28 janvier 2007

[Aletheia n°104] Les quatre refus de la FSSPX

Yves Chiron - Aletheia n°104 - 28 janvier 2007
Les quatre refus de la FSSPX - par Yves Chiron
Alors que le motu proprio de Benoît XVI sur la messe est toujours en attente de publication, la Fraternité Saint-Pie X, à travers ses instances officielles, s’est exprimée ces dernières semaines dans une tonalité de fermeté ou de refus qui est significative du non possumus que, depuis 1988 au moins, elle maintient.
Les quatre prises de position que je vais citer ont été publiques. On ne peut accuser la FSSPX de tenir un double langage. En revanche, il n’est pas sûr que les lecteurs d’Aletheia – qui, pour leur plus grand nombre, ne sont pas familiers des moyens de communication de la FSSPX ou des lieux où elle s’exprime – en aient eu connaissance. Aussi, sans porter de jugement sur les prises de position exprimées, je crois utile de les rapporter, le plus objectivement possible, dans leur ordre de succession en ce mois de janvier 2007.



Benoît XVI à la mosquée bleue : « un scandale »
L’abbé Grégoire Celier, qui dirige encore pour quelques mois la principale revue de la FSSPX (Fideliter) et sa maison d’éditions (Clovis), intervient de plus en plus souvent au nom de la Fraternité Saint-Pie X pour expliquer les positions de la Fraternité fondées Mgr Lefebvre. Ses interventions laissent présager du rôle qui sera le sien, à l’avenir, dans la politique de communication de la FSSPX.
Lors du voyage qu’il a accompli en Turquie, Benoît XVI a visité, le 30 novembre dernier, la célèbre mosquée bleue d’Istanbul. Au cours de cette visite, le Pape et le Grand Mufti qui l’accompagnait se sont arrêtés, un moment : le Mufti priant en silence, le Pape se recueillant dans une méditation silencieuse.
Cette image a scandalisé certains catholiques, le site sédévacantiste Virgo Maria y voyant même une « apostasie » de Benoît XVI. L’abbé Celier, dans un article publié le 3 janvier 2007 sur le site internet de la FSSPX en France (La Porte Latine), n’emploie pas ce mot, mais il estime que c’est un « acte mauvais en soi » et « un scandale, au sens réel et étymologique » car « il induit les âmes au péché, dans ce qui est le plus grave, la confession de la foi ». L’abbé Celier, pour mieux faire connaître cette prise de position de la FSSPX, a réalisé, en urgence, une brochure qui reprend le texte diffusé sur internet, accompagné de diverses photographies[1].
Le geste de Benoît XVI à Istanbul s’inscrirait dans la logique des réunions inter-religieuses organisées par Jean-Paul II à Assise. S’il écarte, avec bon sens, le « soupçon d’adhésion implicite à l’islam », l’abbé Celier estime que le Pape a posé un acte qui « encourage l’opinion commune que les diverses traditions religieuses se valent plus ou moins, qu’aucune religion ne détient la totalité de la vérité ». Par ce « geste » de méditation silencieuse dans une mosquée le Pape « participe à la diffusion du relativisme religieux ».
On remarquera que les explications que Benoît XVI a fournies sur son geste et sa « médiation » dans la mosquée d’Istanbul ne sont pas citées une seule fois par l’abbé Celier, ni le commentaire qui a été donné ensuite par le P. Lombardi, directeur de la Salle de Presse du Vatican.



« Vatican II a baptisé l’idéal maçonnique »
Le 7 janvier dernier, clôturant à Paris le VIIe Congrès théologique organisé par la revue Si si No no, l’Institut Universitaire Saint-Pie X et DICI, congrès consacré aux crises de l’Eglise, le Supérieur général de la FSSPX, Mgr Fellay, a fait une longue conférence pour montrer que dans la crise actuelle de l’Eglise, c’est le sacerdoce lui-même qui a été atteint[2]. S’appuyant sur de nombreuses et longues citations de Mgr Lefebvre, Mgr Fellay a montré que celui-ci avait d’abord voulu fonder une œuvre de préservation et de transmission du sacerdoce « dans toute sa pureté doctrinale, dans toute sa charité missionnaire ». Reprenant une expression de Mgr Lefebvre, Mgr Fellay estime que la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X est « l’Œuvre à laquelle Dieu va confier l’Arche d’Alliance du Nouveau Testament ».
Faisant allusion, notamment, à la déclaration sur la liberté religieuse, à la constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde et au décret sur l’œcuménisme, Mgr Fellay estime que « Vatican II a baptisé l’idéal maçonnique ».



Benoît XVI : « un moderniste » et « un « hérétique »
Vatican II : à mettre « tout entier à la poubelle »
Dans les jours qui ont suivi ce Congrès théologique, Mgr Williamson, un des quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre en 1988, a donné une interview à l’hebdomadaire Rivarol (numéro du 12 janvier 2007).
Dans cet entretien, accordé au journaliste Jérôme Bourbon, Mgr Williamson porte des jugements très sévères sur Benoît XVI, dans des termes que je ne commenterai pas : « Si un moderniste est quelqu’un qui veut adapter l’Eglise Catholique au monde moderne, certainement Benoît XVI est un moderniste. Il croit toujours que l’Eglise doit se réapproprier les valeurs de la Révolution française. Peut-être admire-t-il moins le monde moderne que Paul VI, mais il l’admire encore beaucoup trop. Ses écrits passés sont pleins d’erreurs modernistes. Or, le modernisme est la synthèse de toutes les hérésies (Pascendi, saint Pie X). Donc, comme hérétique, Ratzinger dépasse de loin les erreurs protestantes de Luther comme l’a très bien dit Mgr Tissier de Mallerais. »
Mgr Williamson estime encore que les actes du concile Vatican II « sont beaucoup trop subtilement et profondément empoisonnés pour qu’il faille les réinterpréter. Un gâteau en partie empoisonné va tout entier à la poubelle ! ».
Dans une vision providentialiste de l’histoire de l’Eglise, Mgr Williamson estime « ou bien dans cinq, dix, vingt ans Dieu intervient avec un châtiment exemplaire pour rétablir l’ordre, ou bien l’Eglise en sera à gémir dans les catacombes, en attendant cette intervention. De toute façon, la situation actuelle est irrécupérable par des efforts purement humains. »



« Pas d’accord à court terme avec Rome »
Avec un Pape qui crée « scandale », qui est « moderniste » et « hérétique », qui ne met pas « à la poubelle » un concile « empoisonné », il n’y a pas d’accord « à court terme » possible : voilà, en substance, la position actuelle de la FSSPX.
Ce résumé de la situation, à partir des textes cités ci-dessus, trahit-il ou caricature-t-il la position actuelle de la FSSPX ?
Je ne le pense pas. Et, tout en tenant compte que les analyses et prises de position des uns n’équivalent peut-être pas celles des autres, et que l’autorité des uns n’équivaut pas à celles des autres, on doit bien considérer que la FSSPX reste dans une position de « Non possumus ».
Même si le Pape publie un indult accordant une plus grande liberté à la messe traditionnelle et lève solennellement l’excommunication qui frappe les quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre, « la Fraternité Saint-Pie X n’envisage pas de signer un accord à court terme avec Rome ».
C’est la position qu’expose l’abbé Grégoire Celier dans un ouvrage à paraître Benoît XVI et les traditionalistes. Le livre doit être publié le 12 mars prochain aux éditions Entrelacs, une filiale du groupe Albin Michel. C’est un livre d’entretiens entre l’abbé Celier et Olivier Pichon, directeur du magazine Monde et Vie, ancien élu du Front National et du M.N.R.
Il est significatif que l’ouvrage soit annoncé à paraître le 12 mars. Que d’ici là, le motu proprio « libérateur » de la messe traditionnelle ait été publié ou pas, la position de la FSSPX n’en sera pas changée. Car, en disant « la Fraternité Saint-Pie X n’envisage pas de signer un accord à court terme avec Rome », l’abbé Celier n’exprime pas, bien sûr, une opinion personnelle, il s’exprime, comme dans toutes ses initiatives et tous ses écrits publics, avec l’accord de ses supérieurs. C’est donc bien la position officielle de la FSSPX qu’il développe dans cet ouvrage à paraître.
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NOTES
[1] Abbé Grégoire Celier, D’Assise à Istanbul, A L’Enseigne du Petit-Pont, 12 pages, 2 euros. La brochure est disponible à la Librairie France-Livres, 6 rue du Petit-Pont, 75005 PARIS.
[2] Les actes de ce Congrès seront publiés dans les mois à venir. Des comptes-rendus, d’une tonalité assez différente, ont été publiés sur le site de la FSSPX, La Porte Latine, et sur le site sédévacantiste Virgo Maria.

[Yves Chiron - Aletheia] Les quatre refus de la FSSPX

SOURCE - Yves Chiron - Aletheia (n°104) - 28 janvier 2007

Alors que le motu proprio de Benoît XVI sur la messe est toujours en attente de publication, la Fraternité Saint-Pie X, à travers ses instances officielles, s’est exprimée ces dernières semaines dans une tonalité de fermeté ou de refus qui est significative du non possumus que, depuis 1988 au moins, elle maintient.
 
Les quatre prises de position que je vais citer ont été publiques. On ne peut accuser la FSSPX de tenir un double langage. En revanche, il n’est pas sûr que les lecteurs d’Aletheia – qui, pour leur plus grand nombre, ne sont pas familiers des moyens de communication de la FSSPX ou des lieux où elle s’exprime – en aient eu connaissance. Aussi, sans porter de jugement sur les prises de position exprimées, je crois utile de les rapporter, le plus objectivement possible, dans leur ordre de succession en ce mois de janvier 2007.
Benoît XVI à la mosquée bleue : « un scandale »
L’abbé Grégoire Celier, qui dirige encore pour quelques mois la principale revue de la FSSPX (Fideliter) et sa maison d’éditions (Clovis), intervient de plus en plus souvent au nom de la Fraternité Saint-Pie X pour expliquer les positions de la Fraternité fondées Mgr Lefebvre. Ses interventions laissent présager du rôle qui sera le sien, à l’avenir, dans la politique de communication de la FSSPX.
 
Lors du voyage qu’il a accompli en Turquie, Benoît XVI a visité, le 30 novembre dernier, la célèbre mosquée bleue d’Istanbul. Au cours de cette visite, le Pape et le Grand Mufti qui l’accompagnait se sont arrêtés, un moment : le Mufti priant en silence, le Pape se recueillant dans une méditation silencieuse.
 
Cette image a scandalisé certains catholiques, le site sédévacantiste Virgo Maria y voyant même une « apostasie » de Benoît XVI. L’abbé Celier, dans un article publié le 3 janvier 2007 sur le site internet de la FSSPX en France (La Porte Latine), n’emploie pas ce mot, mais il estime que c’est un « acte mauvais en soi » et « un scandale, au sens réel et étymologique » car « il induit les âmes au péché, dans ce qui est le plus grave, la confession de la foi ». L’abbé Celier, pour mieux faire connaître cette prise de position de la FSSPX, a réalisé, en urgence, une brochure qui reprend le texte diffusé sur internet, accompagné de diverses photographies[1].
 
