8 décembre 2009

[La Porte Latine] Entretien avec l'abbé de Montagut, supérieur d'Espagne et du Portugal [de la FSSPX]

SOURCE - La Porte Latine - Abbé Juan Maria de Montagut, fsspx - 8 décembre 2009

LPL : M. l’abbé de Montagut, pourriez-vous vous présenter et nous décrire la fonction que vous occupez dans la Fraternité ?
Abbé de Montagut : J’ai été ordonné il y a dix ans à Ecône [NDLR : en 1999], et nommé ensuite au prieuré de Madrid. Depuis quelques mois, j’ai la charge de Supérieur de la maison autonome d’Espagne-Portugal.
Vous avez sur votre territoire un couvent de religieuses, les « Siervas de Jesús Sacerdote y del Corazón de Maria » : quelle est l’origine de cette congrégation ?
Elle est née dans des circonstances difficiles pour les soeurs. Suite aux distances prises par le Père Muñoz, fondateur de l’Oasis de Jesús Sacerdote à Barcelone, d’avec la Fraternité, une partie de la communauté, ne voulant se détacher de notre combat, et après des longs mois de difficultés à l’intérieur du couvent, demandèrent aux Supérieurs de la Fraternité une solution devant la situation qui devenait insoutenable pour la bonne poursuite de leur vocation religieuse. C’est ainsi que quinze soeurs quittèrent le monastère de l’Immaculée à Barcelone, et sont arrivées dans la région de Madrid, à proximité de notre Casa San José.
Comment décrire plus précisément leur « spécificité » par rapport aux carmélites ou aux autres ordres contemplatifs féminins ?
C’est une bonne question ! Cette famille religieuse a forcément beaucoup de points en commun avec d’autres formes de vie cloîtrée, comme l’intense vie d’oraison (deux heures d’oraison mentale dans la chapelle) qui est toujours le point central. Les ‘Servantes de Jésus Prêtre’ fondent leur règle de vie sur la spiritualité de Saint François de Sales, qui insiste davantage sur la mortification de l’esprit (humilité, simplicité, joie) plutôt que sur les pénitences corporelles.Elles ont aussi unegrande dévotion envers la Sainte Messe, et vénèrent tout particulièrement le Coeur Immaculé de Notre Dame, voulant par là répondre aux instances du Ciel à Fatima. Mais leur spécificité se résume dans cette phrase que la novice prononce le jour de sa profession : « Immolation et silence pour la sanctification des prêtres et âmes consacrées ».
En « immolation et silence pour la sanctification des prêtres et âmes consacrées » : quel magnifique et sublime programme ! Mais une barre placée si haut n’est-elle pas un obstacle aux vocations pour cette jeune communauté ?
En effet, il semblerait trop ambitieux comme programme. Il l’est. Mais l’appel et la grâce de Dieu amènent cette magnanimité dans les âmes, même si on parle de jeunes filles. La Providence se plaît à susciter des grandes oeuvres surnaturelles lorsque son Église endure des grandes épreuves, et nous devons être persuadés de l’importance capitale de la prière dans la restauration de l’Église, qui ne se fera que par le retour des prêtres à la foi et au sacrifice de la Messe. Autrement dit, ces religieuses ont la mission de soutenir les bons prêtres mais surtout d’obtenir de Dieu la conversion de beaucoup d’autres, en offrant (c’est cela que signifie ‘oblation’) leurs vies à Dieu dans le silence de la clôture. C’est un programme bien actuel et nécessaire, qui correspond très bien, me semble-t-il, à la pensée de Mgr Lefebvre lorsqu’il parle de « religieuses affiliées » dans nos constitutions.
Combien sont-elles à ce jour  (Nombre de professes, de novices, de postulantes) ?
À ce jour elles sont toujours quinze, toutes professes car la dernière novice vient de faire il y a seulement quelques jours sa profession. En ce moment il n’y a pas de postulantes, ce qui est probablement en partie dû à la jeunesse de leur Congrégation et le peu connue qu’elle est ailleurs. De plus, une communauté contemplative, de par sa nature, n’est pas très visible aux jeux d’autrui...
De quels pays sont-elles originaires ?
L’Espagne, le Mexique, la France, l’Argentine, et même l’ancienne Rhodésie y sont représentés.
À partir de quel nombre les Servantes de Jésus Prêtre décideront-elles de lancer une nouvelle fondation ? Et quel est le pays qui a le plus de chances de les voir s’implanter ?
En fait, elles sont en soi suffisantes pour pouvoir fonder ailleurs, mais tout reste au jugement des supérieurs, qui sont les mieux établis pour décider du lieu et du moment idoines pour le faire. Le Mexique, la France et l’Argentine ont des chances de devenir les amphitryons de prochaines communautés des Siervas de Jesús Sacerdote.
Les lecteurs internautes de La Porte latine sont majoritairement français, mais viennent aussi de tous les pays du monde : quel message voulez-vous leur faire passer et comment pourraient-ils soutenir et aider nos chères Sœurs?
Je m’adresserais d’abord à des jeunes filles qui sentent l’appel de Dieu à une vie contemplative, et qui en même temps se soucient en voyant la défaillance et infidélité de tant de ministres de Dieu, et veulent faire quelque chose... Qu’elles en parlent à leurs confesseurs, et demandent à venir visiter la communauté. À mes confrères, je les invite tout simplement à venir connaître ces religieuses.
Pour les aider, je demande à tous des prières d’abord, car elles forment une armée d’élite qui a besoin d’encouragement (elles ont même une branche de laïcs dits «auxiliaires»). Mais il y a aussi, bien sûr, l’aspect matériel : elles commencent à zéro et pour l’instant elles se trouvent dans une propriété louée et avec la nécessité d’en trouver une définitive. J’ose vous laisser leurs coordonnées et le nº de compte bancaire :

