27 janvier 2003

[Aletheia n°38] A propos de quelques apparitions + "Là est la vraie Eglise" (traduction) + Document : une "Mise en garde" + Précisions

Aletheia n°38 - 27 janvier 2003
. A propos de quelques apparitions.
. "Là est la vraie Eglise" (traduction).
. Document : une "Mise en garde".
. Précisions.
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A PROPOS DE QUELQUES APPARITIONS
Le 40e anniversaire de l'ouverture du concile Vatican II a été l'occasion d'études et de travaux très divers. Jean Madiran, parmi les catholiques attachés à la Tradition, a été le premier, en juin 2002, à apporter sa contribution par un essai très riche : La Révolution copernicienne dans l’Eglise (Consep,  7 rue de la Comète, 75007 Paris, 107 pages, 18 euros, cf. Alètheia n° 31).
La position de Jean Madiran n'est pas celle de la Fraternité Saint-Pie X. Jean Madiran remet en cause "l'intention" qui a présidé aux travaux conciliaires et "l'évolution conciliaire" qui a suivi, évolution "destructrice et inacceptable" (Présent, 19.12.2002). Mais il ne se fait pas juge des textes conciliaires eux-mêmes. En conclusion de son livre, il dit de l'Eglise et du concile Vatican II : "Elle pourra ainsi le rectifier, le réformer ou l'abolir ; ou bien l'oublier ? Ce n'est pas à nous d'en décider. Simple laïc du rang, simple militant de l'Eglise enseignée, notre rôle était de refuser l'inacceptable. Nous l'avons fait de toutes nos forces. Nous ne cesserons pas."
La Fraternité Saint-Pie X, elle, a organisé, en octobre, un symposium international de théologie intitulé "Vatican II : introduction à une nouvelle religion". Cette réunion s'est tenue à huis clos et les actes ne devaient pas être publiés. Finalement ils le seront.
Ce symposium a été l'occasion, pour certains prêtres de la FSSPX qui y participaient comme intervenants, d'étudier, pour la première fois, les textes du concile Vatican II. Après une séance plénière, où Mgr Williamson a prononcé l'allocution d'ouverture, les travaux se sont déroulés en six commissions thématiques. Il y eut, au total, 62 intervenants dont 25 laïcs. Parmi les participants laïcs, on relève les noms d'universitaires plus ou moins proches de la FSSPX (notamment Claude Rousseau, Christophe Réveillard, Jean-Claude Lozac'hmeur, Franck Bouscau, Alain Rauwel, Paolo Pasqualucci). En revanche, parmi les ecclésiastiques présents, le plus grand nombre appartenait à la FSSPX, même si des religieux de communautés amies (Couvent de la Haye-aux-Bonshommes, Fraternité de Mérigny) ont apporté des contributions.
Dans le programme envoyé aux participants à ce symposium, figurait un projet de "Déclaration finale", en huit points. Ce projet de déclaration devait être discuté et travaillé par chacune des six commissions. En fait, le texte du projet a été repris sans changement majeur" dans la "Déclaration finale du Symposium de Paris" telle qu'elle est parue ensuite dans diverses publications traditionalistes.
La conclusion principale de ce symposium —mais elle se trouvait déjà pour l'essentiel dans le projet de déclaration — est que "le Concile a posé les bases d'une religion nouvelle destinée principalement à exalter la personne humaine et à réaliser l'unité du genre humain."
Il y a quelques mois, dans Pacte (23 rue des Bernardins, 75005 Paris, n° 67, le numéro 2,50 euros), l'abbé de Tanoüarn avait déjà employé l'expression de "religion nouvelle" pour qualifier Vatican II. Mais il l'avait employée dans un sens limitatif : "Cette nouvelle conscience transforme les rapports entre l'Église et le monde et donne au chrétien une nouvelle identité, une nouvelle manière d'être lui-même devant Dieu et devant les hommes. C'est en ce senset en ce sens seulement, mais ce n'est pas rien —, c'est en s'en tenant à cette perspective qu'on peut soutenir l'idée que Vatican II inaugure une nouvelle religion, une nouvelle manière d'entrer en relation avec Dieu et avec ses semblables" (souligné par nous).
Avec ce symposium, l'abbé de Tanoüarn, qui en a été le principal organisateur et animateur, engage une critique plus radicale du concile Vatican II, puisqu'il emploie désormais l'expression "nouvelle religion" dans un sens non restrictif, pour l'opposer "à la religion catholique telle qu'elle a été vécue par les fidèles et enseignée par tous les papes jusqu'à la veille de Vatican II".
La "Commission 6" du symposium s'est consacrée à l'"Histoire du Concile". Une communication particulière aurait pu être consacrée à Mgr Lefebvre et le concile Vatican II. Non seulement à sa participation aux travaux conciliaires mais aussi à son jugement — qui a évolué — sur le concile. Mgr Tissier de Mallerais, dans sa grande biographie de Mgr Lefebvre (Clovis, 2002), reconnaît, après que Mgr Lefebvre lui-même et la FSSPX longtemps l'aient longtemps nié, que le futur fondateur d'Ecône a bien signé tous les textes du concile Vatican II, y compris la déclaration Dignitatis humanæ sur la liberté religieuse et la constitution pastorale Gaudium et spes.
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REVUE DES REVUES
. Item est la lettre confidentielle que l'abbé Aulagnier avait lancée après qu'il a été dépossédé des publications qu'il avait fondées ou relevées (Dici et Nouvelles de Chrétienté). Depuis que l'abbé Aulagnier a été exilé à Québec et interdit d'écrire, Item continue à paraître à l'initiative d'Entraide et de Tradition (rue Jean Eudes, 14480 Le Fresne-Camilly). Le dernier numéro paru, n° 5, novembre 2002, 3,20 euros, contient le texte intégral de la conférence donnée à Versailles par Mgr Rifan, le 30 septembre dernier, et aussi le texte intégral du débat qui a eu lieu ensuite avec les auditeurs. On y relève les interventions de l'abbé Guillaume de Tanoüarn et du père de Blignières.
. Sedes Sapientiae (Société Saint-Thomas d'Aquin, 53340 Chémeré-le-Roi, n° 81, 8 euros) contient une longue et très éclairante étude de Luc Perrin : "Rome, Campos et Ecône (2000-2002)", pages 3 à 30. Luc Perrin, maître de conférences à la Faculté de théologie catholique de l'université Marc Bloch (Strasbourg), est un des historiens les plus attentifs et les mieux informés sur le catholicisme traditionnel d'après Vatican II. On lui doit aussi les quatre derniers chapitres de l'Histoire des curés qui vient de paraître aux éditions Fayard sous la direction de Nicole Lemaître. Luc Perrin y évoque les évolutions du clergé séculier depuis la Première Guerre Mondiale.
VATICAN II ANALYSE OU JUGE
Différentes revues ont consacré des dossiers spéciaux au concile Vatican II à l'occasion du 40e anniversaire de son ouverture. C'est, dans l'ordre chronologique de leur parution :
- L'Homme nouveau (10 rue Rosenwald, 75015 Paris, 3 euros le numéro). Un large dossier est paru sur deux numéros, les 20.10.2002 et 3.11.2002. On y trouve :
. Denis Sureau, "Retour sur Vatican II",
. Philippe Maxence, "Les exigences de la vérité",
. Luc Perrin, "L'aggiornamento de l'Eglise",
. Entretien avec Mgr Rifan,
. Yves Chiron, "Paul VI, l'universalité de l'Eglise",
. Entretien avec le P. Basile Valuet o.s.b. sur la liberté religieuse,
. Georges Daix, "Envoyé spécial au concile".
- Fideliter (B.P. 88, 91152 Etampes cedex, n° 150, novembre-décembre 2002, 7,50 euros). On y lit, pages 4 à 13 :
. Abbé Alain Lorans, "Vatican II, un "brigandage" ?",
. Mgr Bernard Tissier de Mallerais, "Le rôle du Cœtus internationalis Patrum".
- La Nef (B.P. 48, 78810 Feucherolles, n° 133, décembre 2002, 6 euros). On y lit, pages 17 à 29 :
. Christophe Geffroy, "Le "mythe" du Concile",
. "Rupture ou continuité ? Les principaux points controversés" par un moine de Triors, le P. Emmanuel             o.s.b., les abbés Christian Gouyaud, Fabrice Loiseau, Denis Le Pivain et Gérald de Servigny,
. Christophe Geffroy, "Yves Congar ou l'esprit du concile",
. Loïc Mérian : "Liturgie : un échange significatif".
- Kephas (8 bis boulevard Bessonneau, 49100 Angers, n° 4, octobre-décembre 2002, 15 euros). On y lit, pages 49 à 66 :
. Abbé Gérald de Servigny, "Vatican II, un concile mal connu",
. Yves Chiron, "Il y a quarante ans, l'ouverture de Vatican II".
- Le Sel de la terre (Couvent de la Haye-aux-Bonshommes, 49240 Avrillé, n° 43, hiver 2002-2003, 14 euros). On y lit, pages 15 à 74 :
. Abbé Victor-Alain Berto (1900-1968), "Lettres du concile",
. Mgr Antonio de Castro Mayer, "L'anti-Eglise"
. Paolo Pasqualucci, "Pour la recherche systématique des erreurs de Vatican II. Propositions sur la méthode."
ISRAËL APRÈS LE CHRIST
Ansgar Santogrossi est un religieux, frère bénédictin à l'abbaye Mount Angel, dans l'Oregon. Né en 1962, spécialiste de la pensée du bienheureux Duns Scot, il a publié différents articles de philosophie, de théologie et de liturgie dans des revues conciliaires (comme Homiletic and Pastoral Review) ou traditionnelles (Catholica et The Latin Mass). C'est en français qu'il a rédigé son premier livre, L'Evangile prêché à Israël, qui vient de paraître aux éditions Clovis (B.P. 88, 91152 Etampes cedex, 78 pages, 10,50 euros).
L'ouvrage n'est pas une lecture critique de la déclaration conciliaire Nostra ætate dans sa quatrième partie consacrée à la religion juive mais il en prend largement le contre-pied. Il contredit surtout le "dialogue judéo-chrétien" tel qu'il s'est établi depuis une quarantaine d'années. Ce dialogue tend  à mettre en valeur la foi "abrahamique" qui serait commune aux Juifs et aux Chrétiens et aussi est affirmé que "les Israélites qui, depuis Jésus, ne croient pas en sa messianité sont un corps religieux agréé par Dieu comme un corps religieux doué de la foi d'Abraham" (p. 11).
Recourant largement à deux ouvrages classiques parus en 1969 (Pierre Benoit, L'Eglise et Israël et Denise Judant, Judaïsme et christianisme), Ansgar Santogrossi se réfère aussi abondamment aux pages de saint Thomas d'Aquin sur le sujet et à la doctrine scotiste de la "foi implicite".
Ansgar Santogrossi conteste que le peuple juif puisse encore, aujourd'hui, être considéré comme "le peuple élu". La promesse du Christ Jésus s'adresse certes toujours aux Juifs comme aux Gentils, mais elle requiert "une foi qui soit au temps passé pour correspondre au temps de l'Eglise qui est le dernier âge de l'Histoire". L'attente du Messie chez les Juifs de l'Ancienne Alliance était "une foi au temps futur". Depuis l'incarnation du Fils de Dieu cette foi est sans objet. La foi juive aujourd'hui, et l'observance de la loi mosaïque, manquent leur objet (pour reprendre la terminologie thomiste de la connaissance).
A l'encontre du dialogue judéo-chrétien actuel, Ansgar Santogrossi estime que la religion israélite contemporaine n'est pas une réponse authentique à l'Alliance de jadis : "Les Israélites dans la Synagogue actuelle professent un Messie à venir non par la foi divine, mais par une conjecture humaine fausse."
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Je remercie ceux qui — évêché, monastères, prêtres, laïcs — ont apporté, durant l'année 2002, une libre contribution financière à Alètheia, permettant ainsi à ce frêle esquif de continuer à voguer. Je ne remercie pas, en revanche, ceux qui ne se manifestent jamais — même pas par quelques lignes pour dire qu'ils ne veulent plus recevoir ce voltigeur — et ceux qui, pour leurs propres publications, pillent cette modeste feuille sans daigner citer leur source.
A l'intention de tous, néanmoins, pour 2003, je ne peux que reprendre le vœu émis par Jean Madiran (Présent, 27.11.2002) : "vœu qui paraîtra utopique, mais que je ressens comme nécessaire dans le vilain temps que nous avons à traverser et qui se prolonge désastreusement : mon vœu d'une amitié entre tous ceux qui, en diverses demeures, gardent la même messe, le même catéchisme, la même Écriture."