Le geste de Benoît XVI à Istanbul s’inscrirait dans la logique des réunions inter-religieuses organisées par Jean-Paul II à Assise. S’il écarte, avec bon sens, le « soupçon d’adhésion implicite à l’islam », l’abbé Celier estime que le Pape a posé un acte qui « encourage l’opinion commune que les diverses traditions religieuses se valent plus ou moins, qu’aucune religion ne détient la totalité de la vérité ». Par ce « geste » de méditation silencieuse dans une mosquée le Pape « participe à la diffusion du relativisme religieux ».
 
On remarquera que les explications que Benoît XVI a fournies sur son geste et sa « médiation » dans la mosquée d’Istanbul ne sont pas citées une seule fois par l’abbé Celier, ni le commentaire qui a été donné ensuite par le P. Lombardi, directeur de la Salle de Presse du Vatican.
« Vatican II a baptisé l’idéal maçonnique »
Le 7 janvier dernier, clôturant à Paris le VIIe Congrès théologique organisé par la revue Si si No no, l’Institut Universitaire Saint-Pie X et DICI, congrès consacré aux crises de l’Eglise, le Supérieur général de la FSSPX, Mgr Fellay, a fait une longue conférence pour montrer que dans la crise actuelle de l’Eglise, c’est le sacerdoce lui-même qui a été atteint[2]. S’appuyant sur de nombreuses et longues citations de Mgr Lefebvre, Mgr Fellay a montré que celui-ci avait d’abord voulu fonder une œuvre de préservation et de transmission du sacerdoce « dans toute sa pureté doctrinale, dans toute sa charité missionnaire ». Reprenant une expression de Mgr Lefebvre, Mgr Fellay estime que la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X est « l’Œuvre à laquelle Dieu va confier l’Arche d’Alliance du Nouveau Testament ».
 
Faisant allusion, notamment, à la déclaration sur la liberté religieuse, à la constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde et au décret sur l’œcuménisme, Mgr Fellay estime que « Vatican II a baptisé l’idéal maçonnique ».
Benoît XVI : « un moderniste » et « un « hérétique »
Vatican II : à mettre « tout entier à la poubelle »
Dans les jours qui ont suivi ce Congrès théologique, Mgr Williamson, un des quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre en 1988, a donné une interview à l’hebdomadaire Rivarol (numéro du 12 janvier 2007).
Dans cet entretien, accordé au journaliste Jérôme Bourbon, Mgr Williamson porte des jugements très sévères sur Benoît XVI, dans des termes que je ne commenterai pas : « Si un moderniste est quelqu’un qui veut adapter l’Eglise Catholique au monde moderne, certainement Benoît XVI est un moderniste. Il croit toujours que l’Eglise doit se réapproprier les valeurs de la Révolution française. Peut-être admire-t-il moins le monde moderne que Paul VI, mais il l’admire encore beaucoup trop. Ses écrits passés sont pleins d’erreurs modernistes. Or, le modernisme est la synthèse de toutes les hérésies (Pascendi, saint Pie X). Donc, comme hérétique, Ratzinger dépasse de loin les erreurs protestantes de Luther comme l’a très bien dit Mgr Tissier de Mallerais. »
 
Mgr Williamson estime encore que les actes du concile Vatican II « sont beaucoup trop subtilement et profondément empoisonnés pour qu’il faille les réinterpréter. Un gâteau en partie empoisonné va tout entier à la poubelle ! ».
 
Dans une vision providentialiste de l’histoire de l’Eglise, Mgr Williamson estime « ou bien dans cinq, dix, vingt ans Dieu intervient avec un châtiment exemplaire pour rétablir l’ordre, ou bien l’Eglise en sera à gémir dans les catacombes, en attendant cette intervention. De toute façon, la situation actuelle est irrécupérable par des efforts purement humains. »
« Pas d’accord à court terme avec Rome »
Avec un Pape qui crée « scandale », qui est « moderniste » et « hérétique », qui ne met pas « à la poubelle » un concile « empoisonné », il n’y a pas d’accord « à court terme » possible : voilà, en substance, la position actuelle de la FSSPX.
 
Ce résumé de la situation, à partir des textes cités ci-dessus, trahit-il ou caricature-t-il la position actuelle de la FSSPX ?
 
Je ne le pense pas. Et, tout en tenant compte que les analyses et prises de position des uns n’équivalent peut-être pas celles des autres, et que l’autorité des uns n’équivaut pas à celles des autres, on doit bien considérer que la FSSPX reste dans une position de « Non possumus ».
 
Même si le Pape publie un indult accordant une plus grande liberté à la messe traditionnelle et lève solennellement l’excommunication qui frappe les quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre, « la Fraternité Saint-Pie X n’envisage pas de signer un accord à court terme avec Rome ».
 
C’est la position qu’expose l’abbé Grégoire Celier dans un ouvrage à paraître Benoît XVI et les traditionalistes. Le livre doit être publié le 12 mars prochain aux éditions Entrelacs, une filiale du groupe Albin Michel. C’est un livre d’entretiens entre l’abbé Celier et Olivier Pichon, directeur du magazine Monde et Vie, ancien élu du Front National et du M.N.R.
 
Il est significatif que l’ouvrage soit annoncé à paraître le 12 mars. Que d’ici là, le motu proprio « libérateur » de la messe traditionnelle ait été publié ou pas, la position de la FSSPX n’en sera pas changée. Car, en disant « la Fraternité Saint-Pie X n’envisage pas de signer un accord à court terme avec Rome », l’abbé Celier n’exprime pas, bien sûr, une opinion personnelle, il s’exprime, comme dans toutes ses initiatives et tous ses écrits publics, avec l’accord de ses supérieurs. C’est donc bien la position officielle de la FSSPX qu’il développe dans cet ouvrage à paraître.

[1] Abbé Grégoire Celier, D’Assise à Istanbul, A L’Enseigne du Petit-Pont, 12 pages, 2 euros. La brochure est disponible à la Librairie France-Livres, 6 rue du Petit-Pont, 75005 PARIS.
 
[2] Les actes de ce Congrès seront publiés dans les mois à venir. Des comptes-rendus, d’une tonalité assez différente, ont été publiés sur le site de la FSSPX, La Porte Latine, et sur le site sédévacantiste Virgo Maria.

26 janvier 2007

[Golias] Le rôle cardinal du G.R.E.C.

SOURCE - Golias - 26 janvier 2007

On sait que "cardo" en latin désigne le "gond". Ce qui permet à une porte de s’ouvrir.
 
Nous entendons ici évoquer le rôle souterrain et néanmoins décisif d’un groupe plus ou moins informel, le G.R.E.C. qui vise à favoriser la réconciliation entre les traditionalistes de la Fraternité Saint Pie X et la hiérarchie catholique officielle.
 
La règle d’or de ce groupe est d’éviter la polémique agressive au profit d’un échange, d’un partage respectueux et d’une recherche en commun de solutions. Le G.R.E.C. (sans "e" final) est le Groupe de réflexion entre catholiques à ne pas confondre avec le GRECE club d’Alain de Benoist de tendance traditionaliste et gnostique.
 
Le G.R.E.C est né à l’initiative de Madame Huguette Pérol, veuve de l’Ambassadeur à Rome Gilbert Pérol, dès 1997.
 
Le groupe fait office de passerelle officieuse entre les intégristes et Rome. Mais l’épiscopat français y participe également avec l’un de ses représentants, Mgr Philippe Breton, né en 1936, évêque d’Aire et Dax depuis 2002, connu pour ses accointances avec tout ce que l’Eglise compte de réactionnaire. Ce prélat très précieux d’ancien régime est d’ailleurs surnommé "Fifi la duchesse".
 
Deux autres évêques français, désireux de retrouvailles amicales avec les intégristes, auraient des contacts réguliers avec le G.R.E.C : NN SS André Fort, évêque d’Orléans et Alain Planet, évêque de Carcassonne.
 
Le G.R.E.C. est proche de la revue "Képhas", de l’abbé Denis Le Pivain son rédacteur en chef et du protecteur épiscopal (et collaborateur), Mgr Raymond Centène. Né en 1958, évêque de Vannes, Mgr Centène est attaché à l’ancienne liturgie et proche de la mouvance traditionaliste (Vaucluse). Sur les questions morales, il a pris des positions d’une intransigeance inouïe et réouvert un petit séminaire dans son diocèse pour restaurer la théologie la plus sclérosée du sacerdoce.
 
Le principal représentant d’Ecône est l’abbé Alain Lorans. Cet ecclésiastique frêle et cultivé est un proche de Mgr Bernard Fellay, évêque schismatique lefebvriste d’origine suisse et patron de la fraternité sacerdotale Saint Pie X. Les négociations au sommet sont déjà balisées au niveau du G.R.E.C. . L’abbé Lorans, habile diplomate, dirige le DICI, l’organe international de presse de la fraternité Saint Pie X. Il serait en relation étroite avec Mgr (autoproclamé tel) Gilles Wach, né en 1956, ordonné en 1979 par le Pape Jean Paul II et fondateur de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre de Gricigliano. L’abbé Lorans est ancien Recteur de l’Institut Universitaire Saint Pie X. Il anime une émission sur Radio Courtoisie.
 
L’homme clé pourtant est l’abbé Claude Barthe. Né en 1947, prêtre du diocèse d’Auch, longtemps en état d’apesanteur canonique" selon son mot, plaisant en vérité, l’abbé est un théologien brillant, qui écrit dans la revue "Catholica" dirigée par un laïc proche de la droite la plus dure, Bernard Dumont. L’abbé Barthe vient d’écrire et diffuse un petit livre "proposition pour une paix liturgique de l’Eglise" ? Spécialiste de la question liturgique, il critique très vivement la réforme liturgique de Paul VI et souhaite promouvoir une restauration liturgique qui reprend certaines considérations formulées par... Joseph Ratzinger.
 
L’abbé Barthe a ses entrées à Rome, y compris chez le cardinal français Paul Poupard. Il est également très lié aux abbés Paul Aulagnier et Philippe Laguérie, de l’Institut du Bon Pasteur.
 
Barthe est à la tête d’un réseau occulte d’influence incluant Gregory Solari, directeur des éditions "ad solem", Daniel Hamiche, chroniqueur à Radio Courtoisie, Denis Sureau, directeur de l’Homme Nouveau (auquel le Vatican vient de confier l’édition et la diffusion de l’édition française hebdomadaire de... l’Osservatore Romano, pas moins !).
 
