20 décembre 2009

[Abbé de Tanoüarn, ibp] Question Fatale...

SOURCE - Abbé de Tanoüarn, ibp - 20 décembre 2009

Existe-t-il une spécificité de l’IBP ? La question nous est souvent posée. Par de simples laïcs ou par des ecclésiastiques éminents. Qu’est-ce qui fait la singularité de l’Institut de Bon Pasteur dans l’Eglise, parmi toutes les Sociétés de Vie Apostoliques qu’elle compte en son sein ? Quel est notre charisme propre ? Notre caractère?

Il faut chercher ce caractère propre dans les circonstances de la fondation que reflète notre décret d’érection, dans la volonté des fondateurs, telle qu’elle apparaît au fil des statuts et, ce que nous ferons ici et maintenant, dans le patronage sous lequel nous nous sommes mis : celui du Bon Pasteur qui connaît ses brebis et les appelle chacune par leur nom.

Il faudra prendre garde cependant à ne pas réduire l’esprit du Bon Pasteur à une spiritualité sacerdotale à l’usage du clergé. Alors que nos soeurs, sous la houlette de M. l’abbé Forestier, entament leur deuxième année de formation, alors que les frères du Bon Pasteur viennent de naître dans le diocèse de Bourges sous la férule de l’abbé Spinoza, il apparaît que l’esprit du Bon Pasteur ne saurait être une simple spiritualité sacerdotale.

On ne peut pas, pour autant, d’un autre côté, ignorer la dimension sacerdotale du patronage sous lequel nous nous sommes placés avec enthousiasme, celui du Bon Pasteur.

Comment concilier ces deux dernières remarques ? Peut-être faut-il, avec Cajétan, distinguer soigneusement l’office du prêtre (qui ne concerne que le clergé) et ce qu’il appelle la vertu sacerdotale. Cette vertu, note le Docteur thomiste, doit être cultivée par tous, prêtres et fidèles. C’est ainsi qu’il explique ce verset de l’Apocalypse : « Dieu a fait de nous un Royaume et des prêtres » (Apocalypse 1, 9). En esprit, en tant que chrétiens, membres du Christ, nous sommes tous prêtres…Nous devons cultiver la vertu sacerdotale, éminemment présente déjà dans le coeur de la Vierge Marie, qui n’est pas prêtre (au sens de l’officium), mais qui est reine des prêtres et plus prêtre que n’importe qui (au sens de la vertu sacerdotale).

Qu’est-ce donc que la vertu sacerdotale ? Où nous mène-t-elle ? – A l’offrande. La vertu sacerdotale est la vertu de l’offrande. Chacun d’entre nous, si nous ne voulons pas arriver les mains vides devant notre Juge, nous sommes responsables de notre propre sacrifice spirituel. C’est cette responsabilité personnelle qui constitue cette société si particulière qu’est l’Eglise du Christ. Dans l’Eglise du Christ, il n’y a que des volontaires, des personnes qui, imprégnées de la vertu sacerdotale, se sentent responsables de ce qu’elles offrent.

Nous vivons dans une spiritualité laïque des droits de l’homme, où chacun est un petit dieu. Au rebours de cet esprit qui constitue la « modernité » spirituelle, nous souhaitons mettre de manière systématique l’offre avant la demande et l’offrande avant la revendication. Telle est la vertu sacerdotale à laquelle nous nous référons. Elle convient aussi bien à des prêtres, à des religieuses, à des frères qu’à des fidèles. Je montrerai une autre fois comment elle se décline de manière merveilleusement analogique, selon chaque état de vie ou chaque circonstance, en produisant ces vertus positives que nos statuts soulignent : l’optimisme, l’esprit d’entreprise, la joie et la confiance.

Disons simplement que cette vertu d’offrande doit aussi être prise en compte dans l’organisation présente de la paix de l’Eglise. Il ne s’agit pas seulement pour l’Eglise de répondre à des demandes de fidèles ici ou là, mais de créer une offre spirituelle de qualité, qui seule conjurera efficacement le fantôme de la désertification et la tentation de l’autodestruction de l’Eglise. Appuyés sur la Tradition, nous sommes convaincus que cette offre s’exprime pleinement dans la liturgie bimillénaire de l’Eglise latine, parce que c’est par excellence la liturgie de l’offre, la liturgie de l’offrande, la liturgie du sacrifice, comme acte spirituel sans cesse renouvelé, dans le seul sacrifice complet, dans le sacrifice qui complète tous nos sacrifices, celui qu’expose merveilleusement le Bon Pasteur lui-même, au chapitre 10 de l’Evangile de saint Jean : « Ma vie, personne ne la prend mais c’est moi qui la donne ».

Abbé Guillaume de Tanoüarn +