14 janvier 2003

[Frère Bruno de Jésus - Contre-Réforme Catholique au XXIe siècle] Douce et humble anticipation: vers un nouveau saint Pie X?

Cardinal Bergoglio

SOURCE - Bruno de Jésus - Contre-Réforme Catholique au XXIe siècle - janvier 2003

Il y aura cent ans le 20 juillet prochain, le pape Léon XIII s’éteignait à l’âge de quatre-vingt-treize ans, après avoir occupé le Siège de Pierre pendant vingt-cinq ans. Jamais ne s’éleva sur le cercueil d’un Pape un concert aussi retentissant d’éloges et de regrets.


Il y aura cent ans le 20 juillet prochain, le pape Léon XIII s’éteignait à l’âge de quatre-vingt-treize ans, après avoir occupé le Siège de Pierre pendant vingt-cinq ans. Jamais ne s’éleva sur le cercueil d’un Pape un concert aussi retentissant d’éloges et de regrets.

Et pourtant, le Père Fontaine, jésuite, osera écrire, sans craindre le moindre démenti :

« Jamais Pape n’a plus que Léon XIII accumulé les encycliques et les documents de toute nature sur les questions bibliques, philosophiques et théologiques. Et cependant, lequel de ses prédécesseurs a laissé l’Église de France dans une confusion doctrinale et une anarchie intellectuelle égale à la nôtre ?»

Le 4 août 1903, les voix des conclavistes se portèrent, comme guidées par la divine Providence, sur le cardinal Sarto, patriarche de Venise. L’Église serait sauvée par Rome une nouvelle fois.

Elle le sera encore, cette année même, si Dieu le veut, n’en doutons point. La rumeur nous en parvient déjà d’Italie en écho à la sainte espérance des meilleurs. Sous le titre “ Bergoglio en pole position ”, l’hebdomadaire italien L’Espresso avance un pronostic :
LE DOUX ET HUMBLE CARDINAL GEORGES-MARIE BERGOGLIO
« À la mi-novembre on voulait l’élire président des évêques d’Argentine. Mais il refusa. S’il y avait un Conclave cependant, il lui serait difficile de refuser son élection comme Pape. Parce que c’est sur lui que les votes des cardinaux tomberaient en avalanche, s’ils devaient choisir du jour au lendemain le successeur de Jean Paul II.
« Lui, c’est Jorge Mario Bergoglio, s. j., archevêque de Buenos Aires. Un nom italien mais Argentin de naissance est propulsé en tête de la liste des “ papabili ” dans l’hypothèse, de plus en plus vraisemblable, où le prochain Pape serait un Latino-Américain. Timide, réservé, parlant peu, il ne lève pas le petit doigt pour faire campagne. Mais c’est précisément ce qui est jugé comme l’un de ses grands mérites.
« Jean Paul II l’a créé cardinal lors de la dernière fournée de nominations, en février 2001. Et là aussi Bergoglio s’est distingué par son style, par rapport à tant de ses collègues qui ont fêté l’événement. Des centaines d’Argentins s’employèrent à récolter des fonds et des billets d’avion pour Rome afin de rendre hommage au nouveau cardinal, mais lui les arrêta. Il les obligea à rester dans leur patrie et ordonna de distribuer l’argent aux pauvres. À Rome, il fêta l’événement quasiment tout seul, avec une austérité digne du Carême.
 
