1 mars 2009

[Nicolas Senèze - la Croix] Les regrets de Mgr Williamson sont-ils suffisants ?

SOURCE - Nicolas Senèze - la Croix - 1er mars 2009

Pour le président du Crif, la lettre de Mgr Williamson publiée jeudi et demandant pardon pour ses propos négationnistes ne règle rien. Le Saint-Siège a jugé ces excuses insuffisantes.

Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif)

« Évidemment, non ! Cette lettre sonne comme une mauvaise plaisanterie. Mgr Williamson écrit qu’il “regrette” le mal que ses propos ont provoqué “notamment à l’Église, mais aussi aux survivants et aux familles des victimes qui ont subi des injustices sous le IIIe Reich”. Notez la délicatesse du terme ! C’est tout de même une sacrée “injustice” d’être gazé avec l’ensemble de sa famille ! Il n’emploie même pas le mot “juif”… Et jamais il ne dit qu’il renie des propos. Un de mes amis, Shlomo Venezia, a passé plusieurs mois dans les Sonderkommandos chargés de vider les corps des chambres à gaz. On ne peut pas dire qu’il ment. Il en a écrit un livre : j’aimerais que Mgr Williamson le lise avec beaucoup d’attention.

Cela fait vingt ans que Mgr Williamson raconte ces salades négationnistes. Depuis 2001, il y a rajouté qu’il était impossible que des avions aient été à l’origine de la destruction des tours de New York, mais que c’est un complot. Il parle très clairement de l’influence des juifs dans le monde et de la véracité des Protocoles des Sages de Sion… Tout cela au vu et au su de la Fraternité Saint-Pie-X, qui n’a pas trouvé cela répréhensible.

Nier la Shoah est un mensonge et une perversion de la morale. Il me semble que, confrontés à la question de savoir s’il fallait tout faire pour éviter un nouveau schisme ou s’en tenir à l’esprit de Vatican II (notamment dans les rapports avec les juifs), certains, au Vatican, ont choisi la première solution. Mais le prix à payer est extraordinairement lourd. C’est s’engager sur la route d’une distorsion entre le bien et le mal. Car comment imaginer que la Commission Ecclesia Dei n’aurait pas été au courant de ce que disait Mgr Williamson depuis vingt ans ?

J’ai plutôt l’impression qu’ils ont jugé cela secondaire par rapport au retour des brebis égarées. Or, pour moi, c’est fondamental ! La seule idée qu’un évêque, un prêtre tienne un pareil discours me révulse. Je n’ai pas à donner de leçons à l’Église catholique, mais je pense que cela n’est pas compatible avec la vocation d’un prêtre. Car les propos de Mgr Williamson sont la dénégation complète de ce qui nous est commun, juifs et catholiques : la dignité humaine.

À propos des intégristes, on a beaucoup parlé de liturgie, mais le vrai problème est leur rejet de Vatican II et de son point central qui est la liberté religieuse et le dialogue avec les autres religions, notamment le judaïsme. C’est ce noyau dur de Vatican II qui ne passe pas chez certains. Nous n’avons pas à dire au Saint-Siège ce qu’il doit faire. En tout état de cause, il ne le fera pas pour nous, mais pour lui.

Car je suis profondément convaincu que cette œuvre de reconnaissance, entamée par Jean XXIII et Paul VI et continuée par Jean-Paul II, est dans notre intérêt commun. Mais avoir des positions idéologiques faibles dans cette confrontation avec ceux qui s’arc-boutent sur leurs positions, c’est se mettre en position de faiblesse. Cela montre en tout cas la nécessité absolue qu’il y ait, dans l’Église, un véritable enseignement de la Shoah.

Il faut quand même remarquer que les positions de Mgr Williamson sont très minoritaires : les Églises de France et d’Allemagne se sont élevées avec vigueur contre ce qu’il a dit. Ces réactions fortes m’ont mis du baume au cœur. »

Recueilli par Nicolas SENÈZE