26 janvier 2010

[Le Mascaret] Philippiques - Enigne

SOURCE - Le Mascaret - 26 Janvier 2010

Je pose des questions que je me garderai bien de résoudre, n'en ayant pas les moyens. Mais il me semble qu'elles méritent d'être posées. En toute ingénuité, croyez le bien, pour ceux qui me connaissent.

En 2006 la Fraternité, en la personne de son supérieur général, lance une croisade de rosaires pour obtenir la libéralisation de la messe grégorienne... Le Motu-Proprio arrive par après, exauçant manifestement (...) la première salve des millions de chapelets.

Rebelote en 2008. Nouvelle croisade, intentionnée cette fois-ci à la levée des excommunications des quatre évêques consacrés par monseigneur Lefebvre en 1988. Même succès, foudroyant pour des observateurs impartiaux... Le pape lève ces excommunications début 2009.

Et là, dix de der ; au moment décisif où le pape invite les représentants de la Fraternité à des discussions doctrinales, dont chacun sait qu'elles mériteraient au moins autant de chapelets que les précédentes causes : rien.  Monseigneur Fellay lance une croisade plus considérable encore pour... la consécration de la Russie au Cœur Immaculée de Marie.

Sur le moment vous n'avez rien compris et, je vous l'avoue, moi non plus. J'ai même souris, je le confesse, comme la femme d'Abraham. Il y a tant de causes de prières, utiles, saintes, salutaires et, partant, fort agréables à Dieu !  Pourquoi celle-là, donc, si anachronique, au moment où l'on célèbre les vingt ans de la chute du mûr de Berlin et où l'on chuchote un retour des orthodoxes (russes précisément) à l'unité catholique?
 
Mais attention. Monseigneur Fellay sait toujours ce qu'il fait. Quoi qu'il en soit du caractère télécommandé (ou non) des croisades qu'il lance, nul ne peut le soupçonner de n'en choisir pas avec un soin particulier les diverses intentions.

C'est en ce moment de perplexité que nous apprenons du gouvernement portugais que le pape a décidé de se rendre à Fatima le 13 mai 2010. On ne sait pas encore très bien les motifs de sa décision, surtout à vouloir les déchiffrer à partir de la réaction lénifiante et craintive des évêques portugais. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il tient une véritable baraqua, ce monseigneur Fellay ! Sans préjudice des arcanes divines devant lesquelles je m'incline à l'avance en bon chrétien que je m'efforce d'être, tout se passe comme si le pape se proposait à chaque fois d'aller au devant de ses prières ou si la Très Sainte Vierge les exauçait à tous coups.

Comme si. Une troisième hypothèse demande réflexion et il nous faut, pour l'émettre, faire un peu d'histoire.

Pour tous les experts de Fatima, la révélation du troisième secret n'a pas eu lieu et reste à faire. Du parallélisme des révélations de la Vierge en 1917, deux visions explicitées par deux secrets, il est certain que nous tenons les deux visions et seulement un secret. La première vision est celle de l'enfer et le premier secret est la dévotion au Cœur Immaculé de Marie et la consécration de la Russie (On parle de trois secrets lorsqu'on distingue la vision et le message. En vérité ces "deux secrets" sont une vision et son message). En mai 2000, le "texte" proposé par le futur Cal Bertonne, actuel secrétaire d'Etat mais sous les ordres, à l'époque, du Cal Ratzinger, alors Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, est la deuxième vision qu'eut sœur Lucie (consignée dans son cahier personnel) et non point le secret (consigné sous pli spécial) et remis en 1947 par l'Archevêque de Lisbonne au pape Pie XII, et conservé à part depuis lors. Il devait être révélé en 1961 et ne le fut point. Pour toutes ces questions difficiles, quoique parfaitement certaines, on pourra se référer aux bons articles du Sel de la terre de l'époque, citant les spécialistes américains.

La vision saisissante de sœur Lucie en dit long sur la nature du troisième secret qui nous reste caché. Souvenez-vous: une croix de chêne liège qui n'a plus de crucifié, ruisselle pourtant d'un sang dont les ministres ne sont plus les prêtres (!) mais les anges. Ce cortège misérable emmené par un pape et son clergé exsangue, tous assassinés sauvagement... Bref, un désarroi dans l'Eglise, une crise telle qu'on se demande sa visibilité, sa consistance, sa survie...

On sait que le Cardinal Ratzinger fut vivement contristé, à l'époque, de la prétendue révélation du 3ème secret par son délégué auprès de sœur Lucie, l'actuel Cardinal Bertonne. Il n'avait pas, alors,  la responsabilité ultime de cette décision et, comme tous dans l'Eglise mais surtout un Cardinal, il obéissait au pape. Veut-il à présent rectifier les choses ? Remettre quelques points sur les i ? Profiter de la révélation du troisième secret de Fatima pour corroborer et soutenir son œuvre de restauration en dénonçant le vent de folie théologique des années 60 ? Et, qui sait, consacrer la Russie au Cœur Immaculé de Marie, mais cette fois-ci dans les formes requises, c'est à dire en communion active avec les évêques du monde entier ? C'est son secret, pour l'heure...Mais ce pape nous a déjà suffisamment surpris pour qu'une nouvelle surprise...ne nous surprenne plus!

Reste que la justesse des choix de monseigneur Fellay se confirme. Un peu trop, d'ailleurs, à mon goût. Non que je doute de l'efficacité du chapelet. Mais, dit le proverbe, jamais deux sans trois. Le succès des deux premières croisades était prévisible puisque connu. Le succès de la troisième, que nous souhaitons tous (va sans dire) puisqu'il conjugue les intérêts de l'Église et de la Fraternité, pourrait être semblablement télécommandé. Des américains en sont déjà à dire (je suis contre) que monseigneur Fellay connaîtrait le fameux troisième secret...

Ca me chiffonnerait quelque peu pour l'honneur de la Vierge Marie, voilà tout.