« C’est parce qu’il vit ainsi depuis toujours. Depuis qu’il est archevêque de la capitale argentine, le luxueux évêché adjacent à la cathédrale est resté vide. Il habite un appartement proche, qu’il partage avec un autre évêque âgé et malade. Le soir il fait la cuisine lui-même, pour tous les deux. Il roule peu en auto. Il circule en autobus revêtu de sa soutane de simple prêtre.
« Certes, il lui est devenu plus difficile maintenant de circuler incognito. Dans sa patrie, son visage est toujours plus populaire. Depuis que l’Argentine s’est enserrée dans une crise terrible et que la réputation de tous, politiciens, bureaucrates, industriels, magistrats, intellectuels, a coulé à pic, l’étoile du cardinal Bergoglio est montée au zénith. C’est la rare lumière vers laquelle tous s’orientent. Et cependant ce n’est pas le genre à faire des concessions au public. Chaque fois qu’il s’exprime, il remue son monde et surprend. À la mi-novembre, il n’a pas offert aux Argentins affamés un docte sermon sur la justice sociale, mais il leur a dit de reprendre en main le catéchisme, l’humble catéchisme des dix commandements et des béatitudes. C’est, a-t-il expliqué, parce que “ c’est cela, le chemin de Jésus ”. Et une fois qu’on l’a pris au sérieux, on comprend que “ fouler aux pieds la dignité d’une femme, d’un homme, d’un enfant, d’un vieillard est un péché grave qui crie vers le Ciel ”, et on décide de ne plus le faire.
« Les autres évêques suivent ses traces. Pendant l’Année sainte 2000, il a fait endosser les habits de pénitence publique pour les fautes commises durant les années de la dictature. Le résultat est qu’après cet acte de purification, l’Église s’est retrouvée capable de demander à la nation entière de reconnaître ses propres fautes dans le désastre où elle se trouve plongée aujourd’hui. Au Te Deum de la dernière fête nationale, le 25 mai dernier, l’homélie du cardinal Bergoglio a eu une audience record. Le cardinal a demandé aux Argentins de faire comme le Zachée de l’Évangile. C’était un fourbe usurier. Mais il prit conscience de sa bassesse morale et grimpa sur le sycomore, pour voir Jésus et se laisser regarder et convertir par Lui.
 « Tous les politiques, depuis la droite jusqu’à l’extrême-gauche meurent d’envie de recevoir une de ses bénédictions. Même les femmes de la Plaza de Mayo, ultra-radicales et anticatholiques débridées, le traitent avec respect. Il a été jusqu’à ouvrir des brèches dans les positions bétonnées de certaines d’entre elles, lors d’entretiens privés. Une autre fois il est apparu au chevet d’un ex-évêque, Jerônimo Podesta, qui s’était marié en rébellion contre l’Église et était en train de mourir pauvre et oublié de tous. Sa femme est depuis lors devenue une de ses fans.
« Mais Bergoglio aussi a eu ses propres difficultés avec le monde ecclésiastique. Il est jésuite, de ces jésuites à l’ancienne, fidélissimes de saint Ignace. Il est devenu provincial de la Compagnie de Jésus en Argentine, précisément à l’époque où se déchaînait la dictature et où tant de ses confrères étaient tentés d’empoigner un fusil et d’appliquer les leçons de Marx. Il est de fait que, déposé du poste de provincial, il retourna dans l’ombre. En 1992, l’archevêque de Buenos Aires de l’époque, Antonio Quarracino, le repêcha et en fit son évêque auxiliaire.
« Et depuis lors a commencé son ascension. Sa première – et quasi unique interview – en tant qu’archevêque de Buenos Aires, il l’a accordée à un petit journal de paroisse, “ Estrellita de Belem ”, comme pour dire que l’Église fait partie des minorités et ne doit pas cultiver des illusions de grandeur. Il voyage le moins possible, à Rome, au Vatican, le strict nécessaire quatre ou cinq fois par an, quand on l’appelle. Il prend une petite chambre à la Maison du clergé, via della Scrofa et à 5 h 30 du matin on le trouve déjà en train de prier dans la chapelle.
« Il excelle dans les conversations à deux. Mais quand on l’y oblige, il se débrouille très bien en public. Au dernier synode des évêques, durant l’automne 2001, on lui demanda, de but en blanc, de prendre la place du rapporteur du programme qui avait déclaré forfait. Il s’en chargea avec maestria, au point qu’à la fin du Synode, au moment de nommer les douze évêques qui feraient partie du conseil de secrétariat, il fut élu avec le maximum de voix.
« On pensa alors, au Vatican, à l’appeler pour diriger un important dicastère. “ Je vous en prie, si je vais à la Curie, je meurs... », implora-t-il. Et on lui fit grâce.
« Depuis lors l’idée de le faire revenir à Rome comme successeur de Pierre a commencé à se propager avec une intensité croissante. Les cardinaux latino- américains s’orientent de plus en plus vers lui. Le cardinal Joseph Ratzinger également. Le seul des grands cardinaux de Curie qui hésite, quand il entend prononcer son nom, est le secrétaire d’État Angelo Sodano, lui précisément qui a la réputation d’en tenir pour l’idée d’un Pape sud-américain. » (Sandro Magister, LEspresso no 49 du 28 novembre 2002)
APRÈS JEAN-PAUL II, BERGOGLIO
Le journal argentin La Nación du 4 décembre 2002 cite largement l’hebdomadaire italien, et publie dès le lendemain les propos recueillis par sa correspondante à Rome au cours d’une entrevue avec le vaticaniste italien, Sandro Magister :
« Rome. Sandro Magister, le vaticaniste de l’hebdomadaire l’Espresso qui vient de consacrer un grand article au cardinal Jorge Bergoglio qu’il considère comme l’un des mieux placés parmi les candidats à la succession de Jean-Paul II, a passé hier une journée fort agitée due aux répercussions de son article. Il y soutenait que l’archevêque argentin était en première position, ce qui suscite la curiosité des milieux argentins avides d’informations supplémentaires.
« Sur quoi se base-t-il pour affirmer avec une telle conviction que l’actuel archevêque de Buenos Aires pourrait être le prochain Pape, premier Pape latino-américain, et le premier Pape jésuite ? Sandro Magister, cinquante-neuf ans, dont trente ans passés comme vaticaniste (journaliste spécialiste du Vatican), a expliqué sa pensée dans une entrevue à La Nación. Bien qu’il ne le connaisse pas personnellement, la personnalité au profil bas de Bergoglio lui semble à l’opposé de celle du cardinal Tettamanzi, ex-archevêque de Gênes et actuel archevêque de Milan, considéré par beaucoup comme le premier “ papabile ” italien.
 « De plus, dit-il, l’archevêque de Buenos Aires incarne directement ce qu’attend le Collège cardinalice du prochain Pape : quelqu’un dont le style rompe avec le charismatique et extraordinaire Karol Wojtyla, quelqu’un dont la manière d’être soit plus sobre, plus intérieure, “ qui exprime d’une façon plus directe l’essence de l’Évangile ”.
« Pour Magister, Bergoglio n’est pas seulement bien vu du cardinal allemand Joseph Ratzinger, mais il l’est aussi du cardinal Camillo Ruini, président de la Conférence épiscopale italienne, qui est “ le plus puissant et le plus influent des cardinaux italiens ”.
– Pourquoi avez-vous consacré un article à Bergoglio ?
– Je ne le connaissais pas personnellement, mais j’ai commencé à le connaître de l’extérieur, ces derniers mois. J’ai commencé à le remarquer comme une personnalité singulière et très rare à ce niveau de la haute hiérarchie. J’ai écouté des gens de son entourage au Vatican, parlant de lui avec intérêt. Rome est une ville où les sommités de l’Église mondiale passent sans s’arrêter, mais j’ai remarqué que toute l’attention converge progressivement sur lui comme un candidat possible.
– En quel sens pensez-vous que sa personnalité est “ singulière ” ?
– C’est à cause de sa simplicité, de son austérité. Il fuit tout ce qui ressemble aux honneurs et à la “ carrière ”, et aussi à cause de sa profonde spiritualité. Par exemple, lorsqu’on parle d’un candidat à la succession, on mentionne le nom de Dionigi Tettamanzi, l’actuel archevêque de Milan, eh bien ! par certains côtés, Bergoglio est presque à l’opposé de Tettamanzi.
– Pourquoi ?
– Parce que Tettamanzi est un ecclésiastique qui fit une campagne publicitaire incroyable, hors du commun, dans le but de conquérir la cathédrale de Milan.
– Et cela n’a pas plu?
– Tettamanzi est parvenu à son but, mais cela lui a nui pour son image de marque au Conclave. Avec toute cette propagande, il est rentré dans l’ombre comme successeur possible.
– Mais il existe des groupes qui le soutiennent à la suite, par exemple, du cardinal Sodano dont vous dites dans votre article qu’il n’appuierait pas Bergoglio.
– Sodano est un personnage indéchiffrable. Jusqu’à hier, il semblait soutenir l’hypothèse d’un Pape sud-américain contre l’hypothèse italienne. Certains pensent qu’il le faisait pour freiner une éventuelle candidature italienne qu’en réalité le secrétaire d’État vise pour lui-même. À présent qu’il existe un candidat latino-américain en vue, il ne penche plus dans ce sens.
– Que pensez-vous des autres Latino-Américains fortement pressentis comme “ papabili ”, tels Oscar Rodriguez Madariaga (Honduras) et le Mexicain Norberto Rivera Carrera?
– En réalité, ils ne furent jamais de véritables candidats, seulement les médias les ont présentés comme tels.
– Il y en a qui pensent qu’avec un article comme celui que vous avez écrit sur Bergoglio, votre véritable intention pourrait être de le “ brûler ”.
– Du point de vue de Bergoglio lui-même, c’est certain, cet article n’est pas utile : quelqu’un qui généralement est en pleine carrière n’a pas intérêt à être favorisé par un excès de publicité. Mais il n’en est pas toujours ainsi. Quand il s’agit d’un personnage très particulier, parler de lui c’est mettre en valeur une figure peu connue.
– Personne ne connaissait Karol Wojtyla avant son élection au pontificat...
– Mais Bergoglio n’est pas Karol Wojtyla, et je crois que les cardinaux ne désirent pas élire quelqu’un qui répète les caractéristiques de Wojtyla. Ils demandent quelqu’un qui ne soit pas démesurément médiatique, quelqu’un d’un style plus sobre, plus intérieur. Le collège cardinalice n’est pas enclin à demander au Pape qu’il soit un grand acteur ; cela ressort du discours fait au synode de l’année 2001, consacré à la figure de l’évêque. Là sont révélés les défis de l’Église future, et comment devra être le prochain Pape : un Pape qui prêchera la Croix et reviendra à l’essence de l’Évangile. Il est évident qu’un personnage comme Bergoglio exprime tout à fait cette exigence de retour à l’Évangile, de sobriété par laquelle l’Église doit affronter ses combats en montrant son être profond.
– Et Bergoglio est-il bien vu du Pape ?
– Je ne sais pas. Il l’a fait cardinal et je crois qu’il doit l’estimer. »