Siervas de Jesús Sacerdote

y del Corazón de María
Apartado de correos nº 3
28.979 – Serranillos del Valle (Madrid)
Espagne

Compte Courant :
María Mercedes Matía Bahillo
0030/1401/84/0000399271
Code BIC : ESPC-ESMM
(Code IBAN : ES-66 [+ le nº de compte])
 Monsieur l’abbé puisque vous êtes responsable de la FSSPX en Espagne et au Portugal, pouvez-vous nous dire un mot de votre apostolat dans ces deux pays ?
Même en parlant de ma propre patrie, je dois avouer la difficulté que notre apostolat rencontre dans des pays qui gardent encore certaines coutumes catholiques traditionnelles (processions, neuvaines populaires, etc...), où le clergé est globalement plus conservateur qu’ailleurs, et respecté des catholiques encore pratiquants, et où les plus conservateurs des fidèles se groupent autour des nombreuses institutions à la piété et aux formes assez ‘traditionnelles’ (du genre Opus Dei, Legionarios de Cristo, Lumen Dei...). Si on rajoute le culte outré et sans nuances des catholiques pour la personne du Pape, voici le champ sur lequel nous devons travailler en essayant de réveiller l’intelligence de la foi, avec ses conséquences liturgiques et doctrinales. Et ce que je dis, s’applique assez facilement à notre pays frère du Portugal.
Combien de prieurés compose votre immense champ d’apostolat ? Pouvez-vous nous dire un mot de vos confrères et de leurs responsabilités ?
Votre question est une colle! Je veux dire, qu’il vous suffit d’enlever le pluriel pour savoir quel est le nombre de prieurés que nous desservons. Dans toute l’Espagne, et en dehors de la capitale (qui est ‘la paroisse’), on visite une douzaine de villes périodiquement, mais il s’agit de groupes restreints dont les plus nombreux ne dépassent jamais 25 fidèles, ce qui rend difficile la fondation d’autres prieurés. Et même s’il s’agit de noyaux bien établis, le progrès numérique reste difficile de par les circonstances que je viens de décrire. Un espagnol (ou un portugais) n’approcheront de la Fraternité qu’après un mûrissement intellectuel, puisque son coeur traditionnel trouve facilement ailleurs où abreuver sa saine piété.
Pour l’apostolat en Espagne, nous sommes trois confrères (cela fait des kilomètres !...) à tourner dans ces différents lieux de culte, en dehors des tâches particulières assignées à chacun, et pour le Portugal c’est M. l’abbé Ettelt qui s’envole toutes les semaines à la capitale, visitant aussi régulièrement quatre autres lieux (à noter notre chapelle à Fatima).
Et dans l’avenir, la Fraternité a-t-elle de nouveaux projets d’installation et de développement ?
Le développement se fait toujours, mais très lentement. Ce sont de plus en plus nombreux les jeunes (même les jeunes ménages) qui, moins chargés d’a priori que leurs parents, et un peu déçus du manque de réponses dans les groupes ‘conservateurs’, approchent de nous. Un déclic important arrivera sans doute un jour si Rome faisait un pas sincère vers la Tradition. Cela réveillerait beaucoup de choses en Espagne et Portugal.
Quant aux projets, d’abord celui de raffermir spirituellement et former nos fidèles. Aussi la construction d’une église à Madrid ; aider à l’installation définitive des Siervas de Jesús sacerdote ; développer l’apostolat de la presse ; on pense aussi à une petite résidence pour nos vieillards, ‘anciens combattants’ souvent isolés et dispersés dans toute notre géographie. Ma foi, les projets ne manquent pas.
