7 février 2010

[Paix Liturgique] Metz: Mgr Raffin, un évêque parmi d'autres

SOURCE - lettre 216 de Paix Liturgique - 7 février 2010

Le 11 novembre 2009, pourtant jour d'armistice, Mgr Raffin, évêque de Metz depuis 1987, a donné au Républicain Lorrain un entretien tout sauf pacifique. S'en prenant aussi bien au grand rabbin de Metz qu'aux orthodoxes, aux protestants et aux musulmans – ce qui, convenons-en, n'est ni politiquement ni œcuméniquement correct (1) –, il n'oubliait pas, pour faire bonne mesure, de taper également sur les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle. Plus généralement, cet entretien est choquant en raison du mépris de ce pasteur pour le passé chrétien de son diocèse.

Si nous revenons aujourd'hui sur cet entretien consternant, c'est d'abord parce que Mgr Raffin n'a pas, pour l'instant, jugé bon d’au moins rectifier le tir, alors qu’il ne peut pas avoir ignoré qu’il avait blessé et ensuite parce que nous avons découvert qu'en réalité, à Metz, le Motu Proprio Summorum Pontificum n'était même pas appliqué !

I - LES PROPOS DE L'ÉVÊQUE (extraits de l'entretien au Républicain Lorrain du 11/11/2009)

a) Sur les "tradis"
– Question : Que pensez-vous de ceux qui fréquentent la messe en latin, à Metz-Plantières, le dimanche ?
– Mgr Raffin : Ce sont des catholiques plutôt jeunes qui, dans leur majorité, ne sont pas Mosellans. Il y a beaucoup de militaires, de jeunes familles, qui ont demandé à profiter des possibilités offertes par Benoît XVI d’assister à une messe en latin selon l'ancien rite. La règle est qu’ils doivent constituer un groupe stable aux effectifs pas dérisoires. En réalité, c’est un groupe stable, en dehors des vacances scolaires où ils partent… Ce n'est pas grand-chose en soi.
– Q : Vous irez les voir ?
– MGR RAFFIN : Je n’y vais pas et je n’ai pas l’intention d’y aller.

Et Mgr Raffin de préciser, plus loin : "Ce sont essentiellement des jeunes qui idéalisent un passé qu’ils n’ont pas connu. Moi, je pense qu’ils se trompent de siècle."

b) Sur la crise de l'Église
– Question : Aujourd'hui, les Français qui se déclarent catholiques pratiquants réguliers sont 3,5 %, selon les études de l’Insee. Y a-t-il de quoi s’inquiéter ?
– Mgr Raffin : Il n’y a pas à contester ces chiffres, il faut les expliquer. Il y a cinquante ans, en Moselle, on naissait chrétien et tout le monde allait à la messe et même aux vêpres. On allait en rangs par deux à l’église, on appelait les prêtres les Herr. Et l’on montrait du doigt celui qui n’y allait pas. Tout un programme ! Aujourd’hui, c’est l’inverse… Ça prouve bien que cette foi n’était pas très solide. Qu’est-ce qui est le mieux ? La liberté et le libre engagement ou envoyer en colonne serrée les gens à l’église, sous l’autorité du prêtre ? La foi fait appel à la liberté même si, fondamentalement, l’idéal évangélique est un idéal missionnaire, fondé sur un message de vie et de bonheur diffusé à tous les hommes. On ne doit pas appeler les gens à l’église pour le plaisir d’être les plus nombreux mais pour leur bonheur personnel.
– Q : Comment ramener les fidèles à l’église ?
– MGR RAFFIN : La modernisation n’est pas une fin en soi, il ne s’agit pas d’élaborer une quelconque stratégie de communication pour remplir les salles. Les artifices n’ont jamais donné grand-chose. Il faut proposer ce que l’on est en vérité. Nous devons montrer à ceux qui viennent à l’église de temps en temps, à l’occasion d’un enterrement, par exemple, que cette maison est aussi la leur, qu’ils y ont toute leur place. Une vie n’est jamais rectiligne. Les couples avec de jeunes enfants n’ont pas toujours beaucoup de temps à consacrer au Bon Dieu. C’est dommage, mais c’est ainsi. On ne peut pas leur demander l’impossible et les engueuler quand ils viennent nous voir pour le baptême du petit dernier. La pratique hebdomadaire reste un fondement, mais aller à la messe une fois par mois, ce n’est déjà pas si mal.

II - QUI EST MGR RAFFIN ?