NOTRE-DAME PITIÉ !
Sous le titre Notre-Dame pitié ! l’abbé de Nantes écrivait le 15 août 1972 une supplique à la bienheureuse Vierge Marie pour qu’Elle intercède auprès de notre Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, en faveur de l’Église, et qu’Elle reçoive mandat d’intervenir promptement (CRC n° 59, août 1972). Il demandait trois choses : un autre Pape, la conversion de nos évêques, et un nouveau Concile pour jeter l’anathème sur le précédent, du vivant même de ceux qui l’ont fait. Pour Pape, il demandait « un témoin de la majorité modérée du dernier Concile, qui soit un homme de grande science, dénué de parti pris, lui-même directement mêlé à tous les débats difficiles des dix dernières années ». Et il suggérait : « le cardinal Felici ? » (CRC n° 60, septembre 1972).
Six ans plus tard, ce vœu fut exaucé, et au-delà, en la personne d’Albino Luciani, ami de Felici, qui parut aussitôt « un nouveau saint Pie X qui s’ignore », capable de « tout restaurer dans le Christ ». Et c’est pourquoi il fut assassiné par les tenants de l’Antichrist, auxquels Dieu a donné permission de nuire encore quelque temps. Jusqu’à quand ? Jusqu’à la disparition de tous ceux qui ont fait le Concile, contrairement à la troisième demande de l’abbé de Nantes ? Trente ans ont passé, et il ne reste plus qu’une quarantaine de survivants, dont Karol Wojtyla toujours là, devenu la Tête, le Chef, responsable direct, immédiat de tout le mal persistant qu’il décide ou qu’il tolère. Plus que jamais, il faut qu’il parte. Ce que l’abbé de Nantes écrivait de Paul VI vaut plus que jamais de son successeur qui s’est toujours dit son « fils » : « Pour les âmes qui se perdent en masses, pour l’Église qui s’effondre, pour son propre salut éternel, il est urgent que Jean-Paul II soit mis en demeure, par le Ciel si ce n’est par les hommes tous trop lâches pour remplir un tel devoir, de quitter. Je crains pour lui la mort soudaine et imprévue, je crains pour l’Église une fin qui ne s’accompagne pas d’une grande leçon, d’une rétractation, pourquoi pas?»
Après avoir réaffirmé sa foi dans l’Église à l’encontre des « gens lucides et tourmentés » qui vont répétant que « forcément le successeur fera regretter le prédécesseur », il s’appuyait sur « toute l’histoire de la papauté » pour exprimer sa confiance dans l’avenir : « L’institution du Conclave est excellente. Comme toutes les choses humaines, elle connaît parfois une défaillance mais, comme les êtres bien vivants, elle s’en souvient et répare le mal quand les conséquences s’en font sentir. »
Ce qu’il disait du cardinal Felici vaut aussi bien, aujourd’hui, pour le cardinal Georges-Marie Bergoglio (prononcer : Bergolio) : « J’en parle sans crainte de compromettre personne, je prévois l’élection du cardinal Bergoglio, et déjà je prie pour lui
frère Bruno de Jésus.

13 janvier 2003

[Aletheia n°37] Là est la vraie Eglise dit la Vierge Marie + Une lettre ouverte à Mgr Fellay

Aletheia n°37 - 13 janvier 2003

Là est la vraie Eglise dit la Vierge Marie
Il y a un an, alors que le Saint-Siège se réconciliait avec les  prêtres de Campos  et érigeait une administration apostolique, Mgr Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, publiait, le 16 janvier 2002, une déclaration sur cette  paix séparée , s'inquiétant de  la saveur mélangée que nous ressentons pour le moment  (déclaration publiée dans Fideliter, n 146, mars-avril 2002, p. 63, et dans de nombreuses autres publications liées à la FSSPX). Le 5 mars suivant, dans une longue conférence faite à Kansas City, aux Etats-Unis, Mgr Fellay faisait une analyse beaucoup plus développée de la situation de la FSSPX dans l'Eglise, des accords de Campos et des relations de la Fraternité Saint-Pie X avec le Vatican.
Le texte de cette longue conférence, disponible sur le site américain de la FSSPX aux Etats-Unis (www.sspx.org) et publiée aussi dans le bulletin du district britannique de la même Fraternité (Society of St. Pius X, octobre-novembre 2002, p. 6 à 29), na pas été, à ma connaissance, traduit en français. Cest dommage car il fournit une analyse beaucoup plus complète de la situation que celles parues en France à la même époque (par exemple, Fideliter, n° 149, septembre-octobre 2002, p. 1 à 11 :  A Rome,  on ne nous comprend pas ! ). Cette conférence a aussi l'avantage d'être plus spontanée qu'un entretien relu avant d'être publié.
Dans sa finale, cette conférence américaine contient un long passage sur les nombreuses  bénédictions ,  consolations  et  signes  que Dieu envoie à la FSSPX pour l'encourager et la confirmer dans son œuvre. Je crois utile de retranscrire intégralement, dans sa version originale, le récit qua fait Mgr Fellay dune intervention céleste récente :
 Everyday, we walk within miracles, even, I think, miracles from the Archbishop  he is at work , even miracles that show to people where they have to go. Let me tell you a story about a lady from Paris which was told to me by the lady herself, so , once again, it is not hearsay. She was going to the New Mass and was not at ease there. Something was wrong there, but she didnt know exactly what. She asked the priest :  Whats going on ? . She got no reasonable answer, so she continued going, but was very bothered.
One day she was chatting with her aunt. For little apparent reason, the aunt made an off-hand comment that the Blessed Virgin Mary spoke to little children. A few weeks later, this popped into the head of the lady and she exclaimed :  I have an eight-year-old daughter. Maybe she can get an answer !  So she and her daughter drove to the Rue du Bac where the Blessed Virgin Mary appeared to Saint Catherine Labouré to give her the Miraculous Medal. Arriving there, she instructed her daughter :  You ask the Blessed Virgin Mary where we have to go to Mass.
The lady told me there was so much traffic that it was impossible for her to park and go in with the girl. She stayed in the car and circled around. After 10-15 minutes, the girl came out to the car and told her mother :  We have to go to Saint Nicholas du Chardonnet.
 Saint Nicholas ! said the mother. Thats the Lefebvrist church ! They are schismatics !… Why ? Ask the Blessed Mother why !   So the girl went back into the chapel, and after a while came back to the car with this answer (I dont invent anything) :  Because there is the true Church.
 Whats that ? asked the mother. Whats the true Church ? What is it that you say, daughter ? I dont understand.  So the girl went in again, beginning a series of question-and-answer sessions with the Blessed Mother which lasted for the next three weeks. For three weeks, this lady would pose questions for the girl to ask Our Lady. The girl would return speaking of Quas Primas, of Mortalium Animos, of Vatican I, Vatican II, and so on. The lady read the encyclicals and her share of serious books. At the end of the three weeks, she surrendered and ended up at Saint Nicholas du Chardonnet.
Ce fait, auquel visiblement Mgr Fellay attache beaucoup d'importance et de crédibilité, est significatif pour comprendre l'assurance dont fait preuve la FSSPX dans son combat.
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Une lettre ouverte à Mgr Fellay
Le 12 décembre dernier, le Collectif Saint Athanase, un groupe de laïcs, a adressé une lettre ouverte au Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X. On y lit notamment :
…nous venons d'apprendre que les discussions entre la Fraternité et ces cardinaux [Castrillon Hoyos et Ratzinger] ont été totalement interrompues, ce qui nous paraît extrêmement regrettable. Nous avons d'ailleurs du mal à le croire : lorsque l'on a un message de l'importance de celui que vous avez à transmettre, peut-on laisser passer de telles occasions de parler et d'expliquer ? Mgr Lefebvre na-t-il pas toujours saisi les opportunités semblables qui lui étaient offertes ?
(…) Conserver la Tradition comme le fait la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, c'est bien, mais nous savons tous qu'on ne peut le faire en étant séparé du Siège de Pierre.
(…) Le responsable de la doctrine du Concile, le cardinal Ratzinger, vous propose d'en parler et vous refuseriez de le faire ? Le responsable du clergé conciliaire, le cardinal Castrillon Hoyos, fait des propositions pour rétablir la messe traditionnelle et vous, fils de Mgr Lefebvre, vous refuseriez de traiter du rétablissement de la messe traditionnelle ?
C'est pourquoi, Monseigneur, nous voudrions rappeler respectueusement aux autorités de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, le rôle qui nous paraît être le sien : de témoignage actif, aiguillon de la conscience, et la nécessité qui lui incombe exercer, aujourd'hui, une intelligente  prise de parole dans l'Eglise .
Ce Collectif Saint Athanase est présidé par Luc Perrouin et indique comme adresse : 21 boulevard Montparnasse, 75006 Paris.
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Je remercie ceux qui se sont manifestés suite à mon message final du dernier numéro et je dois une grande reconnaissance au quotidien Présent qui, de son propre chef, la reproduit intégralement.
" 'Là est la vraie Eglise' dit la Vierge Marie", suivi de "Lettre ouverte du Collectif Athanase à Mgr Fellay"
Aletheia n°37 - 13 janvier 2003
Là est la vraie Eglise dit la Vierge Marie
Il y a un an, alors que le Saint-Siège se réconciliait avec les  prêtres de Campos  et érigeait une administration apostolique, Mgr Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, publiait, le 16 janvier 2002, une déclaration sur cette  paix séparée , s'inquiétant de  la saveur mélangée que nous ressentons pour le moment  (déclaration publiée dans Fideliter, n 146, mars-avril 2002, p. 63, et dans de nombreuses autres publications liées à la FSSPX). Le 5 mars suivant, dans une longue conférence faite à Kansas City, aux Etats-Unis, Mgr Fellay faisait une analyse beaucoup plus développée de la situation de la FSSPX dans l'Eglise, des accords de Campos et des relations de la Fraternité Saint-Pie X avec le Vatican.
Le texte de cette longue conférence, disponible sur le site américain de la FSSPX aux Etats-Unis (www.sspx.org) et publiée aussi dans le bulletin du district britannique de la même Fraternité (Society of St. Pius X, octobre-novembre 2002, p. 6 à 29), na pas été, à ma connaissance, traduit en français. Cest dommage car il fournit une analyse beaucoup plus complète de la situation que celles parues en France à la même époque (par exemple, Fideliter, n° 149, septembre-octobre 2002, p. 1 à 11 :  A Rome,  on ne nous comprend pas ! ). Cette conférence a aussi l'avantage d'être plus spontanée qu'un entretien relu avant d'être publié.
Dans sa finale, cette conférence américaine contient un long passage sur les nombreuses  bénédictions ,  consolations  et  signes  que Dieu envoie à la FSSPX pour l'encourager et la confirmer dans son œuvre. Je crois utile de retranscrire intégralement, dans sa version originale, le récit qua fait Mgr Fellay dune intervention céleste récente :
 Everyday, we walk within miracles, even, I think, miracles from the Archbishop  he is at work , even miracles that show to people where they have to go. Let me tell you a story about a lady from Paris which was told to me by the lady herself, so , once again, it is not hearsay. She was going to the New Mass and was not at ease there. Something was wrong there, but she didnt know exactly what. She asked the priest :  Whats going on ? . She got no reasonable answer, so she continued going, but was very bothered.
One day she was chatting with her aunt. For little apparent reason, the aunt made an off-hand comment that the Blessed Virgin Mary spoke to little children. A few weeks later, this popped into the head of the lady and she exclaimed :  I have an eight-year-old daughter. Maybe she can get an answer !  So she and her daughter drove to the Rue du Bac where the Blessed Virgin Mary appeared to Saint Catherine Labouré to give her the Miraculous Medal. Arriving there, she instructed her daughter :  You ask the Blessed Virgin Mary where we have to go to Mass
The lady told me there was so much traffic that it was impossible for her to park and go in with the girl. She stayed in the car and circled around. After 10-15 minutes, the girl came out to the car and told her mother :  We have to go to Saint Nicholas du Chardonnet.
 Saint Nicholas ! said the mother. Thats the Lefebvrist church ! They are schismatics !… Why ? Ask the Blessed Mother why !   So the girl went back into the chapel, and after a while came back to the car with this answer (I dont invent anything) :  Because there is the true Church.
 Whats that ? asked the mother. Whats the true Church ? What is it that you say, daughter ? I dont understand.  So the girl went in again, beginning a series of question-and-answer sessions with the Blessed Mother which lasted for the next three weeks. For three weeks, this lady would pose questions for the girl to ask Our Lady. The girl would return speaking of Quas Primas, of Mortalium Animos, of Vatican I, Vatican II, and so on. The lady read the encyclicals and her share of serious books. At the end of the three weeks, she surrendered and ended up at Saint Nicholas du Chardonnet.
Ce fait, auquel visiblement Mgr Fellay attache beaucoup d'importance et de crédibilité, est significatif pour comprendre l'assurance dont fait preuve la FSSPX dans son combat.