Le Père Michel Lelong, né en 1925, père blanc, très actif jadis dans le dialogue avec les musulmans, grand pourfendeur des abus liturgiques et de la catéchèse frelatée (selon lui) y joue également un rôle décisif. Tout comme le Père Olivier de la Brosse, né en 1931, longtemps en poste à Rome, éloigné des vues intégristes à titre personnel mais connu pour son entregent sinon son esprit d’intrigue. C’est un homme fort cultivé au demeurant, maître d’œuvre d’une remarquable chronologie universelle. Le bon père remplit un office stratégique au sein du G.R.E.C. En effet, il tente de se faire l’écho de l’esprit de ce groupe dans le monde de la culture, quitte à apitoyer fallacieusement des personnalités de ce même monde sur le sort de traditionalistes qui seraient exclus et persécutés dans l’Eglise de France.
 
Depuis 1998, le G.R.E.C se réunit chaque mois. Son influence est considérable car il sert de relais aux actions des différents réseaux des participants... et de lieu d’échange et de croisement de ces mêmes réseaux. En 2003, il a notamment organisé un colloque très remarqué sur le thème "tradition et modernité".
 
A l’évidence, le G.R.E.C. n’a rien d’un simple groupe marginal se cantonnant à pieuses considérations. Il constitue la courroie de transmission des échanges et des négociations entre Rome et Ecône.
 
Les différents partenaires sont ainsi également informés des réactions dans les différents camps. C’est en son nom que pourrait se préciser la forme concrète sous laquelle une restauration liturgique pourrait être mise en place et une reconnaissance globale très complaisante de la fraternité Saint Pie X mise en place.

25 janvier 2007

[Côme de Prévigny - La Porte Latine] Le concile à "la lumière de la Tradition" (4) - Coup d'oeil sur les limites de l'expression

SOURCE - Côme de Prévigny - La Porte Latine - 25 janvier 2007

Sous les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI, la politique romaine des accords entre le Saint-Siège et les fidèles de la Tradition a généralement suivi deux orientations. D'une part, par la pratique de l'indult, elle a multiplié les concessions en faveur du rite tridentin. En se refusant jusqu'à présent à le libéraliser et en ne lui accordant qu'une existence contrôlée et surveillée, elle n'a pu lui attribuer qu'une place cantonnée, voire marginalisée. D'autre part, sur le plan théologique, elle a eu le souci de surmonter la pierre d'achoppement que constituait Vatican II en conduisant les autorités romaines à déceler la meilleure formule de compromis. Liant « concile » à « Tradition », celle-ci devait permettre l'adhésion de ces catholiques aux textes mêmes tout en laissant croire que la règle résidait dans la faculté d'y voir la pénétration du libéralisme dans l'Église. Relire le concile, éclairer le concile, revenir à la lettre du concile, le critiquer de manière positive sont autant d'expressions qui furent tour à tour expérimentées. Toutes étaient une manière plus ou moins affirmée de faire accepter le concile à la lumière de la Tradition. Mais pour l'âme catholique, peut-on objectivement se satisfaire de cette formulation ? Y aurait-il d'autre lumière que la Tradition pour éclairer un texte du Magistère?

Afin de répondre à cette question, nous souhaitons simplement donner un coup de projecteur sur l'un des points posant manifestement problème dans les textes mêmes du concile, à savoir la liberté religieuse, et montrer qu'en l'occurrence la lumière de la Tradition pourrait difficilement illuminer un texte qui nécessite indiscutablement une précision de la part du Saint-Siège, ainsi que l'a suggéré Monseigneur Fellay.
I. La "liberté religieuse", une nouveauté à Vatican II.
Ce titre n'est ni une déduction ni une innovation personnelle. C'est le Père Congar lui-même, l'un des théoriciens du Concile qui l'a affirmé. Il expliquait que, dans la Sainte Écriture, ce thème n'existait pas. Il est vrai que ce théologien dominicain n'était pas un partisan de l'herméneutique de la continuité, que pour lui Vatican II avait indubitablement constitué une rupture, et même un octobre rouge dans l'Église.

Le problème réside toutefois dans le fait que le Père puis cardinal Congar a toujours été présenté comme l'un des plus éminents théologiens du Concile et s'est systématiquement félicité de la pénétration de nouveaux idéaux dans le monde catholique tels que la liberté religieuse, la collégialité ou l'ocuménisme comme il est envisagé depuis quarante ans.

Examinons donc le texte même de la déclaration Dignitatis humanae promulguée par la neuvième session du Concile. Il prévoit et même il institue un « droit » à la liberté religieuse qui doit être reconnu dans la législation.
« Le Concile du Vatican déclare que la personne humaine a le droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part soit des individus, soit des groupes sociaux de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu'en matière religieuse, nul ne soit forcé d'agir, dans de justes limites, contre sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d'autres. Il déclare, en outre, que le droit à la liberté religieuse a son fondement dans la dignité même de la personne humaine telle que l'a fait connaître la parole de Dieu et la raison elle-même. Ce droit de la personne humaine à la liberté religieuse dans l'ordre juridique de la société doit être reconnu de telle manière qu'il constitue un droit civil. » (IIe concile du Vatican, déclaration sur la Liberté religieuse Dignitatis Humanae.)
Précisons bien les choses. L'assemblée des évêques du monde entier a donc choisi d'affirmer deux idées générales : d'une part, l'homme doit pouvoir bénéficier d'une liberté en matière religieuse ; d'autre part, ce principe de la liberté religieuse doit être inscrit dans la loi.

La Tradition paraît justement enseigner l'antithèse du concile. Pire, la présente déclaration semble être contredite mot pour mot par plusieurs textes du magistère précédent. Dans son encyclique Quanta Cura du 8 décembre 1864, le bienheureux pape Pie IX ne se contente pas d'affirmer un principe dont il serait l'auteur. Il fait un rappel des enseignements de son prédécesseur :
"Et, de fait, vous le savez parfaitement, vénérables frères, il s'en trouve beaucoup aujourd'hui pour appliquer à la société civile le principe impie et absurde du " naturalisme" , comme ils l'appellent, et pour oser enseigner que " le meilleur régime politique et le progrès de la vie civile exigent absolument que la société humaine soit constituée et gouvernée sans plus tenir compte de la religion que si elle n'existait pas ou, du moins, sans faire aucune différence entre la vraie et les fausses religions. " Et contre la doctrine de la Sainte Écriture, de l'Église et des saints Pères, ils affirment sans hésitation que : " la meilleure condition de la société est celle où on ne reconnaît pas au pouvoir le devoir de réprimer par des peines légales les violations de la loi catholique, si ce n'est dans la mesure où la tranquillité politique le demande. " À partir de cette idée tout à fait fausse du gouvernement des sociétés, ils ne craignent pas de soutenir cette opinion erronée, funeste au maximum pour l'Église catholique et le salut des âmes, que notre prédécesseur Grégoire XVI, d'heureuse mémoire, qualifiait de délire (1) : " la liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme. Ce droit doit être proclamé et garanti par la loi dans toute société bien organisée.

Les citoyens ont droit à l'entière liberté de manifester hautement et publiquement leurs opinions, quelles qu'elles soient, par les moyens de la parole, de l'imprimé ou tout autre méthode sans que l'autorité civile ni ecclésiastique puisse lui imposer une limite. " Or, en donnant pour certitudes des opinions hasardeuses, ils ne pensent ni ne se rendent compte qu'ils prêchent " la liberté de perdition " et que, s'il est permis à toutes les convictions humaines de décider de tout librement, il n'en manquera jamais pour oser résister à la vérité et faire confiance au verbiage d'une sagesse tout humaine. On sait cependant combien la Foi et la sagesse chrétienne doivent éviter cette vanité si dommageable, selon l'enseignement même de Notre Seigneur Jésus-Christ."
Que retenir de cette encyclique : Pie IX dit précisément que c'est un délire de penser d'une part que l'homme doit pouvoir bénéficier de la liberté religieuse et que, d'autre part, le principe de la liberté religieuse doit être inscrit dans la loi. Épineux problème dès lors que celui qui consiste à rendre conciliables ces deux actes du Magistère. Face à une telle confusion, n'y a-t-il pas danger de voir les âmes s'égarer dans les plus funestes doutes ? Éclairer le Concile à la lumière de la Tradition, ne reviendrait-il pas dans l'état des choses à vouloir clouer une vis ou à visser un clou ? Non seulement, ces deux propositions que tenait le Concile paraissent entrer en contradiction avec la doctrine enseignée par l'Église un siècle auparavant, mais Grégoire XVI et Pie IX n'ont pas hésité à qualifier le principe de la liberté religieuse de délire. Est-il possible que les changements des temps puissent expliquer la métamorphose d'un délire en réalité conciliaire ?
II. Les contradictions de la Tradition vivante
Le pape Benoît XVI, alors qu'il n'était encore que le cardinal Ratzinger, avait affirmé, pour illustrer cette rupture entre l'enseignement des papes du XIXe siècle et les décrets du concile, que Vatican II, c'était le contre-Syllabus (2).

Face à une telle contradiction, deux orientations majeures se sont dessinées dans l'histoire de l'Église. D'un côté, les défenseurs de la Tradition voient dans ce principe même ce qui a toujours été cru et enseigné par l'Église. Les rubriques en matière de foi doivent donc demeurer constantes. De l'autre, les partisans de « la Tradition vivante », si chère à Paul VI et Jean-Paul II, considèrent que la Tradition, c'est la doctrine interprétée par les papes. Aussi pensent-ils qu'une proposition qui s'appliquait hier peut être contraire aux intérêts des hommes le lendemain.

Si on suit un tel raisonnement, on est en droit de s'interroger sur la durabilité des doctrines définies par les papes, étant donné que jamais par le passé un pontife romain n'a clairement signalé la caducité de telle ou telle doctrine. Jamais, par exemple, un pape depuis Pie XI n'a dit que l'encyclique Mortalium animos du 6 janvier 1928 était devenue obsolète. Celle-ci condamnait fermement les réunions ocuméniques regroupant des croyants de différentes religions dans le but de promouvoir la paix. Force est de constater que, quarante ans plus tard, aux lendemains du Concile, ce texte n'était plus appliqué dans l'Église catholique. Faut-il dès lors croire que les actes du magistère vieux de quarante ans ne s'appliquent plus ? Ceci pose un réel problème lorsqu'on entend dire que le concile Vatican II n'est pas encore appliqué.

Aussi, apparaît-il clairement que cette fausse conception de Tradition vivante est impuissante à expliquer les contradictions du magistère, que vouloir l'appliquer engendrerait un nombre de confusions incalculables où nul ne saurait distinguer ce qui doit être cru de ce qui ne doit plus l'être.

