientaux. Ce que je dis s’applique seulement au rite romain.
Serge de Beketch
Cela veut dire également que les évêques de la Fraternité Saint-Pie X, Mgr Fellay, Mgr Williamson, Mgr de Galaretta et Mgr Tissier de Mallerais sont eux validement consacrés.
Abbé Cekada
Oui, il n’y a pas de question
Serge de Beketch
Donc que les prêtres qu’ils ont ordonnés, sont validement ordonnés.
Abbé Cekada
Oui, ce sont des ordinations vraiment valides et c’est Mgr Lefebvre qui a vraiment sauvé le sacerdoce dans ce sens là.
Serge de Beketch
Si on retient votre position, c’est Providentiel, c’est plus que Providentiel l’intervention de Mgr Lefebvre. Ce qui est étonnant, c’est que votre position ne semble pas convaincre les prêtres et les évêques de la Fraternité. Avez-vous une explication à leur réserve ?
Abbé Cekada
C’est bien possible, qu’il n’y ait pas beaucoup de prêtres de la Fraternité qui ont vu ma petite étude. Elle est nouvellement publiée.
Serge de Beketch
Elle est publié chez vous en anglais sur votre site internet : www.traditionalmass.org Elle est publiée également en français, il y a une traduction qui a été faite qui est excellente, je le signale d’ailleurs, sur le site : www.rore-sanctifica.org où il y a le texte en français et j’invite les auditeurs que ça intéresse, et comment ne s’y intéresseraient-ils pas, à se reporter à ce site rore-sanctifica.org où ils auront une excellente traduction de votre travail d’une façon très facilement accessible. Une question encore, Monsieur l’Abbé Cekada. Quels sont les sacrements qui « passent au travers » si je puis dire et qui restent valides ? Il y a le baptême et le mariage ?
Abbé Cekada
Le baptême et le mariage
Serge de Beketch
Dans le cas du sacrement de pénitence, de la confession, j’ai toujours entendu dire que si on se confessait à quelqu’un qui n’est pas validement prêtre mais si on le fait avec la sincérité du cœur, on est absout.
Abbé Cekada
La théologie de l’Eglise exige qu’il faille avoir un prêtre validement ordonné pour vous donner l’absolution.
Serge de Beketch
C’est assez effrayant ce que vous nous expliquez là. Il ne reste plus qu’à nous abriter derrière la phrase de l’Ecriture qui disent : « les portes de l’Enfer ne prévaudront pas », mais comment pourraient-elles ne pas prévaloir dans une situation pareille ?On va se retrouver dans une situation où il n’y aura plus de prêtre ni d’évêques.
Abbé Cekada
On dit assez souvent en effet que l’Eglise est un peu éclipsée. Tout ceci sont les conséquences horribles du concile Vatican II, les conséquences horribles qui ont suivi le second concile du Vatican. C’est vraiment horrible de vivre dans ce temps.
Serge de Beketch
Avez-vous fait des propositions ou reçu des propositions de prêtres, je pense au Frère Pierre-Marie ou aux dominicains d’Avrillé, des propositions de disputatio ? ou à d’autres sur cette affaire ?
Abbé Cekada
Non pas encore.
Serge de Beketch
Mais vous seriez disposé bien sûr à débattre, j’imagine, de cette question ?
Abbé Cekada
Oui, je crois que je suis toujours disponible. Je préfère écrire des articles parce que les questions des rites orientaux sont vraiment très compliquées.
Serge de Beketch
Monsieur l’Abbé nous allons faire quelque chose si vous le voulez bien, nous avons des questions mais nous n’allons pas pouvoir y répondre ce soir, car comme vous le dîtes ce sont des questions complexes. Je propose à nos auditeurs qui s’intéressent à ces questions, de m’écrire leurs questions que je vous ferai parvenir aux Etats-Unis. Puis je vous ré-inviterai à cette antenne pour que vous puissiez répondre et approfondir cette question.
Abbé Cekada
Oui, d’accord.
Serge de Beketch
Je vous remercie beaucoup Monsieur l’Abbé, et gardez-nous dans vos prières.
Abbé Cekada
Merci pour votre patience avec mon français.
Serge de Beketch
Votre français est parfait et puis vous savez en temps de guerre on ne s’occupe pas trop de l’accent des gens qui combattent dans le bon combat.
Patrick Gofmann
Le latin avec un accent américain plus une touche d’accent suisse c’est délicieux.
Serge de Beketch
Merci Monsieur l’Abbé, à bientôt.