Une lettre ouverte à Mgr Fellay
Le 12 décembre dernier, le Collectif Saint Athanase, un groupe de laïcs, a adressé une lettre ouverte au Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X. On y lit notamment :
…nous venons d'apprendre que les discussions entre la Fraternité et ces cardinaux [Castrillon Hoyos et Ratzinger] ont été totalement interrompues, ce qui nous paraît extrêmement regrettable. Nous avons d'ailleurs du mal à le croire : lorsque l'on a un message de l'importance de celui que vous avez à transmettre, peut-on laisser passer de telles occasions de parler et d'expliquer ? Mgr Lefebvre na-t-il pas toujours saisi les opportunités semblables qui lui étaient offertes ?
(…) Conserver la Tradition comme le fait la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, c'est bien, mais nous savons tous qu'on ne peut le faire en étant séparé du Siège de Pierre.
(…) Le responsable de la doctrine du Concile, le cardinal Ratzinger, vous propose d'en parler et vous refuseriez de le faire ? Le responsable du clergé conciliaire, le cardinal Castrillon Hoyos, fait des propositions pour rétablir la messe traditionnelle et vous, fils de Mgr Lefebvre, vous refuseriez de traiter du rétablissement de la messe traditionnelle ?
C'est pourquoi, Monseigneur, nous voudrions rappeler respectueusement aux autorités de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, le rôle qui nous paraît être le sien : de témoignage actif, aiguillon de la conscience, et la nécessité qui lui incombe exercer, aujourd'hui, une intelligente  prise de parole dans l'Eglise. [...]

6 janvier 2003

Lettre aux amis et bienfaiteurs n°63 - Mgr Fellay, Supérieur Général de la FSSPX
Epiphanie 2003
Chers amis et bienfaiteurs,


NOS RELATIONS AVEC ROME

Encore une fois, nous vous adressons la lettre aux amis et bienfaiteurs avec un certain retard. Encore une fois, nous avons hésité à vous écrire plus tôt dans la crainte de manquer un élément important dans les développements de nos relations avec Rome, surtout après les accords de Campos. Il est bien évident qu'aux yeux de Rome, ce qui s'est réalisé à Campos devrait être le préambule de notre « régularisation ». De notre côté, nous considérons que ce qui arrive à nos anciens amis, doit nous servir de leçon.
En soi et en général, les intentions de Rome à l'égard de la Fraternité sont plutôt celles d'un accord. De toutes parts, nous entendons que le Souverain Pontife voudrait régler cette affaire avant de mourir.
Mais d'autre part, nos craintes au sujet des accords de Campos se sont révélées fondées, et les développements que nous constatons dans l'Administration apostolique, contrairement aux expectatives romaines, nous laissent dans la méfiance. Il s'agit là bien sûr de nuances assez volatiles et susceptibles de mutations, de surprises et de situations nouvelles un peu semblables à celle que l'on peut trouver en temps de politique instable. Et il est presque impossible de présager des évolutions futures dans une telle situation.
Nous constatons dans les coulisses vaticanes une certaine remise en question des développements de ces dernières décennies, une volonté chez certains de corriger la dérive, mais il reste évident que les principes qui gouvernent la Rome actuelle sont bien toujours ceux de l'actualisation du Concile telle que nous avons pu l'expérimenter durant les quarante dernières années. Dans les documents officiels et la ligne générale, nous ne voyons pas de remise en question de fond sur ces principes ; bien au contraire, on nous rabâche que le mouvement engagé par Vatican II serait irréversible, ce qui nous oblige à nous demander d'où provient le changement d'attitude à notre égard. La réponse se trouve tout d'abord, sans exclure d'autres explications, dans la vision pluraliste et œcuménique qui règne désormais dans le monde de la catholicité. Or cette vision finit par faire côtoyer tout le monde sans requérir désormais plus aucune conversion, comme l'a dit le Card. Kasper au sujet des orthodoxes et même des juifs. Il devient évident que dans une telle perspective, on trouvera aussi une petite place pour la Tradition, mais... Une telle vision, nous ne pouvons pas l'accepter, pas plus que le maître d'école ne pourrait accepter de pluralisme en mathématique.
Un jour viendra, nous en sommes absolument certains, où Rome reviendra à SA Tradition, où elle la remettra en honneur, et nous appelons de tout notre cœur ce jour béni. Mais pour l'heure, nous ne sommes pas encore si avancés, et toute illusion serait mortelle pour notre société. Nous pouvons le constater en examinant les développements de Campos.
Pour faire le point, nous voudrions souligner deux éléments de l'évolution camposienne : l'évolution de l'attitude de Campos par rapport aux autorités romaines depuis leur accord. Et en conséquence, la distance qui nous éloigne de plus en plus de Campos, avec tous les tiraillements que cela implique.