Tournons-nous donc vers l'autre orientation, celle qui prône la pérennité des doctrines, celle que défendaient les papes du XIXe siècle lorsqu'ils condamnaient la liberté religieuse. En 1864, Pie IX faisait précisément référence à l'encyclique Mirari vos de son prédécesseur Grégoire XVI. Celui-ci dressait un tableau assez troublant des effets de la liberté religieuse qui amènera facilement l'observateur à établir quelques comparaisons avec l'époque que nous vivons :
« De cette source empoisonnée de l'indifférentisme découle cette maxime fausse et absurde ou plutôt ce délire : qu'on doit procurer et garantir à chacun la liberté de conscience ; erreur des plus contagieuses, à laquelle aplanit la voie cette liberté absolue et sans frein des opinions qui, pour la ruine de l'Église et de l'État, va se répandant de toutes parts, et que certains hommes, par un excès d'impudence, ne craignent pas de représenter comme avantageuse à la religion. Eh ! " Quelle mort plus funeste pour les âmes que la liberté de l'erreur " disait saint Augustin (S. Aug., Ép. CLXVI). En voyant ôter ainsi aux hommes tout frein capable de les retenir dans les sentiers de la vérité, entraînés qu'ils sont déjà à leur perte par un naturel enclin au mal, c'est en vérité que nous disons qu'il est ouvert ce " puits de l'abîme " (Apoc. IX, 3), d'où saint Jean vit monter une fumée qui obscurcissait le soleil, et des sauterelles sortir pour la dévastation de la terre.

De là, en effet, le peu de stabilité des esprits ; de là, la corruption toujours croissante des jeunes gens ; de là, dans le peuple, le mépris des droits sacrés, des choses et des lois les plus saintes ; de là, en un mot, le fléau le plus funeste qui puisse ravager les États ; car l'expérience nous l'atteste et l'antiquité la plus reculée nous l'apprend : pour amener la destruction des États les plus riches, les plus puissants, les plus glorieux, les plus florissants, il n'a fallu que cette liberté sans frein des opinions, cette licence des discours publics, cette ardeur pour les innovations.»
Inutile d'épiloguer plus longtemps. Grégoire XVI parle ici en prophète. L'instabilité des esprits, la corruption de la jeunesse, le mépris du sacré, tout apparaît de manière flagrante sous nos yeux. Il suffit d'en chercher la source.
III. Revenir à la doctrine traditionnelle de la liberté
Tous les papes ont condamné le principe de la liberté religieuse en tant que liberté d'adhérer indifféremment à la vérité ou à l'erreur.Reprenez saint Paul, les pères, les docteurs, les papes, ils dressent un réquisitoire sans appel ! Faut-il qu'un concile enseigne l'erreur et le délire ? Pas exactement. D'ailleurs Monseigneur Lefebvre a rappelé que Vatican II ne professait pas formellement l'hérésie mais que les textes pouvaient amener à l'hérésie. La déclaration sur la liberté n'enseigne pas précisément : « il est libre à tout homme de choisir sa religion» même si le principe global pourrait presque le laisser penser. S'il ne proclame pas explicitement l'erreur, il ouvre néanmoins les portes à une hérésie rampante. Ce sont ces portes que nous voulons justement fermer par une redéfinition des termes.

Dans l'application, on est conduit à dépasser l'étape consistant à « interpréter à la lumière de la Tradition » car cette expression semble équivoque. Il ne suffit pas simplement d'éclairer les textes, il faut graver les lignes que dessine cette effervescence lumineuse sur les textes eux-mêmes afin d'en dénoncer les ombres. En d'autres termes, il est nécessaire de repréciser, de redéfinir les mots de la déclaration. À cet effet, il est d'ailleurs inutile de sombrer dans un examen sans fin des formulations conciliaires car l'histoire de l'Église est assez riche et recèle des trésors inestimables en la matière. En l'occurrence, l'encyclique Libertas Praestantissimum (20 juin 1888) du pape Léon XIII est une mise au point idéale du principe de liberté. D'une part, elle indique qu'il existe une liberté intrinsèque à l'homme, celle des enfants de Dieu, qui leur permet d'adhérer eux-mêmes à la Vérité ; d'autre part, elle fustige la conception née dans les salons anticléricaux des Lumières selon laquelle la liberté serait une mise à un même niveau de la vérité et de l'erreur et qui, à terme, doit écrouler l'édifice de la Chrétienté.

Comment montrer que la liberté religieuse du concile est la première et non la deuxième ? La marge de manouvre concédée parDignitatis humanæ paraît étroite mais elle semble toutefois praticable dans la mesure où les termes sont définis, où les principes sont éclaircis, où le doute est volontairement écarté.

Sans que l'on puisse s'en étonner, dans Libertas Praestantissimum, Léon XIII se fait l'héritier de la Tradition en condamnant la liberté en tant que source du libéralisme. Il défend parallèlement la liberté, souverain bien, que Dieu a conféré à l'homme pour qu'il se donne librement à lui.
« Et d'abord, à propos des individus, examinons cette liberté si contraire à la vertu de religion, la liberté des cultes, comme on l'appelle, liberté qui repose sur ce principe qu'il est loisible à chacun de professer telle religion qu'il lui plaît, ou même de n'en professer aucune. Mais tout au contraire, c'est bien là sans nul doute, parmi les devoirs de l'homme, le plus grand et le plus saint, celui qui ordonne à l'homme de rendre à Dieu un culte de piété et de religion. Et ce devoir n'est qu'une conséquence de ce fait que nous sommes perpétuellement sous la dépendance de Dieu, gouvernés par la volonté de la Providence de Dieu et que, sortis de lui, nous devons retourner à lui. » [.]

« C'est pourquoi offrir à l'homme la liberté dont Nous parlons, c'est lui donner le pouvoir de dénaturer impunément le plus saint des devoirs, de le déserter, abandonnant le bien immuable pour se tourner vers le mal : ce qui, nous l'avons dit, n'est plus la liberté mais une dépravation de la liberté et une servitude de l'âme dans l'abjection du péché.»
De liberté religieuse, il ne peut donc y avoir que la liberté d'adhérer sans aucune entrave à la religion divine, liberté qui doit s'exercer sans contrainte sinon elle engendrerait un défaut de liberté. Elle doit néanmoins être assistée par des secours tant humains (présence marquée de la Religion dans les États) que divins (grâce de Dieu) pour soutenir le Chrétien et pour pallier la nature blessée par le péché originel qui incline inévitablement au mal. Mais quel homme de Foi oserait imaginer que des secours puissent constituer des entraves ? Il est nécessaire de rappeler la précision incontournable qu'a le soin d'apporter le pape Léon XIII. La liberté dont Dieu a doté l'homme est un bien inestimable que l'Église a toujours défendu :
« Que tous participent à la vraie liberté, celle qui consiste, comme nous l'avons démontré, en ce que chacun puisse vivre selon les lois et selon la droite raison. Si, dans les discussions qui ont cours sur la liberté, on entendait cette liberté légitime et honnête, telle que la raison et Notre parole viennent de la décrire, nul n'oserait plus poursuivre l'Église de ce reproche qu'on lui jette avec une souveraine injustice, à savoir qu'elle est l'ennemie de la liberté des individus et de la liberté des États. Mais, il est un grand nombre qui, à l'exemple de Lucifer, de qui est ce mot criminel : Je ne servirai pas, entendent par le nom de liberté ce qui n'est qu'une pure et absurde licence. Tels sont ceux qui appartiennent à cette école si répandue et si puissante et qui, empruntant leur nom au mot de liberté, veulent être appelés Libéraux.»
De deux choses l'une : ou bien les théologiens se comportent en libéraux et voient dans la liberté religieuse celle qui consiste à choisir à son gré sa confession et dès lors ils s'inscrivent à l'école de Lucifer. Léon XIII le dit bien, c'est ainsi que s'ouvre le chemin de la différence. Ou bien ils rappellent clairement qu'elle ne peut être que cet élan sans entrave ni embûche qui conduit l'homme vers Dieu, par sa grâce et par les bienfaits de l'Église et des États chrétiens.

Dès lors, l'unique façon de reconnaître cette partie de la déclaration Dignitatis humanae telle qu'elle a été formulée de manière ambiguë est de lui adjoindre des marques de précision qui la réorientent vers la Tradition. D'une certaine mesure, on peut affirmer que « le Concile du Vatican déclare que la personne humaine a le droit à la liberté religieuse » uniquement si cette liberté est celle de recourir toujours plus à Dieu et non la liberté de choisir son culte. Le fait que « nul ne soit forcé d'agir, dans de justes limites, contre sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d'autres », ne peut pas constituer une faculté autorisée à sombrer dans l'erreur. Il doit être entendu de manière exclusive comme l'interdiction d'user de violence physique ou morale pour forcer une âme à croire.

C'est pourquoi, cette liberté religieuse ne doit en rien être perçue comme la liberté de l'erreur. En la matière, les hommes doivent en être prémunis. Cette liberté religieuse n'est pas celle qui permet d'opter pour la croyance présumée par la seule conscience. Ce serait, dans bien des cas, rendre l'âme esclave de ses propres pensées. Elle est simplement ce principe, qui lui est en tout opposé, qui consiste à « soustraire les hommes à toute contrainte de la part des individus », qui fait que « nul ne soit forcé d'agir » car comme le disait le grand Bossuet : « on ne précipite pas une âme dans la Foi, on l'y conduit ». Dès lors, il va de soi que la liberté religieuse qui doit être garantie par l'ordre juridique est bien celle qui évite à l'homme d'être forcé ou persécuté pour croire à une religion. Elle n'induit aucunement, bien au contraire, que la religion doit disparaître de la société. Elle ne constitue certainement pas cette fausse liberté (qui est en réalité une privation de la liberté) qui annihilerait toute forme de religion dans la société pour mettre au même plan la vérité et l'erreur.

Ce principe, tel qu'il a été défini doit donc interdire d'utiliser la violence, qu'elle soit physique ou morale, pour forcer l'âme à croire car d'ailleurs il est même douteux qu'en de telles circonstances elle crût. Parallèlement, il se doit d'assister en plaçant sur son chemin les services indispensables à son salut. Ce serait d'ailleurs contraire à la charité chrétienne que d'imaginer que l'on puisse rendre son prochain aussi libre d'assurer son salut dans le seul vrai Dieu un et Trinité que de s'égarer dans des systèmes de croyance purement humains.
Conclusion
Dans l'état des choses, la lettre du Concile demeure trop ambiguë pour qu'elle puisse être suivie par l'âme catholique. Il ne suffit pas de l'éclairer à la lumière de la Tradition pour que les uns travaillent dans cette lueur tandis que les autres vivent dans la pénombre. La préciser et la définir est un devoir incontournable pour pouvoir la concilier avec la Tradition. Il ne suffit certes pas de juxtaposer deux textes qui doivent constituer deux réservoirs doctrinaux afin de contenter les deux tendances de l'Église ; il faut donner les moyens à tous les prêtres de la terre, à tous les fidèles de disposer de la saine doctrine par des précisions théologiques systématiques. En matière liturgique, nous pensons que la libéralisation de la sainte messe pourra diffuser des grâces qui peu à peu rendront obsolète le nouveau rite ambigu. De même, nous avons la ferme conviction que la proclamation de la vraie et saine doctrine réduira à néant les nouveaux décrets si ambigus.

Côme Prévigny - Paris le 25 janvier 2007
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(1) - Il faut entendre délire au regard de son étymologie : de delirare, sortir du sillon. Dans ce sens, le délire est une construction intellectuelle sans liaison avec le monde réel et s'accompagnant généralement d'une conviction absolue.

