19 janvier 2011

[Paix Liturgique] Réponse à nos détracteurs: Paix Liturgique, une tribune pour les silencieux de l'Eglise

SOURCE - Paix Liturgique, lettre 266 - 19 janvier 2011

Notre lettre électronique envoyée à plus de 500.000 destinataires chaque semaine génère un très grand nombre de réponses.

Parmi elles, nous avons la joie de recevoir beaucoup d’encouragements, de messages de soutien, de dons, d’approbations ou de simples informations.

Nous recevons aussi – et c’est bien normal – un certain nombre de réactions négatives.

Nous nous proposons de répondre aujourd'hui aux quatre principales critiques qui reviennent régulièrement.

1. Qui êtes-vous pour juger nos évêques et leur distribuer des bons et des mauvais points ? Vous n'êtes pas mieux que Golias.

1. Qui sommes-nous pour "juger les évêques" ? Nous ne "jugeons" pas nos évêques mais nous nous contentons de faire connaître, le plus respectueusement possible, nos opinions. En cela nous sommes tout simplement des fidèles prompts à répondre à l'appel du concile Vatican II à « prendre une part plus active selon l’esprit de l’Église, dans l’approfondissement et la défense des principes chrétiens comme dans leur application adaptée aux problèmes de notre temps » (Décret Apostolicam Actuositatem, n. 6). Nous sommes des fidèles qui réclament, comme nous l'accorde la Constitution pastorale Gaudium et Spes (n. 62), « une juste liberté de faire connaître humblement et courageusement leur manière de voir, dans le domaine de leur compétence ». Enfin, nous sommes des fidèles désireux de s'ouvrir à leurs pasteurs « avec toute la liberté et la confiance qui conviennent à des fils de Dieu et à des frères dans le Christ de leurs besoins et de leurs vœux » et ayant « la faculté et même parfois le devoir de manifester leur sentiment en ce qui concerne le bien de l’Église » comme le stipule la Constitution dogmatique Lumen Gentium dans son article 37. Le Concile a donné la parole aux laïcs : qu’on ne leur reproche pas ensuite de la prendre lorsqu’ils parlent dans un sens qui ne convient pas à certains clercs.

Qui plus est, contrairement à d'autres, nous ne décernons de mitre à personne et ne publions pas de liste de "bons" ou de "mauvais" évêques, mais exprimons tout bonnement des jugements liés au désir qui est le nôtre de voir l'esprit du Motu Proprio Summorum Pontificum souffler dans tous les diocèses de la Chrétienté, y compris au sein des séminaires. Est-ce interdit ?

2. Vous ne considérez les diocèses, les paroisses et les communautés qu’au critère de la célébration de la messe selon la forme extraordinaire du rite romain. Or, bien d’autres charismes sont pertinents pour qualifier la vitalité de ces diocèses, de ces paroisses et de ces communautés.

2. Nous ferions une "fixette" sur la liturgie extraordinaire, au détriment d’autres aspects positifs de l’apostolat ? C'est un peu comme reprocher à "Reporters sans frontières" de ne considérer les mérites d'un pays ou d'un régime politique qu'à travers la préservation de la liberté de la presse... C'est notre objet même que d'être attachés à la liturgie traditionnelle de l'Église !

Cependant, comme dans notre dernière lettre, nous soulignons aussi souvent que nécessaire les charismes particuliers et les atouts autres que liturgiques des diocèses, des paroisses ou des communautés que nous évoquons. Reste que ce n'est pas nous mais bien le Souverain Pontife qui explique que “la célébration eucharistique”, resplendissant “de toute sa richesse multiforme dans le rite liturgique”, constitue non seulement la source mais aussi le “sommet de la vie et de la mission de l'Église” (Sacramentum Caritatis, 3).

Ce n’est pas notre faute si la célébration d'une liturgie digne et traditionnelle va de pair avec une réelle vigueur apostolique et porte de nombreux fruits en matière d’assistance à la messe, de vocations et de catéchisme. Et réciproquement. À ce titre, notre préférence pour le critère "Motu Proprio" ne nous paraît nullement abusive.