CHANGEMENTS A CAMPOS

Campos, par son mentor Mgr Rifan, clame à tous vents que rien n'a été changé, que les prêtres de l'Administration apostolique sont restés aussi traditionnels qu'autrefois, et c'est d'ailleurs l'essentiel de ce qui leur a été accordé, et la raison de leur adhésion à la proposition romaine : la ratification de la position traditionnelle.
Voici ce que, de notre côté, nous avons pu remarquer. Notons tout d'abord que nous ne sommes pas ignorants que dans un différend l'homme a tendance a prendre pour vérité ce qui est au détriment de son prochain. Il y a certainement des faux bruits qui circulent à l'égard de nos anciens amis, tels : « Mgr Rifan a concélébré la nouvelle messe » ou bien : « Campos a tout abandonné ».
Il est important pour l'histoire et pour notre conduite de s'appuyer sur une vérité aussi bien établie que possible. Voici donc un certain nombre d'éléments de cette nature :
1. Sur le site internet de Campos se trouve exposée la position de Campos sur la question brûlante de l'œcuménisme. Or sur cette question est affirmée l'adhésion au magistère du passé comme du présent. On y trouve des citations de Mortalium Animos de Pie XI, côtoyant Redemptoris Missio de Jean-Paul II. Force est de constater qu'un choix a été opéré : on cite des passages traditionnels, on ne dit mot des autres, de ceux qui introduisent des perspectives toutes différentes sur la question. On y lit : « Comme nous sommes catholiques, nous n'avons pas de doctrine propre et spéciale. Notre doctrine est exclusivement celle du Magistère de l'église dont nous publions les extraits de quelques documents anciens et nouveaux se référant surtout à quelques points de la doctrine catholique qui courent aujourd'hui un péril plus grand. »
2. Cette attitude de duplicité implicite est devenue comme la norme dans la nouvelle situation dans laquelle ils se trouvent : on souligne les points du pontificat actuel qui paraissent favorables, on passe sous un révérencieux silence ce qui ne va pas... On pourra dire tout ce que l'on voudra : le 18 janvier 2002 à Campos il n'y a pas eu seulement une reconnaissance unilatérale de Campos par Rome, comme certains prétendent, mais il y a une contrepartie : la complicité du silence. Et d'ailleurs comment pourrait-il en être autrement ? Il est évident que maintenant, Campos a quelque chose à perdre et qu'ils ont peur de perdre ce quelque chose, et que pour ne pas perdre cela, c'est le chemin d'une compromission qui a été choisi. « Nous les Brésiliens, nous sommes des hommes de paix. Vous les Français, vous vous battez toujours. » Pour avoir la paix avec Rome, il faut cesser de se battre. On ne regarde plus la situation globale de l'église, on se contente de se satisfaire du geste romain à un tout petit groupe de 25 prêtres pour dire que la situation de nécessité n'existe plus dans l'église, car avec l'octroi d'un évêque traditionnel, une nouvelle situation de droit a été créée... À cause d'un arbre on a oublié la forêt.
3. Mgr Rifan, durant un bref séjour en Europe, est allé visiter Dom Gérard à qui il a présenté ses excuses. Dans une conférence donnée aux moines de l'abbaye, il expose l'existence de deux phases dans la vie de Mgr de Castro Mayer : la première serait celle d'un évêque docile et respectueux de la hiérarchie, la deuxième, après 1981, celle d'un homme d'église beaucoup plus dur... « Nous avons choisi le premier », dira-t-il aux moines dont certains furent pour le moins surpris de telles paroles ; l'un d'eux quittera le monastère pour nous rejoindre.
4. Dans ce contexte, la nouvelle messe elle-même y trouve son compte. On abandonne les 62 raisons qui rejettent la nouvelle messe, on trouve que si elle est bien célébrée, elle est valide... (ce que personne ne nie chez nous, mais là n'est pas le problème). On ne dit plus qu'il ne faut pas y assister parce qu'elle est mauvaise, dangereuse… Mgr Rifan dira, dans un justificatif de sa position sur la messe : « Ainsi, nous rejetons ceux qui veulent user de la Messe traditionnelle comme un drapeau pour contester ou outrager l'autorité hiérarchique de l'église légitimement constituée. Nous adhérons à la messe traditionnelle, non avec un esprit de contradiction, mais comme une claire et légitime expression de notre foi catholique (…) ». Cela fait penser à une parole cardinalice : « Vous, vous êtes POUR l'ancienne messe, la Fraternité Saint-Pierre est CONTRE la nouvelle. Ce n'est pas la même chose. » Cet argument justifiait l'action de Rome contre l'abbé Bisig en même temps que les approches favorables vers la Fraternité Saint-Pie X à peu près en même temps. Cette curieuse distinction devient réalité, et sur ce chemin s'engage Campos : pour l'ancienne, mais pas contre la nouvelle. Pour la Tradition mais pas contre la Rome moderne. « Nous soutenons que le Concile ne peut pas être en contradiction avec la Tradition » vient de déclarer Mgr Rifan à une revue française, Famille chrétienne. Et pourtant, de ce Concile, un fameux cardinal avait dit qu'il était le 89 dans l'église. Et Mgr de Castro Mayer...
Ainsi, petit à petit, le combat s'estompe et on finit par s'accommoder de la situation. À Campos même, tout ce qui est positivement traditionnel est conservé, certes, donc les fidèles ne voient pas de changement, sauf les plus sagaces, qui remarquent la tendance à parler davantage et respectueusement des déclarations et événements romains actuels en omettant les mises en garde d'autrefois et les déviations d'aujourd'hui ; le grand péril est alors de finir par s'accommoder de la situation et de ne plus essayer d'y remédier. Pour nous, avant de nous lancer, nous voulons la certitude de la volonté de Rome de soutenir la Tradition, les marques d'une conversion.


ELOIGNEMENT DE LA FRATERNITE

A côté de ce développement psychologique malheureusement bien prévisible, qui fait que les prêtres de Campos, malgré leurs dires, se sont mis hors combat, il faut noter un autre phénomène, celui de l'hostilité grandissante entre nous. Mgr Rifan dit encore qu'il veut être notre ami, pendant que des prêtres de Campos nous accusent déjà d'être schismatiques, puisque nous n'acceptons pas leur accord...
Un peu comme le bateau qui a rejoint le milieu du fleuve et s'est mis dans le courant s'éloigne de la berge, ainsi, doucement, nous voyons à plusieurs indices une séparation toujours plus grande se faire entre nous. Nous avions averti Campos de ce grand danger, ils n'ont rien voulu entendre. Comme ils ne veulent pas ramer à contre-courant, tout en conservant à l'intérieur de la barque une attitude semblable à ce qu'ils faisaient auparavant, ce qui leur donne l'impression de n'avoir rien changé, cependant, ils s'éloignent de nous, ils manifestent de plus en plus un attachement au magistère actuel contrairement à l'attitude qu'ils avaient jusqu'ici et que nous, par contre, maintenons, c'est-à-dire une saine critique du présent sous le regard du passé.
Pour résumer, nous devons affirmer de Campos, malgré leur récrimination, que lentement, sous la conduite de leur nouvel évêque, ils se moulent dans l'esprit conciliaire. Rome n'en demande pas davantage pour l'instant.
On objectera peut-être que nos arguments sont bien faibles, subtils et ne font pas le poids devant l'offre romaine de régulariser notre situation. Nous répondons que la considération abstraite, in abstracto, de la proposition d'Administration apostolique est aussi magnifique que le plan d'une très belle maison proposé par un architecte. La vraie question et le vrai problème ne se situe pas là mais dans le concret : sur quel terrain la maison sera-t-elle construite ? Sur les sables mouvants de Vatican II ou sur cette pierre de Tradition qui remonte au premier des Apôtres ?
Pour assurer l'avenir, nous sommes obligés de demander à la Rome d'aujourd'hui la clarté sur son attachement à la Rome d'hier. Lorsque les autorités auront clairement réaffirmé dans les faits et seront revenues effectivement au "Nihil novi nisi quod traditum est", alors "nous" ne constituerons plus un problème. Et nous supplions Dieu de hâter ce jour où toute l'église refleurira, ayant redécouvert le secret de sa force passée, libérée de cette pensée dont Paul VI disait "qu'elle est de type non catholique. Il se peut qu'elle prévale. Elle ne sera jamais l'église. Il faut qu'il reste un petit troupeau, aussi infime soit-il."