(2) - Le cardinal Ratzinger, à propos de la constitution pastorale Gaudium et Spes déclara : « Si l'on cherche un diagnostic global du texte, on pourrait dire qu'il est (en liaison avec les textes sur la liberté religieuse et sur les religions du monde) une révision du Syllabus de Pie IX, une sorte de contre-Syllabus. [...] Contentons-nous ici de constater que le texte joue le rôle d'un contre-Syllabus, dans la mesure où il représente une tentative pour une réconciliation officielle de l'Église avec le monde tel qu'il était devenu depuis 1789. » Joseph, cardinal Ratzinger, Les principes de la théologie catholique. Esquisse et matériaux, Coll. Croire et Savoir, Paris, Téqui, 1985, pp.423-427.

22 janvier 2007

[Christian Roy (France) - La Porte Latine] Le concile à la lumière de la Tradition : n'est-ce pas un oxymore à refuser avec énergie ?

SOURCE - Christian Roy (France) - La Porte Latine - 22 janvier 2007

Qui suis-je
Je suis ingénieur ESME et j'ai complété ma formation initiale par un DEA en informatique à Orsay. Je suis aujourd'hui cadre enseignant, j'ai 56 ans et j'habite le sud de la France (Gers). Mon épouse et moi sommes membres du Tiers Ordre Franciscain à Aurenque et parents de six enfants dont deux sont religieuses dans la Tradition à leur et à notre très grande satisfaction.

Nous avons fait partie des origines du MJCF qui nous a fait apprécier la théologie, la philosophie et le vrai catholicisme. Depuis, c'est une recherche incessante de la Vérité et j'ajouterai, ce qui est bien connu, que plus j'avance et plus j'ai l'impression de ne rien savoir !
Quelque notions préalables de ce qu'est la vérité et comportements à adopter en face d'elle.
Commençons par nous amuser un peu... En effet, quand je regarde la première définition du mot "rien" dans le dictionnaire, vous pouvez vérifier..., il signifie "quelque chose". L'exemple le plus fréquent est : "est-il rien de plus beau?" ! Donc rien, c'est quelque chose, et, si rien, c'est quelque chose, c'est que quelque chose, c'est rien ! Donc, pour faire court, le fait de ne rien savoir et de s'en rendre compte, n'est-ce pas ce qui est le plus beau? Mais pourtant je sais bien que je sais quelque chose, même si ce n'est pas grand chose, et ce quelque chose je le nommerai : "vérité". Mais ce quelque chose bien que n'étant rien est pourtant en toute vérité à la base de Tout ! Or Tout est Un, et c'est Dieu, se définissant par le Christ, qui est Dieu, comme la Vérité et la Vie ! En conséquence, le Tout est la Vérité. Alors c'est que la vérité est à la fois rien du tout, quelque chose et Tout ? Cherchez l'erreur...

C'est pourtant typiquement comme cela que fonctionne un libéral ou un moderniste... arriver dans une même phrase à dire une vérité et son contraire ! Cette phrase "la vérité est à la fois rien du tout, quelque chose et Tout" sera toujours vraie pour un libéral. Cependant, la loi fondamentale de l'énoncé d'une vérité n'est pas respectée. Pourquoi ? Parce que le "rien du tout", le "quelque chose" et le "Tout" ne sont pas regardés sous les mêmes rapports. De plus des liens sémantiques ont été utilisés afin d'arriver à la conclusion, liens qui ne sont pas valables. Donc nous n'avons pas le droit d'énoncer cette phrase.

Soyons plus sérieux et redevenons philosophe. La vérité est un bien incalculable mis à notre disposition. Il y a en effet des principes de raisonnement comme celui de vérité que nous ne pouvons pas évacuer, comme le font les libéraux ou les modernistes, sinon, il ne nous resterait plus qu'à nous taire ! Car si la vérité n'existe pas, qu'elle est changeante ou encore qu'elle dépend de celui qui l'exprime, tout en étant regardée sous les mêmes rapports, à quoi sert d'essayer de la transmettre et de la faire vivre ? La parole, dont le seul but fondamental est d'exprimer des vérités, ne servirait plus à rien ! C'est la raison pour laquelle quand je rencontre une personne qui ne croit pas au concept de vérité, j'essaie de lui faire comprendre la stricte obligation qu'elle a de se taire.

Elle ne peut même pas bouger le petit doigt ! Elle n'en a pas le droit car ce serait exprimer par là qu'elle agit et donc que ce serait une vérité. Elle ne peut même pas être un végétal ou une pierre inerte ! Elle ne peut même pas "être" tout court, car sa simple existence exprimerait justement la vérité de son existence !

Il est donc très instructif de comprendre que nous ne pouvons pas donner la parole à un libéral ! Nous n'en avons théologiquement, philosophiquement et moralement pas le droit ! Intéressant, non ? Donc avant toute discussion, il est important de savoir si la personne comprend et accepte les principes de vérité. Si elle ne les accepte pas ou ne les comprend pas, elle ne peut pas avoir droit à la parole, car ce qu'elle dira ne servira strictement à rien dans la mesure où cela ne recouvrira pas les mêmes concepts ou idées que vous.

Comment se mettre d'accord sur des concepts si la vérité n'existe pas ou si elle dépend de chacun sous une même expression ?...

Vous risqueriez aussi de croire qu'elle accepte vos vérités alors que celles-ci seront submergées par les sables mouvants d'autres vérités changeantes ou acceptées comme inexistantes. Essayez donc de mettre un bout de papier sur lequel est écrit une vérité au bord d'un trou noir cosmique... Cette vérité aura implosée avant même d'entrer dans les profondeurs insondables du trou noir ! Le libéral est en effet un trou noir ! Il dissout toute vérité et ce sont justement les vérités qu'il dissout lentement qui forment les bordures de son trou noir attirant par là les autres vérités, qui sont encore restées vérités. Le jour où le trou noir aura tout absorbé, il n'y aura plus rien !

Heureusement, rassurons-nous, ce n'est pas parce que le monde entier serait libéral que le principe même de la vérité aurait totalement disparu. Cela est strictement impossible. La primauté de la vérité est tellement absolue que rien ne pourra jamais l'effacer même si les hommes décidaient le contraire. Tout amour même pourrait disparaître totalement de la planète, la vérité serait toujours là ! Mais rien que sur ces sujets, il faudrait un livre entier pour en bien comprendre toutes les dimensions, et ce n'est pas l'objectif de ma participation.

La conclusion est que toute discussion avec un vrai libéral est impossible tant qu'il n'aura pas compris la valeur de la vérité comme étant l'un des premiers principes de la raison. Cette discussion avec lui est à fuir de façon radicale ! Ne cherchons pas à discuter avec le poison, nous risquerions d'être empoisonné. Savez-vous que la présence d'une seule goutte de nicotine à quelques centimètres du bec d'un oiseau suffit à le tuer ?

Et pourtant, il est de notre devoir de poursuivre le dialogue avec le Pape sans pour cela que les vérités de notre foi puissent se retrouver un jour sur le bord du trou noir. Par conséquent, toutes les affirmations, les recherches, etc. qui concernent les relations entre la Tradition et le Pape ou le Concile Vatican II doivent être passées au filtre très serré de la vérité et donc de la Tradition. Voilà donc l'esprit de ma participation.
Lecture du Concile " à la lumière de la Tradition" ?
Les deux interventions des 6 et 10 janvier 2007 concernant "le Concile à la lumière de la Tradition" m'interpellent.

La tradition m'enseigne qu'il faut bannir les oxymores (c'est à dire introduire dans un même concept ou une même expression une vérité et son contraire ou y cacher des sens volontairement doubles ou pour faire évoluer l'expression au gré des vérités de chacun. Ex : "union libre"). Je serai donc fidèle à la Tradition en refusant avec énergie une telle expression.

Sans prêter d'intentions malveillantes, si Rome est d'accord avec cette expression, ce ne serait que pour mieux conserver les thèses du Concile qu'elle cherche par tous les moyens à conserver, causes-mêmes de sa crise, en formulant, voire en inventant de toutes pièces, des références idéalistes avec, par, dans ou à la Tradition.

Le naufrage de la Rome actuelle ne doit pas entraîner un sabordage plus profond de la Tradition.

La Tradition est la Tradition et le Concile Vatican II est le Concile Vatican II. Or le Concile Vatican II dit ou laisse supposer à plusieurs endroits le contraire de ce que dit la Tradition. Conclusion, le Concile Vatican II ne représente pas, ni ne s'appuie sur la Tradition pour affirmer ce qu'il entend dire ou instituer. Quelle est donc sa légitimité ? Lire ou relire le "Concile à la lumière de la Tradition" n'entraînerait donc qu'un sabordage de la Tradition en l'impliquant dans des assertions erronées ou ambigües du Concile et donc naîtrait une crise dont l'ampleur serait certainement pire que celle actuelle.

Le vrai ne peut en aucune façon s'accorder avec l'erreur ! Est, est, non, non. "Qui n'est pas avec Moi, est contre Moi" disait le Christ. Au nom de la vérité, nous n'avons donc pas le droit de donner à Rome ce ridicule compromis (vu de notre côté, mais ce n'est pas le sien) pour qu'elle s'en sorte la tête haute en reformulant le Concile à la lumière de la Tradition... !

Si des textes du Concile ne sont pas bons, ils sont mauvais et ce n'est pas en les reformulant à la lumière de la Tradition que cela les rendra plus crédibles ou valides.
En effet, lire certains textes du Concile Vatican II à la lumière de la Tradition pour les reformuler, ou les préciser dans un sens contraire à ce qu'ils étaient censés dire, serait affirmer que la vérité est changeante ou dépend de l'époque. C'est à dire ce serait arriver à faire dire à la Tradition, si toutefois le Concile est supposé s'y rattacher ou y faire référence, que sa propre vérité est changeante. Ce qui consacrerait certaines thèses modernistes. Nous entrerions alors dans un processus marxiste, celui de révolution permanente : à chaque fois qu'on s'aperçoit que la majorité démocratique ne les affirment plus, c'est en changeant les vérités pour qu'elles s'accordent avec la nouvelle majorité qu'on maintient le pouvoir tout en allant dans un sens bien déterminé, celui des droits de l'homme ! C'est le gouvernement par consensus ! C'est justement comme cela qu'a fonctionné le Concile Vatican II, au moins pour une partie et les Pères conciliaires, surtout ceux restés attachés à la Tradition, n'étaient pas formés à cette nouvelle technique subversive ou mentalité pour y résister.

Ce n'est certes pas comme cela que nous allons résoudre la crise de l'Eglise !

