25 mai 1976

Discours de Paul VI au Consistoire - 24 mai 1976
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... D’un côté, voici ceux qui, sous prétexte d’une plus grande fidélité à l’Église et au Magistère, refusent systématiquement les enseignements du Concile lui-même, son application et les réformes qui en dérivent, son application graduelle mise en œuvre par le Siège Apostolique et les conférences épiscopales, sous notre autorité, voulue par le Christ. On jette le discrédit sur l’autorité de l’Église au nom d’une Tradition pour laquelle on ne manifeste un respect que matériellement et verbalement ; on éloigne les fidèles des liens d’obéissance au siège de Pierre comme à leurs évêques légitimes ; on refuse l’autorité d’aujourd’hui au nom de celle d’hier. Et le fait est d’autant plus grave que l’opposition dont nous parlons n’est plus seulement encouragée par certains prêtres, mais dirigée par un évêque, qui demeure cependant toujours l’objet de notre respect fraternel, Mgr Marcel Lefebvre.

C’est si dur de le constater ! Mais comment ne pas voir dans une telle attitude — quelles que puissent être les intentions de ces personnes — le fait de se placer hors de l’obéissance au successeur de Pierre et de la communion avec lui, et donc hors de l’Église ?

Car telle est bien, malheureusement, la conséquence logique, lorsque l’on soutient qu’il est préférable de désobéir sous prétexte de conserver sa foi intacte, de travailler à sa façon à la préservation de l’Église catholique, alors qu’on lui refuse en même temps une obéissance effective. Et on le dit ouvertement ! On ose affirmer que l’on n’est pas lié par le concile Vatican II, que la foi serait également en danger à cause des réformes et des ordinations post-conciliaires, que l’on a le devoir de désobéir pour conserver certaines traditions. Quelles traditions ? C’est à ce groupe, et non au pape, et non au collège épiscopal, et non au Concile œcuménique qu’il appartiendrait de définir, parmi les innombrables traditions, celles qui doivent être considérées comme normes de foi ! Comme vous le voyez, frères vénérés, une telle attitude s’érige en juge de cette volonté divine qui a fait de Pierre — et de ses successeurs légitimes— le chef de l’Église pour confirmer ses frères dans la foi et paître le troupeau universel, et qui l’a établi garant et gardien du dépôt de la foi.

Ceci est d’autant plus grave, en particulier, lorsque l’on introduit la division justement là où « l’amour du Christ nous a rassemblés en un seul corps », c’est-à-dire dans la liturgie et dans le sacrifice eucharistique, en refusant le respect dû aux normes fixées en matière liturgique. C’est au nom de la Tradition que nous demandons à tous nos fils, à toutes les communautés catholiques, de célébrer, dans la dignité et la ferveur, la liturgie rénovée...

Plusieurs fois, directement ou par l’intermédiaire de nos collaborateurs et d’autres personnes amies, nous avons appelé l’attention de Mgr Lefebvre sur la gravité de ses attitudes, l’inconsistance et souvent la fausseté des positions doctrinales sur lesquelles il fonde ces attitudes et ces initiatives, et le dommage qui en résulte pour l’Église entière.

C’est donc avec une profonde amertume, mais aussi avec une paternelle espérance, que nous nous adressons une fois de plus à ce confrère, à ses collaborateurs et à ceux qui se sont laissé entraîner par eux. Oh ! certes, nous croyons que beaucoup de ces fidèles, au moins dans un premier temps, étaient de bonne foi : nous comprenons aussi leur attachement sentimental à des formes de culte et de discipline auxquelles ils étaient habitués, qui pendant longtemps ont été pour eux un soutien spirituel et dans lesquelles ils avaient trouvé une nourriture spirituelle. Mais nous avons le ferme espoir qu’ils sauront réfléchir avec sérénité, sans parti pris, et qu’ils voudront bien admettre qu’ils peuvent trouver aujourd’hui le soutien et la nourriture auxquels ils aspirent dans les formes renouvelées que le concile Vatican II et Nous-mêmes avons décrétées comme nécessaires pour le bien de l’Église, pour son progrès dans le monde contemporain, pour son unité. Nous exhortons donc, encore une fois, tous ces frères et fils, nous les supplions de prendre conscience des profondes blessures que, autrement, ils causent à l’Église. De nouveau, nous les invitons à penser aux graves avertissements du Christ sur l’unité de l’Église (cf. Jn 17, 21 sq) et sur l’obéissance due au pasteur légitime qu’il a mis à la tête du troupeau universel, comme signe de l’obéissance due au Père et au Fils (cf. Le 10, 16). Nous les attendons le cœur grand ouvert, les bras prêts à les étreindre : puissent-ils retrouver, dans l’humilité et d’édification, pour la joie du peuple de Dieu, la voie de l’unité et de l’amour !