3. Contrairement à ce que vous répétez, il n’est pas évident que la célébration de la forme extraordinaire dans les séminaires favorise un "enrichissement mutuel". Cette objection est souvent accompagnée de la supputation que, pour Paix Liturgique, l'enrichissement mutuel serait en fait à sens unique : de la forme extraordinaire vers la forme ordinaire sans envisager un possible enrichissement de la forme ordinaire vers la forme extraordinaire.

3. Depuis le Motu proprio Summorum Pontificum, la liturgie traditionnelle a, du moins théoriquement, (re)gagné droit de cité dans la vie quotidienne des paroisses et le Pape invite expressément à l'enrichissement mutuel des deux formes de l'unique rite romain. Pour que cet appel du Saint Père ne demeure pas un vœu pieux, il faut encourager les échanges, les rapprochements.

Quel meilleur cadre alors que le séminaire diocésain pour favoriser ce rapprochement ? N’est-ce d'ailleurs pas une préoccupation romaine que de voir la forme extraordinaire introduite dans les séminaires ?

Du côté extraordinaire, remarquons que tout le clergé connait déjà la forme ordinaire. En effet, des séminaristes extraordinaires de plus en plus nombreux sont de jeunes gens qui n’ont jamais rien connu d’autre que la forme ordinaire et qui ont découvert tardivement la richesse de la forme extraordinaire. Pour les autres, c'est-à-dire ceux étant tombés dans la forme extraordinaire du rite romain quand ils étaient petits, l’interdiction de fait de la forme extraordinaire du rite romain pendant des décennies, le nombre très limité de lieux de culte la proposant, les difficultés pour obtenir la célébration de tel ou tel sacrement dans sa forme traditionnelle, la présence de la forme ordinaire dans toutes les paroisses du monde, les écoles, les hôpitaux… rendent impossible la méconnaissance de la forme ordinaire du rite romain pour tout le clergé extraordinaire.

De plus, si l'on considère que 10%, au bas mot (voir notre lettre n°238), des séminaristes diocésains français se considèrent comme des séminaristes “Summorum Pontificum”, prêts à célébrer l'une comme l'autre forme du rite romain, on obtient a minima le chiffre de 70 séminaristes diocésains “extraordinaires”.

Sachant qu'il y a quasiment 140 Français dans les séminaires Ecclesia Dei et FSSPX, cela signifie qu'1 séminariste “extraordinaire” (c'est-à-dire un futur prêtre qui célébrera demain la forme extraordinaire du rite romain) sur 3 choisit la voie diocésaine, donc celle de la fréquentation de la forme ordinaire de la messe.

Une proportion qui serait sans nul doute encore plus considérable si la forme extraordinaire était régulièrement célébrée dans les séminaires diocésains, ce qui n'est pour l'instant le cas dans AUCUN séminaire diocésain français (et dans bien peu de séminaires dans le monde).

En revanche, les séminaristes diocésains “ordinaires” n'ont aucun accès à la forme extraordinaire. Nombreux sont ces futurs prêtres qui n’ont jamais assisté à la messe dans la forme extraordinaire. Ils ne savent dès lors pas de quoi il s’agit. Pire, nombreux sont ceux qui croient encore les mensonges qui ont été proférés pendant des années par de nombreux clercs : « cette liturgie est interdite, schismatique… ».

Comment parler alors d'enrichissement mutuel ? Celui-ci ne peut pas se limiter aux simples parties de football ou aux repas partagés entre séminaristes “ordinaires” et séminaristes “Summorum Pontificum” !

Certes, d'aucuns souligneront que la célébration de la forme ordinaire elle-même n'est quasiment pas enseignée dans les séminaires français, son apprentissage étant supposé se faire par imprégnation. Y introduire la forme extraordinaire serait donc lui donner en quelque sorte la préséance puisqu'elle nécessite une préparation spécifique.