Donc si des textes du Concile ne sont pas bons, ils sont mauvais et contrairement à un libéral, ils ne peuvent pas être bons et mauvais à la fois et sous les mêmes rapports. Il n'y a pas d'autre alternative ! La Tradition ne peut en aucun cas s'accomoder d'une façon quelconque avec des textes, même très bien retouchés, initialement mauvais, même à dire expressément le contraire de ce qui était affirmé et même si cela en représente bien le contraire, c'est à dire que les mots employés soient parfaitement définis et ne laissent aucune ambiguïté subsister. Qui ne verra qu'il s'agit d'une tromperie ? Qui ne verra que les nouvelles formulations ne correspondent pas aux textes d'origine ? Le seul moyen, il n'y en a pas d'autre à mon sens est que Rome considère, comme cela est la vérité, que le Concile était un concile qui n'était que pastoral, que c'est un échec et qu'il n'engageait en rien, parce que pastoral, les vérités de la Tradition. (Voir plus bas "comment Rome pourrait "s'en sortir").

Si des textes du Concile sont mauvais, il n'y a donc qu'une solution honnête et vraie pour Rome : reconnaître qu'ils sont intrinsèquement mauvais. C'est cela être catholique ! Par conséquent, si nous voulons conserver ce qui reste de la Tradition aucun compromis n'est possible avec le Concile. C'est le fameux trou noir du libéral !

Par ailleurs, lire le Concile à la lumière de la Tradition serait aussi donner au Concile des lettres de noblesse et une autorité qu'étant données les conséquences catastrophiques il serait bon de ne pas lui donner. N'est-ce pas aussi balayer d'un revers de main tout le combat de la Tradition depuis quarante ans ? Que dira l'Histoire ? La Tradition ne pourrait-elle pas y devenir quelque part responsable de la catastrophe ? Encore une fois, il n'est pas possible d'associer ce qui est bon par nature avec ce qui est mauvais en soi sans faire en sorte que le bon se transforme quelque part en mauvais. C'est encore le fameux trou noir du libéral ! Si nous mettons la Tradition au bord du trou noir que représentent les mauvais textes du Concile, que restera-t-il de la Tradition ?"
Par ailleurs de quelle Tradition parle-t-on ?
S'agit-il de la Tradition vu par la Tradition de deux mille ans d'histoire de l'Eglise ou la Tradition revue et corrigée par la Rome actuelle dont la nouvelle théologie englobe la vérité et donc la Tradition dans un contexte et un verbiage qui la dénature ? En bref, si le Concile était relu à la lumière de la Tradition par une Rome rompue aux fonctionnements subversifs et démocratiques révolutionnaires, la Tradition elle-même serait dénaturée, c'est à dire privée de son principe de vérité et donc probablement vidée de sa substance.

Il faut bien être conscient que Rome cherchera à conserver ses "avancées" qu'elle qualifie elle-même de nouvelle évangélisation, grande avancée de l'humanité dans la diversité réconciliée. Oxymores effrayants ! Pour Rome, le Concile Vatican II est la nouvelle référence incontournable. Donc il s'agira pour Rome d'accomoder ce que dit la Tradition pour la faire "coller" au plus près à ce que dit le Concile, car pour Rome la vérité n'est plus la Tradition, mais le Concile !

En vérité, la Tradition n'est pas là pour confirmer les nouvelles thèses du Concile, elle affirme justement haut et fort par avance que ces nouvelles thèses du Concile sont erronées ! Voir pour cela les condamnations papales et conciliaires par avance des erreurs qui s'étalent aujourd'hui sous nos yeux.

C'est donc la Tradition qui doit nous guider pour nous faire comprendre que le Concile n'est pas bon, qu'il affirme et met en oeuvre des thèses erronées ! En clair, la Tradition catholique nous interdit de supposer un instant que les nouvelles thèses du Concile Vatican II soient justes et conformes à la vérité révélée. Nous ne pouvons donc pas transmettre aux chrétiens du monde entier cette expression : lecture ou relecture du "Concile à la lumière de la Tradition".

Comment les chrétiens pourraient-ils interpréter une telle expression ? Une analyse différenciée pourrait être faite pour le court, le moyen ou le long terme. Cependant elle est inutile. Dans tous les cas, ce serait dire avec plus ou moins de force que le Concile Vatican II n'avait pas lieu d'être sous cette forme et Rome serait obligée de le reconnaître officiellement, ce qui est contraire à toutes ses positions actuelles (mais ce que de toutes façons, un jour, elle sera inéluctablement obligée de faire).

En effet, si le Concile Vatican II ne s'est pas inspiré de la Tradition pour produire ses textes, il est gravement en faute et en conséquence, il n'avait pas l'autorité nécessaire pour entraîner les changements qu'il a orchestrés. Rome ne peut donc pas reconnaître cela puisque pour elle, la nouvelle référence incontournable est justement le Concile. Ce serait officiellement dire que le fruit réel du Concile n'est qu'un pur produit de la démocratie et que presque toutes les autorités de l'Eglise Romaine se seraient soumises à cette dictature de la pensée humaine majoritaire dont nous connaissons aujourd'hui le funeste résultat !

Si au contraire, nous supposons que la Tradition était bien la base des discussions et des textes du Concile, comme cela aurait dû être,pourquoi donc lire ou relire le Concile à la lumière de la Tradition ? Ce serait supposer à priori que les Pères du Concile n'ont pas ou peu tenu compte de tout ce qu'enseigne la Tradition et donc par définition que le Concile était a-Tradition et donc a-catholique, même si de temps en temps des références à la Tradition étaient nécessaires pour faire accepter les textes par une majorité de Pères conciliaires.
Impossibilité de lire le concile Vatican II à la lumière de la Tradition à cause des ambiguïtés et des tours de passe-passe
Comment réinterpréter des textes comme celui de la liberté religieuse pour arriver à lui faire dire le contraire de ce qu'il dit ou laisse supposer ? Il n'y a que des libéraux pour arriver à ce tour de passe-passe, mais pas de vrais catholiques formés à l'école de la vérité.

Les ambiguïtés laissées dans ces textes sont beaucoup trop pensées, volontaires, voyantes... et toujours contraires à la Tradition dont le principe-même est de véhiculer des vérités, sans ambigüité, bien établies ou vécues comme telles depuis l'origine.

A mon sens, il est impossible de lire ou relire "le Concile à la lumière de la Tradition". La conclusion s'impose d'elle-même : Rome est en plein naufrage et persiste encore dans ses erreurs. D'où la question : comment peut-on espérer un changement total de la part de Rome au sujet de toutes les thèses qu'elle soutient depuis le Concile Vatican II et de sa volonté Humaniste ? Je précise bien des "thèses" et non des vérités enseignées depuis deux mille ans par l'Eglise et la Tradition.

Pour une Rome honnête et prenant réellement en charge les âmes qui lui sont confiées, il n'y a qu'une solution : stopper net toute référence au Concile Vatican II en reprenant la Tradition avec tous les conciles dogmatiques comme base de notre foi et en l'enseignant dans tous ses séminaires. Certes, cela sera un séisme dans l'Eglise, mais ce sera un séisme salutaire.

Cependant Rome reste farouchement attachée aux droits de l'homme, de la femme et de l'enfant ! Plus Rome maintiendra ses positions (liberté religieuse, modernisme, libéralisme, naturalisme, humanisme,...), plus elle s'enfoncera dans la crise et plus le naufrage prédit, puis vécu, prendra une allure apocalyptique. La seule issue pour Rome est d'avouer publiquement et le plus rapidement possible l'échec du concile Vatican II et de toutes ses idées nouvelles en prenant les moyens pour remettre en lumière non pas le concile, mais toutes les vérités de la Tradition qui ont toujours fait l'orthodoxie et la véritable catholicité.
Comment Rome pourrait "s'en sortir" ?
Compte tenu de l'échec constaté et avoué (mais il faut que Rome le constate et l'avoue officiellement !), la solution pourrait être pour Rome de réaffirmer haut et fort que le Concile n'était qu'un concile pastoral, voire un essai pastoral, malheureusement catastrophique, et que le temps est venu de revenir à la réalité, c'est à dire aux vérités qui ont toujours été enseignées depuis deux mille ans : la Tradition et l'enseignement des papes avant le Concile Vatican II.

Mais Rome est-elle aujourd'hui prête à cela ? N'est-elle pas encore trop liée par toutes sortes d'accords avec divers états ? N'est-elle pas toujours trop infiltrée ? Ne veut- elle pas toujours défendre les droits de l'homme au lieu du Décalogue ? L'avenir le dira.

Ce qui est paradoxal est peut-être que plus Rome reculera le moment de sa volte-face et de l'aveu de ses erreurs, plus sa défaite sera cinglante et prolongée et là il s'agira d'une vraie "repentance" avec réparation à offrir non pas aux hommes ou aux droits de l'homme, mais à Dieu !
Ma conclusion
En conclusion, il me semble qu'à la lumière de la vérité et des principes traditionnels, nous n'avons pas le droit de faire croire à une discussion ou de créer un consensus démocratique en faveur d'une telle expression : "le Concile à la lumière de la Tradition" !

Cela me semblerait procèder de la même erreur qui présida au Concile Vatican II lui-même : la mise aux voix démocratiques d'erreurs parfaitement connues et réfutées par avance par la Tradition et les Conciles.

En attendant des âmes se perdent... et la Vierge pleure à la Salette, avertit à Fatima : "les âmes pleuvent en enfer comme la neige tombe en hiver", demande la consécration de la Russie à Son Coeur Immaculé, demande la communion réparatrice des premiers samedis, prédit des châtiments divins, la récitation du Rosaire pour les éviter.

Réponse de Rome : rien ou presque ! Quelles responsabilités de la part des successeurs de Pierre ! Mais en priant pour que le dénouement soit le plus proche possible, nous savons qu'à la fin, Son Coeur Immaculé triomphera...

Prions donc mes frères et implorons la Miséricorde Divine afin qu'Elle nous préserve des calamités promises et surtout de la perte de la vision béatifique à laquelle tout notre être aspire ardemment. Qu'en tout la volonté de Dieu soit faite !

Frère Pio de Jésus, T. O. F.

15 janvier 2007

[Yves Amiot - Le Mascaret] La cultuelle Saint Marcel

SOURCE - Yves Amiot -  Le Mascaret - janvier 2007

Connaissez-vous la « cultuelle Saint Marcel », Non, sans doute. Alors il n’est que temps de combler une telle lacune car c’est cette « cultuelle » qui constitue l’assise financière sur laquelle repose aujourd’hui l’Institut du Bon Pasteur.

La « cultuelle » est une association d’un type très particulier car elle a, pour unique objet, de supporter les charges liées à l’exercice d’un culte religieux. C’est sa raison d’être exclusive, en ce sens qu’elle ne peut en avoir d’autres. A ce titre, il revient à la cultuelle de prendre en charge le traitement des prêtres et du personnel se consacrant à l’exercice du culte ainsi que les charges sociales correspondantes (retraite, maladie, accident).