VIE INTERNE DE LA FRATERNITE

Nous voudrions aussi vous faire part de notre vie « interne », vous faire participer un peu à nos joies et labeurs apostoliques. Et nous voudrions saisir l'occasion de cette lettre pour vous décrire un peu nos activités dans les pays de mission. Il est vrai qu'aujourd'hui presque tous les pays, en particulier notre vieille Europe, sont en train de redevenir pays de mission... Nos prêtres, dans leurs courses apostoliques, visitent plus de 65 pays dont certains souffrent encore aujourd'hui de persécution directe.
Mais comme nous nous sommes beaucoup étendus, nous nous limiterons ici à deux nouveaux champs d'apostolat. Nous les visitions plus ou moins sporadiquement depuis des années, mais récemment nous croyons y voir une étonnante ouverture : la Lituanie et le Kenya.
Afin de mieux organiser notre apostolat en Russie et Biélorussie, nous avons établi une tête de pont en Lituanie, ce pays qui a bien souffert de la persécution communiste russe, et où le catholicisme s'est maintenu héroïquement. Le rideau de fer tombé, les pays de l'Est ont reçu avec beaucoup de candeur les nouveautés vaticanesques, persuadés que ce qui venait de l'Ouest devait être bon... Ces pays rattrapent en peu de temps l'état désastreux provoqué par les réformes. La réaction n'est pas visible, elle est passive, elle ne passe pas à l'action. Mais nos confrères découvrent, à travers une langue difficile, un terrain qui s'annonce fertile à la Tradition, plus que ce que les premières expériences arides ne l'avaient fait espérer. Reçus par une sévère mise en garde de l'épiscopat comme salutation de bienvenue, nos confrères découvrent plusieurs prêtres désireux de nous rejoindre. Ils nous expliquent la semonce épiscopale : les évêques craignent que les fidèles nous rejoignent en masse... Voici qu'une mystérieuse petite congrégation féminine s'approche de nous. Le Cardinal Vincentas Sladkevicius, décédé le 28 mai 2000, Arch. émérite de Kaunas, fondateur de cette congrégation, lui a laissé le mot d'ordre : « Quand la Fraternité Saint-Pie X viendra, vous les rejoindrez. C'est d'elle que viendra la restauration de l'église en Lituanie. » Puissions-nous être à la hauteur ! Dieu nous vienne en aide et sa grâce. Les grandes villes ont maintenant leur petit centre de messe, mais l'intérêt encore discret se fait chaque jour plus pressant.
Le Kenya reçoit la visite sporadique des prêtres de la Fraternité depuis vingt cinq ans... Subitement, nous découvrons l'existence d'un groupe de 1.500 fidèles organisés dans leur lutte et refus de la communion dans la main et debout. Les premiers contacts montrent bien évidemment qu'il ne s'agit pas seulement du mode de communier, mais bien de toute une attitude traditionnelle. Nous découvrons aussi nombre de religieuses ayant quitté leurs diverses congrégations ou en ayant été chassées à cause de leur refus des réformes conciliaires. Vivant dans le monde elles sont restées fidèles à leurs vœux. Maintenant 16 d'entre elles s'adressent à nous afin que nous leur donnions la possibilité de vivre de nouveau en communauté.
Un tout jeune prêtre nous dit : « Si vous établissez ici une chapelle, la cathédrale va se vider. Quand je visite les fidèles ils me disent : “Pourquoi avez-vous changé notre église ? Dites la messe comme autrefois !” Mais je ne connais pas cette messe, je ne sais pas comment était l'église autrefois. Quand je demande aux prêtres plus âgés, je me fais rabrouer. Pouvez-vous m'apprendre à célébrer l'ancienne messe ? Est-ce que je peux vous visiter pour apprendre ? » Un autre prêtre, jeune lui aussi, déclare avec un accent qui en dit long : « Je noterai dans mon journal ce soir : ma première messe tridentine. »
Comment les autorités de l'église pourraient-elles être insensibles à ces appels d'âmes assoiffées de grâce et de vie catholique ? Sous la cendre et les ruines post-vaticanes, il y a encore une braise catholique traditionnelle, qui ne demanderait qu'à s'enflammer de nouveau. L'église ne meurt pas, Dieu y veille. Plût à Dieu que nous puissions être ses instruments dociles qui répandent ce feu que son Cœur brûlait de répandre dans le monde entier.
Mais vous le savez bien, chers fidèles, vous particulièrement, que nous ne pouvons pas desservir autant que nous le voudrions ; combien nous manquons de prêtres ! Priez, priez le maître de la moisson qu'il envoie de nombreux ouvriers dans son champ apostolique.
En ce début de nouvelle année, nous vous confions, pleins de gratitude et vous disant un chaleureux merci pour toute votre générosité sans faille, cette intention de prière pour les prêtres, pour le sacerdoce catholique. Dieu vous bénisse et toutes vos familles abondamment de toutes ses grâces.

Epiphanie 2003
† Bernard Fellay

2 janvier 2003

[Aletheia n°36] Le 40e anniversaire de Vatican II - et autres textes

Aletheia n°36 - 2 janvier 2003

. Le 40e anniversaire de Vatican II.

. Revue des revues.

. Vatican II analysé ou jugé.

. Israël après le Christ.

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LE 40e ANNIVERSAIRE DE VATICAN II

Le 40e anniversaire de l'ouverture du concile Vatican II a été l'occasion d'études et de travaux très divers. Jean Madiran, parmi les catholiques attachés à la Tradition, a été le premier, en juin 2002, à apporter sa contribution par un essai très riche : La Révolution copernicienne dans l’Eglise (Consep, 7 rue de la Comète, 75007 Paris, 107 pages, 18 euros, cf. Alètheia n° 31).

La position de Jean Madiran n'est pas celle de la Fraternité Saint-Pie X. Jean Madiran remet en cause "l'intention" qui a présidé aux travaux conciliaires et "l'évolution conciliaire" qui a suivi, évolution "destructrice et inacceptable" (Présent, 19.12.2002). Mais il ne se fait pas juge des textes conciliaires eux-mêmes. En conclusion de son livre, il dit de l'Eglise et du concile Vatican II : "Elle pourra ainsi le rectifier, le réformer ou l'abolir ; ou bien l'oublier ? Ce n'est pas à nous d'en décider. Simple laïc du rang, simple militant de l'Eglise enseignée, notre rôle était de refuser l'inacceptable. Nous l'avons fait de toutes nos forces. Nous ne cesserons pas."

La Fraternité Saint-Pie X, elle, a organisé, en octobre, un symposium international de théologie intitulé "Vatican II : introduction à une nouvelle religion". Cette réunion s'est tenue à huis clos et les actes ne devaient pas être publiés. Finalement ils le seront.

Ce symposium a été l'occasion, pour certains prêtres de la FSSPX qui y participaient comme intervenants, d'étudier, pour la première fois, les textes du concile Vatican II. Après une séance plénière, où Mgr Williamson a prononcé l'allocution d'ouverture, les travaux se sont déroulés en six commissions thématiques. Il y eut, au total, 62 intervenants dont 25 laïcs. Parmi les participants laïcs, on relève les noms d'universitaires plus ou moins proches de la FSSPX (notamment Claude Rousseau, Christophe Réveillard, Jean-Claude Lozac'hmeur, Franck Bouscau, Alain Rauwel, Paolo Pasqualucci). En revanche, parmi les ecclésiastiques présents, le plus grand nombre appartenait à la FSSPX, même si des religieux de communautés amies (Couvent de la Haye-aux-Bonshommes, Fraternité de Mérigny) ont apporté des contributions.

Dans le programme envoyé aux participants à ce symposium, figurait un projet de "Déclaration finale", en huit points. Ce projet de déclaration devait être discuté et travaillé par chacune des six commissions. En fait, le texte du projet a été repris sans changement majeur" dans la "Déclaration finale du Symposium de Paris" telle qu'elle est parue ensuite dans diverses publications traditionalistes.

La conclusion principale de ce symposium —mais elle se trouvait déjà pour l'essentiel dans le projet de déclaration — est que "le Concile a posé les bases d'une religion nouvelle destinée principalement à exalter la personne humaine et à réaliser l'unité du genre humain."

Il y a quelques mois, dans Pacte (23 rue des Bernardins, 75005 Paris, n° 67, le numéro 2,50 euros), l'abbé de Tanoüarn avait déjà employé l'expression de "religion nouvelle" pour qualifier Vatican II. Mais il l'avait employée dans un sens limitatif : "Cette nouvelle conscience transforme les rapports entre l'Église et le monde et donne au chrétien une nouvelle identité, une nouvelle manière d'être lui-même devant Dieu et devant les hommes. C'est en ce senset en ce sens seulement, mais ce n'est pas rien —, c'est en s'en tenant à cette perspective qu'on peut soutenir l'idée que Vatican II inaugure une nouvelle religion, une nouvelle manière d'entrer en relation avec Dieu et avec ses semblables" (souligné par nous).