A lire ses propos, disons d’abord très franchement que l’homme n’est pas un aigle. Dominicain, spécialiste de liturgie (mais oui !), évêque de Metz depuis 1987 - ce qui fait de lui l'un des doyens des prélats français par l'ancienneté de la charge épiscopale -, Mgr Raffin, évêque « fait » par le cardinal Lustiger, est devenu, comme Mgr Rouet, un des membres de l’aile libérale de l’épiscopat français. Il s’était rendu jadis célèbre en critiquant le recrutement « identitaire » de Mgr Bagnard, et plus généralement le type de vocations qui se présentaient de plus en plus dans les séminaires de France.

Il s'est exprimé dès 2006 contre la libéralisation de l'usage du missel de 1962. Voici ce qu'il écrivait à l'époque, dans un article anticipant le Motu Proprio Summorum Pontificum (2) : "La coexistence de deux rites à la fois très proches et très différents, comme on vient de le montrer, est une totale nouveauté dans l’histoire de l’Église d’Occident. Les rites latins que le Missel de 1570 avait laissé subsister en raison de leur ancienneté de plus de deux cents ans (comme le rite lyonnais, le rite cistercien ou le rite dominicain) n’étaient en fait que des variantes du rite romain ; la plupart, comme le rite dominicain, ont disparu avec l’Ordo Missae de Paul VI. Si elle devait s’installer durablement, cette coexistence finirait selon moi par nuire à l’unité de l’Église catholique." Théoricien dogmatique des réformes conciliaires, Mgr Raffin en est parfois aussi le praticien éclairé : en 2004, c'est lui qui a autorisé l'organisation d'une soirée branchée - musique électronique et gogo danseuse - dans la cathédrale de Metz au prétexte de "rendre audible la Parole de Dieu à toute une génération de jeunes qui se reconnaissent dans cette culture". Comme aujourd'hui l'évêque lorrain estime, à juste titre, que "la modernisation n’est pas une fin en soi", nous jetterons un voile pudique sur cette profanation...

III - L'ÉTRANGE "MESSE EN LATIN" MESSINE

En enquêtant sur les propos tenus par l'évêque de Metz, nous avons découvert que la messe célébrée à l'église Saint Bernard ne relevait en fait pas du Motu Proprio Summorum Pontificum. Si la demande de célébration selon la forme extraordinaire du rite romain a bien été formulée en vertu du texte de Benoît XVI, la messe qui a été accordée au groupe stable local - dont, et c'est un bon point pour lui, Mgr Raffin ne méconnaît pas la légitimité - ne répond pas, en revanche, aux conditions fixées par le document pontifical.En effet, il est expressément prévu, aux articles 1 et 5 du Motu Proprio Summorum Pontificum, que le missel prévu pour la forme extraordinaire du rite romain est celui publié en 1962 et connu sous le nom de missel de Jean XXIII. Or, à Metz, c'est le missel de 1965 - missel de transition vers le nouvel ordo - qui est utilisé. Confrontés à de nombreuses autres difficultés - ou vexations ? (3) -, les fidèles ont renoncé à lutter pour obtenir le respect de la forme liturgique permise par le Saint-Siège. En 2006, Mgr Raffin craignait "la coexistence de deux rites" par souci de "l'unité de l'Église catholique". Comment explique-t-il alors que depuis fin 2008 il ait introduit, ou laissé introduire, un troisième missel dans son diocèse ? Est-ce parce que les fidèles attachés à la tradition ont du temps "à consacrer au Bon Dieu" qu'il a choisi de leur demander cet "impossible" qu'il ne demande pas à ceux qui n'en ont pas ?

IV - LES COMMENTAIRES DE PAIX LITURGIQUE

a) Privés de Charité et d'Espérance, les propos de Mgr Raffin sont tout simplement consternants. En affichant publiquement son mépris à l'égard des fidèles attachés à la "messe en latin", ce n'est rien moins que l'œuvre de réconciliation entreprise par le Saint-Père que dénigre l'évêque de Metz. Venant d'un évêque qui se félicite de ce que les Mosellans n'aillent plus à la messe comme il y a cinquante ans et explique que la foi n'est qu'une recherche de "bonheur personnel", ce mépris pour de "jeunes familles" souhaitant "profiter des possibilités offertes par Benoît XVI" sonne en fin de compte presque comme un compliment.