Justement ! Répondons-nous. En découvrant les exigences de la forme extraordinaire, les futurs prêtres diocésains “ordinaires” n'en seront qu'incités davantage à célébrer la forme ordinaire avec une plus grande dignité et une majeure attention, conformément aux vœux du Souverain Pontife.

Enfin, pour ce qui concerne Paix Liturgique, nous nous contenterons de rappeler que notre lettre est l'une des rares publications catholiques à régulièrement mettre en évidence des communautés ou des ecclésiastiques célébrant “in utroque usu”, soit dans l'une et l'autre forme du rite romain : ainsi avons-nous donné la parole aux Franciscains de l'Immmaculée, aux Chanoines de Saint-Jean-de-Kenty, à Son Excellence Mgr Schneider, évêque auxiliaire de Karaganda au Kazakhstan, à Monseigneur Bux, proche conseiller du Saint Père... Et ce n'est pas fini.

4. Vous entretenez des querelles qui ne favorisent pas la « paix liturgique ».

Ah, cette accusation de ne pas vraiment vouloir la paix liturgique... Depuis l'époque d'Oremus et nos premiers pas dans le diocèse de Nanterre, c'est la tarte à la crème de nos adversaires (adversaires et pas ennemis, la nuance est essentielle !) : « En fait, ce n'est pas la paix liturgique mais la guerre liturgique que vous voulez... » Cette accusation est une variation de celle mille fois entendue, aujourd’hui encore, contre les séminaristes qui osent critiquer leur formation, contre les prêtres qui se distinguent de la "ligne" de leur presbyterium, contre les évêques qui se démarquent de leur conférence épiscopale. Finalement, on voudrait tous nous convaincre, évêques, prêtres, séminaristes et laïcs, que c’est à cause de nous, de notre supposée intransigeance, que la réforme est mal appliquée, que le Concile ne porte pas de fruits, etc.

L’accusation est vieille comme l’idéologie. Elle est classiquement reprise contre les prétendus "extrémistes" par ceux qui font profession de modération : ces derniers sont supposés d’accord avec les critiques des "durs", mais ils accusent leur méthode qui consiste tout simplement à appeler "chat" un animal qui miaule, et "évêque hostile au Motu Proprio" le prélat qui incite, expressément ou implicitement, ses curés à refuser la demande des groupes de fidèles souhaitant bénéficier de la forme extraordinaire de la messe.

Nous jeter cette accusation, c'est considérer tout simplement que la victime est l'agresseur. Car en 2011, an 4 de l'ère Summorum Pontificum, il est toujours pratiquement interdit à la majorité des fidèles attachés à la liturgie traditionnelle de se marier, de baptiser leurs enfants, de célébrer les obsèques de leurs défunts dans leur paroisse territoriale sauf à renoncer à l'usage du missel traditionnel. Certes, ces fidèles méprisés et spoliés de ce qui est un de leurs droits canoniques élémentaires ne défraient plus beaucoup la chronique : le développement des apostolats Ecclesia Dei, voire le recours à la Fraternité Saint Pie X, leur offrent une alternative que beaucoup embrassent sans même insister auprès de leur curé.

Pourtant, pour eux, rien n'a changé : comme leurs grands-parents dans les années 70 et leurs parents à la fin des années 80, ils sont toujours les parias, silencieux, de la communauté paroissiale. Silencieux le sont aussi tous les fidèles ayant demandé l'application du Motu Proprio dans leur paroisse et qui espèrent encore une réponse favorable en dépit de l'évidente indifférence ou hostilité manifestée par leur curé.

Si donc le "crime" de Paix Liturgique est de se faire l'interprète de ces fidèles méprisés et de donner un écho à leur souffrance voire à leur colère, nous assumons devant Dieu et devant l’Église cette qualité comme une participation à la confession de la foi et à la charité pour le troupeau du Christ. Nous le disons tranquillement et sans hausser le ton : nous ne confondrons jamais la Paix du Christ – dont relève la paix liturgique – avec le silence devant l’oppression idéologique.