Avec ce symposium, l'abbé de Tanoüarn, qui en a été le principal organisateur et animateur, engage une critique plus radicale du concile Vatican II, puisqu'il emploie désormais l'expression "nouvelle religion" dans un sens non restrictif, pour l'opposer "à la religion catholique telle qu'elle a été vécue par les fidèles et enseignée par tous les papes jusqu'à la veille de Vatican II".

La "Commission 6" du symposium s'est consacrée à l'"Histoire du Concile". Une communication particulière aurait pu être consacrée à Mgr Lefebvre et le concile Vatican II. Non seulement à sa participation aux travaux conciliaires mais aussi à son jugement — qui a évolué — sur le concile. Mgr Tissier de Mallerais, dans sa grande biographie de Mgr Lefebvre (Clovis, 2002), reconnaît, après que Mgr Lefebvre lui-même et la FSSPX longtemps l'aient longtemps nié, que le futur fondateur d'Ecône a bien signé tous les textes du concile Vatican II, y compris la déclaration Dignitatis humanæ sur la liberté religieuse et la constitution pastorale Gaudium et spes.

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REVUE DES REVUES

. Item est la lettre confidentielle que l'abbé Aulagnier avait lancée après qu'il a été dépossédé des publications qu'il avait fondées ou relevées (Dici et Nouvelles de Chrétienté). Depuis que l'abbé Aulagnier a été exilé à Québec et interdit d'écrire, Item continue à paraître à l'initiative d'Entraide et de Tradition (rue Jean Eudes, 14480 Le Fresne-Camilly). Le dernier numéro paru, n° 5, novembre 2002, 3,20 euros, contient le texte intégral de la conférence donnée à Versailles par Mgr Rifan, le 30 septembre dernier, et aussi le texte intégral du débat qui a eu lieu ensuite avec les auditeurs. On y relève les interventions de l'abbé Guillaume de Tanoüarn et du père de Blignières.

. Sedes Sapientiae (Société Saint-Thomas d'Aquin, 53340 Chémeré-le-Roi, n° 81, 8 euros) contient une longue et très éclairante étude de Luc Perrin : "Rome, Campos et Ecône (2000-2002)", pages 3 à 30. Luc Perrin, maître de conférences à la Faculté de théologie catholique de l'université Marc Bloch (Strasbourg), est un des historiens les plus attentifs et les mieux informés sur le catholicisme traditionnel d'après Vatican II. On lui doit aussi les quatre derniers chapitres de l'Histoire des curés qui vient de paraître aux éditions Fayard sous la direction de Nicole Lemaître. Luc Perrin y évoque les évolutions du clergé séculier depuis la Première Guerre Mondiale.

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VATICAN II ANALYSE OU JUGE

Différentes revues ont consacré des dossiers spéciaux au concile Vatican II à l'occasion du 40e anniversaire de son ouverture. C'est, dans l'ordre chronologique de leur parution :

- L'Homme nouveau (10 rue Rosenwald, 75015 Paris, 3 euros le numéro). Un large dossier est paru sur deux numéros, les 20.10.2002 et 3.11.2002. On y trouve :

. Denis Sureau, "Retour sur Vatican II",

. Philippe Maxence, "Les exigences de la vérité",

. Luc Perrin, "L'aggiornamento de l'Eglise",

. Entretien avec Mgr Rifan,

. Yves Chiron, "Paul VI, l'universalité de l'Eglise",

. Entretien avec le P. Basile Valuet o.s.b. sur la liberté religieuse,

. Georges Daix, "Envoyé spécial au concile".

- Fideliter (B.P. 88, 91152 Etampes cedex, n° 150, novembre-décembre 2002, 7,50 euros). On y lit, pages 4 à 13 :

. Abbé Alain Lorans, "Vatican II, un "brigandage" ?",

. Mgr Bernard Tissier de Mallerais, "Le rôle du Cœtus internationalis Patrum".

- La Nef (B.P. 48, 78810 Feucherolles, n° 133, décembre 2002, 6 euros). On y lit, pages 17 à 29 :

. Christophe Geffroy, "Le "mythe" du Concile",

. "Rupture ou continuité ? Les principaux points controversés" par un moine de Triors, le P. Emmanuel o.s.b., les abbés Christian Gouyaud, Fabrice Loiseau, Denis Le Pivain et Gérald de Servigny,

. Christophe Geffroy, "Yves Congar ou l'esprit du concile",

. Loïc Mérian : "Liturgie : un échange significatif".

- Kephas (8 bis boulevard Bessonneau, 49100 Angers, n° 4, octobre-décembre 2002, 15 euros). On y lit, pages 49 à 66 :

. Abbé Gérald de Servigny, "Vatican II, un concile mal connu",

. Yves Chiron, "Il y a quarante ans, l'ouverture de Vatican II".

- Le Sel de la terre (Couvent de la Haye-aux-Bonshommes, 49240 Avrillé, n° 43, hiver 2002-2003, 14 euros). On y lit, pages 15 à 74 :

. Abbé Victor-Alain Berto (1900-1968), "Lettres du concile",

. Mgr Antonio de Castro Mayer, "L'anti-Eglise"

. Paolo Pasqualucci, "Pour la recherche systématique des erreurs de Vatican II. Propositions sur la méthode."

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ISRAËL APRÈS LE CHRIST

Ansgar Santogrossi est un religieux, frère bénédictin à l'abbaye Mount Angel, dans l'Oregon. Né en 1962, spécialiste de la pensée du bienheureux Duns Scot, il a publié différents articles de philosophie, de théologie et de liturgie dans des revues conciliaires (comme Homiletic and Pastoral Review) ou traditionnelles (Catholica et The Latin Mass). C'est en français qu'il a rédigé son premier livre, L'Evangile prêché à Israël, qui vient de paraître aux éditions Clovis (B.P. 88, 91152 Etampes cedex, 78 pages, 10,50 euros).

L'ouvrage n'est pas une lecture critique de la déclaration conciliaire Nostra ætate dans sa quatrième partie consacrée à la religion juive mais il en prend largement le contre-pied. Il contredit surtout le "dialogue judéo-chrétien" tel qu'il s'est établi depuis une quarantaine d'années. Ce dialogue tend à mettre en valeur la foi "abrahamique" qui serait commune aux Juifs et aux Chrétiens et aussi est affirmé que "les Israélites qui, depuis Jésus, ne croient pas en sa messianité sont un corps religieux agréé par Dieu comme un corps religieux doué de la foi d'Abraham" (p. 11).

Recourant largement à deux ouvrages classiques parus en 1969 (Pierre Benoit, L'Eglise et Israël et Denise Judant, Judaïsme et christianisme), Ansgar Santogrossi se réfère aussi abondamment aux pages de saint Thomas d'Aquin sur le sujet et à la doctrine scotiste de la "foi implicite".

Ansgar Santogrossi conteste que le peuple juif puisse encore, aujourd'hui, être considéré comme "le peuple élu". La promesse du Christ Jésus s'adresse certes toujours aux Juifs comme aux Gentils, mais elle requiert "une foi qui soit au temps passé pour correspondre au temps de l'Eglise qui est le dernier âge de l'Histoire". L'attente du Messie chez les Juifs de l'Ancienne Alliance était "une foi au temps futur". Depuis l'incarnation du Fils de Dieu cette foi est sans objet. La foi juive aujourd'hui, et l'observance de la loi mosaïque, manquent leur objet (pour reprendre la terminologie thomiste de la connaissance).

A l'encontre du dialogue judéo-chrétien actuel, Ansgar Santogrossi estime que la religion israélite contemporaine n'est pas une réponse authentique à l'Alliance de jadis : "Les Israélites dans la Synagogue actuelle professent un Messie à venir non par la foi divine, mais par une conjecture humaine fausse."

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Je remercie ceux qui — évêché, monastères, prêtres, laïcs — ont apporté, durant l'année 2002, une libre contribution financière à Alètheia, permettant ainsi à ce frêle esquif de continuer à voguer. Je ne remercie pas, en revanche, ceux qui ne se manifestent jamais — même pas par quelques lignes pour dire qu'ils ne veulent plus recevoir ce voltigeur — et ceux qui, pour leurs propres publications, pillent cette modeste feuille sans daigner citer leur source.

A l'intention de tous, néanmoins, pour 2003, je ne peux que reprendre le vœu émis par Jean Madiran (Présent, 27.11.2002) : "vœu qui paraîtra utopique, mais que je ressens comme nécessaire dans le vilain temps que nous avons à traverser et qui se prolonge désastreusement : mon vœu d'une amitié entre tous ceux qui, en diverses demeures, gardent la même messe, le même catéchisme, la même Écriture."