b) Bien que se refusant à les approcher, Mgr Raffin connaît bien les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle : des jeunes, des militaires et des familles. Des jeunes "qui se trompent de siècle" affirme-t-il. Sans parler de son mépris inconvenant, on aimerait bien demander à l'évêque de préciser pourquoi ils se trompent de siècle selon lui ? Parce qu'ils ne se contentent pas d'aller à la messe une fois par mois ? Notons cependant que ces fidèles "qui ne seraient pas mosellans" et qui n'auraient pas la chance d'être tamouls ou portugais mériteraient d'être connus… car la plupart d'entre eux, lorsque la messe ne leur est pas accordée à Metz par toute une série de mesures vexatoires et injustifiées se rendent au prieuré Saint-Pie X local où l'immense majorité des fidèles sont… "Mosellans" !

c) En 2010, les évêques français seront appelés à Rome en visite "ad limina apostolorum" pour rendre compte de leur apostolat auprès des autorités de l'Église. Prions pour que Mgr Raffin ait l'occasion de s'y entendre rappeler "l'importance de l'Eucharistie dominicale, parce que le dimanche, le premier jour de la semaine, est le jour où nous honorons le Christ, le jour où nous recevons la force de vivre chaque jour le don de Dieu" (Benoît XVI, 22 juin 2008).

d) En découvrant que le Motu Proprio Summorum Pontificum n'était pas appliqué en vérité et en charité à Metz, un précédent nous est revenu à la mémoire. C'était déjà sous Mgr Raffin. Des fidèles avaient insisté pour obtenir l'octroi d'une messe selon le Motu Proprio Ecclesia Dei de 1988. Lorsque leur requête avait finalement été satisfaite, les conditions étaient telles que l'expérience ne dura pas. La messe était célébrée dans une chapelle difficilement accessible,à un horaire non-familial, interdiction étant faite aux fidèles comme aux célébrants de la publiciser… Un sabordage en bonne et due forme que l'évêque semble vouloir renouveler pour le plus grand profit de la fraternité Saint Pie X présente à Metz…

e) Dans l'entretien qu'il a donné au Républicain Lorrain, Mgr Raffin commente la présence de la Fraternité Saint Pie X dans l'agglomération messine et constate : "L’espérance du Pape, c’était que les Lefebvristes reviennent dans la communauté catholique, sachant que cette possibilité de la célébration d'une messe en latin existait à nouveau. Cela ne s’est pas produit." Pas étonnant, serait-on tenté d'ajouter ! D'abord parce qu'en l'absence de chapelain et d'activités de type paroissial, il est difficile aux familles résidant à Metz en permanence de s'associer à une messe célébrée par intermittence (il n'y a pas de messe à chaque période de vacances scolaires, soit plus de 4 mois par an soi-disant à la demande des fidèles, qui pendant ces interruptions doivent se rendre à plus de 100km ou revenir au prieuré de la fraternité Saint Pie X). Ensuite parce que le bricolage liturgique imposé par l’évêque dans la messe qu’il accorde du bout des lèvres agit sur les familles issues de la FSSPX faisant l'expérience de la "messe en latin" de Mgr Raffin comme un repoussoir. Vu le ton « pastoral » de Mgr de Metz, il n’est pas interdit de penser que c’est peut-être, comme dans d'autres diocèses de France - nous pensons à Verdun !- le but recherché.f) En tout cas, en organisant l'inconfort des fidèles attachés aux bienfaits du Motu Proprio Summorum Pontificum, Mgr Raffin s'emploie à défaire ce que le Souverain Pontife a entrepris de recoudre patiemment : l'unité liturgique et pastorale de l'Église. Il le fait si maladroitement qu’il dispute la palme à l’inénarrable Nourrichard, évêque d’Évreux. Mgr Raffin ne prendra normalement sa retraite que dans trois ans. Il n'est qu'un évêque parmi d'autres de même tendance, plus habiles et plus discrets que lui, c’est vrai...

(1) Le grand rabbin lui répondra dans le même quotidien, ainsi qu'un prêtre orthodoxe et de nombreux lecteurs.
(2) Article "Les nova et vetera de la liturgie romaine", in Revue d'éthique et de théologie morale, n°240, septembre 2006.
(3) Il n'y a pas de prêtre officiellement en charge de la célébration. Chaque dimanche, un prêtre différent célèbre, pioché parmi les chanoines de la cathédrale. Mgr Raffin a en effet estimé que seuls les prêtres ayant célébré dans leur jeunesse pouvaient célébrer de nouveau, ce qui interdit de facto à tout prêtre plus jeune de découvrir la liturgie millénaire de l'Église. En l'absence de "chapelain", les fidèles n'ont qu'un accès limité aux sacrements, les enfants n'ont pas de catéchisme et les activités de type paroissial sont inexistantes...