Mais c’est également à la « Cultuelle » que peuvent revenir les dépenses correspondant à l’acquisition et à l’entretien des édifices du culte ce qui, comme on l’imagine, peut se révéler extrêmement lourd. La cultuelle a également vocation à assumer les charges des grands séminaires avec prudence d’ailleurs, car les charges « d’hôtellerie » par exemple doivent être sévèrement encadrées.
 
En revanche, les cultuelles ne peuvent intervenir dans des domaines, proches du culte sans doute, mais qui n’y sont pas nécessairement rattachés. Il en va ainsi par exemple, des dépenses scolaires, même s’il s’agit d’écoles religieuses hors contrat, des dépenses de librairie, de celles afférentes à des manifestations du type des kermesses par exemple. En somme, la cultuelle est exclusivement orientée vers l’exercice du culte, entendu par les administrations compétentes de manière restrictive.
 
Mais, direz-vous alors, quel est l’intérêt de bénéficier d’une cultuelle si elle est aussi étroitement encadrée dans son objet et dans son contrôle administratif ? C’est, qu’en échange, la cultuelle bénéficie d’un statut fiscal particulier à l’égard des produits dont elle bénéficie et qui lui permettent d’assumer les charges qui viennent d’être évoquées.
 
Ces produits sont ceux qui résultent des dons, donations et legs. Les dons résultent des quêtes et des dons individuels, consentis sous forme de dons manuels par des personnes physiques, et de subventions ou autres en provenance des associations ou des institutions qui y sont autorisées par leur objet social. Ces dons sont traités par la cultuelle selon le régime des associations se livrant à des activités d’intérêt général, c’est-à-dire que les dons manuels émanant de personnes physiques, en particulier, donnent lieu, de la part de la « cultuelle », à un reçu fiscal, autorisant leur déductibilité au titre de l’impôt sur le revenu. Il n’y a donc là rien de particulier aux « Cultuelles ».
 
En revanche les « Cultuelles » ont seules le droit de recevoir des donations ou des legs en franchise d’impôt et cela est essentiel. En effet, le droit fiscal soumet les legs ou donations en faveur de tiers, extérieurs à la parentèle, à des impôts extrêmement lourds et, pour tout dire, confiscatoires. Or, dans le cas des « Cultuelles », cette imposition n’existe pas. C’est ce qui explique pourquoi les cultuelles sont aussi encadrées par les administrations compétentes (ministères de l’intérieur et des finances) dans leur objet comme dans leur fonctionnement.
 
C’est, qu’en effet, les donations et les legs ainsi reçus doivent bénéficier dans leur totalité à l’institution religieuse qui les reçoit, ce qui est aujourd’hui le cas de « l’Institut du Bon Pasteur », Institut de Droit Pontifical dont le premier supérieur a été choisi par ses confrères et nommé par le Vatican.
 
Or ces donations et legs ont une importance fondamentale pour assurer le fonctionnement et le développement de l’Institut, car elles constituent une base permanente, en capital et en revenu, qui permet de compléter et de compenser ce que les produits quotidiens, résultant en particulier des quêtes, peuvent avoir de fluctuant ou de temporaires. Elles sont les fondations matérielles sur lesquelles peut s’édifier, et rayonner, notre Eglise dans l’espace et dans le temps.
 
C’est pourquoi il convient d’avoir toujours présent à l’esprit l’existence de notre « Cultuelle Saint Marcel » lorsque nous souhaitons assurer à l’Institut du Bon Pasteur les moyens de son expansion, soit dans l’immédiat, en lui consentant une donation, soit à terme, lors de la rédaction ou de la modification d’un acte testamentaire. C’est un témoignage exemplaire de la plus hautes des charités puisque ses effets se prolongeront dans le temps « Ad majorem Dei gloriam ». N’hésitez donc pas à y réfléchir et vous en entretenir avec nos prêtres sans plus attendre, car c’est aujourd’hui que se construit, sous nos yeux, l’édifice dont nous avions tant rêvé et pour lequel nous avons tant combattu.
 
Y. Amiot

Pour aider la Cultuelle Saint Marcel, que ce soit pour un don ou pour un leg, toujours le même intitulé : CULTUELLE SAINT MARCEL ;
Mais trois adresses :
1)Eglise Saint Eloi, 1 rue Saint Eloi, 33000 Bordeaux
(Pour aider l’église Saint Eloi, son clergé dont son supérieur général)
2) Centre Saint Paul, 12 rue Saint Joseph, 75002 Paris
(Pour aider le Centre Saint Paul)
3) Séminaire Saint Vincent, 18 Place Alexandre Rillet, 28290 Courtalain
(Pour aider le séminaire Saint Vincent)

[Abbé Henri Forestier - Le Mascaret] Des nouvelles du séminaire - Une montée vers Dieu

SOURCE - Abbé Henri Forestier - Le Mascaret - Janvier 2007

« Écoute, mon fils les préceptes du maître et tends l'oreille de ton coeur… Reçois volontiers l'exhortation d'un père et mets-la en pratique, afin de revenir par le labeur de l'obéissance à Celui dont t'avait détourné la lâcheté de la désobéissance… Voilà pourquoi nous allons fonder une école du service du Seigneur. En l'organisant nous espérons n'y rien établir de rigoureux, ni rien de pesant. Pourtant s'il s'y présentait un peu de contrainte, dictée par un juste motif, pour corriger les vices et sauvegarder la charité... n'allons pas, épouvantés, fuir aussitôt le chemin du Salut dont l'entrée est forcément étroite... Car avec le progrès de la conduite et de la foi, le coeur se dilate...et c'est dans une ineffable douceur d'amour que l'on court sur le chemin des commandements de Dieu ! »
Règle de saint Benoît.

« Les maisons de formation sacerdotale auront la première place dans l’INSTITUT. Les supérieurs veilleront sur la piété des candidats, sur leur sérieuse formation intellectuelle, sur leur zèle apostolique. Et parce que la Charité de Notre Seigneur Jésus-Christ est la source et le fondement du Sacerdoce comme de son exercice, il devra régner dans ces maisons la vraie paternité du collège apostolique. »
Extrait des statuts de l’Institut du Bon Pasteur.
Chers amis,
 
Après ces quelques mois, où en est notre séminaire ? On peut dire en vérité qu’il se porte bien. Nous avons voulu, monsieur l’abbé Laguérie, monsieur l’abbé Aulagnier et moi-même, former les séminaristes selon la tradition doctrinale, spirituelle, et liturgique traditionnelle de l’Eglise (comme l’expriment les textes ci dessus) et le bon Dieu semble bénir cette œuvre.
 
Nous sommes ravis et même… émus, de voir ces séminaristes heureux dans leur vocation et leurs prières, impressionnés de la beauté de la foi catholique et se préparant courageusement au service des âmes.
Alors, avant toutes choses, remercions le bon Dieu et la sainte Vierge de toutes ces grâces accordées.
Pensez donc :
 
Ouvrir en ce 21ème siècle une maison de prières. Voir des jeunes avides de se donner au bon Dieu. Etre aujourd’hui le seul séminaire traditionnel reconnu de France… On peut vraiment dire que nous sommes comblés de merveilles venues directement des Cœurs de Jésus et Marie !
 
Pour parler plus pratiquement, notre séminaire est maintenant parfaitement international : Trois séminaristes français (avec nos deux bordelais !), trois séminaristes brésiliens, un polonais et le postulant frère (français). Quand à notre mexicain, il a du revenir pour quelques mois dans sa famille, mais devrait revenir prochainement.
 
Les nouveaux arrivants, brésiliens, nous paraissent d’excellentes vocations, mais comme ils sont arrivés mi décembre, on attendra sans doute un peu avant de leur donner la soutane pour éprouver la solidité de leur décision. Des futures vocations s’annoncent aussi pour l’année prochaine.
 
Les travaux se poursuivent, plus longs que prévus, ce qui nous a conduit à reporter notre journée portes ouvertes (vous serez avertis de la nouvelle date fixée).
 
Enfin, nous attendons tous avec joie la cérémonie toute proche (dimanche 4 février) des prises de soutanes à Saint-Eloi ! Heureux de ce grand pas pour nos séminaristes, heureux de manifester ainsi l’amitié qui nous lie à vous tous, heureux de nous sentir soutenus par toute une paroisse connue maintenant dans le monde entier pour son combat pour la foi catholique et la tradition.
 
Nous vous donnons donc rendez vous pour ce jour là et vous assurons de notre prière fidèle dans les Cœurs de Jésus et Marie!
 
Abbé Henri Forestier

[Abbé Christophe Héry - Le Mascaret] Un débat ouvert sur la liturgie, la Tradition et ses ruptures

SOURCE - Abbé Christophe Héry - Le Mascaret - Janvier 2007

Un débat ouvert sur la liturgie, la Tradition et ses ruptures
Première rencontre universitaire foi et raison, le 2 décembre 2006 à Paris

