10 mars 2002

[Aletheia n°26] Le “silence” de Pie XII - et autres textes - par Yves Chiron

Aletheia n°26 - 10 mars 2002

Le “silence” de Pie XII

Le film “ Amen ” relance une polémique qui revient et s’enfle depuis quarante ans. Elle s’est développée depuis la représentation et la publication de la pièce de théâtre de Rolf Hochhuth, Le Vicaire (Éditions du Seuil, 1963). Alexis Curvers répliqua à la pièce par un livre de défense historique : Pie XII, le pape outragé (Robert Laffont, 1964). L’ouvrage a été réédité en 1988, avec un supplément de vingt-cinq pages, par les Éditions DMM ( 53290 Bouère).

Deux autres études éclairent utilement la question :

- en 1963, Joseph L. Lichten a publié aux Etats-Unis, A Question of Judgement. Pius XII and the Jews, National Catholic Welfare Conference. Cette étude semble inconnue des historiens français. Elle a pourtant été traduite, non en français certes mais en italien, en 1988, sous le titre Pio XII et gli Ebrei (Edizioni Dehoniane, Bologne). L’ouvrage, qui défend la mémoire de Pie XII, vaut aussi par la personnalité de son auteur : historien d’origine polonaise, Joseph Lichten, de confession israélite, était membre de l’Anti Defamation League of B’nai B’rith depuis 1945. On sait quel rôle important joua cette association dans le “dialogue judéo-chrétien”, au moment du concile Vatican II pour l’élaboration de la déclaration Nostra Aetate, et ensuite. Joseph Lichten fut un des artisans les plus actifs de ce dialogue.

- en 2000, dans le volume collectif publié sous la direction de François-Georges Dreyfus, Le Patriotisme des Français sous l’Occupation (Éditions de Paris, 7 rue de la Comète, 75007 Paris, 357 pages), Emile Poulat a publié une étude très pertinente consacrée à “ L’Eglise ” (p. 153-175) durant cette période.

Emile Poulat, dans ces pages où, comme à son habitude, les questions posées valent autant que les remarques faites, écrit :

“ On a tôt reproché au pape Pie XII et aux évêques français leur silence, et la controverse n’est pas close : preuve qu’elle excède le simple établissement des faits. (...) Ce silence tant reproché, quelle grande voix l’a alors rompu ? Quel homme d’Etat s’est fait entendre et quelles frontières se sont ouvertes pour accueillir les persécutés menacés dans leur vie ? Pourquoi cette inégalité de traitement, une mise en accusation obstinée de l’Eglise catholique, un voile pudique sur tant d’intérêts publics et privés engagés dans cette tragédie ?

“L’Eglise savait”, lit-on un peu partout. Mais que savait-elle exactement, avec la précision que requiert une intervention soit publique, soit diplomatique ? (...)

On ne rouvrira pas ici le dossier de Pie XII : c’est un fait que les Italiens n’ont pas de lui - ni des papes en général - la même image que les Français. Il suffira de rappeler que le grand rabbin de Rome, Italo Zolli, s’est converti au catholicisme après la guerre et qu’il a choisi comme nom de baptême Eugenio, le prénom du pape Pacelli. ”

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A travers la presse

. Dans Présent du 7 mars (5 rue d’Amboise, 75002 Paris), Jean Madiran s’interroge sur le surprenant “ Décalogue d’Assise pour la paix ”, rendu public tardivement. Jean Madiran fait remarquer que ce texte contredit, par son caractère a-religieux, divers discours prononcés en ces mêmes semaines par Jean-Paul II.

Jean Madiran écrit notamment : “ Il est difficile de ne pas redouter, non pour la première fois, d’apercevoir quelques contradictions anarchiques entre les différentes publications vaticanes. (...) si c’est le Vatican qui professe deux Décalogues, ça ne va plus, les gens ne savent plus à quel saint se vouer, ils continuent à silencieusement quitter une Église dont on n’arrive plus à savoir ce qu’elle dit vraiment. Et ceux qui restent demanderont - sans doute en vain, comme d’habitude depuis trente-cinq ans - demanderont, dis-je, si le nouveau Décalogue remplace l’ancien, ou le complète, ou le corrige, ou en est un aggiornamento. ”

. Des rumeurs circulaient qui charriaient, comme souvent, des extrapolations, des invraisemblances et des déformations. Alethèia s’est refusé à les colporter. Les faits sont plus simples, quoique non sans importance. C’est M. l’abbé Aulagnier lui-même qui a démissionné de sa charge de deuxième Assistant général de la Fraternité Saint-Pie X. D.I.C.I., qu’il avait fondé, a été repris en main par la Maison Générale de la FSSPX. M. l’abbé Arnaud Sélégny en est désormais le directeur de la publication et M. l’abbé Bernard Lorber le responsable de la rédaction. L’adresse pour s’abonner est maintenant celle-ci : Service de Presse DICI, Schloss Schwandegg, CH - 6113 Menzingen.

Le premier numéro de ce D.I.C.I. nouvelle formule (n°45) contient un long éditorial de Mgr Fellay, Supérieur Général de la FSSPX. Mgr Fellay explique sur un ton très direct, pourquoi, selon lui, les accords de Campos, “ ce n’est pas le retour de l’Eglise conciliaire à la Tradition ”. “ C’est, écrit-il, l’entrée dans le pluralisme sous apparence de reconnaissance de la part de Rome, qui est imposé ”.

. Sodalitium (Loc. Carbignano, 36 - 10020 Verrua Savoia - Italie) est la principale revue “ guérardienne ”. Dans son dernier numéro, n° 52, après avoir cité à plusieurs reprises avec bienveillance Alethèia, la revue croit utile de mettre en garde contre son unique rédacteur en ces termes : “ nous ne sommes pas d’accord avec les positions de Chiron, qui - entre autres - est l’un des plus intelligents et dangereux partisans de la nécessité d’un accord entre la Fraternité Saint-Pie X et Jean-Paul II, mais aussi défenseur de l’aile guénonienne de la même Fraternité. ”

Que d’épithètes inutiles ou erronées en si peu de lignes et combien d’erreurs de perspective.

Il y a trois manières d’être membre de la FSSPX : en étant prêtre de la dite-Fraternité sacerdotale, frère de la dite-Fraternité ou encore membre de son tiers-ordre. Je ne suis rien de tout cela. Et, à vrai dire, je ne compte pour rien. Je n’ai pas voix au chapitre dans cette Fraternité et je ne vois pas pourquoi et comment j’y aurais droit. Je ne le revendique ni ne le souhaite. Je suis un fidèle du dernier rang, dans les chapelles de la Fraternité ou ailleurs. Je n’ai pas à “ militer ” pour ceci ou cela.

Quant à défendre une “ aile guénonienne de la même Fraternité ”, il y a double méprise. A ma connaissance, il n’y aucune “ aile guénonienne ” dans la FSSPX - si cela était, ce serait très inquiétant. Et aussi, si vraiment elle existait, je ne chercherai certainement pas à la défendre, René Guénon n’ayant jamais été pour moi un maître ou un modèle. Il y a dans l’oeuvre de Guénon, malgré quelques vues justes sur la crise de la civilisation moderne, trop d’impasses, d’illusions et de dérives qui rendent le plus grand nombre de ses pages inacceptables pour un catholique. Je donnerai volontiers tous les livres de René Guénon pour une seule page lumineuse de Jean Madiran.