Pouvez-vous nous dire un mot sur  prêtres amis ?
En ce moment nous avons deux prêtres associés qui habitent chez nous, et un autre qui collabore en Argentine. Dans des différentes régions, on a des contacts de sincère amitié avec des prêtres diocésains, pour la plupart d’un âge jeune, qui apprennent à célébrer la Sainte Messe (certains la célèbrent chaque semaine depuis le Motu proprio), et qui voient en nous l’espoir pour l’Église. Il est à remarquer l’attitude de pleine confiance qu’ils nous font dès le premier contact, au point de nous considérer comme la seule référence doctrinale hors de doute, et comment notre connaissance les encourage à persévérer et avancer dans le bon sens, faute de faire un pas personnel plus fort et plus décisif.
Quelles sont vos relations avec l'épiscopat local ? Ont-elles évolué depuis le Motu Propio de 2007 et le retrait du décret d’excommunication ?
Les évêques nous ignorent, en sachant que nous ne représentons un danger numérique important. Cependant, ils appréhendent ce que signifie notre présence, et pour mâter des initiatives nées après le Motu proprio sur la Messe, ils accourent souvent à l’argument de « attention aux lefebvrians ! ». C’est tout de même curieux de voir cette peur du fantasme de la Tradition. Je profite pour dénoncer une espèce d’accord tacite de l’épiscopat espagnol pour rendre difficile sinon empêcher l’établissement de la messe traditionnelle dans leurs diocèses (par exemple, dans les diocèses de Madrid, Santander, Oviedo, Palma de Mallorca, Gran Canaria). Eux, qui se présentent comme les défenseurs du Pape, les voici insoumis et désobéissants dans l’application de ses volontés [du Pape] dans leurs propres juridictions...
Et les vocations religieuses ?
À présent on est sept prêtres espagnols, et un évêque !, Mgr. de Galarreta ; de plus, deux jeunes se trouvent au séminaire de La Reja. Dans le monastère capucin de Morgon un frère profès se prépare, Dieu aidant, au sacerdoce.
Avez-vous un projet qui vous tient particulièrement à cœur ?
Oui, celui de consacrer plus de temps au contact avec le clergé (plusieurs centaines de prêtres nous ont demandé le DVD sur la célébration de la Messe), et si possible en établissant une sorte de Lettre à nos frères prêtres comme il existe en France.
Quel sera votre mot de conclusion sur les Servantes de Jésus Prêtre et sur votre apostolat ?
Un appel à la prière pour l’Église, dont ces Soeurs en sont un modèle. L’appel à la générosité des âmes des jeunes filles, puisque la maternité spirituelle dépasse infiniment en nombre et joies celle des foyers.

Et pour notre apostolat, des prières aussi car il est rude (on ne manque pas de joies, quand même !), et surtout recommander la difficulté que nous trouvons à établir une petite école pour nos enfants, car la récente législation socialiste empêche toute initiative modeste, ce qui a provoqué le déménagement de plusieurs de nos familles en d’autres pays.
Que Dieu et Notre Dame bénisse la France catholique !
Propos recueillis pour La Porte Latine le 8 décembre 2009