Dans l’attente où se trouve l’Église du Motu proprio de Benoît XVI sur la liberté de la messe traditionnelle, le colloque « Les célébrations liturgiques » qui s’est tenu le 2 décembre 2006 à Paris, sous l’égide du Bon Pasteur, manifeste la présence active du nouvel Institut dans le débat historique et théologique interne à l’Église. Se sont réunis durant une journée, avec bonheur et clarté, des professeurs d’université, des prêtres et des religieux qui ont captivé une assemblée d’une centaine de participants, autour du thème brûlant : « Tradition ou mutation ? »
I- La Messe des Pères et des Docteurs
Le professeur Philippe Bernard, de l’Université de Provence, spécialiste du chant grégorien et de la liturgie au bas Moyen-Âge, ouvrait cette première Rencontre universitaire foi et raison par la mise en place du problème de l’évolution de la liturgie. Par une analyse historique de la notion de « développement organique » (Sacrosanctum Concilium, n° 23), telle que l’emploient des auteurs qui divergent sur sa signification, il propose une démonstration originale du caractère « inopérant » de cette expression, si l’on veut rendre compte de la réalité de la tradition des rites de l’Église romaine à travers les âges. L’idéologie du progrès historique tout comme celle de l’élan vital, adossées à l’imaginaire darwinien de la mutation adaptative, altèrent selon Ph. Bernard la question de l’histoire des rites latins. C’est la volonté des papes qui explique aux yeux de l’historien les réformes successives, et non une supposée vie propre de la liturgie, dont le mouvement naturel connaît des périodes de décadence. Le « développement organique » serait-il une boîte noire qui n’explique rien mais justifie ce qu’on veut ? Le débat est désormais ouvert.
La doctrine du « mystère pascal » est-elle une nouveauté ?
Pour répondre à cette question, le professeur Alain Rauwel, agrégé à l’Université de Bourgogne et spécialiste des liturgies du haut Moyen-Âge, retraçait l’histoire des doctrines qui accompagnent le rite romain, à travers l’enseignement des Pères et des Docteurs – notamment saint Thomas d’Aquin. Il démontre ainsi que la doctrine médiévale de la Messe, vrai sacrifice, évoque principalement le Christ souffrant, mais aussi le Christ ressuscitant, montant aux cieux et siégeant à la droite du Père. Cette approche thomiste d’un sacrifice du Christ consommé dans le Ciel et actualisé par les rites de la Messe trouve son épanouissement au XVIIe siècle dans la doctrine de l’école française fondée par le cardinal de Bérulle. Un autre débat s’ouvrirait ici, pour mesurer ce que le « mystère pascal » qui sous-tend la nouvelle théologie de la célébration (chez dom Casel par ex.) doit au thomisme, et en quoi il s’en écarte. On ne peut ni réduire la Messe à l’actualisation de la seule passion du Christ, coupée de la résurrection et de l’ascension, ni non plus à un simple mémorial de la Cène et de la Pâque, comme le revendiquent nombre de liturgistes qui ont influencé le rite de Paul VI.
L’autel et la croix au premier millénaire
De quand datent les crucifix sur les autels ? L’abbé Stéfano Carusi, de l’Institut du Bon Pasteur, en formation à Rome et docteur en archéologie chrétienne diplômé de l’Université de Macerata (Italie), présentait en seconde partie de la matinée le résultat de ses travaux sur les représentations des croix d’autel au cours du premier millénaire. Les découvertes archéologiques récentes, en Syrie, à Rome et à Ravenne, ont prouvé que dès l’antiquité chrétienne et tout au long du Moyen-Âge, la représentation artistique de la croix du Christ, peinte ou sculptée, vers laquelle se tourne l’assemblée liturgique, est expressément rapportée à l’autel où se célèbrent les saints mystères. Ce lien figuratif très ancien entre la croix et l’autel atteste l’antiquité du caractère sacrificiel des rites, et leur corrélation étroite avec le Calvaire. Du point de vue scientifique, il est devenu impossible de soutenir que les croix d’autel seraient apparues au XIIe ou au XIIIe siècle, voire au Concile de Trente, comme l’ont prétendu maints liturgistes dans la mouvance de Vatican II.
Comment Cajetan répondait à Luther
L’abbé Guillaume de Tanouärn, de l’Institut du Bon Pasteur, directeur du centre Saint-Paul et doctorant en philosophie, abordait quant à lui la définition théologique des rites comme signes sensibles et efficaces, tels que Cajetan les défendaient au XVIe siècle en réplique à Luther et au protestant helvétique Zwingli. Face à l’idée protestante d’une foi purement intellectuelle, le dominicain de la Contre Réforme critique le déni de la médiation sacramentelle des signes sensibles (les croix, les génuflexions, les bénédictions, la consécration du pain et du vin, etc.), en lesquels consiste la liturgie romaine, et par quoi le Christ continue de communiquer sa grâce salvatrice. En guise de commentaire, on peut dire que la volonté d’œcuménisme qui a prévalu lors de la réforme de 1969 a placé la théologie de la célébration sur le terrain même voulu par Luther. Ainsi, tant que n’est pas dépassée la problématique protestante du mémorial de la Cène, sans rites et sans autres signes que l’assemblée elle-même, Cajetan garde son autorité pour défendre la corrélation essentielle entre sacrifice et sacrement dans la liturgie.
II- La messe des experts et des auteurs
L’après-midi, Madame Millet-Gérard, Professeur à l’Université de Paris-Sorbonne, s’attachait à retracer le lien esthétique qui joint « littérature et liturgie au XXe siècle ». Le mouvement symboliste, à la fin du XIXe siècle, connut de nombreuses conversions par la liturgie. Déjà, l’athée Mallarmé avait fourni des pistes, par ses chroniques titrées « Offices ». Mais alors que les écrivains déplorent les sermons et la rigidité d’une religion jansénisante, c’est la liturgie romaine, « immolation solennelle de l’éphémère », qui fascine les esthètes et qui sauve tout. Dans le célèbre récit, publié en 1913, où il évoque sa conversion de Noël 1886 à Notre-Dame de Paris, Claudel souligne qu’entré là par désoeuvrement, il fut retourné par le chant du Magnificat. La liturgie fut le « grand livre » où il apprit sa foi toute neuve.
 
Huysmans, lui,  tombe sous le charme du grégorien des Bénédictines, rue Monsieur à Paris. La narration émue d’En Route entraîne entre les deux guerres toute une génération d’écrivains (Du Bos, Mauriac, Maritain, Massignon…) dans ce haut-lieu d’esthétique spirituelle. Mais, dès les années cinquante, paraissent des témoignages d’inquiétude et de refus devant la percée des « expériences », pratiquées sous couvert d’authenticité. Claudel, un mois avant sa mort en 1955, fustige dans un retentissant article « La messe à l’envers », la révolution qui sévit à Saint-Séverin. Jean Follain, poète épris de liturgie, parsème ses Agendas de regrets à mesure que les effets du Concile se font sentir. De même Julien Green dans son Journal. Avec la liturgie nouvelle, se dissipe une puissance d’inspiration poétique. « L’antique archive des rapports de Dieu avec sa créature » semble se clore.
Les postulats du Mouvement liturgique français (1943-1963)
L’abbé Éric Pépino, du diocèse de Lyon, prépare une thèse d’histoire sur le Mouvement liturgique français, dont l’influence sur le Concile et la réforme liturgique de 1969 fut considérable. Ce chercheur offrit au colloque le fruit de son exploration des archives du CNPL (Centre national de pastorale liturgique), de 1943 à 1963. Le Mouvement français fut assujetti à deux impératifs : 1) le « retour aux sources » dites historiques ou archéologiques, visant à purifier les rites des apports déclarés inauthentiques, accumulés depuis le bas Moyen-Âge et lors de la Contre Réforme ; 2) la subordination utilitaire de la liturgie à des fins dites « pastorales » ou rééducatives, selon les besoins supposés du peuple.
 
Les « postulats des liturgistes français », conclut l’abbé Pépino, se retrouvent intégralement dans la constitution conciliaire sur la liturgie. Ceux-ci ont ensuite activé en France la « rupture pastorale » (messe face au peuple, assemblées présidées, langue vulgaire, fin du hiératisme, suppression de l’offertoire, mémorial de la Cène au lieu du sacrifice, composition de préfaces et de prières eucharistiques, etc.), au nom de la « tradition » confondue avec un « âge d’or » antique, et reconstituée au goût du jour.
Vatican II contient-il en germe la réforme liturgique de 1969 ?
Ou celle-ci s’est-elle écartée du Concile ? Les textes eux-mêmes, rapportés au contexte historique du Mouvement liturgique, répondent. Ce fut l’objet de ma conférence qui suivait celle de l’abbé Pépino. On note en effet dans Vatican II l’influence d’une « théologie de la célébration » – ainsi dénommée par le père Martimort dans L’Église en prière, 1963 – qui marque la structure du nouveau missel et la rupture pastorale de 1969.
 
Gardant des traits traditionnels, la constitution de Vatican II sur la liturgie promeut les thèses du Mouvement liturgique. Elle définit la « célébration » : « mémorial de la mort et de la résurrection du Christ » ou « banquet pascal dans lequel le Christ est mangé » [n° 47] – termes acceptables pour un luthérien. Pour modifier leur sens, « la structure des rites » [n° 38]  devra changer et « l’on n’imposera pas la forme d’un libellé unique » [n° 37] (pas d’unité formelle). « En accord avec les circonstances et les nécessités d’aujourd’hui » [n°4], les motifs invoqué pour la réforme seront « l’utilité » et l’« adaptation » [n° 38] à la (faible ?) « capacité » des fidèles : adoption libre de la langue vulgaire [n° 36 §2] et simplification des rites qu’ils ne comprennent plus [n°34] ; mise en place des « commissions liturgiques » [n° 44-46] chargées des « expériences » [n° 40 ; 44] les plus libres ; postulat d’une finalité « didactique »[n° 33-36] de la liturgie, pour « inculquer » [n° 109] au peuple la « nouveauté » du Concile.
 
La « participation active » des fidèles oriente l’eucharistie vers une liturgie de la « communauté célébrante » (Congar) ou du « peuple de Dieu », que n’aurait pas récusée Zwingli : elle fait de l’assemblée le sujet et l’acteur principal. Ceci fut relevé par le cardinal Journet, le cardinal Daneels ou le père Bouyer. Le prêtre y joue le rôle d’animateur-président. La médiation des signes accomplis par le prêtre qui offre le sacrifice du Christ pour rendre louange à Dieu et sauver l’humanité du péché disparaît au profit d’une « offrande spirituelle » de l’assemblée, effectuant elle-même la médiation et devenant le « signe » sacré… « de l’unité du genre humain » [Lumen Gentium n° 1]. L’esprit du Concile, esprit de rupture comme l’a montré Benoît XVI, est la maladie de Vatican II ; mais les germes ne sont-ils pas dans le texte ?
L’orientation de l’autel : le sens de l’histoire
En conclusion de ce riche colloque, le père Uwe Michael Lang, de l’Oratoire de Londres, présentait (pour la première fois en France) la traduction de son livre, préfacé par le pape : Se tourner vers le Seigneur (Ad Solem, déc. 2006). Par une ferme démonstration historique, ce jeune liturgiste prolonge les travaux de Mgr Gamber sur l’orientation traditionnelle du prêtre dans le sanctuaire. Si les commissions conciliaires ont encouragé le retournement des autels au nom de la « participation active » des fidèles, nulle part la messe face au peuple ne se trouve légalement inscrite dans le droit de l’Église. Le père Lang montre au contraire que l’histoire des liturgies atteste dès l’antiquité la constance de l’orientation commune du peuple et du célébrant dans la seconde partie de la messe. Par ailleurs, citant Jungman, Bouyer, ou L’Esprit de la liturgie du cardinal Ratzinger, le père Lang soutient que la messe « face au peuple », loin de favoriser la « participation active » et intérieure aux saints mystères, referme l’assemblée sur un dialogue avec elle-même : elle devient le sanctuaire. Cette distribution des rôles tend spontanément à transformer l’autel en podium, à faire de l’assemblée un public, et de la liturgie une simple catéchèse, sinon une séance d’animation.
 
Le problème de l’orientation du prêtre « face au peuple » ou « dos au peuple » relève d’une dialectique mal posée : Dieu semble en être absent. La question est de savoir vers qui se tourne l’assemblée, prêtre inclus. Aujourd’hui, des fidèles nombreux souhaitent autre chose et le sens de l’histoire semble devoir peu à peu s’inverser, en même temps que celui des autels. La figure du Bon Pasteur, marchant au-devant des siens, les associant à son offrande, ne se trouve-t-elle pas confirmée dans la manière traditionnelle d’offrir le sacrifice par le ministère du prêtre, tous ensemble tournés vers le Père ?
 
Ce colloque a montré s’il en était besoin, combien «il demeure nécessaire et raisonnable de s’interroger sur Dieu au moyen de la raison et [que] cela doit être fait dans le contexte de la tradition de la foi chrétienne. » (Benoît XVI à Ratisbonne, le 12 septembre 2006). L’enjeu est bien celui de la Tradition, lien de la communion face aux ruptures du passé.

Abbé Christophe Héry